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Décisions

CA Montpellier, ch. com., 28 octobre 2025, n° 25/02264

MONTPELLIER

Arrêt

Autre

CA Montpellier n° 25/02264

28 octobre 2025

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 28 OCTOBRE 2025

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 25/02264 - N° Portalis DBVK-V-B7J-QUPB

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 16 AVRIL 2025

TRIBUNAL DE COMMERCE DE PERPIGNAN

N° RG 2025f00549

APPELANTE :

S.A.S. NAI'A VILLAGE prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 8]

[Localité 6]

Représentée par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représentée par Me KHEMAIS Nabil, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

INTIMES :

Maître [W] [B] ès qualités de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la SAS NAI'A VILLAGE.

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Philippe NESE de la SELARL NESE, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES

Organisme URSSAF DE LANGUEDOC ROUSSILLON représenté par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représentée par me Jenna CHASTEL substituant Me François BORIE de la SCP DORIA AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER

S.E.L.A.R.L. FHBX Prise en la personne de Maître [K] [R] es qualité d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la SAS NAI'A VILLAGE

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Philippe NESE de la SELARL NESE, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES

LE MINISTERE PUBLIC

en son Parquet Cour d'Appel

[Localité 2]

Ordonnance de clôture du 09 Septembre 2025

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 914-5 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 SEPTEMBRE 2025, en chambre du conseil, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par le même article, devant la cour composée de :

Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre

M. Thibault GRAFFIN, conseiller

M. Fabrice VETU, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Elodie CATOIRE

Ministère public :

L'affaire a été communiquée au ministère public, qui a fait connaître son avis le 16 septembre 2025.

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Elodie CATOIRE, greffière.

FAITS ET PROCEDURE :

Par exploit du 28 mars 2025, l'URSSAF du Languedoc Roussillon, a assigné en redressement judiciaire la SAS Nai'a Village, exploitant un camping sur la presqu'île du [Localité 6], en se prévalant d'une créance de 191 024 euros à son égard.

Par jugement réputé contradictoire du 16 avril 2025, le tribunal de commerce de Perpignan a :

constaté l'état de cessation des paiements de la société Nai'a Village ;

prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Nai'a Village ;

désigné Mme Pascale Lambert en qualité de juge commissaire et M. Germain Moreno en qualité de juge commissaire suppléant ;

nommé la SELARL FHBX, prise en la personne de M. [K] [R], en qualité d'administrateur judiciaire dont la mission est, outre les pouvoirs qui lui sont conférés par la loi, d'assister le débiteur pour tous les actes de gestion et Mme [W] [B] en qualité de mandataire judiciaire ;

fixé provisoirement au 28 mars 2025 la date de cessation des paiements ;

ouvert une période d'observation en vue d'élaborer un plan de redressement de l'entreprise ;

fixé au 16 octobre 2025 1'expiration de la période d'observation ;

renvoyé l'affaire au 11 juin 2025, pour qu'il soit statué air la poursuite de la période d'observation au vu d'un rapport du débiteur, le cas échéant de l'administrateur judiciaire sur les capacités financières de l'entreprise conformément à l'article L. 631-15 du code de commerce ;

dit qu'à cette date, le débiteur devra se présenter à l'audience de ce tribunal pour être entendu sur le rapport de monsieur le juge commissaire ;

dit qu'à tout moment de la période d'observation, le tribunal, à la demande du débiteur, de l'administrateur judiciaire, du mandataire judiciaire, d'un contrôleur, du ministère public ou d'office, peut ordonner la cessation partielle de l'activité ou prononcer la liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible ;

commis le président de l'association des commissaires de justice des Pyrénées Orientales aux fins de réaliser un inventaire et la prisée du patrimoine du débiteur ainsi que des garanties qui le grèvent ;

dit qu'en cas d'établissement(s) hors du ressort de ce tribunal, un commissaire-priseur du dit ou des dits ressort(s) procéder à cet inventaire ;

dit que cet inventaire devra mentionner le solde des comptes bancaires ainsi que la présence d'actif immobiliers ;

dit que l'inventaire devra être réalisé dans le délai d'un mois et déposé au greffe dans le délai de deux mois ;

dit que si la vente des biens immobiliers s'avère nécessaire, l'un des mandataires de justice saisira le juge commissaire pour voir désigner un expert aux fins de réaliser l' évaluation de ces actifs ;

dit que dans les dix jours du prononcé du présent jugement, le représentant légal de la personne morale débitrice ou le débiteur personne physique, assisté de l'administrateur, devra réunir le comité d'entreprise (ou à défaut les délégués du personnel, ou à défaut salariés de l'entreprise) pour désigner un représentant des salariés dans les conditions prévues par l'article R. 621-14 du code de commerce ;

dit que le procès-verbal de désignation du représentant des salariés ou le procès-verbal de carence sera déposé au greffe de ce tribunal sans délai ;

dit qu'en application de l'article L. 622-6 du code de commerce, le débiteur devra sans délai remettre à l'administrateur et au mandataire judiciaire la liste de ses créanciers, du montant de ses dettes et des principaux contrats en cours et qu'il l'informera des instances en cours auxquelles il est partie ;

précisé que le débiteur devra, sous peine de sanctions, coopérer avec los organes de la procédure et ne pas faire obstacle à son bon déroulement;

dit que la liste des créances des prévue l'ar1cle L. 624-1 du code de commerce devra être déposée au greffe de ce tribunal dans le délai de 12 mois à dater du jour du jugement ;

dit que le siège de l'entreprise est réputé fixé domicile du dirigeant et ordonné conséquence au dirigeant de l'entreprise d'avoir à déclarer auprès du greffe ses éventuels changements d'adresses ;

dit que les publicités du présent jugement seront faites d'office par le greffier dans les quinze jours nonobstant toutes voies de recours ;

et ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de redressement judiciaire.

Par déclaration du 28 avril 2025, la société Nai'a Village a relevé appel de ce jugement.

Par conclusions du 15 juillet 2025, la SAS Nai'a Village demande à la cour, au visa des articles L. 631-1 et R. 661-1 et suivants du code de commerce, de:

juger son appel recevable ;

infirmer le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

juger qu'il n'y a pas lieu à ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à son égard ;

rejeter en conséquence toute demande en ce sens ;

et ordonner la transmission de la décision à intervenir au greffe du tribunal de commerce de Perpignan aux fins de publication au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales.

Par conclusions du 25 août 2025, l'URSSAF du Languedoc Roussillon demande à la cour, au visa des articles 656, 659, 690 du code de procédure civile et des articles R. 210-11, R. 600-1, R. 631-2 et L. 631-1 du code de commerce, de :

débouter la société Nai'a Village de l'ensemble de ses demandes ;

confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

et statuer ce que de droit sur les dépens.

Par conclusions du 3 septembre 2025, la SELARL FXBH, ès qualités d'administrateur judiciaire de la SAS Nai'a Village et Mme [W] [B], ès qualités de mandataire de la SAS Nai'a Village, demandent à la cour, au visa de l'article L. 631-5 du code de commerce, de :

confirmer le jugement entrepris ;

débouter en conséquence la société Nai'a Village de l'ensemble de ses demandes ;

juger que son passif exigible est supérieur à son actif disponible de telle sorte qu'elle est en état de cessation des paiements ;

prononcer l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à son égard ;

et statuer ce que de droit sur les dépens.

Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

Le ministère public, auquel le dossier de l'affaire a été communiqué et qui a été informé de la date d'audience, n'a pas fait connaître son avis.

L'ordonnance de clôture est datée du 9 septembre 2025.

MOTIFS :

Moyen des parties :

1. La SAS Nai'a Village fait valoir que depuis le prononcé du jugement du 16 avril 2025, elle a été en mesure de réunir des financements lui permettant de reconstituer un actif disponible suffisant pour faire face à son passif exigible.

Selon l'appelante, en effet, les sociétés Omelio et Star Invest, en tant qu'actionnaires direct et indirect apporteraient leur plein soutien financier par le biais d'une lettre d'engagement, elle aurait reconstitué sa trésorerie, laquelle atteindrait désormais 232 000 euros.

2. Le passif exigible serait d'un montant de 609 278,06 euros et l'appelante indique à toutes fins qu'elle a effectué un rachat de créance auprès de ses fournisseurs et procédé à des efforts de rationalisation des coûts de sorte qu'elle serait « à l'équilibre ».

3. La SELARL FXBH, ès qualités d'administrateur judiciaire de la SAS Nai'a Village et Me [W] [B], ès qualités de liquidateur sur l'ensemble de ces points soutiennent :

que la lettre d'engagement n'a aucune valeur ;

qu'il serait faux de de prétendre que le rachat de certaines créances exigibles par des sociétés du groupe permettrait l'absence de cessation des paiements :

que l'actif disponible du compte bancaire serait de 35 519,97 euros et aurait ainsi diminué pendant la procédure d'appel ;

le passif échu s'élèverait à 2 052 685,65 euros au 2 septembre 2025 et ne tiendrait pas compte de certains créanciers qui n'auraient pas déclaré leur créance ;

l'ensemble des développements réalisés par l'appelante concernant la mise en péril de la stratégie du groupe n'aurait pas lieu d'être pris en considération dans le cadre de la présente instance.

4. L'URSSAF du Languedoc Roussillon, qui reprend pour partie les moyens invoqués par les mandataires, fait valoir, pour sa part, que l'appelante lui doit, au 25 mars 2025, selon contraintes définitives, une somme totale de 379 635,47 euros, représentant en totalité une créance certaine, liquide et exigible et indique que malgré les nombreuses mesures d'exécution, elle n'a pu en obtenir paiement. Sa créance déclarée aujourd'hui serait de 645 745,97 euros.

Réponse de la cour :

5. Selon l'article L. 631-1 du code de commerce, la cessation des paiements est définie comme l'impossibilité pour le débiteur de faire face à son passif exigible avec son actif disponible et le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible, n'est pas en cessation des paiements.

6. L'actif disponible est constitué des sommes, valeurs et fonds dont l'entreprise peut immédiatement disposer pour régler immédiatement ses dettes exigibles. Il comprend ainsi toutes les liquidités de l'entreprise, ainsi que les actifs réalisables immédiatement ou à bref délai.

7. Pour apprécier l'actif disponible, il convient de se placer au jour où la cour statue. Ainsi, tout nouvel apport de fonds effectué postérieurement à l'ouverture de la liquidation judiciaire doit être pris en compte dans le calcul de l'actif disponible.

8. Le passif exigible comprend l'ensemble des dettes certaines, liquides et exigibles, soit, en principe, toutes les dettes échues au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective. Seul doit être pris en compte le passif exigible, sans qu'il soit besoin d'être exigé

9. En l'espèce, il sera retenu, s'agissant de l'actif disponible, que la pièce 14 de l'appelante, présentée comme une lettre d'engagement des sociétés Omelio et Star Invest ne porte aucunement sur un apport de fond mais acte seulement l'existence d'un soutien financier « de nature à garantir la continuité de son activité et la solidité de son projet de redressement ».

10. Ces sociétés se projettent ainsi d'ores et déjà dans la perspective d'un plan de redressement, ce qui exclut l'apport financier immédiat susceptible de faire varier l'actif disponible lequel est, au vu des productions, d'un montant de 35 519,97 euros.

11. Par ailleurs, il est affirmé que l'engagement dont s'agit « ne constitue ni une garantie autonome, ni une sûreté au sens de l'article 2321 et suivants du code civil, mais un engagement de soutien financier [sans précision de montant] fondée sur la volonté de préservation économique du Groupe Star Invest ».

12. Au vu des mêmes productions, le passif exigible sera chiffré à la somme de 2 052 685,65 euros, et non pas à celle de 609 278,06 euros, nonobstant l'existence d'acte de cession de créance et peu important que des mesures de rationalisation puissent engendrer des effets vertueux pour l'avenir.

12. Ainsi, au jour où la cour statue, le passif exigible est plus de cinquante-sept fois supérieur à l'actif disponible de sorte que l'état de cessation des paiements est caractérisé ; et le jugement qui a placé la société en procédure de redressement judiciaire sera confirmé.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Dit que les dépens seront employés en frais de redressement judiciaire.

Le greffier La présidente

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