CA Paris, Pôle 4 ch. 4, 28 octobre 2025, n° 25/02904
PARIS
Autre
Infirmation partielle
PARTIES
Défendeur :
Earl de Bois d'Arcy (EARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Gautier
Conseillers :
Mme Bodard-Hermant, M. Pinoy
Avocats :
Me Persenot-Louis, Me Ferraris
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [X] [L] qui vient aux droits de Mme [U] [L], sa mère décédée le 9 Janvier 2022, est propriétaire de diverses parcelles de terre sises, à [Localité 21], cadastrées section ZC n°[Cadastre 3] , [Cadastre 9], [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 13] et [Cadastre 17] et à [Localité 23], cadastrées section ZD n° [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8] et [Cadastre 9], le tout représentant une superficie de 15 hectares 51 ares 11 centiares.
Lesdites parcelles ont été louées à M. [P] [Y] en vertu d'un bail verbal.
M. [P] [Y] a mis ces parcelles à disposition du GAEC de [Localité 21] pour une durée de 30 ans, le GAEC étant devenu l'EARL de [Localité 21] à compter du 1 er Janvier 1995 .
M.[P] [Y] aurait apporté son droit au bail à l'EARL BOIS D'[Localité 18] en mars 2017.
Aux termes du procès verbal de l'assemblée générale extraordinaire du 31 mars 2017 , M. [P] [Y] a démissionné de ses fonctions de gérant à compter du 31 mars 2017.
Le 5 mai 2023,considérant qu'il s'agissait d'une cession illicite, M. [X] [L] a saisi le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux d'AUXERRE pour obtenir :
- la résiliation du bail en se fondant sur les articles L 411-31 et L 411-35 du code rural ;
- l'expulsion de M. [P] [Y] et de tous occupants de son chef et
notamment de l'EARL de [Localité 21] des parcelles ci-dessus listées, sous astreinte de
1.500 Euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir.
L'EARL de [Localité 21] est intervenue volontairement à la procédure au stade de la conciliation.
Selon jugement en date du 19 Décembre 2024, le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux d'AUXERRE a:
- constaté la recevabilité de l'action en résiliation du bail et en paiement de dommages-
intérêts formée par M.[X] [L] ;
- débouté M.[X] [L] de sa demande de résiliation du bail rural initialement
accordé à M.[P] [Y] et ayant fait droit d'un apport du droit au bail au
bénéfice de l'EARL de [Localité 21] et portant sur les parcelles sises sur les communes de [Localité 21], cadastrées section ZC N° [Cadastre 3], [Cadastre 9], [Cadastre 11], [Cadastre 13], [Cadastre 12], [Cadastre 17] et sur la commune
de [Localité 23], section ZD N° [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9], représentant une surface totale de
15 hectares, 51 ares et 11 centiares ;
- débouté M.[X] [L] de sa demande de condamnation à des dommages et intérêts ;
- condamné M.[X] [L] à payer à M.[P] [Y] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- condamné M. [X] [L] à payer à l'EARL de [Localité 21] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- rappelé que la présente décision est exécutoire à titre provisoire ;
- condamné M.[X] [L] aux entiers dépens.
M.[X] [L] a interjeté appel de ce jugement le 18 février 2025.
Il demande à la Cour dans ses conclusions remise au greffe le 9 septembre 2025 et soutenues oralement à l'audience de :
- Confirmer le jugement rendu le 19 Décembre 2024 par le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux d'AUXERRE en ce qu'il a constaté la recevabilité de l'action en résiliation du bail et en paiement de dommages et intérêts formée par M.[X] [L] ;
- Infirmer le jugement rendu le 19 Décembre 2024 par le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux d'AUXERRE en ce qu'il a :
' débouté M. [X] [L] de sa demande de résiliation du bail rural initialement accordé à M. [P] [Y] et ayant fait droit d'un apport du droit au bail au bénéfice de l'EARL de [Localité 21] et portant sur les parcelles sises sur les communes de [Localité 21], cadastrées section ZC N° [Cadastre 3], [Cadastre 9], [Cadastre 11], [Cadastre 13], [Cadastre 12], [Cadastre 17] et sur la commune de [Localité 23], section ZD N° [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9], représentant une surface totale de 15 hectares, 51 ares et 11 centiares ;
' débouté M.[X] [L] de sa demande de condamnation à des dommages-intérêts ;
' condamné M.[X] [L] à payer à M.[P] [Y] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
' condamné M. [X] [L] à payer à l'EARL de [Localité 21] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
' rappelé que la présente décision est exécutoire à titre provisoire ;
' condamné M.[X] [L] aux entiers dépens.
et satuant à nouveau ,
Constatant que M.[P] [Y] a atteint l'âge légal de la retraite en mars 2017 et n'est plus exploitant au sein de l'EARL de [Localité 21] depuis cette date,
A titre principal,
- Juger que l'apport à l'EARL de [Localité 21] invoqué par M.[P] [Y] de son droit au bail initialement conclu avec Mme [U] [L] portant sur les parcelles suivantes :
[Localité 21] section ZC [Cadastre 3], [Cadastre 9], [Cadastre 11], [Cadastre 13], [Cadastre 12], [Cadastre 17]
BROSSES section ZD [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8] et [Cadastre 9]
est inexistant et comme tel inopposable à Mme [U] [L] et à M.[X] [L];
En conséquence,
- Prononcer la résiliation du bail liant M.[X] [L] venant aux droits de Mme [U] [L], à M.[P] [Y] aux torts exclusifs du preneur;
- Ordonner la libération des dites parcelles par M. [P] [Y] et de tous occupants de son chef dont notamment l'EARL de [Localité 21] et dire qu'à défaut de libération volontaire des lieux dans un délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision, il pourra être procédé à l'expulsion de M. [P] [Y] ou de tous occupants de son chef et notamment de l'EARL de [Localité 21] , si besoin avec le concours de la force publique, sous astreinte définitive de 100 euros par jour de retard;
A titre subsidiaire,
- Juger que l'apport à l'EARL de [Localité 21] invoqué par M.[P] [Y] de son droit au bail initialement conclu avec Mme [U] [L] portant sur les parcelles est une cession illicite;
En conséquence,
- Prononcer la résiliation du bail liant M.[X] [L] venant aux droits de Mme [U] [L], à M.[P] [Y], aux torts exclusifs du preneur;
- Ordonner la libération des parcelles par M. [P] [Y] et de tous occupants de son chef dont notamment l'EARL de [Localité 21] et dire qu'à défaut de libération volontaire des lieux dans un délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision, il pourra être procédé à l'expulsion de M. [P] [Y] ou de tous occupants de son chef et notamment de l'EARL DE [Localité 21], si besoin avec le concours de la force publique, sous astreinte définitive de 100 Euros par jour de retard;
En toutes hypothèses,
- Débouter M. [P] [Y] et l'EARL de [Localité 21] de toutes leurs demandes, fins et conclusions;
- Condamner in solidum M.[P] [Y] et l'EARL de [Localité 21] à payer à M.[X] [L] une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour privation de jouissanc;
- Condamner in solidum M.[P] [Y] et l'EARL de [Localité 21] à payer à M.[X] [L] une somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile;
- Condamner in solidum M.[P] [Y] et l'EARL de [Localité 21] aux entiers dépens.
M.[P] [Y] a formé appel incident sur la recevabilité et, dans ses dernières écritures reçues au greffe le 8 septembre 2025 et, soutenues oralement à l'audience , demande à la Cour de :
- Infirmer le jugement concernant la prescription ;
- Dire que l'action engagée par M. [L] le 5 mai 2023 est precrite ayant été formulée plus de 5 ans après l'autorisation d'apport signée par Mme [U] [L] le 24 mars 2017;
- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M.[L] de sa demande de résiliation du bail initialement accordé à M. [Y] et ayant fait l'objet d'unapport de droit au bail au profit del'EARL de [Localité 21] et portant sur les paelles litigieuses ;
- Débouter M.[X] [L] de l'ensemble des chefs de sa demande ;
- Condamner M.[X] [L] à payer à M.[Y] la somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts;
- Condamner M.[X] [L] au paiement à l'EARL de [Localité 21] de la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civil ainsi qu'aux entiers de l'instance.
Dans ses conclusions remises au greffe le 8 septembre 2025 et, soutenues oralement à l'audience , l'EARL de [Localité 21] demande à la Cour de:
- Confirmer le jugement entrepris ;
- Débouter M.[X] [L] de l'ensemble des chefs de ses demandes ;
- Condamner M.[X] [L] au paiement à l'EARL de [Localité 21] de la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Les parties ayant oralement soutenu à l'audience leurs conclusions , il convient de s'y reporter pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l'action de M.[L]
M.[Y] aux termes de son appel incident soutient que l'action de M. [L] est prescrite au motif que l'autorisation d'apport du droit au bail a été signée par sa mère le 24 mars 2017, que le 8 janvier 2018 L'EARL de [Localité 21] a payé son premier fermage ; que M. [L] qui vient aux droits de sa mère en avait de fait , connaissance ; qu'il a d'ailleurs adressé sa lettre de non reconduction du bail en date du 6 août 2020 à l'EARL de [Localité 21] .
Or, au vu des pièces produites, c'est à juste titre que le premier juge a considéré qu'il n'était pas établi que M. [X] [L] avait personnellement connaissance de l'existence de l'acte d'autorisation d'apport du droit au bail daté du 24 mars 2017 et signé par la seule Mme [U] [L] et qu'il a retenu comme point de départ du délai de prescription , le 6 août 2020, date du courrier de non reconduction du bail .
L'action en justice introduite le 9 mai 2023 par M. [L] n'est donc pas prescrite .
Il convient donc de confirmer le jugement ayant constaté la recevabilité de l'action en résiliation de bail et de dommages et intérêts formée par M. [X] [L]
Sur l'opposabilité de l'apport du droit au bail
Le statut du fermage prohibe en principe les cessions de bail et n'admet leur licéité que dans des cas limitativement énumérés, notamment sous la forme de l'apport du droit au bail prévu par l'article L. 411-38 du code rural et de la pêche maritime aux termes duquel:"Le preneur ne peut faire apport de son droit au bail à une société civile d'exploitation agricole ou àun groupement de propriétaires ou d'exploitants qu'avec l'agrément personnel du bailleur et sans préjudice du droit de reprise de ce dernier.
Les présentes dispositions sont d'ordre public."
L'apport du droit au bail rural doit être qualifié de cession du contrat de bail, car la société bénéficiaire se substitue au preneur initial. Elle devient titulaire du bail, et elle seule aura des relations juridiques avec le bailleur.
Il en résulte l'applicabilité de l'article 1216 du Code civil relatif à la cession de contrat. Selon ce texte, l'accord du bailleur peut donc être donné par avance, auquel cas la cession produit effet à l'égard du bailleur lorsque le contrat conclu entre le preneur et la société lui est notifié ou lorsqu'il en prend acte. La cession doit être constatée par écrit, à peine de nullité .
En l'espèce, le premier juge a en substance retenu, que Mme [L] avait par acte sous seing privé du 24 mars 2017, autorisé par avance , conformément à l'article L. 411-38 du code rural, M. [Y] à faire apport de son droit au bail à l'EARL de [Localité 21],que si à cette date, elle n'était pas informée de la date effective de l'apport , elle avait eu connaissance de l'effectivité de cet apport par le fait que conformément aux termes de son autorisation du 24 mars 2017 , les fermages ont été payés par l'EARL de [Localité 22] et les quittances délivrées en son nom .
M. [L] sollicite l'infirmation du jugement .
Il soulève l'irrégularité du document du 24 mars 2017 qui ne mentionne ni l'acte d'état civil , ni l'adresse de la bailleresse ,ni le nom du représentant de l'EARL non signataire , qui a été signé le 24 mars 2017 par Mme [U] [L] alors âgée de 89 ans et ayant des problèmes d'autonomie physique et cognitive .
Il constate que 7 jours après la signature du document M.[Y] n'était plus ni gérant , ni exploitant de l' EARL, ayant fait valoir ses droits à la retraite et en déduit que cette opération avait pour but de contourner l'interdiction de cession du droit au bail.
Il soutient par ailleurs que l'apport de bail écit ou verbal doit faire l'objet a minima de formalités matérialisant son existence et donc d'un acte écrit exigé par l'article 1216 du code civil à peine de nullité .
Il ajoute que le seul paiement des fermages par l'EARL et la délivrance des quittances à son nom ne peuvent être considérés comme une prise d'acte et que faute d'avoir été notifié, l'apport s'il existe , est inopposable au bailleur .
M. [Y] demande la confirmation du jugement en soutenant que la bailleresse avait donné son accord à l'apport du droit au bail en application de l'article L. 411-38 par l'acte du 24 mars 2017, qu'elle en avait pris acte au sens de l'article 1216 puisqu'elle a accepté de percevoir le fermage réglé par l'EARL pendant les années qui ont suivi, de 2018 à 2021jusqu'à ce que M.[X] [L] refuse d'encaisser les chèques de l'EARL' compte tenu d'un changement de domiciliation de l'EARL'et qu'aucun texte n'exige l'établissement par écrit de l'apport du bail rural verbal .
L'EARL de [Localité 22] sollicite également la confirmation du jugement au visa del'article 1216 du code civil .
Elle fait notamment valoir que Mme [U] [L] a autorisé par avance l'apport et qu'en donnant quittance dans le prolongement de cette autorisation , elle a pris acte de la cession , prise d'acte qui est une alternative légale à la notification en matière de cession de contrat.
C'est à juste titre que le premier juge en rappelant que le code rural ne prévoyait pas de formalisme particulier pour l'accord donné par le bailleur pour l'apport du droit au bail , a considéré que les moyens relatifs à l'irrégularité du document du 24 mars 2017 ne permettait pas de l'invalider .
De même, au vu des attestations produites de part et d'autre devant la Cour, c'est par des motifs exacts et pertinents qui ne sont pas utilement contredits en cause d'appel que ,le tribunal a, en première instance considéré que l'existence d'un vice du consentement affectant l'autorisation d'apport du droit au bail donné par Mme [U] [L] n'était pas démontrée .
Il a également justement constaté que l'acte signé par Mme [U] [L] le 24 mars 2017, ne permet pas d'établir que la cession a eu lieu à cette date , dès lors qu'il est indiqué'qu'à la date de prise d'effet de la cession , la société dénommée EARL DE [Localité 21] sera subrogée dans tous les droits et obligations de Monsieur [P] [Y] et devra me verser directement les fermages', et que, dès lors à la date de signature de ce document Mme [U] [L] , cédée , n'était pas informée de la date effective de l'apport du droit au bail à l'EARL de [Localité 21] .
Par contre , il n' a pas tiré les justes conséquences légales de ces constatations en considérant que l'apport du droit au bail était opposable à Mme [U] [L] et par voie de conséquence à son fils M. [X] [L] venant à ses droits, aux seul motifs , qu' elle a eu connaissance de l'effectivité de cet apport par le fait que conformément aux termes de son autorisation du 24 mars 2017 , les fermages ont été payés par l'EARL de [Localité 21] et les quittances délivrées en son nom .
En effet, l'article 1216 du code civil pose comme conditions à la cession de contrat : l'exigence, sous peine de nullité d'un écrit constatant la cession , l'accord du cédé à cette cession ou , en cas d'accord donné à l'avance , la notification de la cession au cédé ou sa prise d'acte.
Or en l'espèce , s'il n'est pas contestable que, Mme [U] [L] a donné par avance son accord à la cession ,il n'est produit au dossier aucun acte écrit constatant ladite cession.
En conséquence l'apport du droit au bail dont se prévalent M.[Y] et l'EARL de [Localité 21] , si l'effectivité de son existence était établie , serait nul .
Par ailleurs il ne résulte d'aucune des pièces du dossier que cet apport de droit au bail est réellement intervenu. Il n'est notamment mentionné ni dans les procès-verbaux des assemblées générale produits, en particulier dans celui du 31 mars 2017 ni, dans les statuts de l'EARL y compris ceux mis à jour en 2018 et en 2021.
De même aucune signification de l'apport du droit au bail au bailleur n'est par ailleurs produite .
Enfin, au regard de leur ambiguité , les circonstances de fait ne permettent pas de retenir que, le seul fait pour Mme [U] [L] d'avoir accepté le paiement des fermages par l'EARL et de lui avoir délivré des quittances à partir de 2028 soit suffisant pour rapporter la preuve de l'existence de l'apport du droit bail et de la prise d'acte de cet apport par celle ci.
En effet l'EARLbénéficiait depuis 1995 d'une mise à disposition des terres louées, de sorte qu'en application del'article L. 411-37, dernier alinéa, du code rural et de la pêche maritime, elle était tenue solidairementdes fermages avec M. [Y] .
Au vu de ces éléments, l'apport du droit au bail dont se prévalent M. [Y] et l'EARL de [Localité 22] doit être déclaré inopposable à Mme [U] [L] et donc à M.[L].
Il convient donc d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré ledit apport opposable à Mme [U] [L] et par voie de conséquence à M.[X] [L] ;
Sur la demande de résiliation du bail
M. [L] sollicite la résiliation du bail au visa des articles L411-31 , L411-35 et L411-37 et L411-38 du code rural .
En l'espèce , l'inopposabilité de l'apport du droit au bail par M.[Y] à l'EARL de [Localité 21] justifie , d'infirmer le jugement et , de faire droit à la demande de résiliation judiciaire .
En effet il n'est pas contesté que M. [Y] a fait valoir ses droits à la retraite fin mars 2017 , qu'il n'est plus ni associé ni gérant de l'EARL de [Localité 21] et qu'il n'exploite donc plus personnellement le fond loué .
Il convient donc d'ordonner la libération des parcelles louées par M. [Y] et par tous occupants de son chef , dont notamment l'EARL [Localité 21] et ce dans un délai de 2 mois à compter de la signification du présent arrêt .
A défaut il pourra être procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef si besoin avec l'assistance de la force publique .
En l'état du dossier il n'est pas justifié de faire droit à la demande d'astreinte .
Sur la demande de dommages et intérêts de M. [L]
M. [L] fonde sa demande de dommages et intérêts à l'encontre des 2 intimés pour privation de jouissance en invoquant à la fois leur mauvaise foi pour avoir abusé de sa mère Mme [L] qui avait plus de 80 ans ,l' empêchant ainsi lui, de transmettre les terres à son fils depuis a minima 2022.
Aux termes del'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
En aplication de l'article 1353 du code civil, il appartient à M. [L] de rapporter la preuve de l'existence d'une faute imputable aux intimés , du préjudice subi et du lien de causalité entre les deux.
En l'espèce le premier juge a justement retenu au vu des éléments du dossier par des motifs pertinents qui ne sont pas utilement critiqués par M.[Y] ,qu'il n'était pas démontré que M.[Y] et L'EARL avaient abusé de la situation de Mme [L] .
Par ailleurs, y ajoutant , M. [L] ne démontre pas non plus en quoi les intimés seraient de mauvaise foi , le simple fait de s'être mépris sur l'étendue de leurs droits ou sur l'interprétation des dispositions légales n'étant pas constittifs d'une faute .
Il convient donc de confirmer le jugement ayant rejeté la demande de dommages et intérêts.
Sur la demande de dommages et intérêts de M. [Y]
Au regard de l'infirmation du jugement critiqué sur la question principale de l'opposabilité de l'apport du droit au bail , la demande de dommages et intérêts de M. [Y] doit être rejetée .
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Au regard des motifs de la présente décision il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [L] aux dépens dela première instance et à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 1000 euros chacun , à M. [Y] et à l'EARL de [Localité 21]
M.[Y] et l'EARL de [Localité 21] seront condamnés in solidum aux dépens de première instance et d'appel et, à verser à M.[L] la somme globale de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile .
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Vu les articles L 411-31 et suivants du code rural et 1216 du code de civil ,
Confirme le jugement rendu le 19 décembre 2024 par le tribunal paritaire des baux ruraux d' Auxerre en ce qu'il a:
- constaté la recevabilité de l'action en résiliation du bail et en paiement des dommages et intérêts formée par M. [X] [L] ;
- débouté M.[X] [L] de sa demande de condamnation à des dommages et intérêts;
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a :
- débouté M. [X] [L] de sa demande de résiliation du bail rural initialement accordé à M. [P] [Y] et ayant fait droit d'un apport du droit au bail au bénéfice de l'EARL de [Localité 21] et portant sur les parcelles sises sur les communes de [Localité 21], cadastrées section ZC N° [Cadastre 3], [Cadastre 9], [Cadastre 11], [Cadastre 13], [Cadastre 12], [Cadastre 17] et sur la commune de [Localité 23], section ZD N° [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9], représentant une surface totale de 15 hectares, 51 ares et 11 centiares ;
- condamné M.[X] [L] à payer à M.[P] [Y] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- condamné M. [X] [L] à payer à l'EARL de [Localité 21] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- condamné M.[X] [L] aux entiers dépens.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare inopposable à M. [X] [L] l'apport du droit au bail dont se prévalent M. [Y] et l'EARL de [Localité 21] au bénéfice de l'EARL de [Localité 21] ;
Prononce la résiliation judiciaire du bail rural verbal liant M.[X] [L] et M. [P] [Y] et portant sur les parcelles sises sur les communes de [Localité 20] , cadastrées section ZC N° [Cadastre 3], [Cadastre 9], [Cadastre 11], [Cadastre 13], [Cadastre 12], [Cadastre 17] et sur la commune de [Localité 23], section ZD N° [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9], représentant une surface totale de 15 hectares, 51 ares et 11 centiares ;
Ordonne la libération par M. [P] [Y] et, par tous occupants de son chef , dont notamment l'EARL [Localité 21] , de l'ensemble des parcelles louées et ce , dans un délai de 2 mois à compter de la signification du présent arrêt ;
Dit qu'à défaut de libération des parcelles louées dans le délai précité , il pourra être procédé à l' expulsion de M.[P] [Y] et à celle de tous occupants de son chef si besoin avec l'assistance de la force publique ;
Déboute M.[X] [L] de sa demande d'astreinte ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes;
Condamne in solidum M.[Y] et l'EARL de [Localité 21] aux dépens de première instance et d'appel et, à verser à M.[L] la somme globale de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.