CA Rennes, 1re ch., 28 octobre 2025, n° 22/07450
RENNES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Association de la Residence-Services Le Bel Âge
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Veillard
Vice-président :
M. Bricogne
Conseiller :
Mme Brissiaud
Avocats :
Me Chupin, Me Lhermitte, Me Bailleux
EXPOSÉ DU LITIGE
1. L'association de la résidence-services 'Le Bel Âge' (ci-après l'association 'Le Bel Âge') assure la fourniture de services spécifiques auprès des résidents de la résidence-services du même nom, située au [Adresse 4] à [Localité 11] (44).
2. Cette résidence propose des logements individuels à des personnes du troisième âge, ainsi que la fourniture de multiples services destinés à accompagner le quotidien de ses occupants (accueil, services d'aide et d'accompagnement à domicile, restauration etc.).
3. Interviennent au sein de la résidence-services :
- le syndicat des copropriétaires de la résidence-services 'Le Bel Âge', chargé de l'entretien et de la gestion de l'immeuble et de la résidence, financés par les charges de copropriété,
- l'association 'Le Bel Âge', chargée de la fourniture de services spécifiques et de l'entretien et de la gestion des parties communes spéciales, financés par les cotisations des membres de l'association.
4. Par acte authentique du 29 septembre 2010, Mme [N] [F] a acquis auprès des consorts [L] trois appartements (n° 106, 206 et 306), 4 caves et 2 parkings au sein de la résidence, pour un prix global de 105.000 €.
5. Les cotisations afférentes à ces trois logements ont été réglées sans difficultés par Mme [F] pendant plusieurs années jusqu'à ce qu'elle rencontre des difficultés à trouver des locataires pour ses logements, cette circonstance ayant entraîné des règlements plus irréguliers de sa part.
6. Par un courrier du 14 juin 2018, l'association 'Le Bel Âge' a mis en demeure Mme [F] de régler la somme de 31.666,41 € avant, par acte d'huissier du 9 octobre 2018, de la faire assigner devant le tribunal de grande instance de Nantes aux fins de la voir condamner à régler son arriéré de cotisations.
7. Par jugement du 10 novembre 2022, le tribunal a :
- déclaré l'association 'Le Bel Âge' recevable en son action initiée à l'encontre de Mme [F],
- dit que l'association 'Le Bel Âge' dispose de la capacité juridique,
- déclaré entachés d'une nullité absolue l'article 5 des statuts de l'association 'Le Bel Âge' et l'article 13 du règlement de la copropriété résidence 'Le Bel Âge',
- débouté l'association 'Le Bel Âge' de l'intégralité de ses demandes, y compris de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné l'association 'Le Bel Âge' à verser à Mme [F] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code procédure civile,
- condamné l'association 'Le Bel Âge' aux dépens,
- débouté Mme [F] du surplus de ses demandes,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.
8. Pour statuer ainsi, le tribunal a considéré que l'article 5 des statuts de l'association et l'article 13 du règlement de copropriété étaient entachés d'une nullité absolue au motif que ces clauses entravaient la liberté de ne pas adhérer à une association. Il a également jugé que Mme [F] avait manifesté sa volonté de renoncer à son adhésion à compter de novembre 2013.
9. Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Rennes du 22 décembre 2022, l'association 'Le Bel Âge' a interjeté appel de cette décision, sauf en ce qu'il l'a déclarée recevable en son action et a dit qu'elle disposait de la capacité juridique.
* * * * *
10. Dans ses dernières conclusions régulièrement notifiées déposées au greffe via RPVA le 31 janvier 2025, l'association 'Le Bel Âge' demande à la cour de :
- infirmer le jugement sauf en ce qu'il l'a déclarée recevable en son action et a dit qu'elle disposait de la capacité juridique,
- et statuant à nouveau,
- à titre principal, condamner Mme [F] à lui payer la somme de 164.639.44 € au titre des cotisations non payées de novembre 2013 au 30 janvier 2025,
- à titre subsidiaire, condamner Mme [F] à lui payer la somme de 17.713,46 € au titre des cotisations non payées de novembre 2013 au 11 mai 2017,
- en tout état de cause,
- débouter Mme [F] de l'ensemble de ses demandes,
- condamner cette dernière à lui payer la somme globale de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais non répétibles de première instance et d'appel,
- condamner la même aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés par Me Vincent Chupin, avocat aux offres de droit, qui bénéficiera des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
* * * * *
11. Dans ses dernières conclusions régulièrement notifiées déposées au greffe via RPVA le 14 février 2025, Mme [F] demande à la cour de :
- réformer la décision entreprise et juger que l'association 'Le Bel Âge' est dépourvue de capacité juridique ainsi que de tout droit et qualité à agir,
- en conséquence,
- juger qu'elle est irrecevable en son action et la débouter de toutes ses demandes,
- réformer la décision entreprise et juger que la création de l'association du 15 novembre 1991 et des statuts ultérieurs est nulle,
- réformer le jugement entrepris et juger nul le paragraphe intitulé 'Association des Résidents' de l'acte de vente du 29 septembre 2010,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité des articles 11, 13 et 16 du règlement de copropriété du 26 octobre 1991 et des règlements modifiés des 22 avril 1992 et 23 juin 1994 et, subsidiairement, juger que les articles ci-avant lui sont inopposables,
- confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité de l'article 5 des statuts de l'association,
- réformer le jugement et prononcer la nullité de la convention de transfert de charges et d'organisation du 31 mai 2011,
- réformer le jugement et juger la demande reconventionnelle de la concluante recevable et bien fondée,
- en conséquence,
- condamner l'association 'Le Bel Âge' au titre de la répétition de l'indu à lui payer la somme de 44.067.61 € avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir outre capitalisation en application de l'article 1343-2 du code civil,
- confirmer le jugement ce qu'il a condamné l'association 'Le Bel Âge' au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
- y ajoutant,
- condamner en cause d'appel l'association 'Le Bel Âge' au paiement d'une somme de 7.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner en cause d'appel l'association 'Le Bel Âge' en tous les dépens par application de l'article 699 du code de procédure civile.
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12. L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 février 2025.
13. Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la capacité à agir de l'association
14. Mme [F] considère que l'association 'Le Bel Âge', qui a établi son siège social dans les locaux du syndicat des copropriétaires de la résidence 'Le Bel Âge', ne dispose pas d'un siège social licite qui lui soit propre et est donc dépourvue de capacité juridique.
15. L'association 'Le Bel Âge' allègue que 'toute association régulièrement déclarée peut, sans aucune autorisation spéciale, ester en justice' en application des dispositions de l'article 6 loi du 1er juillet 1901, ce qui est son cas à la lumière des pièces versées aux débats, le fait que son siège social soit fixé dans les parties communes de la résidence dont elle assure la gestion ne lui retirant pas sa capacité à agir.
Réponse de la cour
16. L'article 117 du code de procédure civile dispose que 'constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte :
Le défaut de capacité d'ester en justice (...)'.
17. L'article 5 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association prévoit que 'toute association qui voudra obtenir la capacité juridique prévue par l'article 6 devra être rendue publique par les soins de ses fondateurs.
La déclaration préalable en sera faite au représentant de l'Etat dans le département où l'association aura son siège social. Elle fera connaître le titre et l'objet de l'association, le siège de ses établissements et les noms, professions et domiciles et nationalités de ceux qui, à un titre quelconque, sont chargés de son administration. Un exemplaire des statuts est joint à la déclaration. Il sera donné récépissé de celle-ci dans le délai de cinq jours.
Lorsque l'association aura son siège social à l'étranger, la déclaration préalable prévue à l'alinéa précédent sera faite au représentant de l'Etat dans le département où est situé le siège de son principal établissement.
L'association n'est rendue publique que par une insertion au Journal officiel, sur production de ce récépissé.
Les associations sont tenues de faire connaître, dans les trois mois, tous les changements survenus dans leur administration, ainsi que toutes les modifications apportées à leurs statuts.
Ces modifications et changements ne sont opposables aux tiers qu'à partir du jour où ils auront été déclarés'.
18. Aux termes de l'article 6 de la même loi, 'toute association régulièrement déclarée peut, sans aucune autorisation spéciale, ester en justice, recevoir des dons manuels ainsi que des dons d'établissements d'utilité publique, acquérir à titre onéreux, posséder et administrer, en dehors des subventions de l'Etat, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements publics :
1° Les cotisations de ses membres ;
2° Le local destiné à l'administration de l'association et à la réunion de ses membres ;
3° Les immeubles strictement nécessaires à l'accomplissement du but qu'elle se propose.
Les associations déclarées depuis trois ans au moins et dont l'ensemble des activités est mentionné au b du 1 de l'article 200 du code général des impôts peuvent en outre :
a) Accepter les libéralités entre vifs ou testamentaires, dans des conditions fixées à l'article 910 du code civil ;
b) Posséder et administrer tous immeubles acquis à titre gratuit.
Les cinquième à septième alinéas du présent article s'appliquent sans condition d'ancienneté aux associations ayant pour but exclusif l'assistance, la bienfaisance ou la recherche scientifique ou médicale déclarées avant la date de promulgation de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire et qui avaient, à cette même date, accepté une libéralité ou obtenu une réponse favorable à une demande faite sur le fondement du V de l'article 111 de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allégement des procédures'.
19. En l'espèce, la cour observe d'abord que ce n'est que dans un chapitre A-3, en page 14 de ses conclusions, c'est-à-dire dans la discussion de fond, que Mme [F] développe le moyen tiré du défaut de capacité à agir, qu'elle ne traduit toutefois pas en une demande de nullité de l'exploit introductif d'instance et des conclusions mais en simple 'irrecevabilité', à la manière d'une fin de non-recevoir.
20. Ensuite, il s'évince des dispositions précitées qu'une association régulièrement déclarée dispose de plein droit du droit d'ester en justice.
21. Or, l'association 'Le Bel Âge' produit :
- un extrait du journal officiel du 11 décembre 1991 (enregistrement de l'association en préfecture le 21 novembre 1991),
- une situation au répertoire SIRENE de l'association au 8 février 2019,
- un extrait du journal officiel du 12 mars 2005 (enregistrement d'un nouvel objet en préfecture le 1er février 2005),
- le procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire de l'association du 30 septembre 2009 (modification des statuts) et le récépissé de déclaration en préfecture de modification des statuts de l'association du 17 novembre 2009,
- le récépissé de déclaration en préfecture de modification du conseil de l'association du 19 juillet 2013.
22. Il s'en infère que l'association 'Le Bel Âge' a, depuis sa création, régulièrement déclaré son siège social au [Adresse 3] à [Localité 11] (44), le seul fait que ce siège se situe dans la résidence dans laquelle elle gère les parties communes spéciales ne le rendant pas pour autant illicite.
23. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que l'association 'Le Bel Âge' disposait de la capacité juridique.
Sur l'intérêt et la qualité à agir de l'association
24. Au terme d'une démonstration confuse, Mme [F] soutient que, 'faute de produire le contrat d'adhésion (...), l'association demeure tout autant sans qualité à agir à (son) encontre et opposer à un non-membre ses statuts par application de l'article 1134 ancien du code civil devenu 1103 du même code' (page 5 de ses conclusions), avant d'évoquer 'l'absence (...) d'intérêt et de qualité à agir' tout en développant des moyens de fond.
25. L'association 'Le Bel Âge' réplique qu'elle a intérêt à agir contre un de ses adhérents en paiement de ses cotisations, les autres moyens développés par ailleurs regardant le fond.
Réponse de la cour
26. L'article 31 du code de procédure civile dispose que 'l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé'.
27. L'article 32 énonce qu' 'est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir'.
28. L'article 122 prévoit que 'constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée'.
29. En l'espèce, l'association 'Le Bel Âge' a intérêt à recouvrer les cotisations de ses adhérents et elle a d'ailleurs seule qualité pour le faire. Elle n'est pas dépourvue de qualité à agir du seul fait qu'elle ne produit pas de contrat d'adhésion. En réalité, Mme [F] dénonce sa qualité d'adhérente à l'association dès lors que son adhésion, automatique en ayant acheté ses appartements, serait contraire à la liberté d'association. Ce moyen, qu'elle développe à l'appui de sa demande en nullité notamment de l'article 5 des statuts de l'association 'Le Bel Âge' et de l'article 13 du règlement de copropriété imposant l'adhésion litigieuse, regarde le fond du droit.
30. Par ailleurs, l'association 'Le Bel Âge' a bien qualité à recouvrer des cotisations qui lui sont dues, lesquelles ne constituent pas des charges de copropriété que le syndicat des copropriétaires recouvre personnellement de son côté
1: Mme [F] indique elle-même dans ses conclusions être 'à jour dans le paiement des charges de copropriété'
.
31. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré l'association 'Le Bel Âge' recevable en son action initiée à l'encontre de Mme [F].
Sur les nullités soulevées par Mme [F]
32. L'association 'Le Bel Âge' soutient qu'elle n'a pas qualité à défendre s'agissant de l'acte de vente du 29 septembre 2010. Selon elle, en prévoyant que tous copropriétaires et résidents doivent obligatoirement adhérer à l'association qui fournit les services spécifiques prévus par la loi, le règlement de copropriété ne fait que se conformer aux dispositions de la loi du 10 juillet 1965 et à son décret d'application, qui visent ces services comme non individualisables. Il en est de même concernant la convention du 31 mai 2011 qui prévoit la mise en 'uvre du mécanisme mis en place par le législateur pour les charges non individualisables dans les résidences seniors. Par ailleurs, l'appelante affirme que son objet est conforme à la législation encadrant la résidence seniors. Elle considère que Mme [F] ne peut en tout état de cause pas conclure à la nullité d'une clause du règlement de copropriété à son encontre hors la présence du syndicat des copropriétaires. En toute hypothèse, Mme [F] n'a pas manifesté son intention de se retirer.
33. Mme [F] réplique que la clause 'Association des Résidents' de l'acte de vente du 29 septembre 2010 est nulle pour avoir inséré un montage juridique dans lequel l'association 'Le Bel Âge' s'arroge la gestion de services censés être dévolus au syndicat des copropriétaires. Selon elle, l'article 5 des statuts de l'association et l'article 13 du règlement de copropriété sont également nuls car ils violent la liberté d'adhésion des adhérents. L'association elle-même est d'ailleurs illégale car son objet est illicite. Enfin, elle a parfaitement signifié sa volonté de retrait, tant et si bien qu'une instance est en cours depuis 2018 à ce propos.
Réponse de la cour
34. L'article 11 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, intitulé 'Liberté de réunion et d'association', énonce :
'1. Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'association, y compris le droit de fonder avec d'autres des syndicats et de s'affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts.
2. L'exercice de ces droits ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique,à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. Le présent article n'interdit pas que des restrictions légitimes soient imposées à l'exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de l'administration de l'État'.
35. L'article 1er de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association dispose que 'l'association est la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d'une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices. Elle est régie, quant à sa validité, par les principes généraux du droit applicables aux contrats et obligations'.
36. Prévues par l'article L. 631-13 alinéa 1er du code de la construction et de l'habitation, les résidences-services se définissent comme 'un ensemble d'habitations composé de logements autonomes permettant aux occupants de bénéficier de services spécifiques non individualisables', c'est-à-dire 'ceux qui bénéficient par nature à l'ensemble des occupants' et concernent notamment leur accueil, la mise à leur disposition d'un personnel spécifique attaché à la résidence ou encore le libre accès à des espaces de convivialité.
37. Trois éléments caractéristiques permettent de qualifier une résidence-services :
- un ensemble d'habitations,
- des logements autonomes,
- des services spécifiques non individualisables.
38. Hormis les cas où la loi en décide autrement, nul n'est tenu d'adhérer à une association régie par la loi du 1er juillet 1901 ou, y ayant adhéré, d'en demeurer membre (Civ. 3ème, 12 mars 1997, n° 93-19.415, Ass. Plén. 9 février 2001, n° 99-17.642). Le sociétaire qui cesse de payer ses cotisations manifeste par ce refus de paiement sa volonté de ne plus faire partie de l'association (Civ. 3ème, 20 décembre 2006, n° 05-20.689).
39. Lorsqu'une association, à laquelle les statuts imposent d'adhérer sans possibilité de démissionner, ne produit aucun bulletin d'adhésion, le seul paiement des cotisations pendant plusieurs années ne constitue pas l'expression d'une volonté libre d'adhérer (Civ. 3ème, 27 septembre 2017, 16-19.878).
40. Ainsi, la clause d'adhésion obligatoire à une association chargée de gérer des services spécifiques contrevient au principe de la liberté d'association prévue par la loi du 1er juillet 1901.
41. A contrario, il a été jugé que l'article 3 de l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 ratifiée par l'article 78 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 qui oblige les propriétaires d'immeubles compris dans le périmètre d'une association syndicale de propriétaires à y adhérer, ne porte pas atteinte à la liberté d'association dès lors que les droits et obligations des membres d'une association syndicale sont attachés aux immeubles compris dans le périmètre de celle-ci et ont un caractère réel (QPC Cass., 25 juin 2010, n° 10-40.011).
42. Les dispositions de la loi n° 2006-872 portant engagement national pour le logement du 13 juillet 2006 ont institué un statut pour les résidences-services réglementé par les articles 41-1 à 41-5 de la loi du 10 juillet 1965, complété par les articles 39-2 à 394 du décret du 17 mars 1967, lequel autorise, en vertu d'une décision de l'assemblée générale, la conclusion d'une convention de services entre un syndicat des copropriétaires et un tiers (une association), pour une durée de cinq ans renouvelable par tacite reconduction.
43. Ces dispositions prévoient notamment que le règlement de copropriété peut étendre l'objet d'un syndicat de copropriétaires à la fourniture, aux occupants de l'immeuble, de services spécifiques, qui peuvent être procurés en exécution d'une convention conclue avec des tiers. Pour ce qui concerne les charges entraînées par ces services, il est prévu que les charges de fonctionnement constituent des dépenses courantes.
44. La loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement a précisé la nature et la gestion des services spécifiques et remanié la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.
45. Cette loi interdit la prestation par le syndicat de services individualisables puisque seule la fourniture de services non individualisables entre désormais dans l'objet d'un syndicat des copropriétaires.
46. En effet, là où la loi n° 2006-872 portant engagement national pour le logement du 13 juillet 2006 prévoyait que les services spécifiques pouvaient être procurés en exécution d'une convention conclue avec des tiers, l'article 41-1 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, créé par la loi dite ENL, dispose désormais :
'Le règlement de copropriété peut étendre l'objet d'un syndicat de copropriétaires à la fourniture aux résidents de l'immeuble de services spécifiques dont les catégories sont précisées par décret et qui,
du fait qu'ils bénéficient par nature à l'ensemble de ses résidents, ne peuvent être individualisés.
Les services non individualisables sont fournis en exécution de conventions conclues avec des tiers. Les charges relatives à ces services sont réparties en application du premier alinéa de l'article 10
2: 'Les copropriétaires sont tenus de participer aux charges entraînées par les services collectifs et les éléments d'équipement commun en fonction de l'utilité objective que ces services et éléments présentent à l'égard de chaque lot, dès lors que ces charges ne sont pas individualisées'
. Les charges de fonctionnement constituent des dépenses courantes, au sens de l'article 14-1(...)'.
47. Il s'en évince que les services spécifiques de la résidence, qu'ils soient individualisables ou non, seront rendus par des tiers.
48. L'article 39-2 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 pris pour l'application de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 a ainsi été modifié :
'Les catégories de services non individualisables mentionnées à l'article 41-1 de la loi du 10 juillet 1965 sont :
1° L'accueil personnalisé et permanent des résidents et de leurs visiteurs ;
2° La mise à disposition d'un personnel spécifique attaché à la résidence, le cas échéant complétée par des moyens techniques, permettant d'assurer une veille continue quant à la sécurité des personnes et la surveillance des biens ;
3° Le libre accès aux espaces de convivialité et aux jardins aménagés'.
49. En l'espèce, la cour est saisie d'une demande de nullité :
- du paragraphe intitulé 'Association des Résidents' de l'acte de vente du 29 septembre 2010,
- de l'article 5 des statuts de l'association 'Le Bel Âge',
- des articles 11, 13 et 16 du règlement de copropriété de la résidence 'Le Bel Âge' du 26 octobre 1991 ainsi que des règlements modifiés des 22 avril 1992 et 23 juin 1994 et de la convention de transfert de charges et d'organisation du 31 mai 2011.
1 - la nullité du paragraphe intitulé 'Association des Résidents' de l'acte de vente du 29 septembre 2010 :
50. Par acte authentique du 29 septembre 2010, Mme [N] [F] a acquis auprès des consorts [L] trois appartements (n° 106, 206 et 306), 4 caves et 2 parkings au sein de la résidence, pour un prix global de 105.000 €.
51. En page 23, un paragraphe intitulé 'Association des Résidents' est ainsi libellé :
'L'ACQUÉREUR déclare être informé que l'état descriptif de division- règlement de copropriété contient une disposition concernant la limite d'âge de 50 ans au minimum imposée aux résidents, à l'exception des locaux commerciaux.
Le VENDEUR déclare qu'en raison (du) caractère particulier de l'ensemble immobilier affecté à usage de résidence pour personnes du 3ème âge, une association de gestion et d'administration de cette Résidence [13] a été fondée et dénommée '[Adresse 9]' aux termes de statuts déposés au rang des minutes de Maître [R], Notaire à [Localité 14] le 15 octobre 1991 et modifiés le 9 décembre 1993 et le 30 mars 1995.
L'ACQUÉREUR est obligatoirement membre de plein droit de cette Association ce qu'il déclare en outre accepter expressément.
La copie des statuts lui ayant été remise ce jour, l'ACQUÉREUR déclare adhérer aux statuts de l'association 'Le Bel Âge'.
Les parties conviennent que les charges concernant le fonctionnement de l'Association incomberont à l'ACQUÉREUR à compter de son entrée en jouissance et que le VENDEUR conservera à sa charge le montant de sa participation dans toutes les décisions qui auraient pu être prises jusqu'au 1er juillet 2010.
L'ACQUÉREUR sera substitué dans les droits et obligations du vendeur envers cette Association'.
52. Il existe une contradiction entre les termes 'obligatoirement' et le fait de déclarer 'adhérer aux statuts de l'association', qui occulte une fausse option laissée à Mme [F] qui n'a en réalité pas d'autre choix, si elle veut acquérir le bien convoité, que de devenir membre de l'association 'Le Bel Âge'.
53. Si cette rédaction contrevient clairement au principe de libre association, l'association 'Le Bel Âge' n'a toutefois aucune qualité à défendre cette clause pour ne pas être partie à l'acte.
54. Les vendeurs des appartements achetés par Mme [F] n'étant pas à la cause, sa demande de nullité du paragraphe intitulé 'Association des Résidents' contenu à l'acte de vente est irrecevable, peu important que l'intimée fasse état de considérations d'ordre public.
55. Le jugement, qui a traduit cette carence en débouté, sera infirmé de ce chef.
2 - la nullité des articles 11, 13 et 16 du règlement de copropriété du 26 octobre 1991, des règlements modifiés des 22 avril 1992 et 23 juin 1994 et de la convention de transfert de charges et d'organisation du 31 mai 2011 :
56. Le règlement de copropriété, adopté avant la promulgation de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006, définit en son article 8 la destination de l'immeuble comme étant 'à l'usage de maison de retraite' et prévoit en son article 9 que 'les logements sont affectés à usage d'habitation dans le cadre d'une résidence-services pour personnes du troisième âge, à l'exclusion des locaux commerciaux. Les appartements ou studios ne pourront être occupés que par des personnes ayant atteint l'âge de 50 ans révolus'.
57. L'article 13 stipule que 'les charges de fonctionnement et des services apportés aux résidents seront gérés par l'association 'Le Bel Âge' à laquelle doivent obligatoirement adhérer tous les copropriétaires et les résidents'.
58. L'article 11 précise de son côté que 'certaines parties communes seront gérées par une association syndicale (restauration, hôtesse-réception, téléphone, standard, service paramédical, homme d'entretien, garde de nuits, etc)' et l'article 16 que les charges spéciales relatives aux services communs 'comprennent restaurant, hôtesse-réception, téléphone standard, service para-médical, homme d'entretien, garde de nuit, etc... et sont établies à travers le règlement de l'association syndicale obligatoire constitué pour la gestion et l'animation de la maison de retraite'.
59. Il s'en déduit que ce règlement de copropriété initial définissait la résidence 'Le Bel Âge' comme une résidence-services pour personnes âgées et étendait déjà l'objet d'un syndicat de copropriétaires à la fourniture, aux occupants de l'immeuble, de services spécifiques, procurés par un tiers, en l'espèce l'association 'Le Bel Âge'.
60. Le règlement de copropriété, comme d'ailleurs les règlements modifiés des 22 avril 1992 et 23 juin 1994, n'est aucunement contraire au dispositif législatif, seule la mention d'une adhésion 'obligatoire' à l'association syndicale qui gère les services spécifiques constituant une atteinte à la liberté d'association (article 11), critique que Mme [F] n'est toutefois pas recevable à émettre hors la présence à l'instance du syndicat des copropriétaires.
61. Conformément à l'objet du règlement de copropriété de la résidence-services 'Le Bel Âge' ainsi qu'aux dispositions de l'article 41-1 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, une convention de transfert de charges et d'organisation a été régularisée le 31 mai 2011 entre le syndicat des copropriétaires de la résidence 'Le Bel Âge' et l'association 'Le Bel Âge' afin de 'clairement définir la répartition des charges entre la copropriété et l'association'.
62. Cette convention de transfert de charges et d'organisation a d'ailleurs été transmise avec la convocation à l'assemblée générale de l'association 'Le Bel Âge' du 28 juin 2011 adressée à l'ensemble des copropriétaires ou résidents de chaque logement, dont Mme [F] qui était déjà propriétaire de son appartement à ce moment-là, assemblée générale qui l'a validée dans le cadre d'une résolution n° 8 adoptée à l'unanimité n'ayant pas fait l'objet d'un recours.
63. La convention critiquée rappelle que, 'depuis l'origine, le budget de la copropriété a supporté certaines charges qui ne lui incombent pas naturellement : il s'agit de charges qui, en raison de leur nature, doivent être supportées par l'occupant des locaux dénommés 'parties communes spéciales', ainsi que de charges de fournitures ou de prestations de services qui reviennent à l'entrepreneur qui les utilise pour son activité. Cette situation peut s'expliquer dans un contexte de développement de la résidence mais n'a point vocation à perdurer'.
64. Les charges transférées pour tout ou partie portent sur :
- les contrats de fournitures ou de prestations concernant le dégraissage des hottes, la vidange des bacs à graisse, la consommation d'énergie électrique des parties communes constatée au compteur EDF spécifique, le chauffage des locaux des 'parties communes spéciales' et l'entretien de la vitrerie des 'parties communes spéciales',
- la consommation d'eau du restaurant,
- les frais de personnel de nettoyage et l'enlèvement des sacs poubelles des résidents et le petit entretien des 'locaux spéciaux' et du matériel de l'association.
65. Ce transfert de charges, toutes non individualisables et présentant une utilité objective pour les lots détenus par Mme [F], qui n'est pas interdit par la loi, a eu pour effet de transformer 'mécaniquement' certaines charges de copropriété en cotisations. Évalué à 62.500 € HT, il s'est traduit, ainsi que le mentionne la convention, par :
- 'la diminution d'un même montant du budget de la copropriété et des appels de fonds du syndic,
- la diminution correspondante des charges locatives,
- l'augmentation d'un même montant du budget de l'association' et, partant, une augmentation de la cotisation de fonctionnement de 58 € par mois pour Mme [F], dont il convient de rappeler qu'elle est à la charge de l'occupant lorsqu'elle loue ses appartements.
66. Outre le fait que cette convention n'est pas contraire à l'ordre public, Mme [F] ne saurait en solliciter la nullité comme n'en étant pas signataire. Elle n'a aucun droit à contester la qualité de l'un des signataires de cette convention (qui est président du conseil syndical mais pas du syndicat des copropriétaires) ou le fait que celle-ci n'ait été ratifiée que par l'assemblée générale de l'association mais pas par l'assemblée générale des copropriétaires de la résidence 'Le Bel Âge', étant ici souligné que la convention litigieuse reçoit exécution depuis 14 ans.
67. Le jugement sera toutefois infirmé en ce qu'il a débouté Mme [F] de sa demande de nullité des articles 11 et 16 du règlement de copropriété et de la convention de transfert de charges et d'organisation du 31 mai 2011, dès lors que l'intéressée ne pouvait qu'en être déclarée irrecevable.
68. En revanche, si le tribunal doit être approuvé lorsqu'il indique que l'article 13 du règlement de copropriété stipulant une 'adhésion obligatoire' à l'association 'Le Bel Âge' pour 'tous les copropriétaires et les résidents' est contraire au principe de libre association, il ne pouvait pas, ainsi qu'il l'a fait, en prononcer la nullité hors la présence du syndicat des copropriétaires.
69. Ce chef du jugement sera infirmé et la demande de Mme [F] sera déclarée irrecevable.
3 - la nullité de l'article 5 des statuts de l'association :
70. À l'origine, les statuts de l'association 'Le Bel Âge' prévoyaient en leur article 4 'tous les copropriétaires doivent adhérer à l'Association'.
71. L'article 6 précisait quant à lui que 'l'admission en qualité de résident est subordonnée aux conditions suivantes :
1) Justifier de la qualité de propriétaire par attestation notariée ou de la qualité de locataire ou de bénéficiaire de la jouissance par une attestation de propriétaire.
2) S'engager à recourir à ses frais aux services d'une personne salariée ou non ou d'un membre de sa famille dans le cas où sa santé ne lui assurerait pas un minimum d'autonomie.
3) Reconnaître avoir pris connaissance des statuts, du règlement intérieur, dont il aura reçu un exemplaire.
4) Régulariser une feuille d'inscription au secrétariat administratif de l'Association.
5) Avoir réglé les cotisations adhérentes à l'année en cours constatant l'adhésion.
6) S'engager à s'acquitter au début de chaque mois la cotisation de fonctionnement'.
72. À la faveur d'une assemblée générale extraordinaire du 30 septembre 2009, les statuts de l'association 'Le Bel Âge' ont été modifiés et prévoient désormais en leur article 5 que 'les membres adhérents de l'association sont : tout propriétaire d'appartement dans l'ensemble immobilier dénommé résidence '[10]' sis à [Localité 11][Adresse 1] (...), tout résident (...) tout occupant (...)'.
73. Pour autant, l'article 6 intitulé 'Admission des Membres de l'Association' précise que 'l'admission est soumise en dernier ressort à l'appréciation du Conseil d'Administration.
L'admission des Membres de l'Association est subordonnée aux conditions suivantes :
1) rencontrer le Président de l'Association ou son représentant avant de conclure un engagement au titre de propriétaire ou de locataire, afin que celui-ci l'informe du fonctionnement de la résidence et des conditions d'adhésion à l'[8].
2) justifier de sa qualité de propriétaire par attestation notariée ou de sa qualité de locataire ou de bénéficiaire de la jouissance par une attestation du propriétaire (...).
3) signer le Contrat d'Adhésion à l'Association, par lequel il reconnaît avoir pris connaissance des Statuts et du Règlement Intérieur de l'Association dont un exemplaire lui est remis, et s'engage à leur respect, ainsi qu'à celui des décisions du Conseil d'Administration et de l'Assemblée générale.
4) s'engager à informer immédiatement le Président de l'Association ou son représentant de la date de fin du bail de l'appartement, ou de la date de fin d'occupation, et ou de sa date de libération : l'Association informe alors les intéressés du solde des dettes du membre envers l'Association.
5) s'acquitter, s'il s'agit de l'admission d'un résident, d'un dépôt de garantie égal à la cotisation mensuelle de fonctionnement de l'Association (...)'.
74. Le nouveau dispositif législatif n'a aucunement institué une limitation à la liberté d'association, contrairement à ce qu'indique l'association 'Le Bel Âge', puisqu'il prévoit simplement que 'les services non individualisables sont fournis en exécution de conventions conclues avec des tiers', sans pour autant organiser une obligation d'adhésion auprès de l'association dispensant les services en question.
75. En toute hypothèse, si l'ancien article 4 des statuts est clairement contraire à la liberté d'association comme imposant une adhésion obligatoire à l'association 'Le Bel Âge', cet article n'existe plus puisque l'association a adopté de nouveaux statuts.
76. Or, il ne s'évince de ces derniers aucune automaticité de la qualité de membre de l'association 'Le Bel Âge' tenant au seul statut de propriétaire d'un appartement, lequel statut constitue néanmoins, parmi d'autres, un critère préalable au sens de l'article 5.
77. En outre, contrairement à ce qu'affirme Mme [F], les nouveaux statuts de l'association 'Le Bel Âge' prévoient en leur article 7 la possibilité d'une démission qui doit être 'notifiée par écrit au Président de l'Association', de sorte que le sociétaire ne se trouve pas irrémédiablement enfermé dans sa condition d'adhérent tant qu'il demeure propriétaire.
78. Au-delà de cet article 5, Mme [F] remet en question le caractère licite de l'association 'Le Bel Âge' sans pour autant en tirer les conséquences de droit appropriées (nullité de l'ensemble des statuts, dissolution ').
79. L'article 3 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association dispose que 'toute association fondée sur une cause ou en vue d'un objet illicite, contraire aux lois, aux bonnes moeurs, ou qui aurait pour but de porter atteinte à l'intégrité du territoire national et à la forme républicaine du gouvernement, est nulle et de nul effet'.
80. L'article 6 du code civil prévoit qu' 'on ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes moeurs'.
81. En l'espèce, l'objet social initial de l'association 'Le Bel Âge' est, aux termes de l'article 3 de ses statuts, 'd'assurer à ses membres les prestations et services les dégageant des soucis domestiques et matériels, dans toute la mesure compatible avec l'organisation générale, et de régler tous les problèmes de l'ensemble de la Résidence, qui ne sont pas du domaine de la copropriété, et par conséquent du syndicat des copropriétaires. Elle gère en priorité les équipements et services spécifiques. Elle a pour but également de favoriser et promouvoir, dans le cadre de la Résidence, des loisirs et des activités à caractère désintéressé d'ordre social, moral ou culturel'.
82. Par suite d'une modification de ses statuts, l'objet social de l'association 'Le Bel Âge' est désormais 'd'assurer aux résidents de l'ensemble immobilier résidence 'Le Bel Âge' des services d'aide à la personne dans l'objectif de leur permettre de se maintenir à domicile aussi longtemps que leur état le permet.
Ces services excluent tout acte de soins réalisé sur prescription médicale et sont délivrés dans la mesure où ils sont compatibles avec l'organisation générale de l'Association et les moyens que celle-ci met en oeuvre.
L'Association assure la gestion des moyens (équipements et services) nécessaires à sa mission, à l'exception de la gestion immobilière qui relève exclusivement de la copropriété.
L'Association s'efforce également de promouvoir dans le cadre de la résidence des activités de loisir à caractère désintéressé'.
83. L'objet social de l'association 'Le Bel Âge', loin d'être illicite, s'attache au contraire, depuis sa création, à éviter l'amalgame entre ce qui relève de son activité propre et ce qui incombe au syndicat des copropriétaires, tout en tenant compte des évolutions législatives lorsqu'il exclut expressément toute activité en matière de soins médicaux.
84. Il est donc parfaitement licite.
85. Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a prononcé la nullité de l'article 5 des statuts de l'association 'Le Bel Âge'.
86. Statuant à nouveau, la cour déboutera Mme [F] de ce chef.
Sur le paiement des cotisations
1 - le caractère nouveau de la demande en paiement d'une créance de 164.639.44 € :
87. Mme [F] soulève le caractère nouveau de la créance de 164.639.44 € demandée en cause d'appel alors qu'il n'était réclamé que 32.208,31 € en 2018.
88. L'association 'Le Bel Âge' soutient que cette demande correspond à une actualisation de sa créance initiale dès lors que celle-ci augmente chaque mois du montant des cotisations que Mme [F] ne paie pas.
Réponse de la cour
89. L'article 564 du code de procédure civile dispose que, 'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait'.
90. L'article 566 prévoit toutefois que 'les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire'.
91. Il s'ensuit que l'actualisation d'une créance à paiement périodique est possible en cause d'appel. C'est le cas de la demande de l'association 'Le Bel Âge' qui n'est donc pas nouvelle et, partant, qui est recevable.
2 - les cotisations non payées de novembre 2013 au 30 janvier 2025 :
92. L'association 'Le Bel Âge' soutient que Mme [F] est tenue de s'acquitter des cotisations impayées, lesquelles sont dues, que ses appartements soient loués ou non, que ses locataires (ou elle-même) profitent ou non des services non individualisables fournis par l'association.
À titre subsidiaire, l'appelante fait valoir que, dès lors que le dernier paiement de Mme [F] est intervenu le 11 mai 2017, ce n'est qu'à cette date qu'on pourrait considérer qu'elle a manifesté une volonté de renoncer à son adhésion.
93. Mme [F] réplique qu'il résulte des arguments développés précédemment qu'elle n'est tenue à aucun paiement. Elle indique aussi être à jour dans le paiement des charges de copropriété comme l'atteste un récent décompte qu'elle verse aux débats.
Réponse de la cour
94. L'article 4 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association prévoit que 'tout membre d'une association peut s'en retirer en tout temps, après paiement des cotisations échues et de l'année courante, nonobstant toute clause contraire'.
95. La liberté d'association a pour corollaire celle de ne pas s'associer et, lorsque l'on a adhéré à une association, de quitter celle-ci. Certes, la loi du 1er juillet 1901 ne consacre pas expressément le droit d'association négatif, c'est à dire le droit de ne pas adhérer, ou, ayant adhéré, celui de se retirer, mais la Cour euréopéenne des droits de l'Homme a reconnu ce droit ([I] [B] [M] c/ Islande du 30 juin 1993 ; [K] c/ France du 29 avril 1999). Selon cette jurisprudence, ce droit ne peut connaître de limitations qu'à la triple condition que celles-ci soient prévues par la loi, visent un but légitime et soient nécessaires dans une société démocratique, proportionnées au but légitime poursuivi et assurant un juste équilibre entre des intérêts contradictoires.
96. En l'espèce, l'article 9.2 des statuts de l'association 'Le Bel Âge' distingue les cotisations d'adhésion qui sont à la charge de chaque propriétaire, des cotisations de fonctionnement qui sont à la charge, indifféremment, du résident locataire, du résident propriétaire ou de toute personne vivant avec un résident locataire ou propriétaire, c'est-à-dire de toute personne bénéficiant effectivement des services dispensés, avec cette précision que les cotisations de fonctionnement sont aussi dues par le 'propriétaire en cas d'inoccupation de l'appartement'.
97. C'est d'abord sans preuve aucune que Mme [F] affirme que 'les factures mensuelles
3: Constitutives des cotisations dite de fonctionnement
envoyées (...) sont en fait un forfait global incluant le paiement des services mutualisés et des prestations individuelles à la personne à domicile'.
98. Ensuite, la jurisprudence citée par Mme [F] (Civ. 1ère, 3 juin 2015, n° 13-24.823) pour accréditer la thèse d'une démission depuis 2013 n'est pas pertinente. Dans cette espèce, à l'occasion de laquelle la Cour de cassation a jugé que celui qui a adhéré à une association pour un temps indéterminé peut s'en retirer à tout moment, après paiement des cotisations échues et de l'année courante, nonobstant toute clause contraire, un exploitant agricole avait adhéré à un centre de gestion agréé, dont il avait démissionné par lettre du 13 décembre 2007, mais l'association avait soutenu que la démission ne prenait effet qu'à la clôture de l'exercice, le 30 juin 2008, et lui avait demandé le paiement des honoraires au titre de l'exercice 2007-2008.
99. Or, Mme [F], dont la formalité d'adhésion à l'association 'Le Bel Âge' a été remplie, ainsi qu'elle l'a reconnu aux termes de l'acte authentique du 29 septembre 2010, ne justifie pas avoir démissionné dans les termes de l'article 7 des statuts de l'association ni s'être pleinement acquittée des cotisations échues.
100. Ainsi, par courrier électronique du 5 mai 2014, elle écrivait à l'association 'Le Bel Âge' pour lui soumettre un projet de contrat de location meublée et lui indiquer que l'appartement était prêt, souhaitant un retour sur 'la plaquette sur le séjour temporaire'.
101. Dans un courrier du 10 décembre 2014, Mme [F], loin de démissionner de l'association, lui écrivait pour lui faire part de sa situation économique difficile en raison de la difficulté à trouver des locataires depuis deux ans. Elle y sollicitait 'un réel partenariat avec l'association' en demandant une exemption de cotisation 'lorsque le séjour temporaire est inoccupé'.
102. Ce courrier a été adressé au conseil d'administration de l'association 'Le Bel Âge' et Mme [F] s'est engagée le 21 décembre 2014 'à régler progressivement mes dettes à l'association. Les remboursements seront envoyés tous les mois à compter de janvier 2015 et s'élèveront à 1.000 euros. Dans le cas où l'appartement réservé au séjour temporaire serait inoccupé plusieurs semaines de suite, je serais obligée d'en réduire temporairement le montant, au prorata de la cotisation mensuelle restante à ma charge. A contrario, si la location du 206 fonctionne comme on l'espère tous, je pourrai certains mois donner un peu plus'.
103. Même si l'association 'Le Bel Âge' a répondu le 14 janvier 2015 que la décision du conseil d'administration portait en réalité sur un étalement moyennant des paiements mensuels de 1.000 € par mois minimum, avec abandon des pénalités une fois la dette apurée et impossibilité de déroger à la règle générale concernant la cotisation de fonctionnement, il en ressort que Mme [F] n'a pas, en cette occasion, manifesté son intention de ne plus bénéficier des services de l'association, lesquels services constituent une garantie de la location de ses appartements, l'intérêt principal d'une location au sein de la résidence 'Le Bel Âge' étant précisément dans l'offre de services adaptés au vieillissement.
104. Non seulement Mme [F] a continué à régler ses cotisations, même partiellement, jusqu'en mai 2017
4: Le dernier paiement de Mme [F] a été effectué le 11 mai 2017 par deux chèques de 613,90 € et 982,24 €
, mais encore, le 5 mai 2023 et le 10 février 2024, elle publiait une annonce sur le site leboncoin concernant la location d'un T1 au sein de la résidence '[10]', informant même, dans la seconde annonce, que, 'dans cet immeuble, une association délivre des services à la personne : présence infirmière et aides-soignantes, téléalarme, restauration... Une cotisation forfaitaire mensuelle est exigée'.
105. Mme [F] a donc entendu continuer à bénéficier des services rendus par l'association dont elle est adhérente, ce qui ne permet pas de la considérer comme démissionnaire. Le fait qu'elle cherche à revendre ses appartements pour un montant total de 215.000 € depuis 2018 (passé à 228.000 € en 2022) n'est pas davantage constitutif d'une volonté de démissionner puisqu'au contraire, elle a donné de nouveaux mandats de location en 2021.
106. Mme [F] est muette sur la location de ses trois appartements depuis 2013 (elle ne produit notamment aucun avis d'imposition). Il n'est pas exclu qu'elle ait pu les louer, même temporairement, et ainsi continuer à bénéficier des services de l'association 'Le Bel Âge' sans contrepartie.
107. L'association 'Le Bel Âge' produit les procès-verbaux des assemblées générales ayant arrêté les cotisations depuis 2013
5: Les cotisations sont progressivement passées de 613,90 € à 627,90 € par mois et par appartement
ainsi qu'un tableau récapitulatif des cotisations dues par Mme [F] sur chaque appartement, décompte que l'intéressé n'a pas entendu contester, d'où il ressort qu'elle est redevable de la somme de 164.639.44 € au titre des cotisations non payées de novembre 2013 au 30 janvier 2025.
108. Il sera fait droit à la demande de l'association 'Le Bel Âge'.
Sur la demande reconventionnelle en remboursement
109. Mme [F] estime avoir été abusée sur le caractère fondé des sommes payées pendant plusieurs années et dont elle sollicite le remboursement. Elle évoque les pressions des recommandés de convocation aux assemblées générales et d'envoi de procès-verbaux d'assemblées générales qui l'ont amenée à d'abord régler les cotisations puis la connaissance du montage juridique illégal dans des articles de presse qui l'ont convaincue d'arrêter les paiements.
110. L'association 'Le Bel Âge' estime que Mme [F] a adhéré volontairement à l'association et s'est acquittée spontanément des cotisations, dont la contrepartie était les services dont elle a bénéficié. En tout état de cause, cette demande reconventionnelle, formée en première instance dans ses conclusions n°1 datées du 16 mars 2020, est partiellement prescrite concernant les sommes versées de 2010 à mars 2015, qui s'élèveraient selon Mme [F] à un montant de 24.581,95 €.
Réponse de la cour
111. Le tribunal, bien que saisi d'une demande reconventionnelle en remboursement des cotisations payées, n'a pas statué sur ce point.
112. Dès lors que le principe des cotisations n'a pas été invalidé, la demande reconventionnelle en remboursement formée par Mme [F] ne peut qu'être rejetée.
Sur les dépens
113. Le chef du jugement concernant les dépens de première instance sera infirmé. Mme [F], partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
114. Les avocats qui en ont fait la demande seront autorisés à recouvrer directement les dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir demandé de provision.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
115. Le chef du jugement concernant les frais irrépétibles de première instance sera infirmé. L'équité commande de faire bénéficier l'association 'Le Bel Âge' des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 3.000 € € compensation des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile,
Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Nantes du 10 novembre 2022 sauf en ce qu'il a :
- déclaré l'association 'Le Bel Âge' recevable en son action initiée à l'encontre de Mme [N] [F],
- dit que l'association 'Le Bel Âge' dispose de la capacité juridique,
Statuant à nouveau,
Déclare Mme [N] [F] irrecevable en ses demandes de nullité :
- du paragraphe intitulé "Association des Résidents" de l'acte de vente du 29 septembre 2010,
- des articles 11, 13 et 16 du règlement de copropriété de la résidence 'Le Bel Âge' du 26 octobre 1991, des règlements modifiés des 22 avril 1992 et 23 juin 1994 et de la convention de transfert de charges et d'organisation du 31 mai 2011,
Déboute Mme [N] [F] de sa demande de nullité de l'article 5 des statuts de l'association 'Le Bel Âge',
Condamne Mme [N] [F] à payer à l'association 'Le Bel Âge' la somme de 164.639.44 € au titre des cotisations non payées de novembre 2013 au 30 janvier 2025,
Déboute Mme [N] [F] de sa demande reconventionnelle en remboursement des cotisations,
Condamne Mme [N] [F] aux dépens de première instance et d'appel,
Autorise les avocats qui en ont fait la demande à recouvrer directement les dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir demandé de provision,
Condamne Mme [N] [F] à payer à l'association 'Le Bel Âge' la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.