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Décisions

CA Bordeaux, ch. soc. A, 28 octobre 2025, n° 23/01987

BORDEAUX

Arrêt

Autre

CA Bordeaux n° 23/01987

28 octobre 2025

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 28 OCTOBRE 2025

PRUD'HOMMES

N° RG 23/01987 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NHPD

Madame [KF] [MI]

c/

S.C.P. [W] en sa qualité de mandataire liquidateur de l'Association ASERC, ASSOCIATION SOCIO EDUCATIVE DE LA REGION DE [Localité 4]

Association AGS CGEA de [Localité 3]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Me Sophie ROBIN ROQUES de la SCP CMCP, avocat au barreau de CHARENTE

Me Katell LE BORGNE de la SCP LAVALETTE AVOCATS CONSEILS, avocat au barreau de BORDEAUX

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 27 mars 2023 (R.G. n°F 21/00126) par le conseil de prud'hommes - Formation paritaire d'ANGOULEME, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 25 avril 2023,

APPELANTE :

Madame [KF] [MI]

née le 17 mars 1967 à [Localité 6]

de nationalité française

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Sophie ROBIN ROQUES de la SCP CMCP, avocat au barreau de CHARENTE

INTIMÉE :

S.C.P. [W] en la personne de Me [E] [Z], en sa qualité de mandataire liquidateur de l'Association ASERC [Adresse 1]

représentée par Me Camille SELVA substituant Me Katell LE BORGNE de la SCP LAVALETTE AVOCATS CONSEILS, avocat au barreau de BORDEAUX

INTERVENANT :

Association AGS CGEA prise en la personne de son directeur domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 5]

non comparante et non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 septembre 2025 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame [E] Brisset, présidente

Madame Laure Quinet, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats :Evelyne Gombaud,

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

1. Par contrat de travail à durée indéterminée à effet au 21 novembre 2016, Mme [KF] [MI], née en 1967, a été engagée par l'Association Socio-Educative de la Région de [Localité 4] (ci-après l'ASERC), en qualité de directrice d'établissement et de services, statut cadre, classe I niveau I de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 (avenant n°265 du 21 avril 1999).

2. Selon un document validé par le conseil d'administration de l'association le 17 octobre 2017, Mme [MI] disposait d'une large délégation de pouvoirs pour l'exercice de ses missions, que ce document définissait, notamment en matière de gestion des ressources humaine (pouvoir disciplinaire), d'administration et de gestion financière élaboration du budget, négociation en vue de l'obtention des financements liés au projet social, gestion de ces financements avec pouvoir d'engager les dépenses d'investissement et d'exploitation

Par lettre du 7 février 2020, l'ASERC a informé Mme [MI] de la modification de cette délégation de pouvoirs, dans le sens d'une réduction de la marge de manoeuvres de la salariée, tenue notamment d'informer le bureau du déroulement des transactions avec les partenaires et de tout conflit entre salariés ; il était également prévu la nécessité d'une autorisation préalable du conseil d'administration pour les dépenses supérieures à 4 000 euros ainsi que l'accord du bureau pour tout mouvement de personnel outre la présence d'un administrateur aux entretiens avec les salariés. Il était enfin indiqué que Mme [MI] devait, dans ses prises de paroles en tout lieu, faire preuve de modération et de respect dans le ton et la teneur des propos.

3. Le 12 février 2020, Mme [MI] saisissait les administrateurs de l'association des difficultés qu'elle rencontrait avec M. [VV], président de l'association.

Le 11 mai 2020, elle réitérait ses doléances en adressant à l'inspection du travail copie d'une lettre destinée aux administrateurs de l'association mettant en cause des agissements critiquables du président, M. [VV], le dénigrement de son travail et les pressions exercées par celui-ci ayant orchestré notamment une modification de sa délégation de pouvoirs votée par le conseil d'administration.

Elle soulignait notamment des difficultés survenues en novembre 2019 à propos d'un salarié, M. [A], qu'elle avait refusé de sanctionner malgré la demande de M. [VV].

Mme [MI] contestait une observation qui lui avait été adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception le 12 mars 2020 par M. [VV] ainsi que des reproches faits dans un courriel du 1er avril 2020.

Elle expliquait qu'à la suite de ce courriel, elle avait subi un arrêt de travail pour maladie et évoquait les répercussions de ces pressions psychologiques sur sa santé morale, physique et psychique.

Par courrier du 8 juin 2020, l'inspection du travail a communiqué à Mme [MI] la lettre adressée aux membres de l'association concernant les agissements dénoncés par la salariée, les conditions de la modification de sa délégation de pouvoirs et enfin la rémunération de ses heures supplémentaires. Dans cette lettre, il est fait état de la démission de M. [VV] le 18 mai 2020.

Par courrier du 23 décembre 2020, l'ASERC a, par l'intermédiaire de son conseil, répondu à l'inspection du travail en mettant en avant les difficultés relationnelles rencontrées par le président avec Mme [MI] mais également par les salariés, attribuées au comportement inadapté de celle-ci.

Le retard pris dans la proposition d'un avenant modificatif à celle-ci suite à la réduction de sa délégation de pouvoirs était expliqué par 'les problématiques rencontrées dans les mois qui ont suivi au titre de la gouvernance de l'association'.

Enfin, l'association estimait que Mme [MI] ayant le statut de cadre dirigeant ne pouvait prétendre au paiement des heures supplémentaires.

Ce courrier a été adressé en copie à Mme [MI].

Par courrier du 14 janvier 2021, l'inspection du travail a répondu à l'association ASERC, ce courrier évoquant notamment un rapport établi par un organisme de prévention des risques psycho-sociaux, ACPR Prévention, suite à une analyse réalisée en juillet 2019 au sein de l'association.

Par courrier du 15 janvier 2021, Mme [MI], par l'intermédiaire de son conseil, a répondu au conseil de l'association, contestant notamment avoir bénéficié du statut de cadre dirigeant.

5. Par lettre datée du 27 janvier 2021, Mme [MI] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 5 février 2021 avec mise à pied à titre conservatoire.

Mme [MI] a ensuite été licenciée pour faute grave par lettre datée du 9 février 2021 aux motifs suivants :

- son attitude désastreuse vis-à-vis des institutions 'financeurs' et leurs représentants qui a eu pour conséquence la perte de confiance de ces derniers envers l'ASERC ;

- la gestion très approximative de ses missions et subdélégations très hasardeuses mises en place ;

- des critiques et mensonges au sujet de la gouvernance ;

- l'absence d'actions suite au rapport des risques psycho-sociaux lui-même non diffusé ;

- le défaut de production des justificatifs d'indemnités kilométriques, relevé dans le rapport de l'URSSAF reçu en décembre 2020 :

- le non-respect de la réglementation du code du travail relative aux congés, aux heures supplémentaires et renouvellement d'un contrat de travail à durée déterminée ;

- le non-respect de la mise à pied à titre conservatoire ;

- la tardiveté de la restituion de son matériel informatique.

6. Par requête reçue le 15 juillet 2021, Mme [MI] a saisi le conseil de prud'hommes d'Angoulême contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, dont des dommages et intérêts pour procédure vexatoire.

Par jugement rendu le 27 mars 2023, le conseil de prud'hommes a :

- dit que le licenciement pour faute grave de Mme [MI] est motivé et justifié,
- débouté Mme [MI] de l'ensemble de ses demandes au titre :

* de l'indemnité de préavis et congés payés afférents,
* de l'indemnité de licenciement,
* de la mise à pied et congés payés afférents,

* des heures supplémentaires 2020 et des congés payés afférents,
* des astreintes de janvier 2021,
* de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* de dommages et intérêts pour procédure vexatoire,
* du paiement de frais d'effacement des articles de presse,
* dit n'y avoir lieu a exécution provisoire,
* au titre des dépens, frais d'exécution et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* du remboursement des allocations chômage versées dans la limite de 6 mois,

- condamné Mme [MI] aux dépens,
- débouté l'ASERC de sa demande au titre des dépens et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

7. Par déclaration communiquée par voie électronique le 25 avril 2023, Mme [MI] a relevé appel de cette décision.

8. Par jugement du 9 novembre 2023, le tribunal judiciaire d'Angoulême a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire au profit de l'ASERC, procédure convertie en liquidation judiciaire par jugement du 25 janvier 2024 qui a nommé la SELARL [W], prise en la personne de Maître [Z], en qualité de mandataire liquidateur.

9. Par acte de commissaire de justice délivré le 17 mars 2025 à personne, Mme [MI] a fait signifier la décision rendue par le conseil de prud'hommes d'Angoulême le 27 mars 2023, sa déclaration d'appel et ses conclusions à l'Association Garantie des Salaires-CGEA de Bordeaux, ci-après l'AGS, qui, par courrier du 19 mars 2025, a informé la cour d'appel de Bordeaux qu'elle ne sera ni présente ni représentée.

10. Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 7 mars 2025, Mme [MI] demande à la cour d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Angoulême en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes [listées au dispositif de ses écritures] et, statuant à nouveau, de la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes et de :

- juger que son licenciement ne repose pas sur une faute grave,

- fixer sa créance au passif de la liquidation de l'ASERC aux sommes suivantes :

* 36 630,48 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis conventionnel,

* 3 663,04 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

* 7 249,70 euros net au titre de l'indemnité de licenciement (ancienneté : 4 ans et 9 mois),

* 2 817,50 euros brut au titre de la mise à pied conservatoire (10 jours),

* 281,75 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur la mise à pied conservatoire,

* 2 568,98 euros au titre des heures supplémentaires 2020,

* 256,98 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur les heures supplémentaires,

* 1 368 euros au titre des astreintes de janvier 2021,

* 30 525,40 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 36 630,54 euros au titre des dommages et intérêts pour procédure vexatoire,

* 1 440 euros au titre des frais d'effacement des articles de presse (devis Acadroit),

* 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

11. Dans leurs dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 5 septembre 2024, l'ASERC et la SELARL [W], prise en la personne de Maître [E] [Z], en sa qualité de mandataire liquidateur de l'association, intervenue volontairement à l'instance, demandent à la cour de déclarer recevable cette intervention volontaire et de :

A titre préalable :

- voir déclarer irrecevables les demandes de condamnation présentées à l'encontre de la SELARL [W] représentée par Maître [Z] en sa qualité de liquidateur judiciaire de l'ASERC y incluant les sommes sollicitées au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre principal :

- confirmer la décision déférée en date du 27 mars 2023 en ce qu'elle a dit que le licenciement pour faute grave de Mme [MI] est motivé et justifié et débouté celle-ci de l'ensemble de ses demandes [listées au dispositif des écritures],

- débouter Mme [MI] de l'ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire :

- juger que Mme [MI] a commis des fautes justifiant son licenciement pour cause réelle et sérieuse,

- débouter Mme [MI] de sa demande de condamnation au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 30 525,40 euros,

En tout état de cause,

- juger que Mme [MI] avait le statut de cadre dirigeant,

- débouter Mme [MI] de ses demandes au titre des heures supplémentaires 2020 à hauteur de 2 568,98 euros brut et congés payés afférents pour 256,98 euros brut,

ainsi qu'au titre des astreintes de janvier 2021 pour 1 368 euros brut,

- juger que le licenciement de Mme [MI] n'est pas intervenu dans des circonstances vexatoires,

- débouter Mme [MI] de sa demande au titre de :

* paiement de dommages et intérêts pour procédure vexatoire de 36 630,54 euros,

* paiement des frais d'effacement des articles de presse (devis ACADROIT) de 1 440 euros,

- condamner Mme [MI] à régler la somme de 4 000 euros à la SELARL [W] en sa qualité de mandataire liquidateur de l'ASERC au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

- débouter Mme [MI] de toutes demandes plus amples ou contraires.

12. L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 août 2025 et l'affaire a été fixée à l'audience du 15 septembre 2025.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes en paiement au titre des heures supplémentaires

13. Pour voir infirmer le jugement déféré qui l'a déboutée de sa demande en paiement de la somme de 2 568,98 euros brut au titre des heures supplémentaires réalisées outre des congés payés afférents, Mme [MI] conteste avoir eu le statut de cadre dirigeant au regard des mentions portées dans son contrat de travail stipulant qu'elle est employée à temps plein, sans plus de précision, et dans ses bulletins de paie qui font état d'un temps de travail de 151,67 heures par mois et d'une durée hebdomadaire de 35 heures.

Elle souligne que si, en vertu des statuts de l'association, elle était certes invitée de façon permanente au conseil d'administration mais 'avec voix consultative' et qu'elle n'avait pas de pouvoir de décision, se limitant à appliquer les décisions prises par les instances de l'association, n'ayant pas de pouvoir quant aux recrutements, salaires, leurs augmentations ou les primes exceptionnelles, les ruptures des contrats, les demandes de subventions, les budgets et les comptes de résultats.

Elle ajoute que les réunions du comité social et économique (CSE) étaient dirigées par le président de l'association et enfin, que l'ensemble de ses tâches était validé par le conseil d'administration.

Invoquant les dispositions de l'article 3 de l'annexe 6 relative aux cadres de la convention collective applicable, elle souligne que la notion de disponibilité permanente des cadres non soumis à un horaire préalablement établi ne peut faire obstacle aux dispositions conventionnelles relatives notamment à la durée du travail et que l'association appliquait l'annualisation du temps de travail (1820 heures/an) ; l'emploi de directrice n'en était pas exclu au point d'ailleurs que des heures supplémentaires lui avaient été payées pour l'année 2019.

14. L'association intimée conclut à la confirmation du jugement déféré qui a débouté Mme [MI] de ses demandes en paiement, en retenant que celle-ci avait le statut de cadre dirigeant

Elle rappelle que le contrat de travail de Mme [MI] prévoyait que, compte tenu de ses responsabilités, celle-ci bénéficie d'une réelle autonomie dans l'organisation générale de son travail, que le grade à laquelle elle a été recrutée la situait dans la catégorie conventionnelle des cadres de direction, nonobstant les mentions portées à ses bulletins de paie, qu'elle était membre de droit du conseil d'administration de l'association et bénéficiait d'une large délégation de pouvoirs et d'une réelle autonomie dans l'aménagement de son temps de travail.

Réponse de la cour

15. En vertu de l'article L. 3111-1 du code du travail, un cadre dirigeant n'est pas soumis aux dispositions des titres II et III relatives à la durée du travail, à l'aménagement des horaires de travail et au temps de repos.

16. Aux termes de l'article L. 3111-2 du code du travail, sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.

Ces critères sont cumulatifs.

17. En l'espèce, s'il n'est pas contestable que Mme [MI] disposait d'une large autonomie tant dans l'exercice des missions lui incombant que dans l'organisation de

son temps de travail, il n'est ni justifié ni même soutenu qu'elle percevait une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l'association.

18. Au surplus, il ne peut qu'être relevé que son contrat de travail ne comportait aucune disposition quant à son temps de travail, que ses bulletins de paie se référaient à la durée légale de travail et, enfin, que Mme [MI] justifie avoir été rémunérée pour des heures supplémentaires en février 2020 à hauteur de 2 679,14 euros brut.

19. Il ne peut donc être retenu que Mme [MI] avait la qualité de cadre dirigeant au sens de l'article L. 3111-2 même si elle faisait partie des 'cadres de direction'.

Sa demande en paiement au titre des heures supplémentaires effectuées doit donc être examinée au regard des règles de droit commun applicables.

***

20. Aux termes des articles L. 3171-2 alinéa 1er, L. 3173-3 et L. 3171-4 du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande et au regard des exigences rappelées aux dispositions légales précitées, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

21. A l'appui de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, Mme [MI] produit le planning prévisionnel de ses horaires de travail pour l'année 2020, faisant apparaître un dépassement de l'horaire annualisé (1820 heures) de 51,06 heures.

22. L'association intimée n'a pas spécialement conclu sur cette demande.

Réponse de la cour

23. Le planning prévisionnel de travail produit par la salariée n'est pas contesté par la société qui ne produit aucun élément quant au temps de travail de Mme [MI].

24. Il sera en conséquence fait droit à la demande en paiement de Mme [MI] à ce titre et sa créance au passif de la liquidation judiciaire de l'ASERC sera fixée à la somme de 2 568,98 euros brut au titre des heures supplémentaires effectuées outre

celle de 256,90 euros brut pour les congés payés afférents.

Sur la demande en paiement au titre des astreintes

25. Mme [MI] sollicite le paiement de la somme de 1 368 euros au titre des astreintes réalisées durant le mois de janvier 2021.

26. L'association intimée conclut au rejet de cette demande au motif que Mme [MI], relevant du statut de cadre dirigeant, ne pourrait y prétendre.

Réponse de la cour

27. Le statut de cadre dirigeant de Mme [MI] ayant été précédemment écarté par la cour, Mme [MI] est en droit de prétendre au paiement des indemnités d'astreinte auxquelles elle était assujettie.

Sa créance à ce titre due pour les astreintes réalisées en janvier 2021 sera fixée à la somme de 1 368 euros brut .

Sur la rupture du contrat de travail

Sur le licenciement pour faute grave

28. Pour voir infirmer la décision déférée, qui l'a déboutée de l'ensemble de ses prétentions au titre de son licenciement, Mme [MI] fait observer que même si la modification de sa délégation de pouvoirs est intervenue dans des conditions illégales, notamment en l'absence d'un avenant contractuel, elle a néanmoins été mise en oeuvre et que, par conséquent, il est curieux qu'on lui reproche des faits dont elle ne peut être tenue pour responsable puisqu'ils ont été soumis à la gouvernance de l'association et que, depuis février 2020, elle devait être impérativement accompagnée : il appartenait donc au président et aux membres du conseil d'administration d'être présents à ses côtés.

Elle reprend ensuite chacun des griefs énumérés dans la lettre de licenciement pour les contester.

29. L'association conclut à la confirmation de la décision, reprenant également l'ensemble des griefs.

30. La lettre de licenciement comporte plusieurs faits qualifiés de fautifs dont notamment :

Des critiques et mensonges au sujet de la gouvernance

31. La lettre de licenciement est ainsi rédigée :

« [...]

Le 18 décembre, j'al reçu une salariée, qul m'a déclaré son mal-être face à des critiques récurrentes proférées au sein du siège social envers la Présidente soit 'de quoi elle se mêle' " En plus, elle ne raconte que des conneries". Ce témoignage a été conforté et valldé par des témoignages complémentaires de salariés. Ce genre de propos est inadmissible et remet en cause votre loyauté à l'égard de votre employeur.

Ce comportement détestable est renforcé par les mensonges que vous proférez. C'est ainsl que le mercredi 20 janvier, !'ai reçu un SMS de [D] [ZK], secrétaire adjointe de I'ASERC, m'indiquant notamment 'c'est trés inquiétant, ce que j'ai appris cet après-midi et je voudrai savoir si tu es au courant, par avance merci', Elle m'apprenait, à l'occasion d'un entretien téléphonique du même jour que [F] [N], salariée de l'ASERC été appelée par vos soins et que vous avez pris la décision brutale, sans concertation et de manière unilatérale, mals prévu dans le cadre de vos délégatlons, de mettre un terme immédlat aux heures qu'elle effectuait à la MTL.

A cette occasion, vous avez précisé au coordinateur, qui l'a rapporté à Mme [ZK], que la décision avait été valldée en bureau de I'ASERC, ce qui est totalement faux comme en témoigne l'ensemble des comptes rendus des différents bureaux. Votre

mensonge n'est pas admissible.

[...].

32. Mme [MI] conteste ce grief en faisant valoir les éléments suivants :

« Que Madame [MI] n'est pas idiote et n'aurait jamais tenu de tels propos. Que d'ailleurs les faits sont totalement imprécis puisqu'il n'est pas mentionné le nom de la salariée, ni les conditions dans lesquelles ces propos auraient été proférés.

Attendu que les propos de Madame [D] [ZK] relatent l'ambiance délétère entretenue par des commérages. Que cette personne n'est pas salariée de l'Association, elle est administratrice et ne vient qu'aux réunions. Qu'elle est totalement incompétente sur les questions d'intervention du personnel.

Que Madame [N] est une salariée de l'Atelier et Chantier d'insertion qui est financée par le Conseil Départemental et l'Etat. Que la réalisation de ces heures sur le centre social de la Maison du Temps libre, dont le financement est effectué par la ville de [Localité 4] et la CAF, avait été décidée par l'ancien Bureau contre l'avis de Madame [MI]. Celles-ci n'étaient plus nécessaire et qu'il était de la responsabilité de Madame [MI] d'y mettre fin dans un souci de bonne gestion ainsi sur dans le

respect des fléchages financiers afin d'éviter des dépenses non justifiées et qui auraient pu lui être reprochées.

Attendu que la partie adverse communique deux témoignages censés apporter la preuve de ses allégations relatives à la gouvernance.

Que le témoignage de Madame [H] a été réalisé sept mois après le licenciement de Madame [MI] et peut surprendre dans sa rédaction.

Que Madame [MI] n'a jamais proféré de tels propos à l'égard de la Présidente, aucun compte rendu d'entretien n'est communiqué entre Madame [H], la Présidente et Monsieur [V], administrateur.

Que les fait décrits ne sont ni circonstancié ni daté précisément.

Attendu que les attestations de Mesdames [OU] et [EE] ont été réalisées huit mois après le licenciement de Madame [MI]. (Elles déclarent n'avoir aucun lien de subordination dans leur attestation alors qu'elles sont salariées de l'ASERC). Qu'une fois encore, les témoignages ne sont pas circonstanciés et ne datent absolument pas les faits.

Attendu qu'en outre, la demanderesse communique aux débats des captures d'échanges de SMS avec ces deux salariés qui prouvent que leurs rapports étaient cordiaux et bienveillants qui contredisent les relations qu'elles prétendent avoir eu avec Madame [MI].

Attendu que par ailleurs, le rapport de synthèse des analyses qualitatives suite au courrier des délégués du 9 et 10 juillet 2019 réalisé par Madame [G] (cabinet prévention ACPR) précise page 6 et 7 :

'Aux vues des éléments précédents et des entretiens réalisés, aucun propos et / ou preuves concrètes soutenant une ou des situations de harcèlement de la part de la directrice l'encontre des salariés de l'ASERC n'a été remonté ou identifié. Il est à noter que les salariés les plus en difficultés avec la directrice sont ceux qui ne sont pas ou que peu en contact direct ou uniquement dans les couloirs avec celle-ci (ligne hiérarchique) N-2), qui restent dans la sidération lors des 'coup de gueule de celle-ci Ceux-ci sont conscients du travail et de l'évolution positive de la structure et ne remettent pas en question la direction dans ses fonctions de direction, ils souhaitent plus une écoute et pouvoir s'exprimer. Certains entretiens de recadrage ont été mal vécu par les salariés mais la direction met toujours en avant les points positifs lors de ses entretiens afin qu'ils soient sur une dynamique de progrès.

Les salariés qui sont en contact direct (ligne hiérarchique N-1), on fait remonter un management ' bienveillant', qui ne met pas la pression', 'qui absorbe la pression des financeurs'.

Que Mesdames [EE], comptable et [OU], assistante comptable faisaient parties des collaboratrices les plus proches et étaient en contact quotidiennement avec Madame [MI]. Que leurs attestations sont identiques écrites sous la dictée.

Que Madame [H], adjointe de direction est citée comme étant victime de maltraitance de la part de Madame [MI] par Mesdames [OU] ET [EE], Madame [H] dans son témoignage ne corrobore pas ces faits.

Que les échanges de SMS attestent de relations normales et courtoises de travail. Que le rapport d'ACPR ne relate pas non plus ces faits.

Que même si Madame [OU] déclare avoir fait des rapports réguliers à la Présidente sur le comportement de Madame [MI], aucune preuve n'est rapportée aux débats.

Attendu que la Cour notera que le courrier du 21 avril 2021 de M. [VM], administrateur à l'ASERC au Conseil Départemental relate que les démissions étaient plutôt dû au comportement du Président, [TS] [VV].

Que de plus, ces démissions sont liées à la pression du Président exercée sur les administrateurs suite aux courriers de Madame [MI] adressé aux administrateurs (qui sont restés sans réponses ) sur ces conditions de travail dégradés, à l'information qu'elle leur a donné qu'elle saisissait l'inspection du travail, ainsi qu'aux alertes des élues du personnel concernant la dégradation des conditions de travail de Madame [MI] et de Monsieur [A], coordinateur du chantier d'Insertion en raison du comportement du Président à l'encontre de ces deux salariés.

Que le courrier de l'Inspection du travail atteste de ces faits.

Que par ailleurs après les démissions des administrateurs et les courriers diffamatoires du Président aux financeurs, ceux-ci ont validés que Madame [MI] continue de gérer l'association en lien avec la FCOL (Cf. Lettre Mission FCOL).

Que pendant une période de 5 mois, ni [I] [T], secrétaire général de la FCOL, ni les salariés et ni les quatre administrateurs encore en poste n'ont signalé des dysfonctionnements du fait de Madame [MI].

Que bien au contraire, l'équipe s'est serrée les coudes en pleine crise COVID pour assurer le fonctionnement et la pérennité de l'association. »

33. Les conclusions de l'association intimée sur ce grief sont ainsi rédigées :

« Madame [MI] a toujours indiqué dans ses écritures que les faits rapportés dans la lettre de licenciement sont faux, et imprécis.

Néanmoins, les attendus du jugement dont appel précise :

« ... Madame [J] [H] directrice adjointe, atteste 'depuis l'élection de la nouvelle gouvernance associative en début septembre 2020, j'atteste avoir assisté et entendu, de la part de Madame [KF] [MI], directrice de l'ASERC, des propos déplacés et malveillants, des critiques incessantes à l'encontre de la nouvelle présidente, Madame [U] [GH] [X] dans les termes suivants 'pour qui elle se prend ''' Elle n'y connait rien' ' elle raconte n'importe quoi elle raconte des conneries' 'si elle veut tout faire, qu'elle le fasse ça me fera moins de boulot'.

Madame [B] [OU] aide comptable atteste 'lors de la prise de fonction de Madame [U] [GH] [X], Madame [KF] [MI] venait réguliérement dans notre bureau pour l'injurier : ...la présidente était une grosse 'connasse' et ' salope'... nous avions réguliérement ce genre de propos envers la présidente dans notre bureau et cela nous était insupportable et avait un impact sur notre travail au quotidien'

Madame [KF] [MI] argue que les propos rapportés dans les témoignages sont faux. Elle produit des échanges de SMS avec ces salariées afin de prouver que leurs rapports étaient cordiaux 'je vous souhaite un bon rétablissement' le 26 mars 2018, 'j'espère que malgré tout, vous allez bien. Bonne journée cl vous. Bises' 'je vous souhaite un bon rétablissement'.

Par ailleurs, plusieurs courriers émanant d'administrateurs démissionnaires attestent du climat généré par Madame [KF] [MI] au cours des réunions. Ainsi, le 10 mai 2020, Madame [O] [L] écrit '....la directrice méne I'association avec autorité cela créé un climat d'anxiété que ma santé ne peut plus supporter. J'ai donc décidé de démissionner de l'ensemble de mes responsabilités...'.

Le 10 mai 2020, Madame [Y] [M] écrit : 'je désire quitter ce conseil d'administration et démissionner. L'ambiance n'est plus bonne, il y a trop de conflits. Je préfére me protéger et partir plutôt qu'entendre la directrice nous menacer d'avoir des problémes..'.

Mail du 12 mai 2020 de Madame [S] [K]: 'l'ambiance au sein des conseils d'administration depuis plusieurs mois est un vrai désastre avec des conflits venant de la directrice...'.

Mail du 13 mai de Madame [C] [R] : 'je demande ma démission en tant que administrateur de l'ASERC vue l'ambiance qui se passe avec la directrice...'

Enfin courrier de l'ancien président, Monsieur [TS] [VV] en date du 18 mai 2020 : 'l'ASERC est dirigé actuellement par une directrice en qui je n'ai aucune confiance, et en tout cas sur une personne sur qui je ne peux absolument pas m'appuyer si je dois m'absenter longtemps. Sa gestion RH brutale et partiale met de nombreux salariés dans une situation de stress trés intense et constante dans la crainte d'avoir à subir ses hurlements injustifiés et disproportionnés... De nombreuses fois, notre directrice aurait été répréhensible de par son attitude qui nous a mise en difficulté dans les rapports avec des administrateurs, souvent violemment pris a parti, avec des bénévoles qui disparaissent au fil des mois, mais aussi des partenaires financiers avec qui j'ai du renouer les liens plusieurs fois et entre salariés ou l'ambiance est aujourd'hui tendue et délétère... »

Les reproches d'agressivité, les critiques, concernant la gouvernance sont clairement établis ».

La Cour, à la suite du Conseil, prendra toutefois connaissance des nombreux témoignages qui viennent confirmer l'existence de critiques vulgaires, agressives et violentes de Madame [MI] au sujet de la gouvernance et notamment de la présidente Madame [GH]-[X].

Madame [H], directrice adjointe, indique que Madame [MI] a formulé des 'propos déplacés et malveillants, des critiques incessantes à l'encontre de la nouvelle présidente, Madame [GH] [X]'.

Elle indique par exemple que Madame [MI] a tenu les propos suivants :

'Pour qui elle se prend '', ' elle raconte n'importe quoi, elle raconte que des conneries',' c'est n'importe quoi ils ne vont pas venir nous emmerder'.

La position hiérarchique de Madame [MI] dans l'entreprise rend d'autant plus grave ces propos dénigrants.

Par ailleurs, ce ne sont pas les seules déclarations de Madame [MI], puisque Madame [OU], aide comptable et Madame [EE] comptable indiquent que Madame [MI] a utilisé les termes injurieux de 'connasse' et de 'salope' à l'encontre de la Présidente Madame [GH]-[X].

Elles indiquent que'Madame [MI] venait régulièrement dans notre bureau pour l'injurier '.

En outre, Madame [H], la directrice adjointe était également victime de l'attitude de Madame [MI].

Cette dernière subissait des agressions violentes, allant jusqu'aux menaces :'Je casserais la tête à Madame [H]'.

Madame [MI] tente de démontrer que ces éléments seraient faux au moyen de quelques échanges cordiaux de SMS, datés pour la plupart de l'année 2018.

Ces échanges ne font pas état du comportement de Madame [MI] et ne concernent pas les faits qui lui sont reprochés.

En tout état de cause, Madame [MI] reproche à l'employeur de ne pas rapporter la preuve de son comportement. Or, ne serait-ce que sur les critiques de la gouvernance, l'ASERC produit les attestations de trois salariées aux débats.

En outre, le rapport de synthèse des analyses réalisées par le cabinet ACPR dont elle tente de faire état pour démontrer son management bienveillant mentionne 'ses coups de gueule'.

Ce comportement est intolérable, corroboré par de nombreuses attestations, et justifie à lui seul le licenciement pour faute grave de Madame [MI].

De même, et s'agissant des mensonges au sujet de la gouvernance, la Cour constatera, à la suite des attendus du Conseil, que :

- Madame [MI] a unilatéralement décidé de ne plus affecter Madame [N] à la MAISON DU TEMPS LIBRE.

- Elle a alors indiqué au coordinateur que cette décision avait été validée en bureau

de l'ASERC, ce qui n'était pas le cas.

- Ce n'est pas la décision de Madame [MI] de ne plus affecter Madame [N] à la MAISON DU TEMPS LIBRE qui est constitutive d'une faute. C'est bien le fait d'avoir menti en indiquant que cette décision était sollicitée par le bureau.

- Là encore, la position hiérarchique de Madame [MI] au sein de l'ASERC rend

inacceptable le prononcé de ces mensonges.

Réponse de la cour

34. Le droit de critique d'un salarié à l'égard de son employeur doit s'exercer dans des termes mesurés, spécialement lorsqu'il s'agit d'un cadre de direction telle qu'était Mme [MI] au sein de l'association.

35. En l'espèce, nonobstant les dénégations de l'appelante, les déclarations faites par plusieurs salariées confortent le grief invoqué par l'ASERC :

- Mme [H] témoigne en des termes précis et circonstanciés : « Depuis l'élection de la nouvelle gouvernance associative en septembre 2020, j'atteste avoir assisté et entendu de la part de Madampe [MI] [KF], directrice de l'ASERC, des propos déplacés et malveillants, des critiques incessantes à l'encontre de la nouvelle présidente Madame [GH] [X] [U] en les termes suivants : 'pour qui elle se prend' ;'elle raconte n'importe quoi' elle raconte que des conneries'. 'si elle veut tout faire qu'elle le fasse, ça me fera moins de boulot'.

Le 2 décembre 2020 au lendemain du Conseil d'Administration qui s'est déroulé en visio conférence et lors duquel la présidente a présenté l'organisation de la gouvernance associative et la nomination d'administrateurs référents de thématiques ou de services, Madame [MI] me dira: 'c'est n'importe quoi, ils ne vont pas venir nous emmerder'. J'ai donné connaissance à Madame [GH] des propos et attitudes de Madame [MI] à l'endroit de celle-ci en tant que présidente lors d'un entretien le 18/12/2020 et en présence d'un autre administrateur, Monsieur [V] [BX] » ;

- Mme [P] et Mme [OU], comptable et aide-comptable, ont établi un écrit dactylographié identique rédigé en ces termes : « Pendant toute la période où Mme [MI] fût directrice de l'association ASERC, Mme [OU] et moi-même Mme [P] avons été témoin de propos malveillant envers la présidente Mme [GH] [X] [U] et la directrice adjointe Mme [H] [J].

Lors de la prise de fonction de Mme [GH] [X] [U], Madame [MI] venait régulièrement dans notre bureau pour l'injurier :

La présidente veut prendre mon poste,

La présidente était une grosse 'connasse' et 'salope',

Elles se permet de consulter les salariés mais de quoi elle se mêle, c'est moi la directrice. Qu'elle reste à sa place de Présidente.

En bref, nous avions régulièrement ce genre de propos envers la Présidente dans notre bureau et cela nous été insupportable et avait un impact sur notre travail au quotidien.

Pour la directrice adjointe c'était exactement la même chose avec des propos quelques fois un peu plus fort :

Lors d'une conversation téléphonique avec Mme [MI] et moi-même Mme [P] au sujet d'une rencontre avec Mr [PY], Mme [MI] m'a pris en aparté au sujet de Mme [H] du fait qu'elle ne comprenait pas pourquoi il fallait faire ce dossier, qu'elle n'était pas au courant, que cela devait être demandé par la Présidente et elle était très en colère.

Je lui ai répondu que je me renseignerais et je lui ai demandé si elle venait au travail l'après-midi, elle m'a répondu que 'surement pas car autrement je casserais la tête à Mme [H] [J]' donc elle préférait ne pas venir. Après avoir pris les renseignements au sujet du dossier, il s'avère que c'était Mme [MI] qui en avait fait la demande le mardi 1er décembre lors d'un mail où il fallait préparer des notes de synthèses. Cf mail en copie [la pièce jointe confirme les propos].

Régulièrement Mme [MI] disait que Mme [H] n'était pas loyal.

Elle dénigré régulièrement son travail : en n'en faisait pas une.

Nous avons régulièrement été témoin d'agression verbale envers Mme [H] et quelques fois très violente qui nous mettais dans une posture de mal-être ne sachant pas quoi faire connaissant la personnalité de Mme [MI].

J'étais aussi témoin (Mme [P]) d'un appel téléphonique dans mon bureau pour ordonnait à Mme [F] [N] de reprendre son poste en totalité sur le chantier ACI et arrêter de travailler à la Maison du Temps Libre en soutient à l'équipe.

En conclusion, nous avons été régulièrement pris en aparté des humeurs de Mme [MI] envers soit les salariés, soit envers le bureau, soit envers la présidente, soit envers les partenaires financiers, soit envers Mme [H] avec des propos vulgaires et agressifs.

Chaque jour on se posait la question si aujourd'hui nous allions travailler sereinement. ».

Mme [OU] a ajouté : « Tous ce que jai cité sur ce courrier été communiqué à chaque fois à Madame [U] [GH] [X] afin de me protéger.».

Mme [P] a quant à elle ajouté : « lors d'un entretien avec Mme [G] (ACPR) elle m'a posé la question si ça se passait bien avec la directrice et je lui ai répondu oui mais c'était compliqué au qutidien de subir son humeur et son agressivité. Nous étions le bureau des pleurs de Mme [MI] ».

36. Contrairement à ce que soutient Mme [MI], le caractère mensonger de ces déclarations ne peut se déduire ni du fait que Mesdames [OU] et [P] ont mentionné par erreur ne pas avoir de lien de subordination avec l'association ni de l'identité de leurs propos : ces deux témoins travaillant manifestement dans le même bureau ont vécu les mêmes choses qu'elles relatent.

37.Par ailleurs, même si le rapport établi par l'ACPR prévention mentionne qu'il n'a pas pu, aux termes des entretiens réalisés retenir une ou des situations de harcèlement imputables à la directrice, il évoque néanmoins l'état de 'sidération' de certains salariés lors des 'coups de gueule' de Mme [MI], relevant une 'appréhension en venant travailler de savoir sur qui, quand et devant qui vont tomber les coups de gueule de la directrice'. Ces éléments confortent les attestations produites par l'association.

38. Les propos relatés dont les termes présentent un caractère injurieux et ne relèvent pas du droit de critique excèdent la liberté d'expression d'autant qu'ils ont été tenus par la directrice de l'association, obligée à une nécessaire neutralité et loyauté au regard de ses fonctions et auprès de salariés dont elle était le supérieur hiérarchique, et, en outre, dans un contexte où la gouvernance de l'association avait été fragilisée par le départ de son président mais aussi par la démission de plusieurs administrateurs.

39. Ces faits caractérisent une faute grave justifiant son licenciement sans qu'il soit, de ce fait nécessaire d'examiner les autres griefs invoqués.

Sur les demandes au titre du licenciement

Le licenciement de Madame [MI] étant justifié par une faute grave, celle-ci sera déboutée de ses demandes au titre de la mise à pied à titre conservatoire, du préavis, de l'indemnité de licenciement et des dommages et intérêts pour procédure vexatoire.

40. Mme [MI] sollicite le paiement de la somme de 36 630,54 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure vexatoire.

Elle invoque à ce sujet la souffrance qu'elle a subie du fait de l'ancien président en raison de son désaccord au sujet d'un salarié, M. [A], mais aussi, après le départ de M. [VV], les difficultés de gouvernance de l'association et le retrait soudain et irrégulier de ses prérogatives.

Elle soutient aussi que les journaux locaux 'ayant interrogé l'association' l'ont traîné dans la boue, ce qui lui a porté préjudice dans la recherche d'un nouvel emploi.

41. L'association conclut au rejet de cette demande en invoquant notamment le fait qu'ellle n'est pas à l'origine des articles parus dans la presse.

Réponse de la cour

42. La demande de Mme [MI] au titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire ne peut prospérer en ce qu'elle repose sur les conditions d'éxécution du contrat et non, sur les circonstances ayant entouré son licenciement.

Par ailleurs, la lecture des articles de presse produits par Mme [MI] permet de relever que les journalistes ayant contacté l'association se sont heurtés à un refus de sa présidente de commenter la situation de la salariée, les informations ayant été en partie données par M. [VV] alors qu'il n'était plus président de l'association.

43. Mme [MI] sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages et intérêts, ainsi que de celle présentée en paiement de 'frais d'effacement' des articles de presse pour les mêmes motifs.

Sur les autres demandes

44. La demande en paiement de Mme [MI] au titre des heures supplémentaires et des astreintes étant accueillie, les dépens seront mis à la charge de la procédure collective de l'ASERC et il sera alloué à Mme [MI] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La présente décision sera déclarée opposable à l'AGS-CGEA de [Localité 3], dans les limites légales et règlementaires de sa garantie, à l'exclusion des dépens et frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [MI] de ses demandes en paiement au titre des heures supplémentaires effectuées, de l'indemnisation de ses astreintes et de ses frais de déplacement et en ce qu'il l'a condamnée aux dépens,

Confirme le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Fixe la créance de Mme [MI] au passif de la liquidation de l'association socio-éducative de la région de [Localité 4] représentée par son liquidateur, la société [W] prise en la personne de Maître [E] [Z], aux sommes suivantes :

- 2 568,98 euros au titre des heures supplémentaires 2020 outre 256,90 euros brut pour les congés payés afférents,

- 1 368 euros au titre des astreintes du mois de janvier 2021,

- 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés,

Déclare la présente décision opposable à l'AGS-CGEA de [Localité 3], dans les limites légales et règlementaires de sa garantie, à l'exclusion des dépens et frais irrépétibles,

Dit que les dépens seront supportés par la liquidation judiciaire de l'association socio-éducative de la région de [Localité 4].

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par Evelyne gombaud, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Evelyne Gombaud Sylvie Hylaire

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