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Cass. soc., 5 novembre 2025, n° 24-15.269

COUR DE CASSATION

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Cassation

Cass. soc. n° 24-15.269

5 novembre 2025

SOC.

CZ

COUR DE CASSATION
______________________

Arrêt du 5 novembre 2025

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1028 FS

Pourvoi n° T 24-15.269

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 NOVEMBRE 2025

1°/ La Confédération générale du travail,

2°/ La Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT,

tous deux ayant leur siège au [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° T 24-15.269 contre l'arrêt rendu le 14 mars 2024 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Safran aircraft engines, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ à la Défenseure des droits, domiciliée [Adresse 3],

défenderesses à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation.

La Défenseure des droits a présenté des observations en application de l'article 33 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ott, conseillère, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la Confédération générale du travail, et de la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Safran aircraft engines, et l'avis de Mme Canas, avocate générale, après débats en l'audience publique du 1er octobre 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ott, conseillère la plus ancienne faisant fonction de doyenne, Mmes Sommé, Bérard, M. Dieu, Mme Depelley, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, Ollivier, Arsac, conseillères référendaires, Mme Canas, avocate générale, et Mme Pontonnier, greffière de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, du président et des conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 mars 2024), la société nationale d'étude et de construction de moteurs d'aviation SNECMA, devenue la société Safran aircraft engines (la société), appartenant au groupe Safran depuis 2004, exerce une activité industrielle et commerciale de conception, développement et production de moteurs pour les avions civils et militaires, les lanceurs spatiaux et les satellites. Elle emploie environ 58 000 personnes, dont en France dans onze sites sur le territoire national environ 12 000 salariés représentés par environ 450 salariés titulaires de mandat de représentation du personnel et soumis à la convention collective de la métallurgie.

2. Estimant qu'en dépit des différents accords collectifs conclus au sein du groupe et du dialogue social mené dans l'entreprise ainsi que des actions prud'homales engagées par des salariés, il n'était pas remédié de façon suffisante à la discrimination syndicale dont faisaient l'objet dans l'évolution de leur carrière et de leur rémunération les salariés titulaires d'un mandat CGT, et après avoir par lettre remise par huissier de justice le 23 mai 2017 informé l'employeur de son intention d'exercer une action de groupe en lui demandant de faire cesser la situation de discrimination collective, la Fédération des travailleurs de la métallurgie FTM-CGT (la fédération) a, par acte du 30 mars 2018, assigné la société devant le tribunal de grande instance afin, sur le fondement de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, ayant instauré l'action de groupe en matière de discrimination, d'obliger la société à mettre en place certaines mesures permettant de mettre fin définitivement à la situation de discrimination syndicale alléguée vis-à-vis des élus et mandatés CGT et d'obtenir des réparations pour tous les salariés titulaires ou ayant été titulaires d'un mandat CGT et qui auraient fait à ce titre l'objet de discriminations.

3. La Confédération générale du travail (la confédération) est intervenue volontairement à l'instance et la Défenseure des droits a présenté des observations.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

4. La confédération et la fédération font grief à l'arrêt de rejeter l'ensemble de leurs demandes tendant à prononcer diverses injonctions à l'encontre de la société en vue de la cessation des manquements de cette société en matière de discrimination syndicale, à ce qu'il soit jugé qu'elle est responsable de discrimination syndicale à l'encontre des salariés et anciens salariés de la société élus ou mandatés sous l'étiquette CGT, qu'il sera fait application de la procédure individuelle de réparation, que soit défini le groupe discriminé comme étant celui des salariés et anciens salariés de la société élus ou mandatés connus sous l'étiquette CGT, qu'il soit jugé que les préjudices subis qui devront être réparés seront les préjudices financiers, de retraite, de carrière, le préjudice moral ainsi que le préjudice lié aux pertes de chance, que soit fixé le délai dans lequel les personnes répondant aux critères de rattachement de ce groupe et souhaitant se prévaloir du jugement sur la responsabilité peuvent adhérer au groupe en vue d'obtenir réparation de leurs préjudices à vingt-quatre mois et qu'il soit ordonné à la société, à sa charge, les mesures de publicité selon les modalités de l'article 826-16 du code de procédure civile, alors :

« 1°/ que la décision du Conseil constitutionnel à intervenir déclarant l'article 92, II, de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle non conforme à la Constitution car contraire au principe d'égalité des justiciables devant la loi entraînera l'annulation de l'arrêt frappé de pourvoi pour perte de fondement juridique ;

2°/ que les lois de procédure s'appliquent immédiatement aux procédures en cours ; que les Etats membres sont tenus, en vertu des articles 11 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de mettre en place un système judiciaire qui garantisse une protection réelle et effective contre la discrimination syndicale ; que suivant l'article 92, II, de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, ''les dispositions spécifiques à l'action de groupe sont applicables aux seules actions dont le fait générateur de la responsabilité ou le manquement est postérieur au 19 novembre 2016'' ; qu'en l'espèce, sur le fondement de cette disposition, la cour d'appel a débouté les exposantes de leurs demandes au motif qu'il ne pouvait ''être examiné la réalité d'un fait générateur ou d'un manquement qui s'est produit antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi sur l'action de groupe'' ; qu'en faisant application d'une telle disposition contraire au principe d'application immédiate des lois de procédure et ayant pour effet, en restreignant leur droit d'accès au juge, de priver les victimes de discrimination syndicale d'une protection judiciaire effective contre les discriminations, la cour d'appel a violé les articles 6 § 1, 11, 13 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

5. D'abord, la décision n° 2024-1123 QPC du 6 février 2025, par laquelle le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution la référence « III » figurant au paragraphe II de l'article 92 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, prive de portée la première branche du moyen qui invoque une perte de fondement juridique.

6. Ensuite, selon la Cour européenne des droits de l'homme, le droit d'accès aux tribunaux n'étant pas absolu, il peut donner lieu à des limitations implicitement admises car il appelle de par sa nature même une réglementation par l'État, laquelle peut varier dans le temps et dans l'espace en fonction des besoins et des ressources de la communauté et des individus. En élaborant pareille réglementation, les États contractants jouissent d'une certaine marge d'appréciation. Néanmoins, les limitations appliquées ne sauraient restreindre l'accès ouvert à l'individu d'une manière ou à un point tel que le droit s'en trouve atteint dans sa substance même. En outre, elles ne se concilient avec l'article 6, § 1, de la Convention que si elles poursuivent un but légitime et s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (notamment CEDH Edificaciones March Gallego S.A. c. Espagne, 19 février 1998, n° 28028/95, § 34 et Fabbri et autres c. Saint-Marin, 24 septembre 2024, n° 6319/21).

7. Il résulte de l'article 92, II, de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 et de l'article L. 1134-7 du code du travail issu de cette loi, qu'une nouvelle voie de droit est ouverte devant la juridiction civile, sous certaines conditions, à une organisation syndicale représentative afin d'établir que plusieurs candidats à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou plusieurs salariés font l'objet d'une discrimination, directe ou indirecte, fondée sur un même motif figurant parmi ceux mentionnés à l'article L. 1132-1 et imputable à un même employeur, cette action pouvant, conformément à l'article L. 1134-8 du même code, tendre à la cessation du manquement et, le cas échéant, en cas de manquement, à la réparation des préjudices subis.

8. Si selon ce dernier texte, sauf en ce qui concerne les candidats à un emploi, à un stage ou à une période de formation, sont seuls indemnisables dans le cadre de l'action de groupe les préjudices nés après la réception de la demande mentionnée à l'article L. 1134-9, pour autant les salariés, victimes de faits constitutifs d'une discrimination peuvent, quelle que soit la date de leur commission, agir selon les voies de droit commun pour obtenir la réparation des préjudices subis conformément à l'article L. 1134-5 du code du travail.

9. Par ailleurs, cette nouvelle voie de droit ne prive pas l'organisation syndicale représentative de la faculté ouverte par l'article L. 1134-2 du code du travail d'exercer en justice toutes les actions résultant des articles L. 1132-1 à L. 1132-4 du même code en faveur d'un candidat à l'emploi, à un stage ou une période de formation en entreprise ou d'un salarié, ni ne prive un syndicat de la faculté, ouverte par l'article L. 2132-3 du code du travail, d'exercer, devant toutes les juridictions, tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent, la Cour de cassation jugeant à cet égard qu'un syndicat est recevable à agir pour faire reconnaître l'existence d'une irrégularité commise par l'employeur au regard de dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles ou au regard du principe d'égalité de traitement et demander, outre l'allocation de dommages-intérêts en réparation du préjudice ainsi causé à l'intérêt collectif de la profession, qu'il soit enjoint à l'employeur de mettre fin à l'irrégularité constatée, le cas échéant sous astreinte (Soc., 22 novembre 2023, pourvoi n° 22-14.807, publié).

10. Dès lors, en l'absence de restriction au droit d'accès au juge reconnu par l'article 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, c'est à bon droit que la cour d'appel a fait application des dispositions de l'article 92, II, de la loi du 18 novembre 2016.

11. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le premier moyen, pris en ses cinquième et sixième branches

Enoncé du moyen

12. La confédération et la fédération font le même grief à l'arrêt, alors :

« 5°/ qu'en application de l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable ; que constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs mentionnés au premier alinéa, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés ; que la discrimination de carrière, qui ne désigne pas un fait isolé et précis mais une situation ou une pratique produisant ses effets tout au long de la carrière du salarié, présente un caractère continu ; d'où il suit qu'en refusant, pour apprécier l'existence d'une telle discrimination, d'examiner les faits antérieurs à l'entrée en vigueur de la loi lesquels continuaient pourtant de produire leurs effets postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi, la cour d'appel a violé l'article 92, II, de la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, l'article L. 1134-8 du code du travail, ensemble les articles 6 §1 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

6°/ qu'en application de l'article L. 1134-8 du code du travail, l'action de groupe en matière de discrimination peut tendre à la cessation du manquement et, le cas échéant, en cas de manquement, à la réparation des préjudices subis ; qu'aux termes de l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable ; que constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs mentionnés au premier alinéa, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés ; qu'il s'ensuit que la discrimination de carrière à laquelle il s'agit de mettre fin dans le cadre d'une action de groupe et qui ne désigne pas un fait isolé et précis mais une situation ou une pratique ne peut ainsi, par nature, être appréciée au regard d'un seul fait générateur ou manquement mais doit faire l'objet d'un examen global au vu de l'ensemble des faits laissant supposer l'existence d'une discrimination ; qu'en jugeant qu'il appartenait au syndicat demandeur de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser la réalité des manquements postérieurs au 20 novembre 2016 et en refusant d'examiner les éléments antérieurs à cette date, la cour d'appel, à qui il appartenait nécessairement d'apprécier la situation de discrimination au regard de l'ensemble des faits présentés par les exposants, a violé l'article 92, II, de la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, l'article L. 1134-8 du code du travail, ensemble les articles 6 § 1 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1134-7 et L. 1134-8 du code du travail, alors applicables, et l'article 92, II, de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 :

13. Aux termes du premier de ces textes, une organisation syndicale de salariés représentative au sens des articles L. 2122-1, L. 2122-5 ou L. 2122-9 peut agir devant une juridiction civile afin d'établir que plusieurs candidats à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou plusieurs salariés font l'objet d'une discrimination, directe ou indirecte, fondée sur un même motif figurant parmi ceux mentionnés à l'article L. 1132-1 et imputable à un même employeur. Une association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans intervenant dans la lutte contre les discriminations ou œuvrant dans le domaine du handicap peut agir aux mêmes fins, pour la défense des intérêts de plusieurs candidats à un emploi ou à un stage en entreprise.

14. Aux termes du deuxième, l'action peut tendre à la cessation du manquement et, le cas échéant, en cas de manquement, à la réparation des préjudices subis. Sauf en ce qui concerne les candidats à un emploi, à un stage ou à une période de formation, sont seuls indemnisables dans le cadre de l'action de groupe les préjudices nés après la réception de la demande mentionnée à l'article L. 1134-9.

15. Selon l'article 92, II, de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, ces dispositions sont applicables aux seules actions dont le fait générateur de la responsabilité ou le manquement est postérieur à l'entrée en vigueur de la présente loi.

16. La Cour de cassation juge qu'en application de l'article L. 1134-5 du code du travail, l'action en discrimination n'est pas prescrite lorsque le salarié fait valoir que la discrimination s'est poursuivie tout au long de sa carrière au sein de l'entreprise en termes d'évolution professionnelle, tant salariale que personnelle, et qu'il en résulte qu'il se fonde sur des faits qui n'ont pas cessé de produire leurs effets avant la période non atteinte par la prescription (Soc., 31 mars 2021, pourvoi n° 19-22.557, publié ; Soc., 23 juin 2021, pourvoi n° 20-10.020 ; Soc., 9 mars 2022, pourvoi n° 20-19.345 ; Soc., 19 octobre 2022, pourvoi n° 21-21.309 ; Soc., 19 avril 2023, pourvoi n° 21-15.751 ; 2e Civ., 3 octobre 2024, pourvoi n° 21-20.979, publié).

17. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 1134-1 du code du travail, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

18. Il en résulte que, pour apprécier le fait générateur de la responsabilité ou le manquement de l'employeur postérieur à l'entrée en vigueur de la loi du 18 novembre 2016, le juge, saisi d'une action de groupe fondée sur une discrimination collective s'étant poursuivie tout au long de la carrière des salariés au sein de l'entreprise en termes d'évolution professionnelle, tant salariale que personnelle, prend en compte les éléments de fait qui n'ont pas cessé de produire leurs effets postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 18 novembre 2016, quand bien même sont seuls indemnisables dans le cadre de l'action de groupe les préjudices nés après la réception de la demande mentionnée à l'article L. 1134-9 du code du travail.

19. Pour rejeter les demandes de la confédération et de la fédération, l'arrêt retient qu'il se déduit de l'examen de l'ensemble des situations individuelles des salariés qu'il n'est pas justifié d'éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination concernant au moins deux salariés survenus postérieurement au 19 novembre 2016, date d'application des dispositions spécifiques à l'action de groupe et permettant d'examiner la situation dans sa globalité antérieurement à l'entrée en vigueur des dispositions spécifiques à l'action de groupe.

20. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de rechercher si les organisations syndicales représentatives ne se fondaient pas sur des éléments de fait, présentés comme laissant supposer l'existence d'une discrimination dans l'évolution de carrière, subie par plusieurs salariés, fondée sur un même motif figurant parmi ceux mentionnés à l'article L. 1132-1 et imputable à un même employeur, qui n'avaient pas cessé de produire leurs effets postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 18 novembre 2016, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il constate l'intervention de la Défenseure des droits, l'arrêt rendu le 14 mars 2024, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée

Condamne la société Safran aircraft engines aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Safran aircraft engines et la condamne à payer à la Confédération générale du travail et à la Fédération des travailleurs de la métallurgie FTM-CGT la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le cinq novembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

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