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Décisions

CA Riom, 1re ch., 28 octobre 2025, n° 23/01718

RIOM

Arrêt

Infirmation partielle

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Valleix

Vice-président :

Mme Foultier

Conseiller :

M. Acquarone

Avocats :

Me Alibert-Andanson, Me Leroy, Me Lacquit, Me Tafanelli

JEX Localité 14, du 24 oct. 2023, n° 22/…

24 octobre 2023

EXPOSÉ DU LITIGE :

Aux termes de deux actes sous seing privé en date des 19 septembre 1994 et 10 mars 1998, Monsieur [A] [J] a pris à bail commercial des locaux situés [Adresse 9] à [Localité 16], appartenant à Madame [C] [U]. Madame [W] [J], sa s'ur, s'est portée caution.

Par ordonnance de référé en date du 11 février 2016, le Président du Tribunal de Grande Instance de NICE a notamment condamné :

- solidairement, Monsieur [A] [H] et Madame [W] [H] à verser à Madame [C] [U] la somme provisionnelle de 9.669,60 € à valoir sur les loyers, charges et indemnités d'occupation du local principal, arrêtés au mois de décembre 2015,

- Monsieur [A] [H] à verser à Madame [C] [U] la somme provisionnelle de 4.477,40 € à valoir sur les loyers, charges et indemnités d'occupation du local à usage d'entrepôt, arrêtés au mois de décembre 2015.

Les locaux ont été récupérés par Madame [C] [U] le 4 avril 2016.

Par jugement en date du 4 juillet 2016, le Juge de l'Exécution près le Tribunal de Grande Instance de NICE a dit abandonné les biens laissés par Monsieur [A] [J] dans le local propriété de Madame [U], et a condamné Monsieur [A] [J] à payer à celle-ci une somme de 300 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Monsieur [A] [J] est décédé le [Date décès 2] 2020, laissant pour lui succéder Monsieur [Z] [J], Madame [O] [J], Monsieur [M] [J] et Madame [G] [B].

Madame [C] [U] a fait signifier un commandement de payer aux fins de saisie-vente le 7 mars 2022 à Monsieur [M] [J] et le 10 mars 2022 à Madame [G] [B], chacun pour la somme de 4.977,12 €.

Aux termes d'un jugement en date du 5 septembre 2022, le Juge de l'Exécution du Tribunal Judiciaire de NICE a validé ces commandements.

Madame [C] [U] a fait pratiquer, par acte d'huissier en date du 5 octobre 2022, une saisie-attribution sur le compte joint, ouvert auprès de la Caisse d'Epargne de CLERMONT FERRAND aux noms de Madame [G] [B] et Monsieur [T] [B], en exécution de l'ordonnance de référé rendue le 11 février 2016 par le Président du Tribunal de Grande Instance de NICE, du jugement rendu le 4 juillet 2016 par le Juge de l'Exécution de NICE et du jugement rendu par le Juge de l'Exécution de NICE le 5 septembre 2022, saisie dénoncée aux débiteurs le 13 octobre 2022.

Par acte du 25 octobre 2022, Monsieur [T] [B] et Madame [G] [B] ont assigné Madame [C] [U] devant le Juge de l'Exécution de [Localité 14] en contestation de cette saisie-attribution.

Suivant un jugement n° RG-22/4035 rendu le 24 octobre 2023, le Juge de l'exécution du Tribunal judiciaire de CLERMONT FERRAND a :

- Rejeté la fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée invoquée par Madame [C] [U],

- Dit n'y avoir lieu à main levée de la saisie-attribution pratiquée le 5 octobre 2022 à l'initiative de Madame [C] [U] entre les mains de la Caisse d'Epargne d'Auvergne et du Limousin,

- Ordonné le cantonnement de cette saisie de la façon suivante :

* Principal : 206,25 €,

* Droit proportionnel (A444-31 du Code de Commerce) : 17,13 €,

* Frais de saisie-attribution (acte et dénonciation) : 1.289,73 €,

Soit un total de : 1.513,11 €,

- Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens,

- Débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Par déclaration formalisée par le RPVA le 9 novembre 2023, le Conseil de Madame [C] [U] a interjeté appel du jugement susmentionné, dans les termes ci-après libellés :

« Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués

- rejette la fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée invoquée par [C] [U]

- dit n'y avoir lieu à mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 5 octobre 2022 à l'initiative d'[C] [U] entre les mains de la Caisse d'Epargne d'Auvergne et du Limousin

- ordonne le cantonnement de cette saisie de la façon suivante :

principal : 206.25 €,

droit proportionnel : 17.13 € ,

frais de saisie-attribution : 1289.73 €,

soit un total de 1513.11 €

- dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens,

- déboute les parties du surplus de leurs demandes».

Par dernières conclusions d'appelant notifiées par le RPVA le 06 février 2024, Madame [C] [U] a demandé de :

- La recevoir en son appel et l'y déclarer bien fondée,

- Réformer le jugement en ses dispositions lui faisant grief :

« ordonne le cantonnement de la saisie de la façon suivante :

* Principal : 206,25 euros

* Droit proportionnel : 17,13 €

* Frais de saisie attribution : 1.289,73 €

Soit un total de 1.513,11 € »

Et, Statuant à nouveau :

- Débouter les consorts [B] de leurs demandes, fins et prétentions,

- Juger la saisie attribution du 5 octobre 2022 fondée en son principe et son quantum,

- Condamner in solidum Monsieur et Madame [B] au paiement de la somme de 3.500 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive sur le fondement de l'article 1240 du code civil,

- Les condamner sous la même solidarité au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens d'appel et de première instance, en ce compris ceux liés à la signification des décisions des 11 février et 4 juillet 2016 et des commandements de payer en découlant et de la saisie pratiquée contestée,

- Rappeler que l'exécution provisoire est de droit.

Au soutien de ses prétentions, en réponse à la demande de nullité de la saisie-attribution, elle s'en remet à la décision de première instance.

S'agissant du cantonnement de sa créance opéré par le premier Juge en raison de la prescription des arriérés, elle rappelle que la présente instance ne concerne pas une action en paiement mais en exécution forcée d'une décision. Elle fait valoir que la Cour de cassation a confirmé que le délai pour exécuter une décision de justice est de 30 ans, devenu 10 ans, et que le délai de prescription quinquennale ne s'applique qu'à l'action en recouvrement des arriérés échus et non à son exécution. Elle rappelle avoir agi dans le délai quinquennal devant le juge des référés de [Localité 16] et obtenu la condamnation de Monsieur [A] [J]. Elle soutient être dans le délai de 10 ans pour exécuter le jugement rendu.

À titre subsidiaire, elle rappelle que la saisie a été pratiquée en vertu de trois titres exécutoires, à savoir l'ordonnance de référé du 11 février 2016, le jugement du juge de l'exécution date du 4 juillet 2016 et du jugement du Juge de l'exécution en date du 5 septembre 2022. Elle considère que le délai quinquennal de prescription a été interrompu le 2 mai 2016 par la pratique d'une saisie-attribution sur le compte bancaire de Monsieur [A] [J], conformément à l'article 2244 du Code civil ; que le délai de prescription a été suspendu le [Date décès 2] 2020, date du décès de son débiteur en application de l'article 2234 du Code civil ; que ce délai n'a repris qu'au jour où elle a eu connaissance de l'identité des ayants droits de Monsieur [A] [J], soit le 13 février 2022 ; qu'il lui restait alors huit mois et dix-huit jours pour agir, soit jusqu'au 1er décembre 2022 ; que la saisie pratiquée le 5 octobre 2022 est donc bien intervenue dans le délai de prescription.

Quant à sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, elle indique tenter depuis presque huit ans d'obtenir paiement des sommes qui lui sont dues, au titre de décisions définitives, alors que de leur côté les héritiers s'évertuent à contester cette évidence et multiplient les procédures pour tenter de la décourager à poursuivre le recouvrement de ses créances. Elle rappelle que les héritiers ont accepté la succession de leur père et qu'ils ne peuvent faire fi du passif dont ils avaient connaissance.

Par dernières conclusions d'intimé et d'appel incident notifiées par le RPVA le 30 avril 2024, Madame [G] [B] née [N] et Monsieur [T] [B] ont demandé de :

- Confirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a :

* Débouté Madame [G] [B] et Monsieur [T] [B] de leur demande tendant à ce que soit jugée nulle la saisie-attribution pratiquée le 5 octobre 2022 à la requête de Madame [C] [U] sur le compte Caisse d'Epargne ouvert à leurs noms ;

* Débouté Madame [G] [B] et Monsieur [T] [B] de leur demande tendant à ce que soit ordonnée la mainlevée de ladite saisie ;

* Débouté Madame [G] [B] et Monsieur [T] [B] de leur demande tendant à voir condamner Madame [C] [U] à payer à Madame [G] [B] la somme de 1.000 € à titre de dommages-intérêts pour abus de saisie ;

* Débouté Madame [G] [B] et Monsieur [T] [B] de leur demande tendant à voir condamner Madame [C] [U] à payer à Monsieur [T] [B] la somme de 1.000 € à titre de dommages-intérêts pour abus de saisie ;

Statuant à nouveau :

- A titre principal :

* Juger recevables leurs demandes ;

* Juger nulle la saisie-attribution pratiquée le 5 octobre 2022 à la requête de Madame [C] [U] sur le compte Caisse d'Epargne ouvert à leurs noms ;

* Ordonner la mainlevée de la saisie ;

- Subsidiairement, ordonner le cantonnement de la saisie après purge des sommes prescrites ;

- En tout état de cause :

* Débouter Madame [C] [U] de ses entières demandes ;

* Condamner Madame [C] [U] à leur payer les sommes suivantes :

1.000 € chacun à titre de dommages-intérêts pour abus de saisie ;

2.000 € chacun au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

* Condamner Madame [C] [U] aux dépens de première instance et d'appel.

Au soutien de leurs prétentions, ils rappellent que leurs demandes ne concernent que la nullité et la mainlevée des saisies opérées sur leur compte et non le bien-fondé du titre exécutoire.

Ils soutiennent que les titres exécutoires constitués par l'ordonnance de référé du 11 février 2016 et le jugement du 04 juillet 2016 sont non avenus, en ce que ces décisions n'ont pas valablement été signifiées dans les six mois de leur date à Monsieur [A] [J]. A ce titre, ils font valoir que Madame [C] [U] avait réclamé le paiement de la somme de 7.897,60 € à Monsieur [A] [J] par courrier du 24 avril 2015, adressé aux [Adresse 4] sur la commune de [Localité 13] ; qu'elle a néanmoins assigné celui-ci en référé à l'adresse [Adresse 5] ; que l'huissier ne s'est aucunement donné la peine de vérifier qu'il s'agissait effectivement de l'adresse de Monsieur [A] [J] et qu'il n'a pas pu relater les circonstances rendant impossible la signification à personne, puisqu'une simple recherche sur Infogreffe lui aurait permis de trouver son adresse ; que la modification de l'adresse sur le K-bis est bien antérieure au 18 novembre 2016 ; que l'adresse de Monsieur [A] [J] figurait sur le procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire ayant décidé de la liquidation de sa société. Ils expliquent que le nom [J] apparaît sur le parlophone et les boîtes aux lettres car Madame [P] [J], épouse séparée de corps de Monsieur [A] [J], résidait effectivement à cette adresse. Ils ajoutent que l'ordonnance doit aussi être déclarée non avenue, en ce qu'elle est non avenue à l'égard de Madame [W] [J], celle-ci ne lui ayant jamais été signifiée.

Quant au quantum de la saisie, ils rappellent que l'article 2224 du Code civil, qui prévoit la prescription quinquennale, est applicable au recouvrement des arriérés échus et ajoutent que le délai de 10 ans prévu par l'article L 111-4 du code des procédures civiles d'exécution n'est pas applicable aux créances périodiques. Ils soutiennent que sont prescrits les indemnités d'occupation, le principal et les intérêts.

Ils font valoir que Madame [U] a déjà pratiqué une saisie-attribution pour la totalité des sommes dues par Monsieur [J] sur le compte de Madame [W] [J], de sorte qu'elle a saisi deux fois la même somme, caractérisant ainsi un abus de saisie.

Par ordonnance rendue le 12 juin 2025, le Conseiller de la mise en état a ordonné la clôture de cette procédure. Lors de l'audience civile en conseiller-rapporteur du 11 septembre 2025 à 14h00, au cours de laquelle cette affaire a été évoquée, chacun des conseils des parties a réitéré ses précédentes écritures. La décision suivante a été mise en délibéré au 28 octobre 2025, par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1/ Sur la fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée

Si Madame [C] [U] a interjeté appel de la disposition du jugement ayant rejeté la fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée, celle-ci n'a développé aucun moyen au soutien de cette prétention en cause d'appel.

Le jugement de première instance sera donc confirmé.

2/ Sur la nullité de la saisie-attribution

- En raison de l'absence de signification des décisions à Monsieur [J]

L'article R211-1 du code des procédures civiles d'exécution dispose que 'le créancier procède à la saisie par acte d'huissier de justice signifié au tiers. Cet acte contient à peine de nullité :

1° L'indication des nom et domicile du débiteur ou, s'il s'agit d'une personne morale, de sa dénomination et de son siège social ;

2° L'énonciation du titre exécutoire en vertu duquel la saisie est pratiquée ;

3° Le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus, majorées d'une provision pour les intérêts à 'échoir dans le délai d'un mois prévu pour élever une contestation ;

4° L'indication que le tiers saisi est personnellement tenu envers le créancier saisissant et qu'il lui est fait défense de disposer des sommes réclamées dans la limite de ce qu'il doit au débiteur;

5° La reproduction du premier alinéa de l'article L211-2, de l'article L211-3, du troisième alinéa de l'article L211-4 et des articles R211-5 et R211-11.'

Conformément aux dispositions de l'article 478 du code de procédure civile, le jugement rendu par défaut ou réputé contradictoire au seul motif qu'il est susceptible d'appel est non avenu s'il n'a pas été notifié dans les six mois de sa date.

L'article 654 du code de procédure civile prévoit que la signi'cation doit être faite à personne.

L'article 656 du code de procédure civile dispose que si personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l'acte et s'il résulte des véri'cations faites par l'huissier de justice, dont il sera fait mention dans l'acte de signi'cation, que le destinataire demeure bien à l'adresse indiquée, la signi'cation est faite à domicile. Dans ce cas, l'huissier de justice laisse au domicile ou à la résidence de celui-ci un avis de passage conforme aux prescriptions du dernier alinéa de l'article 655. Cet avis mentionne, en outre, que la copie de l'acte doit être retirée dans le plus bref délai à l'étude de l'huissier de justice, contre récépissé ou émargement, par l'intéressé ou par toute personne spécialement mandatée.

Il est acquis de manière constante que la signification sur le lieu de travail ne s'impose pas si la domiciliation du débiteur est acquise.

En l'espèce, la saisie-attribution pratiquée le 5 octobre 2022 sur le compte joint des époux [B] vise comme titres exécutoires :

- une ordonnance de référé réputée contradictoire et en premier ressort rendue par le Président du Tribunal de grande instance de NICE en date du 11 février 2016,

- une décision réputée contradictoire et en premier ressort rendue par le Juge de l'exécution du 4 juillet 2016,

- une décision contradictoire et en premier ressort rendue par le Juge de l'exécution le 5 septembre 2022 sous la référence.

L'ordonnance du 11 février 2016 et le jugement du 4 juillet 2016 ont été signifiés à Monsieur [A] [J] en l'étude d'huissier respectivement les 10 mars et 20 juillet 2016, à l'adresse suivante : le [Adresse 11].

Il résulte des deux actes de signification que l'huissier de justice a effectué diverses vérifications afin de s'assurer de la domiciliation de Monsieur [A] [H] au [Adresse 5]. A cet égard, il indique avoir constaté que le nom du destinataire de l'acte était inscrit sur la boîte aux lettres ainsi que sur la sonnette.

Les époux [B] contestent qu'il s'agisse de l'adresse de domiciliation de Monsieur [A] [J].

A ce titre, ils produisent :

- une attestation de Madame [P] [J], épouse de Monsieur [A] [J], qui précise que son époux ne résidait plus avec elle, au [Adresse 5], depuis 2012 ;

- un échange de lettres entre Madame [C] [U] et Monsieur [A] [J], en date des 24 avril et 7 mai 2015, sur lesquelles figure l'adresse [Adresse 3] à [Localité 12] ;

- une attestation de M. [X] [S] qui indique que Monsieur [J] résidait au [Adresse 3] sur la commune de [Localité 12] où il exploitait le restaurant C'SIBON.

Cependant, il résulte d'un extrait Kbis de la société C'SIBON, dont Monsieur [J] était le gérant, mentionné par le Premier juge ainsi que par un arrêt de la Cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE en date du 11 mai 2023 concernant les mêmes parties, qu'au 27 mai 2015 (date de l'impression de l'extrait Kbis) le domicile de Monsieur [J] était situé au [Adresse 5].

Ainsi, si Monsieur [J] était manifestement joignable au [Adresse 3] sur la commune de [Localité 12], au jour de la signification des décisions litigieuses, notamment parce qu'il s'agissait de son lieu de travail, il avait manifestement conservé son domicile à [Localité 16].

Si les époux [B] justifient que la domiciliation de Monsieur [J] a été modifiée sur l'extrait Kbis de sa société, l'extrait qu'ils produisent, à jour de 2021, ne permet pas d'établir que cette modification ait été faite avant le 7 novembre 2016, date de l'assemblée générale extraordinaire de la société C'SIBON.

En conséquence, il n'est pas démontré que Monsieur [J] n'était plus domicilié [Adresse 5] au jour de la signification des décisions litigieuses.

L'huissier, qui a effectué les vérifications nécessaires pour s'assurer de la domiciliation de Monsieur [J], n'avait pas l'obligation d'effectuer des diligences supplémentaires et il n'avait pas non plus l'obligation de rechercher le lieu de travail de celui-ci.

Ainsi, la signification des deux décisions des 11 février 2016 et 04 juillet 2016 n'est entachée d'aucune nullité, de sorte qu'il n'existe aucun motif de mainlevée de la saisie-attribution, comme l'a retenu à juste titre le Premier juge.

En conséquence, le jugement sera confirmé sur ce point, de même que le rejet de la demande de mainlevée de la saisie.

- Sur l'absence de signification à Madame [W] [J]

Selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation, un jugement rendu par défaut ou réputé contradictoire, au seul motif qu'il est susceptible d'appel, portant condamnation solidaire, notifié à l'un des coobligés, est non avenu à l'égard de ceux, non comparants, auxquels il n'a pas été notifié dans les délais imposés par l'article 478 du code de procédure civile.

Il résulte de cette jurisprudence que la décision est non avenue uniquement à l'égard de ceux à qui elle n'a pas été notifiée et non à l'égard de tous les coobligés.

Ainsi, il importe peu que l'ordonnance de référé du 11 février 2016 n'ait pas été notifiée dans les délais à Madame [W] [J], la rendant non avenue à son égard. Dès lors qu'il vient d'être indiqué que la signification à Monsieur [J] a valablement été effectuée dans le délai de six mois de la décision, cette dernière n'est pas non avenue à son égard.

Ce moyen est inopérant.

3/ Sur le quantum de la saisie-attribution

L'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution dispose : 'L'exécution des titres exécutoires mentionnés aux 1° à 3° de l'article L. 111-3 ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long'.

Il est acquis de manière constante que si, depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription, un créancier peut poursuivre pendant dix ans l'exécution d'un jugement portant condamnation au paiement d'une somme payable à termes périodiques, il ne peut, en vertu de l'article 2224 du code civil, applicable en raison de la nature de la créance, obtenir le recouvrement des arriérés échus plus de cinq ans avant la date de sa demande, et non exigibles à la date à laquelle le jugement avait été obtenu.

Cette jurisprudence concerne bien l'exécution d'un titre exécutoire, aux termes duquel une des parties est condamnée au paiement d'une somme payable à termes périodiques, tels que des loyers ou des indemnités d'occupation par exemple, et non à l'action tendant à l'obtention de ce titre exécutoire. Cependant, il ne suffit pas que la décision porte condamnation au paiement d'une somme payable à termes périodiques, il faut aussi que l'arriéré dont est réclamé le paiement n'ait pas été exigible au jour de l'audience. Dès lors que ces deux conditions sont remplies (somme payable à termes périodiques, non exigible au jour du jugement), ces sommes ne peuvent faire l'objet d'un recouvrement que pendant cinq ans à compter de leur exigibilité.

En l'espèce, la saisie-attribution porte sur :

- 3/16ème des sommes accordées au titre de l'article 700, soit 206,25 €,

- 3/16ème des dépens antérieurs, soit 637,27 €,

- 3/16ème des indemnités d'occupation du 01/01/2016 au 22/03/2016, soit 453,43 €,

- 3/16ème du principal soit 2.652,56 €,

- 3/16ème les frais d'assignation du 24 mai 2022, soit 55,02 €,

- les intérêts au taux légal du 07 août 2015 au 23 septembre 2022, soit 994 €,

- les frais de saisie attribution, soit 196,83 €,

- les émoluments, soit 17,13 €,

- une provision pour frais et quittance à venir, soit 286,43 €,

- le coût du commandement de payer de saisie-vente, soit 60,11 €,

- le coût de la requête FICOBA, soit 51,07 €,

- une provision pour intérêts à échoir, soit 25,08 €.

Seules les indemnités d'occupation, les sommes dues en principal au titre de l'arriéré de loyers, charges et indemnités d'occupation et les intérêts sont payables à termes périodiques. Le recouvrement de ces sommes est susceptible d'être soumis au délai quinquennal. Les autres sommes ne sont pas prescrites.

S'agissant du principal, celui-ci correspond à une partie des sommes provisionnelles accordées par l'ordonnance de référé du 11 février 2016 au titre de l'arriéré de loyers, charges et indemnités d'occupation du local principal et du local à usage d'entrepôt, arrêté au mois de décembre 2015 inclus. S'il s'agit de sommes payables à termes périodiques, force est de constater qu'au jour de la décision ces sommes étaient exigibles. Leur recouvrement peut donc être poursuivi pendant dix ans, soit jusqu'au 11 février 2026. C'est donc à tort que le Premier juge a écarté ces sommes du montant de la saisie-attribution.

Quant aux indemnités d'occupation du 1er janvier 2016 au 22 mars 2016, sollicitées en application de l'ordonnance de référé du 11 février 2016, il s'agit aussi de sommes payables à termes périodiques. Seule l'indemnité due pour le mois de janvier 2016, s'agissant d'une indemnité mensuelle, était exigible au jour de la décision. La somme correspondante peut donc être recouvrée dans un délai de dix ans, soit jusqu'au 11 février 2026. S'agissant des indemnités mensuelles postérieures, leur recouvrement est soumis au délai de cinq ans. Ces indemnités doivent être considérées comme exigibles au 29 février 2016 pour l'indemnité du mois de février 2016 et au 22 mars 2016 pour les sommes suivantes.

Toutefois, ce délai de cinq ans peut être interrompu ou suspendu.

Conformément à l'article 2244 du code civil, la prescription est interrompue par un acte d'exécution forcée. Néanmoins, il est admis de manière constante que pour interrompre la prescription, cet acte doit avoir été notifié à celui qu'on veut empêcher de prescrire.

En l'espèce, si Madame [U] justifie qu'une saisie-attribution a été réalisée sur le compte de Monsieur [J] le 2 mai 2016, il n'est pas justifié de la dénonciation de cette saisie à Monsieur [J], de sorte qu'elle ne peut interrompre la prescription.

Selon l'article 2234 du code civil, la prescription est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.

En l'espèce, Monsieur [J] est décédé le [Date décès 2] 2020.

Madame [U] justifie avoir sollicité le Notaire en charge de la succession de Monsieur [J] le 19 janvier 2021, par lettre recommandé avec avis de réception, afin de connaître la dévolution successorale de son débiteur. Il n'est fait état d'aucune réponse du Notaire. En outre, elle produit un mail adressé par son Conseil, en date du 14 février 2022, aux termes duquel il résulte qu'elle a connaissance des héritiers de Monsieur [J], au regard d'un Kbis à jour du 13 février 2022. Faute d'avoir eu connaissance de la dévolution successorale de Monsieur [J] antérieurement au 13 février 2022, elle n'était pas en mesure d'exécuter les décisions de justice fondant la saisie-attribution litigieuse.

Ainsi, le délai quinquennal d'exécution applicable aux indemnités d'occupation a été suspendu entre le [Date décès 2] 2020 et le 13 février 2022.

Au jour du décès de Monsieur [J], les indemnités d'occupation pour la période du 11 février 2016 au 22 mars 2016 n'étaient pas encore exigibles depuis plus de cinq ans. Il restait au jour du décès de Monsieur [J], s'agissant du mois de février 2016, six mois et dix-sept jours pour exécuter la décision. S'agissant du mois de mars, il restait sept mois et neuf jours.

Ce délai ayant repris le 13 février 2022, Madame [U] avait jusqu'au 30 août 2022 pour obtenir le paiement de l'indemnité d'occupation pour le mois de février 2016 et jusqu'au 22 septembre 2022 pour obtenir le paiement de l'indemnité d'occupation du mois de mars 2022.

En conséquence, la saisie attribution du 5 octobre 2022 est tardive en ce qui concerne ces sommes.

Pour les intérêts réclamés, le procès-verbal de saisie-attribution précise qu'ils portent sur la somme principale de 2.652,56 €. Il s'agit aussi de sommes payables à termes périodiques puisqu'ils sont calculés annuellement. Seuls les intérêts antérieurs au 11 février 2016 étaient exigibles au jour de l'ordonnance de référé. Les autres sont donc soumis au délai quinquennal. Cependant, en raison de la suspension du délai de cinq entre le [Date décès 2] 2020 et le 13 février 2022, comme indiqué ci-avant, aucun des intérêts n'est prescrit.

En conséquence, le jugement de première instance sera partiellement réformé et la saisie-attribution sera ainsi cantonnée :

- 206,25 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- 637,27 € au titre des dépens antérieurs,

- 151.14 € au titre des indemnités d'occupation du mois de janvier 2016,

- 2.652,56 € au titre du principal,

- 55,02 € au titre des frais d'assignation du 24 mai 2022,

- 858,45 € au titre des intérêts,

- 196,83 € au titre des frais de saisie attribution,

- 17,13 € au titre des émoluments,

- 286,43 € au titre de la provision pour frais et quittance à venir,

- 60,11 € au titre du commandement de payer de saisie-vente,

- 51,07 € au titre de la requête FICOBA,

- 25,08 € au titre de la provision pour intérêts à échoir.

4/ Sur la demandes de dommages et intérêts pour abus de saisie

L'articIe L121-2 du Code des Procédures Civiles d'Exécution prévoit que le Juge de l'Exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d'abus de saisie.

En l'espèce, Madame [U] était fondée à effectuer une saisie attribution qui ne portait que sur la quote part de Mme [B] dans la dévolution successorale de M. [J] comme précisée dans le décompte. En outre, les intimés reconnaissent eux-mêmes que la saisie pratiquée à l'égard de Madame [W] [J] n'a pas été totalement fructueuse. Enfin, celle-ci a manifestement été levée par décision du Juge de l'exécution de [Localité 10] en date du 27 juin 2023.

En conséquence, c'est à bon droit que le Premier juge a écarté l'abus de saisie. Le jugement de première instance sera confirmé sur ce point.

5/ Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive à l'encontre de Monsieur et Madame [B]

Il convient de rappeler que la bonne foi procédurale des parties est toujours présumée et qu'il appartient en conséquence à la partie alléguant un abus de procédure ou une résistance abusive de la part de la partie adverse d'apporter la preuve de cette mauvaise foi. En effet, l'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue par principe un droit ne pouvant le cas échéant dégénérer en abus, et ne devant dans cette situation donner lieu à réparation par l'allocation de dommages-intérêts, que dans les cas de malice ou de mauvaise foi s'objectivant en premier lieu par une erreur grossière équipollente au dol et non par une simple appréciation inexacte que tout un chacun peut se faire à propos de ses droits.

En l'occurrence, il est vrai que malgré diverses décisions judiciaires conformes les unes par rapport aux autres, les consorts [B] ont maintenu leur position quant à la nullité de la signification de l'ordonnance du 11 février 2016.

Toutefois, d'une part, la décision de la Cour d'appel d'AIX EN PROVENCE n'est pas définitive en raison du pourvoi en cours. En tout état de cause, elle ne liait pas la présente Cour. Au surplus, les époux [B] étaient au moins partiellement fondés quant à leur constestation du quantum de la saisie.

En conséquence, il ne saurait être considéré que leur action ait dégénéré en abus. Le jugement de première instance sera confirmé.

6/ Sur les autres demandes

Chacune des parties succombant partiellement, il convient de les condamner à prendre en charge chacune la moitié des dépens de première instance et d'appel, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, à l'exclusion des frais de signification des décisions des 11 février et 4 juillet 2016 qui ne font pas partie des dépens de la présente instance.

Chacune des parties étant condamnée partiellement aux dépens, il n'y a pas lieu de faire droit à leur demande respective au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Ces demandes seront donc rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement RG-22/4035 rendu le 24 octobre 2023 par le Juge de l'exécution du Tribunal judiciaire de CLERMONT FERRAND en ce qu'il a :

- Rejeté la fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée invoquée par Madame [C] [U],

- Dit n'y avoir lieu à main levée de la saisie-attribution pratiquée le 5 octobre 2022 à l'initiative de Madame [C] [U] entre les mains du Caisse d'Epargne d'Auvergne et du Limousin,

- Débouté Madame [G] [B] née [N] et Monsieur [T] [B] de leurs demandes de dommages et intérêts pour abus de saisie,

- Débouté Madame [C] [U] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

INFIRME ledit jugement pour le surplus,

Statuant de nouveau.

ORDONNE le cantonnement de la saisie attribution du 5 octobre 2022 de la façon suivante :

- 206,25 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- 637,27 € au titre des dépens antérieurs,

- 151.14 € au titre des indemnités d'occupation du mois de janvier 2016,

- 2.652,56 € au titre du principal,

- 55,02 € au titre des frais d'assignation du 24 mai 2022,

- 858,45 € au titre des intérêts,

- 196,83 € au titre des frais de saisie attribution,

- 17,13 € au titre des émoluments,

- 286,43 €au titre de la provision pour frais et quittance à venir,

- 60,11 € au titre du commandement de payer de saisie-vente,

- 51,07 € au titre de la requête FICOBA,

- 25,08 € au titre de la provision pour intérêts à échoir ;

Y ajoutant.

REJETTE les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE le surplus des demandes ;

CONDAMNE Madame [G] [B] née [N] et Monsieur [T] [B] d'une part et Madame [C] [U] d'autre part à prendre en charge chacun la moitié des dépens de première instance et d'appel.

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