CA Aix-en-Provence, ch. 1-2, 23 octobre 2025, n° 25/03899
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Procim (SCI)
Défendeur :
Valbarelle 191 (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pacaud
Conseillers :
Mme Mogilka, Mme Reparaz
Avocats :
Me Reyne, Me Ollier, Neymon
EXPOSE DU LITIGE :
La société Procim est une société civile immobilière (SCI) qui a pour objet « la propriété, l'administration, l'alinéation, (') l'exploitation par bail ou location des immeubles de la société ». Elle est propriétaire de nombreux immeubles sur la commune de [Localité 7]. Son activité a débuté le 16 juillet 1987.
Suivant les statuts de 2001, son capital était réparti entre les différents membres de la famille [B] et de la famille [D] à savoir :
- Mme [S] [B] : 445 parts ;
- Mme [R] [B] épouse [D] : 430 parts ;
- M. [I] [B]: 445 parts ;
- M. [E] [D]: 55 parts ;
- M. [F] [D]: 112 parts ;
- M. [P] [D]: 113 parts.
Par actes de cession en date des 4, 23, 25 février 2021 et 1er juin 2021, MM. [F] et [P] [D] ont vendu leurs parts dans la société Procim à la société civile Valbarelle 191.
Les actes de cession de parts ont été signifiés à la société Procim par actes de commissaire de justice en date du 19 mars 2021.
Depuis, le capital social est réparti de la manière suivante :
- Mme [S] [B] : 445 parts ;
- M. [I] [B] : 445 parts ;
- Mme [R] [B] épouse [D] : 430 parts ;
- M. [E] [D] : 55 parts ;
- la société Valbarelle 191 : 225 parts.
La gérance de la société est assurée, depuis 1999, par M. [I] [B].
Par actes de commissaire de justice en date des 21, 29 et 30 juin 2021, M. [I] [B], Mme [S] [B] et la société Procim ont engagé une instance, devant le tribunal judiciaire de Marseille, aux fins d'obtenir la nullité des cessions de parts successives de MM. [F] et [P] [D] au profit de la société Valbarelle 191 en raison de man'uvres frauduleuses pour obtenir l'agrément d'un nouvel associé au détriment des autres associés de la société Procim, outre la nullité de l'assemblée générale extraordinaire du 30 mars 2015.
Par jugement en date du 19 décembre 2023, le tribunal judiciaire de Marseille a débouté la société Procim, M. [I] [B] et Mme [S] [B] de leurs demandes. Ces derniers ont interjeté appel de cette décision, l'appel étant toujours en cours.
Par acte de commissaire de justice en date du 27 février 2024, Mme [R] [D], M. [E] [D] et la société Valbarelle 191 ont fait assigner la société Procim, devant le président du tribunal judiciaire d'Aix en Provence, statuant en référé, aux fins d'obtenir une mesure d'expertise en vue de faire procéder à un audit des comptes de la société sur les exercices 2015 à 2023 et établir un rapport de gérance.
Par ordonnance contradictoire en date du 25 février 2025, le président du tribunal judiciaire d'Aix en Provence, statuant en référé, a :
- ordonné une expertise et commis pour y procéder M. [V] [U], avec pour mission de :
- se rendre sur place et se faire communiquer tous les éléments nécessaires à la mission ;
- prendre connaissance de tous les documents sociaux, et tous les documents en ce compris tous les bilans, comptes de résultat, procès-verbaux d'assemblée générales et quittances de loyers, contrats de bail et justificatifs d'impôts fonciers et plus largement de tous documents liés à la gérance de la société Procim de 2015 à 2023, et en conséquence : au vu des comptes et documents présentés de la société Procim sur les exercices 2015 (exercice d'entrée au capital de la société Valbarelle 191) à 2023 :
- vérifier la correcte application des baux en vigueur au cours de chaque exercice et s'assurer de la juste refacturation des charges locatives, notamment sur les dépenses d'eau, d'électricité, d'entretien et la taxe foncière ;
- chiffrer si justifié l'impact des anomalies constatées sur le résultat de chaque exercice ;
- vérifier si la TVA déductible est correctement récupérée et chiffrer si justifié l'impact des erreurs commises au regard de l'existence de baux d'habitation non soumis à TVA et de baux professionnels soumis à TVA ;
- s'assurer de la parfaite comptabilisation des dépenses de travaux et de leur juste affectation entre immobilisations et charges d'exploitation ;
- établir un rapport précis et détaillé sur la gérance de la société Pocim, et notamment :
- définir les missions qui incombent M. [I] [B] en sa qualité de gérant et justifier le montant de sa rémunération et la prise en charge de ses frais de mission ;
- analyser le contrat de gestion et la mission confiée à l'agence Bleu Immo et donner son avis sur la rémunération du gérant ;
- indiquer si la gestion a été effectuée conformément aux règles d'usage ;
- dire si la gestion de la société Procim a causé un préjudice aux associés minoritaires ;
- justifier de l'utilisation du parking de 900m² loué par la société à Mme [J] [T] ;
- dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dit qu'en l'état, les dépens sont à la charge des demandeurs ;
- débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Ce magistrat a, notamment, considéré que :
- la société Valbarelle 191, M. [E] [D] et Mme [R] [D] disposaient d'un intérêt légitime à obtenir une mesure d'expertise dans la mesure où suivant l'expertise amiable de M. [A], il existait des risques fiscaux et des interrogations demeuraient, s'agissant notamment de l'affectation des dépenses de travaux et d'immobilisations ou encore de la dépense de location d'un parking au cabinet de gestion Bleu Immo ;
- les formalités d'enregistrement nécessitaient une analyse approfondie de la régularité de la cession des parts sociales et des formalités accomplies au greffe, ce qui ne relevait pas du juge des référés ;
- la transmission des documents relatifs à la déclaration des bénéficiaires effectifs demandée par la banque ne présentait aucun caractère obligatoire défini dans la loi.
Par deux déclarations transmises le 31 mars 2025, la société Procim a interjeté appel de la décision, l'appel visant à la critiquer en ce qu'elle a :
- ordonné une expertise en désignant M. [V] pour y procéder avec la mission visée dans ladite ordonnance ;
- débouté la société Procim de sa demande de condamnation de M. [E] [D] et Mme [R] [D] à transmettre sous astreinte les documents relatifs à la déclaration des bénéficiaires effectifs et de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance end ate du 4 avril 2025, les deux instances ont été jointes.
Par conclusions transmises le 29 août 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la société Procim demande à la cour de :
- infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a ordonné une expertise et rejeté la demande de condamnation M. [E] [D] et Mme [R] [D] à transmettre sous astreinte les documents relatifs à la déclaration des bénéficiaires effectifs ;
Statuant à nouveau,
- rejeter la demande d'expertise ;
- condamner M. [E] [D] et Mme [R] [D] à lui transmettre les documents relatifs à la déclaration des bénéficiaires effectifs : carte d'identité en cours de validité, justificatif domicile (de moins de 3 mois) et dernier avis d'imposition dans les 15 jours de la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
- condamner les requis au paiement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
- débouter la société Valabrelle 191 de son appel incident et rejeter la demande d'enregistrement au greffe ;
- confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle l'a débouté de ses demandes d'enregistrement au greffe.
Au soutien de ses prétentions, la société Procim expose, notamment, que :
- l'absence de versement des dividendes n'est qu'un prétexte pour obtenir une mesure d'expertise dans la mesure où ils n'ont jamais été distribués où les parts de M. [E] [D] Mme [R] [D] sont nanties et où ceux-ci sont débiteurs envers la société de sorte qu'en cas de distribution, les dividendes seront affectés au remboursement des dettes ;
- la mauvaise gestion invoquée n'est qu'une man'uvre pour répondre aux procédures engagées précédemment ;
- la gestion opaque et partiale par les associés majoritaires n'est pas établie ;
- le risque fiscal est inexistant car elle a appliqué correctement la règlementation pour les baux en vigueur, facturé les charges locatives et le taux de TVA déductible et effectué la répartition entre charges d'exploitation et immobilisation ;
- la gestion est conforme à l'intérêt social en ce que les missions du gérant et de la société Bleu Immo sont bien distinctes, que les dépenses de travaux sont justifiées et que le parking était utile même si la location a été résiliée par la bailleresse ;
- les documents relatifs à la déclaration des bénéficiaires demandée par la banque ne lui ont pas été transmis, ce qui la met en difficulté par rapport à l'établissement bancaire et au bon fonctionnement des comptes sociaux ;
- le jugement afférent à la nullité des cessions des parts sociales ayant fait l'objet d'un appel, elle ne peut procéder aux formalités d'enregistrement.
Par conclusions transmises le 1er août 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la société Valbarelle 191, M. [E] [D] et Mme [R] [D] demandent à la cour de :
- confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions sauf en ce qu'elle a débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
- infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
Statuant à nouveau,
- déclarer la demande de la société Valbarelle 191 recevable et bien fondée ;
- ajouter à la mission de l'expert les chefs suivants :
- dire s'il existe une procédure de mise en concurrence des entreprises avant d'engager des dépenses de travaux et d'entretien ;
- ajouter les comptes 2024 de la société Procim dans le champ de l'expertise, tels que joints au projet de résolutions de l'assemblée générale ordinaire du 30 juin 2025 ;
- plus généralement faire toutes constatations utiles et faire part des anomalies comptables et fiscales constatées ;
- ordonner que l'expert puisse se rendre en tous lieux utiles, si besoin avec le concours de la
force publique, et notamment au siège de la société Procim ou sur le terrain loué par Mme [J] [T] à la société Procim ;
- condamner la société Procim à publier au greffe du tribunal de commerce compétent toutes les cessions de parts sociales intervenues entre [F], [P] [D] et la société Valbarelle 191, sous 15 jours à compter la signification de la décision ;
- assortir cette obligation d'une astreinte de 100 euros par jour de retard ;
En tout état de cause ;
- rejeter les prétentions de la société Procim pour le surplus ;
- condamner la société Procim au paiement de la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
A l'appui de leurs demandes, la société Valbarelle 191, M. [E] [D] et Mme [R] [D] font, notamment, valoir que :
- M. [I] [B] et Mme [S] [B], majoritaires, ont vraisemblablement une gestion de la société dans leur seul intérêt puisque les dividendes n'ont jamais été distribués, le salaire du gérant est « généreux » et celui-ci mandate son épouse pour la gestion des biens de la société et lui loue un parking qui apparaît peu utile ;
- la société Valbarelle a exercé son droit d'information à deux reprises pour obtenir des informations sur la gestion et mandaté à cette fin un expert ;
- suivant les conclusions de l'expert, M. [A], il existe des irrégularités comptables et de nombreuses questions sur la gérance se posent ;
- en l'absence de réponse à leur interrogation de la part de la société Procim, ils justifient d'un intérêt légitime à voir ordonner une mesure d'expertise.
Ils précisent que :
- l'opacité des gestionnaires et associés majoritaires ne permet pas de comprendre les choix stratégiques de la société ;
- les dividendes ne sont pas versés alors que la société n'a aucun emprunt à rembourser et a à bail 18 lots ;
- la situation de tension entre les associés n'est pas propice à la résolution du conflit qui perdure depuis plusieurs années ;
- la société Procim a empêché la finalisation de l'audit confié à M. [A], notamment, en s'opposant à la visite des lieux ou à une rencontre avec le gérant ou la responsable du cabinet Bleu Immo en charge de la gestion ;
- les charges ont augmenté significativement sans explication de manière plus importante que les recettes corrélatives ;
- malgré l'augmentation du chiffre d'affaires, le résultat fiscal est presque identique depuis 8 ans et même négatif en 2020 ;
- la société Procim a signé un contrat de mandat avec la société Bleu Immo qui est gérée par l'épouse de M. [I] [B] mais ne communique pas le dit contrat conformément à son devoir de transparence ;
- tout porte à croire que les fonctions du gérant de la société Procim et l'exercice du mandat de son épouse font doublon ;
- la salaire du gérant a été augmenté ;
- la société Procim loue un parking auprès de la société Bleu Immo dont l'utilité et la conformité à l'intérêt social posent question ;
- la procédure de convention réglementée pour la signature de la location du parking n'est pas intervenue ;
- étonnamment, cette location a pris fin en cours d'instance.
Ils exposent encore que :
- la société Procim n'a toujours pas enregistré la cession des parts sociales au greffe et procédé aux changements statutaires qui s'imposent ;
- ils sont prêts à transmettre les documents nécessaires pour permettre l'enregistrement au greffe.
L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance en date du 2 septembre 2025.
MOTIFS DE LA DECISION :
- Sur la demande d'expertise :
Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution du litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
Pour que le motif de l'action soit légitime, il faut et il suffit que la mesure soit pertinente et qu'elle ait pour but d'établir une preuve dont la production est susceptible d'influer sur la solution d'un litige futur ayant un objet et un fondement précis et non manifestement voué à l'échec.
Dès lors, le demandeur à la mesure doit justifier d'une action en justice future, sans avoir à établir l'existence d'une urgence. Il suffit qu'il justifie de la potentialité d'une action pouvant être conduite sur la base d'un fondement juridique suffisamment déterminé et dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée, à condition que cette mesure soit possible. Il ne lui est pas demandé de faire connaître ses intentions procédurales futures. Il lui faut uniquement établir la pertinence de sa demande en démontrant que les faits invoqués doivent pouvoir l'être dans un litige éventuel susceptible de l'opposer au défendeur, étant rappelé qu'au stade d'un référé probatoire, il n'a pas à les établir de manière certaine.
Il existe un motif légitime dès lors qu'il n'est pas démontré que la mesure sollicitée serait manifestement insusceptible d'être utile lors d'un litige ou que l'action au fond n'apparaît manifestement pas vouée à l'échec.
En l'espèce, la société Valbarelle 191, M. [E] [D] et Mme [R] [D] versent aux débats un compte rendu d'analyse de la situation comptable de la société Procim à l'issue de l'exercice 2022, rédigé par M. [I] [A], expert-comptable, qu'ils ont mandaté.
Ce dernier a relevé plusieurs difficultés :
- d'un point de vue fiscal, il retient que deux baux prévoient un assujettissement à la TVA mais que la taxe n'a pas été appelée auprès des locataires, que l'absence d'identification des dépenses engagées par lot ne permet pas de s'assurer de la correcte récupération de la TVA et inversement de l'éventuelle récupération de TVA sur les locaux d'habitation, que l'application d'un pro rata sur les dépenses communes n'est pas faite et que certaines dépenses comptabilisées en charges auraient dû être comptabilisées en immobilisations ;
- d'un point de vue gestion, il retient que les éléments communiqués ne permettent pas de s'assurer de la refacturation de la taxe foncière récupérable, que la taxe d'enlèvement des ordures ménagères n'a pas été récupérée auprès des locataires d'habitation, que certaines charges d'entretien refacturables aux locataires ne l'ont pas été, qu'il en est de même de la consommation d'eau et qu'il n'est pas procédé à une mise en concurrence des entreprises pour la réalisation des travaux engagés par la société Procim.
Par ailleurs, M. [A] indique qu'en l'absence de communication du contrat de gestion du cabinet Bleu Immo, il n'a pu connaître l'étendue de la mission de ce cabinet et comprendre la nature de la mission du gérant de la société Procim, que n'ayant pas pu visiter les locaux, il n'est pas en mesure de justifier l'utilisation du terrain loué à titre de parking et qu'il n'a pas pu justifier la nature des travaux mentionnés en immobilisation ni vérifier la correcte récupération de TVA et l'éventuelle refacturation possible aux locataires concernés, en l'absence de transmission des factures.
Ainsi, suivant cette analyse, il existe un risque fiscal, des problématiques sur la gestion et plusieurs points n'ont pu être vérifiés en l'absence de communication de pièces par la société Procim malgré la demande de l'expert-comptable mandaté par la société Valbarelle 191, M. [E] [D] et Mme [R] [D].
Certes, dans le cadre de cette instance, la société Procim produit désormais le mandat de gérance de Bleu Immo, des avis d'échéances pour les deux baux commerciaux comportant un assujettissement à la TVA, une lettre de calcul de l'impôt foncier et justifie de la résiliation du contrat de location portant sur le parking. Elle verse aussi aux débats une lettre de M. [N] [L], expert-comptable de la société.
Cependant, d'une part, l'intégralité des pièces non communiquées pointées par M. [A] n'a pas été transmise aux intimés ou versée aux débats. D'autre part, M. [L] fournit des explications sur les deux baux commerciaux avec assujettissement à la TVA mais n'exclut pas totalement le risque fiscal qu'il qualifie de « pratiquement nul ou non significatif » et le courrier ne comporte pas d'explication sur les autres risques fiscaux retenus par M. [A].
La société Procim n'apporte donc pas d'élément suffisant pour écarter les difficultés soulevées par M. [A] au cours de son analyse de l'exercice 2022.
Par ailleurs, la société Valbarelle 191, M. [E] [D] et Mme [R] [D] soulignent les tensions existantes entre les différents associés et les difficultés à obtenir des explications sur la gestion, notamment sur la pratique de l'absence de versement de dividendes, ce qui résulte très clairement des différents échanges entre les parties figurant dans leur dossier respectif et des procédures engagées.
Dans le cadre procédural du référé tendant à obtenir une mesure d'expertise avant tout procès, le juge n'a pas à se prononcer sur l'existence ou pas d'une faute de gestion, il doit uniquement apprécier le motif légitime pour ordonner une telle mesure.
Il appartiendra au juge du fond, le cas échéant, de dire si des fautes ont été commises ou non dans la gestion de la société Procim de sorte que l'action que les intimés envisagent d'engager ne peut, au stade du référé, être considérée comme manifestement vouée à l'échec.
En l'état, la société Valbarelle 191, M. [E] [D] et Mme [R] [D] disposent d'un intérêt manifeste à voir ordonner une mesure d'expertise pour vérifier les difficultés précitées.
Dès lors, l'ordonnance déférée doit être confirmée en ce qu'elle a ordonné une mesure d'expertise.
La mission confiée à l'expert doit aussi être confirmée sauf en ce qu'il y a lieu de :
- l'étendre aux comptes de l'année 2024, l'exercice étant désormais clos ;
- prévoir que l'expert dise s'il existe une procédure de mise en concurrence des entreprises avant d'engager des dépens de travaux et d'entretien, eu égard à l'analyse de M. [A] qui souligne ce point de gestion.
La société Valbarelle 191, M. [E] [D] et Mme [R] [D] demandent aussi la possibilité pour l'expert de se rendre en tous lieux utiles, si besoin avec le concours de la force publique. Cependant, l'expertise sollicitée porte sur des pièces à caractère comptable et la société Procim a l'obligation de mettre à disposition de l'expert tout document qu'il estimera utile.
Il n'y a donc pas lieu de procéder à une extension de la mission de ce chef.
Il en est de même de la demande tendant à voir préciser que l'expert pourra faire toutes constatations utiles et faire part des anomalies comptables et fiscales constatées dans la mesure où la mission de l'expert prévoit que celui-ci doit indiquer si la gestion a été effectuée conformément aux règles d'usage, ce qui intègre de facto le signalement des anomalies.
- Sur la demande de transmission de pièces :
Aux termes de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution d'une obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
L'absence de contestation sérieuse implique l'évidence de la solution qu'appelle le point contesté. Il appartient au demandeur d'établir l'existence de l'obligation qui fonde sa demande tant en son principe qu'en son montant ou ses modalités d'exécution, celle-ci n'ayant alors d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.
Le juge des référés peut ordonner la communication de pièces sur le fondement des dispositions de l'article 835 alinéa 2 précité du code de procédure civile lorsqu'il s'agit d'une obligation ou sur le fondement de l'article 145 de ce même code, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution du litige.
En l'espèce, la société Procim ne précise pas le fondement juridique de sa demande de communication des pièces d'identité, des justificatifs de domicile et des derniers avis d'imposition de M. [E] [D] et Mme [R] [D]. Elle indique que ces pièces sont relatives à la déclaration des bénéficiaires effectifs et sollicitées par la banque.
Compte tenu de cette explication et en l'absence de toute référence à un motif légitime et un procès futur, la cour considère que la demande de production de pièces présentée par la société Procim est fondée sur l'obligation de produire et donc les dispositions de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile.
Cependant, la société Procim n'explicite nullement le fondement de l'obligation pour M. [E] [D] et Mme [R] [D] de produire, outre une pièce d'identité qui figure à leur dossier, un justificatif de domicile et leur dernier avis d'imposition.
Le premier juge a, à juste titre, souligné l'absence de caractère obligatoire défini par la loi et débouté la société Procim de sa demande de transmission de documents.
L'ordonnance déférée doit donc être confirmée de ce chef de demande.
- Sur la publication des cessions de parts sociales :
En vertu de l'article 1865 du code civil, la cession de parts sociales doit être constatée par écrit. Elle est rendue opposable à la société dans les formes prévues à l'article 1690 ou, si les statuts le stipulent, par transfert sur les registres de la société. Elle n'est opposable aux tiers qu'après accomplissement de ces formalités et après publication au registre du commerce et des sociétés ; ce dépôt peut être effectué par voie électronique.
En l'espèce, il convient de rappeler que statuant sur appel d'une ordonnance de référé, la cour demeure 'juge du provisoire'.
Aussi, la demande de publication des cessions de parts sociales qui présente un caractère définitif ne relève pas des pouvoirs du juge des référés.
En tout état de cause, les cessions des parts sociales intervenues entre MM. [F], [P] [D] et la société Valbarelle 191 sont contestées par la société Procim. Même si le tribunal judiciaire de Marseille a rejeté la contestation de cette dernière dans son jugement du 19 novembre 2023, un appel a été interjeté et la cour, dans une autre composition, est saisie. Il lui appartiendra de statuer sur ce point.
Ainsi, une contestation sérieuse doit être retenue.
Par conséquent, il convient de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a débouté MM. [F], [P] [D] et la société Valbarelle 191 de leur demande tendant à obtenir la publication des cessions de parts sociales.
- Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :
Il convient de rappeler que la partie défenderesse à une demande d'expertise ordonnée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ne peut être considérée comme la partie perdante au sens des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile et ce, même si l'expertise a été ordonnée.
L'ordonnance déférée doit être confirmée en ce qu'elle a condamné la société Valbarelle 191, M. [E] [D] et Mme [R] [D] aux dépens de l'instance et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'équité commande de ne pas faire application de ces mêmes dispositions en cause d'appel.
La société Valbarelle 191, M. [E] [D] et Mme [R] [D] doivent, en outre, supporter in solidum les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Dit que la mesure d'expertise doit aussi porter sur les comptes de l'année 2024 ;
Dit que l'expert devra indiquer s'il existe une procédure de mise en concurrence des entreprises avant d'engager des dépens de travaux et d'entretien ;
Dit n'y avoir lieu de prévoir que l'expert pourra se rendre en tous lieux utiles, si besoin avec le concours de la force publique, et faire toutes constatations utiles et faire part des anomalies comptables et fiscales constatées ;
Déboute les parties de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum la société Valbarelle 191, M. [E] [D] et Mme [R] [D] aux dépens d'appel.