CA Lyon, 6e ch., 23 octobre 2025, n° 25/02327
LYON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Multiples (SAS)
Défendeur :
Lloyd's Insurance Company (Sté), L'Auxiliaire, Architecture & Cie, MAF, SIB (SARL), MAAF Assurances (SA), Service Industrie Etancheite - SIE (SAS), Socotec Construction (SAS), AXA France IARD (SA), AB2C (SARL), Euromaf, Allianz IARD (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Doat
Conseillers :
Mme Allais, Mme Robin
Avocats :
Me Laffly, Me Le Liepvre, Me Martineu, Me Ducrot, Me Ligier, Me Charvier, Me Tetreau, Me Vacheron, Me Poulet, Me Posta, Me Rose, Me Bourbonneux, Me Piras, Me Aguiraud, Me Bernier
Avocats :
SCP Jacques Aguiraud et Philippe Nouvellet, SELARL Barre-Le Gleut, SELARL Riva & Associes, SELARL C/M Avocats, SELARL PVBF, SELARL Ducrot Associes - DPA, SELARL Ligier & de Mauroy, SELARL Berthiaud et Associes, SELARL LX Lyon
FAITS, PROCEDURE ET DEMANDES DES PARTIES
Par acte notarié du 5 janvier 2013, M. [B] a vendu aux époux [D] et à la société Holding LBA une maison qu'il avait fait construire à [Localité 29].
Les époux [D] et la société Holding LBA, ayant constaté l'existence de désordres, ont demandé au juge des référés la désignation d'un expert, puis ils ont fait assigner M. [B], les constructeurs et leurs compagnies d'assurance devant le tribunal judiciaire de Lyon.
Par jugement en date du 6 février 2024, le tribunal judiciaire a condamné:
- in solidum M. [Y] [B], la société SIB [V] et son assureur la compagnie MAAF
- in solidum la société Architecture et Cie et son assureur la MAF, la société AB2C et son assureur, la compagnie Euromaf, la société Socotec et son assureur, la compagnie Axa, la société SIE et son assureur, la compagnie Allianz, et la société Azerbat et son assureur, la compagnie Allianz,
- in solidum la société Ovale Tech et son assureur, la compagnie l'Auxiliaire, et la société Socotec et son assureur, la compagnie Axa,
- in solidum M. [Y] [B] et son assureur, la compagnie MAAF, la société SIE et son assureur, la compagnie Allianz, la société Architecture et Cie et son assureur la MAF, la société AB2C et son assureur, la compagnie Euromaf, la société Socotec et son assureur, la compagnie Axa et la société Azerbat et son assureur, la compagnie Allianz,
- in solidum la société SIE et son assureur, la compagnie Allianz, la société Architecture et Cie et son assureur la MAF, la société AB2C et son assureur, la compagnie Euromaf, la société Socotec et son assureur, la compagnie Axa, la société SIB [V] et son assureur, la compagnie MAAF, la société Ovale Tech et son assureur, la compagnie l'Auxiliaire et la société Azerbat et son assureur, la compagnie Allianz,
à payer diverses sommes aux époux [D] et à la société Holding LBA au titre des travaux de remise en état des garde-corps, des travaux visant à faire cesser les travaux d'infiltration et d'humidité, des travaux de remise en état des désordres affectant les terrasses et les évacuations d'eaux pluviales, des travaux de remise en état des désordres affectant le système de VMC, des frais de sondage et d'inspection vidéo des canalisations.
Les parties défenderesses ont également été condamnées in solidum à payer aux époux [D] diverses sommes en réparation de leur préjudice de jouissance et de leur préjudice moral.
Le tribunal a rejeté 'toutes autres demandes', c'est à dire les demandes des époux [D] et de la société Holding LBA en réparation des surcoûts résultant de la double résidence et de la perte d'indemnité d'occupation et la demande de réparation de la perte de la valeur vénale du bien immobilier.
La société Holding LBA a fait l'objet d'une fusion-absorption au profit de la société Multiples, le 18 novembre 2021 avec effet au 22 décembre 2021, soit avant le prononcé du jugement dont appel. Elle a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 6 janvier 2022.
La société AB2C a fait signifier le jugement à M. et Mme [D] et à la société Multiples, par actes du 19 mars 2024.
Les époux [D] et la société Holding LBA ont interjeté appel de toutes les dispositions de ce jugement par deux déclarations des 15 et 16 avril 2024 (enregistrées sous les numéros
24 /03275 et 24/03342).
La société Multiples déclarant venir aux droits de la société Holding LBA, a formé appel contre le jugement, le 12 juillet 2024. Cet appel a été enregistré sous le numéro 24/05769.
La société Lloyds Insurance Company a saisi le conseiller de la mise en état d'un incident, aux fins de voir :
- déclarer nulle la déclaration d'appel formée par la société Holding LBA pour défaut de capacité d'ester en justice
- déclarer irrecevable comme étant forclos l'appel interjeté par la société Multiples.
Par ordonnance en date du 5 mars 2025, le conseiller de la mise en état a :
- déclaré irrecevable l'appel interjeté les 15 et 16 avril par la société Holding LBA
- rappelé que cette irrecevabilité n'affecte pas l'appel de M. et Mme [D]
- déclaré nulles les déclarations d'appel de la société Holding LBA des 15 et 16 avril 2024
- rappelé que cette nullité n'affecte pas l'appel de M. et Mme [D]
- déclaré irrecevable l'appel interjeté le 12 juillet 2024 par la société Multiples
- condamné la société Multiples aux dépens et à payer la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à :
la société Lloyd's Insurance Company
la société AB2C
la Mutuelle des Architectes français et Euromaf
la MAAF
l'Auxiliaire
la société Socotec
M. [Y] [B].
La société Multiples a déféré cette ordonnance devant la cour, par requête en date du 19 mars 2025.
Par conclusions notifiées le 10 septembre 2025, elle demande à la cour :
- de recevoir sa requête
- d'infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a déclaré irrecevable l'appel interjeté les 15 et 16 avril 2024 par la société Holding LBA, déclaré irrecevable l'appel interjeté par elle le 12 juillet 2024, l'a condamnée à payer une indemnité de procédure aux défenderesses à l'incident, a rejeté toute autre demande et a rappelé que le dossier n° 24/05769 est terminé informatiquement du fait de la jonction et qu'il n'y a plus lieu d'y notifier des messages RPVA
statuant à nouveau,
- de déclarer recevable son appel interjeté le 12 juillet 2024
- de confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a déclaré nuls les appels de la société Holding LBA des 15 et 16 avril 2024
en tout état de cause,
- de condamner in solidum les sociétés Lloyd's Insurance Company, MAF, Euromaf et AB2C à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Dans ses dernières conclusions sur déféré notifiées le 15 septembre 2025, la société Lloyd'Insurance Company demande à la cour :
- de confirmer l'ordonnance
- de condamner la société Multiples à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens.
Par conclusions sur déféré notifiées le 1er septembre 2025, la société AB2C demande à la cour:
- de confirmer l'ordonnance
- de condamner la société Multiples à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Par conclusions sur déféré notifiées le 9 septembre 2025, les sociétés Socotec Construction et Axa France IARD demandent à la cour :
- de confirmer l'ordonnance
- de rejeter les demandes de la société Multiples
- de condamner la société Multiples ou qui mieux le devra à leur payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions sur déféré notifiées le 9 septembre 2025, M. [B] demande à la cour :
- de confirmer l'ordonnance
- de rejeter toutes les demandes formées par la société Multiples à son encontre
- de condamner la société Multiples ou qui mieux le devra à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'incident.
Par conclusions sur déféré notifiées le 11 septembre 2025, la société Architecture et Cie demande à la cour :
- de confirmer l'ordonnance
- de condamner la société Multiples à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Dans ses dernières conclusions sur déféré notifiées le 12 septembre 2025, la société l'Auxiliaire (assureur de la société Ovale Tech) demande à la cour :
- de confirmer l'ordonnance
- de condamner la société Multiples à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Dans ses dernières conclusions sur déféré notifiées le 12 septembre 2025, la société MAAF Assurances (assureur de la société SIB) demande à la cour :
- de confirmer l'ordonnance
- de condamner la société Multiples à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Par conclusions sur déféré notifiées le 12 septembre 2025, les sociétés Mutuelle des Architectes Français (MAF) et Euromaf, en leur qualité d'assureurs respectifs des sociétés Architecture et Compagnie et AB2C, demandent à la cour:
- de déclarer irrecevable le déféré formé par la société Multiples en ses critiques visant les chefs du dispositif de l'ordonnance relatifs aux actes de la société Holding LBA
- de confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a déclaré irrecevables les appels de la société Holding LBA et Multiples
en tout état de cause,
- de rejeter la demande de la société Multiples à leur encontre sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- de condamner la société Multiples à leur payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
SUR CE :
Sur la recevabilité du déféré
Le présent déféré est recevable comme ayant été formé dans le délai de quinze jours de l'ordonnance critiquée.
Par ailleurs, la société Multiples a seule qualité à former le déféré, puisque la société Holding LBA n'a plus de personnalité morale, et elle a donc seule qualité à demander l'infirmation des dispositions de l'ordonnance qui lui causent grief.
Sur le bien-fondé du déféré
La société Multiples expose qu'à la date de l'appel, la société Holding LBA ne disposait plus de la personnalité morale du fait de la fusion-absorption à son profit et qu'elle n'avait plus capacité à ester en justice, ce qui constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l'acte, en application de l'article 117 du code de proécdure civile, de sorte que son acte d'appel ne pouvait qu'être déclaré nul et non pas irrecevable.
Elle soutient que l'acte d'appel affecté d'une nullité, de forme comme de fond, est interruptif du délai d'appel et donc régularisable, que ce soit en cours de procédure, comme au cas présent, ou après le prononcé même de la nullité en appel.
Elle ajoute toute nullité est interruptive du délai de forclusion de l'appel autorisant ainsi un nouvel appel à compter de la décision qui prononce la nullité et toute nullité est régularisable au cours d'une même procédure quand bien même le jugement aurait été signifié et le délai d'appel expiré, puisque la régularisation de la nullité est possible jusqu'à ce que le juge statue, conformément à l'article 121 du code de procédure civile.
Elle précise qu'au cas présent, la régularisation de la déclaration d'appel nulle a été effectuée par une nouvelle déclaration d'appel et non par une intervention volontaire.
Elle soutient que la société absorbante étant la continuation de la société absorbée, elle (la société Multiples) a bénéficié de l'effet interruptif de la nullité des déclarations d'appel formées par la société Holding LBA et que l'appel qu'elle a interjeté le 12 juillet 2024 l'a été pendant que son délai était interrompu et donc dans le délai d'appel.
Les sociétés défenderesses au déféré font valoir que :
- la société absorbée a agi après son absorption ce qui rend toute action irrecevable et engendre la nullité des actes de procédure
- l'appel formé par la société Holding LBA est irrecevable, puisque cette société n'avait plus d'existence à la date de l'appel
- l'irrégularité tirée de l'inexistence juridique de la personne qui agit ne peut jamais être couverte par l'intervention de la société absorbante
- la société Multiples ne peut bénéficier de l'effet interruptif de la déclaration d'appel de la société Holding LBA
- l'appel de la société Multiples, interjeté plus d'un mois après la signification qui lui a été faite du jugement, est irrecevable.
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Le délai de forclusion pour saisir la cour d'appel devient, par l'effet de la transmission de ses droits par la société absorbée, opposable à la société absorbante, qui acquiert de plein droit, à la date de l'assemblée générale ayant approuvé l'opération de fusion-absorption, la qualité pour poursuivre les instances engagées par la société absorbée.
En l'espèce, la société Multiples, qui avait recueilli la capacité pour agir de la société Holding LBA dès la date du 22 décembre 2021, avait seule qualité pour interjeter appel du jugement en date du 6 février 2024.
Du reste, c'est bien à cette société que le jugement a été signifié le 19 mars 2024.
Le conseiller de la mise en état a ainsi exactement relevé qu'à la date des 15 et 16 avril 2024, la société Holding LBA n'existait plus et n'avait donc plus qualité pour agir et pour interjeter appel, de sorte que son appel était irrecevable.
Dès lors que la société Multiples absorbante n'a interjeté appel du jugement que postérieurement à l'expiration du délai d'un mois à compter de la signification du 19 mars 2024, son appel doit être déclaré irrecevable.
Il résulte des articles 117 et 121 du code de procédure civile qu'une procédure engagée par une partie dépourvue de personnalité juridique est entachée d'une irrégularité de fond qui ne peut être couverte.
Si l'on se situe sur le terrain de la nullité de fond pour défaut de capacité d'ester en justice, l'appel interjeté par la société Holding LBA absorbée n'a pas pu interrompre le délai d'appel au profit de la société absorbante jusqu'à ce que le conseiller de la mise en état statue, peu importe qu'une nouvelle déclaration d'appel et non une intervention volontaire ait été formée par ladite société.
L'ordonnance du conseiller de la mise en état est confirmée, les déclarations d'appel de la société Hoding LBA pouvant à la fois être déclarées irrecevables et nulles pour les motifs ci-dessus, confirmant ceux de l'ordonnance déférée.
L'ordonnance est également confirmée en ses dispositions relatives aux dépens et à l'indemnité de procédure.
Au titre du présent déféré, la société Multiples est condamnée à payer à chacune des sociétés qui seront précisées au dispositif une indemnité de procédure de 500 euros.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement :
DECLARE recevable la requête en déféré
CONFIRME l'ordonnance
CONDAMNE la société Multiples aux dépens du présent déféré
CONDAMNE la société Multiples à payer à chacune des personnes suivantes :
la société Lloyd's Insurance Company
la société AB2C
la Mutuelle des Architectes français et Euromaf
la MAAF
l'Auxiliaire
la société Socotec
M. [Y] [B],
une somme de 500 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre du présent déféré.