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Décisions

CA Montpellier, ch. com., 28 octobre 2025, n° 25/02531

MONTPELLIER

Arrêt

Autre

CA Montpellier n° 25/02531

28 octobre 2025

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 28 OCTOBRE 2025

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 25/02531 - N° Portalis DBVK-V-B7J-QVAK

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 30 AVRIL 2025

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE MONTPELLIER

N° RG 25/00120

APPELANT :

Monsieur [U] [I]

né le [Date naissance 2] 1979 à [Localité 6] (34)

de nationalité française

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représenté par Me Nathalie CELESTE, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEES :

MSA DU LANGUEDOC prise en la personne de son Président en exercice,

Service Contentieux Pole Fonctionnel

[Localité 3]

signifiée le 04 juin 2025 à personne habilitée

S.E.L.A.S. OCMJ ès qualités de mandataire judiciaire au RJ de Mr [U] [I]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Denis BERTRAND, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 16 septembre 2025

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 914-5 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 septembre 2025, en chambre du conseil, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par le même article, devant la cour composée de :

Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre

M. Thibault GRAFFIN, conseiller

M. Fabrice VETU, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Gaëlle DELAGE

Ministère public :

L'affaire a été communiquée au ministère public.

ARRET :

- Réputé contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Gaëlle DELAGE, greffière.

*

* *

FAITS ET PROCEDURE :

Le 28 août 2016, M. [U] [I] a régularisé son adhésion auprès de l'Établissement public Mutualité Sociale Agricole du Languedoc (ci-après la MSA) en qualité d'exploitant agricole d'un domaine viticole.

Le 8 février 2021, la MSA du Languedoc a sollicité l'ouverture d'un règlement amiable aux fins d'apurer une dette principale de 30 334,72 euros outre 1 502,23 euros de majorations de retard et frais.

Par ordonnance du 7 avril 2022, le juge délégué en matière de règlement amiable des entreprises agricoles en difficulté du tribunal judiciaire de Montpellier a constaté l'impossibilité de parvenir à un règlement amiable des dettes de M. [I], et laissé à la MSA du Languedoc l'initiative d'une saisine éventuelle du tribunal judiciaire de Montpellier aux fins d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire.

Par exploit du 11 juin 2024, la MSA du Languedoc a assigné M. [U] [I] en redressement judiciaire, ou subsidiairement en liquidation judiciaire.

Par jugement contradictoire à signifier en date du 30 avril 2025, la chambre des procédures collectives du tribunal judiciaire de Montpellier a :

dit n'y avoir lieu à statuer sur les contestations de créances formées par M. [U] [I] ;

l'a débouté de ses demandes ;

constaté son état de cessation de paiement ;

ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de M. [I] ;

fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 11 juin 2024 ;

désigné la SELAS OCMJ, représentée par M. [J] [C], en qualité de mandataire judiciaire ;

nommé Mme Corinne Janakovic en qualité de juge commissaire titulaire et Mme Aude Morales en qualité de juge-commissaire suppléant ;

fixé à 12 mois le délai d'établissement de la liste des créances par le mandataire judiciaire ;

dit que l'inventaire du patrimoine sera établi par M. [I] qui le déposera au greffe avec copie au mandataire désigné ;

renvoyé l'affaire à l'audience du 19 juin 2025 ;

ordonné la publicité et la transmission de la décision conformément aux articles R. 621-7, R. 621-8 et R. 631-12 du code de commerce ;

rappelé que l'exécution provisoire est de droit ;

et dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de redressement judiciaire.

Par déclaration du 13 mai 2025, M. [U] [I] a relevé appel de ce jugement.

Par conclusions du 13 juin 2025, il demande à la cour, au visa des articles 9, 455, 458 du code de procédure civile, des articles L. 624-2, R. 631-2, R. 662-3 du code de commerce, des articles L. 171-3, L. 244-9 du code de la sécurité sociale et des articles L. 351-2 et L. 725-3 du code rural et de la pêche maritime, de déclarer son appel recevable et bien fondé, d'annuler le jugement entrepris, à titre subsidiaire, de l'infirmer, de débouter la MSA du Languedoc de l'ensemble de ses demandes, et de la condamner à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions du 13 juin 2025, la SELAS OCMJ, prise en la personne de Me [J] [C], ès qualités de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de M. [U] [I], demande à la cour de dire l'appel interjeté infondé, de le rejeter, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et de dire que les dépens seront frais privilégiés de la procédure collective.

Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'Établissement public Mutualité Sociale Agricole du Languedoc, destinataire de la déclaration d'appel par acte d'huissier en date du 4 juin 2025 délivré à personne habilitée, n'a pas constitué avocat.

Par avis du 11 septembre 2025, communiqué aux parties par RPVA, le ministère public s'en rapporte à l'appréciation de la cour.

L'ordonnance de clôture est datée du 16 septembre 2025.

A l'audience des plaidoiries, la cour a soulevé d'office le moyen tiré de la présence effective dans le dossier de la cour de l'assignation délivrée par la MSA à M. [I] comportant en annexe, l'ordonnance tribunal judiciaire de Montpellier de (non) conciliation mentionnée supra datée du 7 avril faisant mention de ce que l'appelant n'avait pas comparu. L'appelante questionnée, après avoir pris connaissance de cette pièce, a indiqué ne pas demander le renvoi de l'affaire pour une éventuelle réplique sur ce point.

MOTIFS

Le tribunal retient notamment en ses motifs :

« Sur la contestation des créances

L'article L. 624-2 du code de commerce prévoit « Au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire, si la demande d'admission est recevable, décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence.

En l'absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission. »

De jurisprudence constante, à l'exception des créances des salariés, le juge-commissaire est seul compétent pour statuer sur l'existence de la créance.

Cela a été rappelé à l'audience de renvoi : le tribunal n'est par conséquent pas matériellement compétent aux fins de statuer sur le caractère infondé des créances invoquées par la MSA, il n'y a donc pas lieu de statuer sur les prétentions de ce chef de M. [U] [I] et pas davantage sur sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire

En application des dispositions de l'article L. 631-1 du code de commerce, la procédure de redressement judiciaire est ouverte à tout débiteur mentionné à l'article L. 631-2 ou L. 631-3 du même code qui, dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation de paiements.

En l'espèce, il résulte des pièces produites que M. [U] [I] se trouve dans l'impossibilité de faire face avec son actif disponible au passif exigible de la Caisse de Mutualité Sociale Agricole du Languedoc qui justifie à la fois d'une créance certaine, liquide, exigible et de contraintes signifiées à M. [U] [I] devenues définitives.

Les poursuites et voies d'exécution entreprises par la MSA du Languedoc n'ayant pas permis à celle-ci d'obtenir le paiement de sa créance, la cessation des paiements est caractérisée. Il y a lieu d'ouvrir une procédure de redressement judiciaire à l'égard de M. [U] [I] selon les modalités définies au dispositif. »

* M. [U] [I] fait valoir au soutien de son appel les moyens suivants :

' le 13 février 2013 il a créé une SARL VTC de terrassement relevant du régime social des indépendants (RSI), devenue l'URSSAF en 2018 ; parallèlement, il a commencé à compter du 29 août 2016 une activité de viticulteur en qualité d'entrepreneur individuel ;

' la SARL ayant été liquidée à compter du 31 décembre 2019 M. [I] ne relevait plus du régime de l'URSSAF pour le paiement de ses cotisations, mais relevait de la MSA à compter du 1er janvier 2020, à laquelle il a réglé le montant de cotisations ;

' bien qu'ayant été cotisant de l'URSSAF jusqu'en 2020, la MSA a cru pouvoir solliciter le règlement de cotisations au titre des années 2016 à 2020 pour un montant de 60 860,66 € en principal et majorations de retard ;

' c'est dans ce contexte qu'il s'est vu notifier plusieurs contraintes au titre de ces années de cotisations prétendument impayées ;

' les bilans comptables de la SARL VTC témoignent du paiement de ces cotisations : conformément à l'article L. 171-3 du code de la sécurité sociale, dès lors qu'une personne exerce simultanément une activité indépendante agricole est une activité indépendante non agricole, elle n'est affiliée que dans un seul régime de son activité la plus ancienne ; c'est ainsi qu'il ne cotisait au régime RSI devenu URSSAF jusqu'à la fermeture définitive de son activité de terrassement commencé en février 2013, la MSA n'est donc pas fondée à se prévaloir d'une créance à son égard, ni à ce titre ni au titre des cotisations pour les années 2020 à 2024 pour un montant de 5274,68 € ;

' les titres exécutoires dont se prévaut la MSA ne sont pas opposables en application de l'article L. 244-9 al. 2 du code de la sécurité sociale (trois ans à compter de la date de notification ou un acte d'exécution en application de cette contrainte) ; et la MSA prétend avoir réalisé une saisie-attribution le 7 novembre 2023 sans en justifier ;

' la procédure est irrégulière car la MSA ne justifie pas avoir saisi le président du tribunal judiciaire pour une conciliation en vertu des articles R631-2 du code de commerce et L. 351-2 du code rural et de la pêche maritime ;

' une créance dont le bien-fondé est contesté est une créance litigieuse qui ne peut être prise en compte dans la détermination du passif exigible (Cass. com. 5 mai 2015 n° 14-11. 381) ;

' ne donne pas de base légale à sa décision la cour qui prononce l'ouverture d'une procédure judiciaire sans donner aucune précision quant à la consistance de l'actif disponible au jour où elle statue, en se déterminant par des motifs généraux abstraits sans évoquer le contenu des productions dont il n'a pas fait l'analyse ; et il y a lieu d'annuler le jugement en application de l'article 455 du code de procédure civile.

Mais il convient de relever en premier lieu que, comme il est dit supra, le dossier de la cour comporte l'assignation qui a été délivrée par la MSA à M. [I] et son annexe, l'ordonnance de tentative infructueuse de conciliation, faute de comparution l'appelant, datée du 7 avril 2022, de sorte que la procédure a été régulièrement suivie et que la fin de non-recevoir soulevée sera écartée.

Au fond, le créancier poursuivant détient des contraintes définitives n'ayant fait l'objet d'aucun recours, de sorte que leur montant est exigible. Les moyens tendant à la remise en cause des titres exécutoires relèvent de l'article L624-2 du code de commerce dont les dispositions ont été rappelées par le tribunal judiciaire.

Le mandataire judiciaire fait valoir exactement qu'en cause d'appel M. [I] ne produit pas le moindre élément sur l'existence éventuelle d'un actif disponible, étant observé que s'il avait détenu des fonds, il aurait acquitté les contraintes définitives lorsqu'elles lui ont été signifiées, ce dont il s'est abstenu ; et qu'il est fourni au jour de la rédaction des conclusions du mandataire datées du 8 juin 2024, la liste des créances qui ont été déclarées entre ses mains, alors que le délai légal n'est pas expiré faisant état de ce que quatre créanciers se sont déjà manifestés auprès de lui, manifestement des fournisseurs, pour un total déclaré de 48 261,40 euros et alors même que la MSA n'a pas encore produit sa créance.

La preuve étant ainsi rapportée de l'absence d'actif suffisant au paiement des créanciers, M. [I], qui n'a fait aucune réplique à ces moyens, ne verse aucun élément comptable récent, notamment bancaire, démontrant, à l'opposé, qu'il détiendrait en réalité un actif disponible lui permettant de faire face à ses dettes ; l'état de cessation des paiements est établi au jour où la statue.

Il ne saurait être reproché en effet à la MSA de ne pas pouvoir établir quel serait le montant exact de l'actif sur lequel aucune précision n'est fournie par l'appelant lui-même.

Le jugement qui a retenu que M. [I] se trouve dans l'impossibilité de faire face avec son actif disponible au passif exigible et prononcé son redressement judiciaire, sera approuvé.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Rejette la fin de non-recevoir soulevée par M. [U] [I] ;

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Dit que les dépens d'appel seront frais de la procédure collective de M. [U] [I] ;

Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente

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