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Décisions

CA Bordeaux, ch. soc. A, 28 octobre 2025, n° 25/01459

BORDEAUX

Arrêt

Autre

CA Bordeaux n° 25/01459

28 octobre 2025

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 28 OCTOBRE 2025

N° RG 25/01459 - N° Portalis DBVJ-V-B7J-OGP6

Monsieur [N] [L]

c/

S.C.P. [M] [X] [W] ' [F] [Z] Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la « SARL CARDOIT MENUISERIES ET AMENAGEMENTS »

Association AGS CGEA [Localité 3]

Nature de la décision : caducité partielle - au fond

Grosse délivrée le :

à

Me Frédéric GODARD-AUGUSTE de la SELAS DS AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 3 mai 2019 (R.G. N°F16/02794 ) par le conseil de prud'hommes de Bordeaux - section encadrement - Suite aArrêt de la Cour de cassation rendu le 22 janvier 2025, cassant partiellement l'arrêt de la chambre sociale de la cour d'appel de Bordeaux en date du 19 octobre 2022, suivant déclaration de saisine du 20 mars 2025 de la Cour d'appel de Bordeaux, désignée cour de renvoi.

DEMANDEUR SUR RENVOI DE CASSATION :

Monsieur [N] [L]

né le 13 Avril 1973 à [Localité 5]

de nationalité Française

Profession : Dirigeant d'entreprise, demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Frédéric GODARD-AUGUSTE de la SELAS DS AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

DEFENDERESSES SUR RENVOI DE CASSATION :

S.C.P. [M] [X] [W] ' [F] [Z] Es qualité de

« Mandataire liquidateur » de la « SARL CARDOIT MENUISERIES ET AMENAGEMENTS » domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]

Acte de commissaire de justice délivré le 25 avril 2025 à l'étude

Association AGS CGEA [Localité 3] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 4]

Acte de commissaire de justice délivré le 30 avril 2025 à personne habilitée.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 02 septembre 2025 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Paule Menu, présidente, et de Madame Sylvie Tronche, conseillère chargée d'instruire l'affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Paule Menu, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Valérie Collet, conseillère

Greffière lors des débats : Sylvaine Déchamps

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Le délibéré a été prorogé en raison de la charge de travail de la Cour.

EXPOSÉ DU LITIGE

1- M. [L], né en 1973, a acquis en mai 2010 la totalité des parts de la Sarl société d'exploitation de l'entreprise Cardoit exploitant un fonds de commerce de menuiserie.

2- Le tribunal de commerce de Bordeaux a, le 28 janvier 2015, prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire de cette société puis, par jugement du 29 avril 2015, ordonné la cession des actifs à M. [U] [E], qui s'est substitué une personne morale, la Sarl Cardoit Menuiseries et Agencements.

3- M. [L], a été engagé le 2 mai 2015 par la sarl Cardoit Menuiseries et Agencements aux termes d'un contrat à durée indéterminée en qualité de directeur du développement, statut cadre échelon 1 coefficient 130.

Un avenant a été conclu le 17 décembre 2015 nommant M. [L] au poste de directeur des opérations avec une augmentation de son salaire mensuel de 500 euros brut.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des cadres du bâtiment.

4- Par lettre du 4 avril 2016, M. [L] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 12 avril suivant, avec mise à pied à titre conservatoire puis il a été licencié pour cause réelle et sérieuse par lettre du 15 avril 2016.

5- Le 13 décembre 2016, M. [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux aux fins de contester son licenciement et solliciter le paiement de diverses sommes.

Par jugement rendu le 3 mai 2019, le conseil de prud'hommes a :

- rejeté la demande de sursis à statuer de la société Cardoit Menuiseries et Agencements,

- dit que le licenciement de M. [L] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

- condamné en conséquence la société Cardoit Menuiseries et Agencements à payer à M. [L] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouté M. [L] de sa demande au titre des heures supplémentaires et au titre du travail dissimulé,

- condamné la société Cardoit Menuiseries et Agencements à payer à M. [L] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société Cardoit Menuiseries et Agencements de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Cardoit Menuiseries et Agencements aux dépens et frais éventuels d'exécution.

6- M. [L] a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe du 16 mai 2019 .

7- Par arrêt rendu le 19 octobre 2022, la cour d'appel de Bordeaux a :

- confirmé le jugement prononcé le 3 mai 2019 par le conseil de prud'hommes de Bordeaux en ce qu'il a débouté M. [L] de ses demandes en rappel de salaire et en paiement de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

- l'a infirmé pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

- jugé que le licenciement de M. [L] repose sur une cause réelle et sérieuse,

- débouté M. [L] de sa demande en dommages et intérêts pour licenciement

sans cause réelle et sérieuse,

- dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure

civile,

- condamné M. [L] à payer les dépens de première instance et d'appel.

8- M. [L] a formé un pourvoi en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel du 19 octobre 2022.

9- Par jugement rendu par le tribunal de commerce le 3 mai 2023, la société a été placée en redressement judiciaire, procédure convertie en liquidation judiciaire par jugement du 27 septembre 2023, désignant la SCP Silvestri-Bernard Baujet en qualité de liquidateur.

10- Par arrêt rendu le 22 janvier 2025, la Cour de cassation a :

- cassé et annulé l'arrêt en cause mais seulement en ce qu'il déboute le salarié de ses demandes de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et en paiement de dommages-intérêts pour travail dissimulé, en ce qu'il statue sur les dépens et dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- remis, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoyées devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée,

- condamné la société Jean Denis Silvestri- Bernard Baujet en sa qualité de liquidateur de la société Cardoit Menuiseries et Agencements aux dépens,

- en application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande formée par la société Jean Denis Silvestri-Bernard Baujet en sa qualité de liquidateur de la société Cardoit Menuiseries et Agencements et l' a condamnée à payer à M. [L] la somme de 3 000 euros,

- dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé.

11- Par déclaration remise par voie électronique le 24 mars 2025, M. [L] a saisi la cour d'appel de Bordeaux en tant que cour de renvoi.

12- Cet appel a été fixé à bref délai le 7 avril 2025 et l'affaire fixée à l'audience du 2 septembre 2025.

Avis en ce sens, mais aussi d'avoir à signifier la déclaration de saisine a été notifié par le greffe au conseil de M.[L], par RPVA, le 7 avril 2025.

En l'absence de remise au greffe d'une copie de la déclaration de saisine et suivant avis donné par le même greffe le 28 avril 2025, le conseil de M. [L] a été invité à présenter sous quinze jours ses observations sur la caducité de la déclaration de saisine susceptible d'être encourue par l'effet des dispositions de l'article 906-1 du code de procédure civile.

L'appelant n'a présenté aucune observation.

Par acte de commissaire de justice délivré le 25 avril 2025 à l'étude, M. [L] a fait signifier sa déclaration de saisine à la SCP Silvestri-Baujet, en qualité de mandataire liquidateur de la Sarl Cardoit Menuiseries et Agencements.

Il a fait signifier sa déclaration de saisine à l'AGS-CGEA de [Localité 3] par acte de commissaire de justice délivré le 30 avril 2025 à personne habilitée.

13- Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 20 mai 2025, M. [L] demande à la cour, outre de le déclarer recevable et bien-fondé en sa déclaration de saisine, de :

- infirmer le jugement rendu le 3 mai 2019 en ce qu'il l'a débouté de sa demande au titre des heures supplémentaires et au titre du travail dissimulé,

Statuant à nouveau,

- juger que l'employeur n'a pas respecté les dispositions légales quant à la rémunération des heures supplémentaires,

- juger qu'il a réalisé des heures supplémentaires qui n'ont pas été rémunérées,

- fixer au passif de la société Cardoit Menuiseries et Agencements, les sommes suivantes :

* A titre principal, la somme de 41 000,35 euros au titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires, outre 4 100,03 euros de congés payés afférents,

* A titre subsidiaire la somme de 27 551,805 euros au titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires, outre 2 755,18 euros de congés payés afférents,

* A titre principal, la somme de 47 571,58 euros au titre de l'indemnité de travail dissimulé,

* A titre subsidiaire, la somme de 48 075,63 euros au titre de l'indemnité de travail dissimulé,

- fixer au passif de la société Cardoit Menuiseries et Agencements la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- fixer au passif de la société Cardoit Menuiseries et Agencements les dépens,

- ordonner la remise sous astreinte de 100 euros par jour de retard d'un bulletin de salaire rectificatif et des documents de fin de contrat rectifiés suivant la décision à intervenir,

- prononcer les intérêts légaux à compter de la date de réception de la convocation en Bureau de Conciliation et d'Orientation,

- prononcer la capitalisation des intérêts avec anatocisme.

14- M. [L] a fait signifier ses conclusions à l'AGS-CGEA de Bordeaux ainsi qu'à la SCP Silvestri-Beaujet par actes de commissaire de justice délivrés le 17 juin 2025 à personne habilitée qui n'ont pas constitué avocat.

15- Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la caducité

16- En application des dispositions de l'article 906-1 du code de procédure civile, lorsque l'affaire est fixée à bref délai par le président de la chambre, l'appelant signifie la déclaration d'appel dans les vingt jours de la réception de l'avis de fixation qui lui est adressé par le greffe à peine de caducité de la déclaration d'appel relevée d'office par le président de la chambre saisie ou le magistrat désigné par le premier président ; il est constant que lorsque le président de chambre ou le magistrat désigné par le premier président n'ont pas statué sur la caducité encourue, la cour a le pouvoir d'y suppléer.

Réponse de la cour

17- En l'espèce, l'appelant, dont le conseil a reçu l'avis d'avoir à signifier sa déclaration d'appel le 7 avril 2025 dans le cadre d'une procédure fixée à bref délai, avait un délai de 20 jours expirant au 27 avril 2025 inclus pour y procéder.

18- Cependant, il résulte des éléments de la procédure, révélés par l'interface électronique de la cour':

- l'absence d'observations du conseil de l'appelant sur son interpellation à cet égard suivant avis du greffe notifié le 28 avril 2025,

- que la déclaration d'appel a été signifiée à la liquidation de la société par acte de commissaire de justice du 25 avril 2025, dans le délai de l'article 906-1 du code de procédure civile,

- qu'en revanche, la signification de la déclaration de saisine à l'AGS-CGEA de [Localité 3] par acte de commissaire de justice est intervenue le 30 avril 2025, soit hors le délai de 20 jours.

19- En outre, le conseil de l'appelant a été mis en capacité, en application de l'article 16 du code de procédure civile de débattre de cette caducité après que le président de chambre lui a fait connaître son intention de la relever d'office de sorte que le principe du contradictoire a ainsi été respecté à son égard.

20- Compte tenu de ces éléments, M. [L] n'ayant pas fait signifier dans le délai requis sa déclaration d'appel à l'AGS-CGEA de [Localité 3], il convient en conséquence de prononcer la caducité partielle de la déclaration de saisine du 24 mars 2025 à l'égard de l'AGS-CGEA, en sa qualité d'intimée de M. [L], emportant disparition du lien d'instance entre l'appelant et cette partie.

Sur le fond

21- Ensuite de l'arrêt rendu le 22 janvier 2025 par la chambre sociale de la Cour de cassation, la saisine de la cour est limitée aux demandes de M. [L] de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé ainsi qu'au sort des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile.

- Sur les demandes au titre des heures supplémentaires

22- Pour voir fixer au passif de la société, à titre principal, la somme de 41 000,35 euros au titre des heures supplémentaires outre celle de 4 100,03 euros représentant les congés payés afférents et à titre subsidiaire, celle de 27 551,80 euros, outre les congés payés afférents, M. [L] expose avoir effectué 50 heures hebdomadaires de travail, soit 15 heures supplémentaires chaque semaine qui ne lui ont pas été payées.

23- Aux termes des dispositions des articles 472 et 954 du code de procédure civile, lorsque l'intimé ne comparaît pas ou que ses conclusions ont été déclarées irrecevables, il est néanmoins statué sur le fond et le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés et doit examiner, au vu des moyens d'appel, la pertinence des motifs par lesquels les premiers juges se sont déterminés, motifs que la partie qui ne conclut pas est réputée s'approprier.

Le jugement déféré a retenu sur ce point que :

«... si l'analyse des courriers électroniques fournis en demande permet d'établir une variabilité importante de l'amplitude horaire de Monsieur [N] [L], il apparaît au Conseil que ce dernier avait toute latitude quant à ses horaires de travail et qu'aucun dispositif n'avait été mis en place pour le contrôle des horaires le concernant.

L'employeur pour sa part dénie la réalité de l'existence d'heures supplémentaires, voire le respect des trente-cinq heures.

Par ailleurs aucune consigne de l'employeur pour effectuer des heures supplémentaires n'apparaît ni aucune récrimination de Monsieur [N] [L] à ce titre tout au long de la relation de travail.

Au vu de cet ensemble le conseil juge qu'il y a doute quant à la réalité des heures effectuées par Monsieur [N] [L] tout au long de la relation de travail et le déboute de sa demande ...'».

Réponse de la cour

24- Aux termes de l'article L. 3171-2 alinéa 1er du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. L'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

25- Au soutien de sa demande, M. [L] verse notamment aux débats :

- son contrat de travail prévoyant une durée hebdomadaire de 35 heures,

- les horaires en vigueur dans l'entreprise de 8h00 à 12h00 et de 13h30 à 17h15 du lundi au jeudi et de 8h00 à 12 h00 le vendredi,

- un bulletin de salaire du mois de juin 2016 sur lequel aucune rétribution des heures supplémentaires n'apparaît,

- un décompte établi aux termes de ses écritures faisant état de 15 heures supplémentaires hebdomadaires sur 14 mois, soit 8 heures majorées à 25'% et 7 heures majorées à 50'%,

- l'attestation d'un salarié, M. [K], selon lequel M. [L] était présent dans l'entreprise avant qu'il n'arrive à 8h00 et toujours présent lors de son départ vers 18h00 parfois 20h00,

- l'attestation de Mme [J], salariée, constatant la disponibilité de M. [L] tout au long de la journée de travail,

- près de 350 courriels qu'il a envoyés et reçus durant la relation contractuelle démontrant une amplitude horaire importante, parfois de 7h00 à plus de 20h00.

26- Ces pièces et le décompte produits par le salarié au soutien de sa demande sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre.

27- Pour toute réponse, la société a soutenu devant les juges de première instance que:

- seul le travail commandé par ses soins était du travail effectif,

- elle contestait l'effectivité des heures supplémentaires dont le paiement est sollicité,

- qu'aucune consigne n'avait été donnée au salarié pour la réalisation de telles heures supplémentaires,

- la production des mails établirait une présence limitée à 160 jours travaillés sur 333 de présence dans l'entreprise entre le 24 juillet 2015 et le 2 juin 2016.

28- S'il est constant que la réalisation d'heures'supplémentaires'relève du pouvoir de direction de l'employeur, cependant en l'absence de demande explicite ou implicite de l'employeur, le salarié est en droit de prétendre au paiement des'heures'supplémentaires'effectuées dès lors qu'elles étaient imposées par la nature ou la qualité du travail demandé.

29- Au cas d'espèce, l'employeur, auquel incombe le contrôle des heures de travail effectuées, ne justifie pas des horaires réalisés par M. [L], se contentant de critiquer les décomptes établis par ce dernier.

30- Néanmoins, la cour constate d'une part que la relation contractuelle est d'une durée de plus de 11 mois et non de 14 mois ainsi que l'indique le salarié et d'autre part, l'absence de pause méridienne dans le décompte présenté par ce dernier.

31- Tenant compte de l'ensemble de ces éléments, la cour a la conviction que des'heures'supplémentaires'ont bien été effectuées mais pas à la hauteur des celles revendiquées par M. [L]. En conséquence, il sera alloué à M. [L] la somme de 16 681,72 euros brut au titre des heures supplémentaires outre la somme de

1 668,17 euros brut au titre des congés payés afférents. Ces sommes seront en conséquence fixées au passif de la société.

32- La décision entreprise sera infirmée de ce chef.

- Sur la demande au titre du travail dissimulé

33- M. [L] sollicite la fixation au passif de la société de la somme de 47 571,58 euros à titre principal et à titre subsidiaire, celle de 48 075,63 euros en faisant valoir que l'élément matériel est caractérisé par le nombre et la récurrence des heures supplémentaires effectuées et que l'élément intentionnel se déduit de ce que l'employeur considérait comme normal la réalisation des heures supplémentaires revendiquées.

34- Le jugement déféré a débouté le salarié de sa demande à ce titre en ces termes': «Il 'y a doute quant à la réalité des heures effectuées par Monsieur [N] [L] tout au long de la relation de travail et le déboute de sa demande et de la demande afférente pour travail dissimulé'»'

Réponse de la cour

35- Selon l'article L.8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Aux termes de l'article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L.8221-3 ou en commettant les faits relatifs au travail dissimulé prévus à l'article L. 8221-5 du même code a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle. Le caractère intentionnel du travail dissimulé est caractérisé lorsqu'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d' heures de travail inférieur à celui réellement effectué.

36- M. [L], qui n'avait jusqu'à l'engagement de la procédure prud'homale, émis aucune réclamation notamment quant aux heures supplémentaires effectuées, n'obtient gain de cause que partiellement quant au paiement des heures supplémentaires qu'il sollicite et seulement au terme d'un long débat judiciaire. Par ailleurs, Les circonstances dans lesquelles le salarié a accompli les heures supplémentaires ne révèlent pas une intention frauduleuse de dissimuler cette partie de l'activité en sorte que la demande au titre du travail dissimulé sera rejetée et le jugement confirmé sur ce point.

Sur les autres demandes

- Sur les intérêts

37- Il n'y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil en application desquelles les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant et leur capitalisation, tout en précisant que l'ouverture de la procédure collective a suspendu le cours des intérêts.

- Sur la remise de documents

38- La liquidation devra délivrer à M. [L] un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées ainsi qu'une attestation France Travail (anciennement Pôle Emploi) rectifiée en considération des condamnations prononcées et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision, la mesure d'astreinte sollicitée n'étant pas en l'état justifiée.

- sur les dépens et les frais irrépétibles

39- Les dépens seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire mais il n'apparaît pas justifié de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, compte tenu de la situation de la société.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Relève d'office la'caducité partielle de la déclaration de saisine remise au greffe le 20 mars 2025, par voie électronique, par la SELAS DS Avocats, prise en la personne de Maître Frédéric Godard-Auguste, avocat, à l'égard de l'AGS-CGEA de [Localité 3],

Dans la limite de sa saisine,

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a':

- débouté M. [L] de sa demande de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires,

- condamné la société Cardoit Menuiseries et Agencements à payer à M. [L] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Cardoit Menuiseries et Agencements aux dépens,

L'infirme de ces chefs,

Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Fixe les créances de M. [L] au passif de la liquidation judiciaire de la société Cardoit Menuiseries et Agencements aux sommes suivantes':

- 16 681,72 euros brut au titre des heures supplémentaires,

- 1 668,17 euros brut au titre des congés payés afférents,

Rappelle qu'en application des dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant et leur capitalisation, en précisant que l'ouverture de la procédure collective a suspendu le cours des intérêts,

Dit que la SCP Silvestri-Bernard Baujet en qualité de liquidateur de la société Cardoit Menuiseries et Agencements devra délivrer à M. [L] un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées ainsi qu'une attestation France Travail rectifiée en considération des condamnations prononcées et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.

Signé par Marie-Paule Menu, présidente et par Sylvaine Déchamps, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

S. Déchamps MP. Menu

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