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Cass. com., 5 novembre 2025, n° 23-10.763

COUR DE CASSATION

Autre

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Iviflo (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

M. Thomas

Avocat général :

M. Lecaroz

Avocats :

SCP Célice, Texidor, Périer, SARL Thouvenin, Coudray et Grévy

Paris, du 17 novembre 2022

17 novembre 2022

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 novembre 2022), la société à responsabilité limitée Iviflo (la société Iviflo) a été créée en 2007 par MM. [E] et [X], qui détenaient respectivement 60 % et 40 % de ses parts.

3. Lors de l'assemblée générale extraordinaire du 24 juin 2020, une résolution portant sur une augmentation de capital en numéraire de la société a été adoptée à la majorité de 60 % des voix, M. [X] ayant voté contre.

4. Le 9 novembre 2020, M. [X] a assigné la société Iviflo et M. [E] aux fins, notamment, de voir prononcer la nullité des résolutions ainsi adoptées.

5. Par un jugement du 22 février 2023, la société Iviflo a été mise en redressement judiciaire, la société [O], en la personne de M. [O], étant désignée en qualité d'administrateur, avec mission d'assistance, et la société BDR, en la personne de M. [J], en qualité de mandataire judiciaire.

6. M. [O] est intervenu, ès qualités, à la procédure aux côtés de la société Iviflo.

Examen des moyens

Sur les seconds moyens, pris en leur seconde branche, des pourvois n° 23-10.763 et 23-12.302, rédigés en termes identiques, réunis

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur les premiers moyens des pourvois n° 23-10.763 et 23-12.302, rédigés en termes identiques, réunis

Enoncé du moyen

8. La société Iviflo et M. [O], ès qualités, d'une part, M. [E], d'autre part, font grief à l'arrêt de prononcer la nullité des résolutions adoptées lors de l'assemblée générale extraordinaire du 24 juin 2020 relative à l'augmentation de capital de la société Iviflo ainsi que des actes subséquents réalisés en exécution desdites résolutions, incluant la souscription à l'augmentation de capital effectuée par M. [E], et d'ordonner qu'il soit en conséquence procédé à la modification des statuts et à l'accomplissement des formalités requises auprès du greffe, alors « qu'en vertu de l'article L. 223-30, deuxième alinéa, du code de commerce, les modifications statutaires des sociétés à responsabilité limitée autres que le changement de la nationalité de la société sont décidées par les associés représentant au moins les trois quarts des parts sociales et toute clause exigeant une majorité plus élevée est réputée non écrite ; que, toutefois, selon le troisième alinéa du même article, pour les modifications statutaires des sociétés à responsabilité limitée constituées après la publication de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, l'assemblée ne délibère valablement que si les associés présents ou représentés possèdent au moins, sur première convocation, le quart des parts et, sur deuxième convocation, le cinquième de celles-ci, et à défaut de ce quorum, la deuxième assemblée peut être prorogée à une date postérieure de deux mois au plus à celle à laquelle elle avait été convoquée ; que selon ce même alinéa, dans l'un ou l'autre de ces deux cas, les modifications sont décidées à la majorité des deux tiers des parts détenues par les associés présents ou représentés, les statuts pouvant prévoir des quorums ou une majorité plus élevés, sans pouvoir, pour cette dernière, exiger l'unanimité des associés ; qu'il ressort de la combinaison de ces dispositions que, pour l'adoption des résolutions augmentant le capital des sociétés à responsabilité limitée constituées après la publication de la loi du 2 août 2005, les associés peuvent licitement convenir dans les statuts de règles de majorité moins élevées que celle des deux tiers ; qu'en l'espèce, pour dire qu'étaient annulables les résolutions prises lors de l'assemble générale extraordinaire du 24 juin 2020 relatives à l'augmentation de capital de la société Iviflo, adoptées à la majorité de 60 % des parts sociales, la cour d'appel a retenu qu'était illicite l'article 8 des statuts de cette société prévoyant que le capital de la société pourrait être augmenté par décision "représentant au moins la moitié des parts sociales", le législateur ayant entendu "prévoir des règles de vote plus contraignantes quand les règles constitutives de la société sont en discussion" en imposant un seuil minimal correspondant aux deux tiers des parts sociales ; qu'en statuant de la sorte, quand l'article L. 223-30 du code de commerce ne prohibe pas les clauses statutaires prévoyant des règles de majorité moins élevées que celle des deux tiers des parts sociales pour adopter valablement les modifications des statuts d'une société à responsabilité limitée, la cour d'appel a violé cette disposition, ensemble l'article 1134 du code civil. »

Réponse de la Cour

9. Il résulte de l'article L. 223-30 du code de commerce, dans sa rédaction applicable, que, pour les sociétés à responsabilité limitée constituées après la publication de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, les modifications statutaires autres que le changement de nationalité sont décidées à la majorité des deux tiers des parts détenues, les statuts pouvant prévoir une majorité plus élevée sans pouvoir exiger l'unanimité des associés.

10. Après avoir constaté que la société Iviflo avait été constituée après la publication de la loi du 2 août 2005 précitée, c'est à bon droit que l'arrêt retient que l'article 8 des statuts de la société, prévoyant la possibilité de réduire ou d'augmenter le capital social par une décision des associés représentant au moins la moitié des parts sociales, viole l'article L. 223-30, et que la résolution litigieuse adoptée par une majorité représentant 60 % des parts, soit trois-cinquièmes, était intervenue en méconnaissance des dispositions impératives de ce texte.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur les seconds moyens, pris en leur première branche, des pourvois n° 23-10.763 et 23-12.302, rédigés en termes identiques, réunis

Enoncé du moyen

12. La société Iviflo et M. [O], ès qualités, d'une part, M. [E], d'autre part, font le même grief à l'arrêt, alors « que sauf dispositions contraires, la loi n'a d'effet que pour l'avenir et n'a pas d'effet rétroactif ; qu'en l'espèce, pour dire que l'article L. 223-30, dernier alinéa, du code de commerce, créé par la loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019, instituant la faculté pour le juge d'annuler les décisions prises en violation de cet article, était applicable aux résolutions votées au cours de l'assemblée générale extraordinaire de la société Iviflo qui s'était tenue le 24 juin 2020, la cour d'appel a retenu que la société "n'a[vait] pas qu'une nature contractuelle, mais également une nature institutionnelle", de sorte que "sa constitution et son fonctionnement sont donc réglés par des dispositions légales impératives et elle doit fonctionner dans le souci de la préservation non pas du seul intérêt commun des associés, mais de l'intérêt social ", ce qui justifiait l'application immédiate de la loi nouvelle; qu'en statuant de la sorte, quand les résolutions litigieuses avaient été votées en application de l'article 8 des statuts de la société Iviflo, lesquels avaient été établis en juin 2007, sous l'empire de l'article L. 223-30 du code de commerce tel qu'issu de la loi du 2 août 2005, qui ne sanctionnait pas par la nullité les résolutions adoptées en méconnaissance des règles de majorité édictées par ce texte, la cour d'appel a violé l'article 2 du code civil, ensemble l'article L. 223-30 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

13. Le dernier alinéa de l'article L. 223-30 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019, lequel introduit le droit, pour tout intéressé, de demander la nullité des décisions sociales prises en violation des dispositions de ce texte, trouve son fondement dans la volonté du législateur de sanctionner par la nullité la méconnaissance des règles de majorité et de quorum prévues par ce texte. Il a, par suite, pour objet et pour effet de régir les effets légaux du contrat de société, de sorte qu'il est applicable aux décisions sociales prises à compter de son entrée en vigueur, peu important la date de constitution de la société.

14. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société Iviflo, M. [O], ès qualités, et M. [E] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Iviflo et M. [O], ès qualités, et les condamne à payer à M. [X] la somme globale de 2 000 euros ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [E] et le condamne à payer à M. [X] la somme de 2 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le cinq novembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

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