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CA Nancy, 1re ch., 27 octobre 2025, n° 24/02546

NANCY

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CA Nancy n° 24/02546

27 octobre 2025

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D'APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile

ARRÊT N° /2025 DU 27 OCTOBRE 2025

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/02546 - N° Portalis DBVR-V-B7I-FPD3

Décision déférée à la Cour : ordonnance de référé - tribunal judiciaire de NANCY,

R.G.n° 24/00225, en date du 10 décembre 2024,

APPELANTE :

S.A.R.L. FRANK IMMOBILIER, prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 1]

Représentée par Me Bertrand GASSE de la SCP GASSE CARNEL GASSE TAESCH LEDERLE, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant

Plaidant par Me Bernard LEVY, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMÉES :

S.A.S. SLD TP, prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 7]

Représentée par Me Jean-Dylan BARRAUD de la SELARL LIME & BARRAUD, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant

Plaidant par Me Claire GAMBLIN, substituant Me Cyrille CHARBONNEAU, avocats au barreau de PARIS

S.A. EGIS FRANCE, prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 3]

Représentée par Me Michèle SCHAEFER, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant

Plaidant par Me Renaud CAVOISY, avocat au barreau de PARIS

Société SMA SA, prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 2]

Représentée par Me Samuel ADAM, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Présidente, chargée du rapport, et Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre,

Monsieur Thierry SILHOL, Présidente de Chambre,

Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller,

A l'issue des débats, le Président a annoncé que l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 20 Octobre 2025, en application de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile. Puis, le délibéré a été prorogé au 27 Octobre 2025.

ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 27 Octobre 2025, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Madame CUNIN-WEBER, Président, et par Madame PERRIN, Greffier ;

FAITS ET PROCÉDURE :

La SARL Frank immobilier, en charge de l'aménagement de la [Adresse 11] à [Localité 5], a confié les travaux de terrassement, voiries, réseaux divers et de remblaiement à la SAS SLD TP, la maîtrise d'oeuvre étant confiée à la société SLI, devenue la SA EGIS.

La SA SMA SA est l'assureur de la SAS SLD TP.

Les travaux ont été réceptionnés en septembre et octobre 2011.

Des glissements de terrain et des écoulements de boue se sont produits.

Par ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Nancy du 8 novembre 2017, la SARL Frank immobilier a obtenu la désignation d'un expert, Monsieur [S], concernant certains désordres affectant la voirie. La procédure est actuellement pendante au fond en première instance, après dépôt du rapport d'expertise le 4 mai 2023.

Par actes des 4, 5 et 8 avril 2024, la SARL Frank immobilier a fait assigner en référé devant le président du tribunal judiciaire de Nancy les sociétés SLD TP, EGIS et SMA SA aux fins d'obtenir, au visa de l'article 145 du code de procédure civile, la désignation d'un expert aux motifs que des désordres du reste de la voirie, non compris dans la précédente expertise, sont apparus.

Par ordonnance de référé réputée contradictoire du 10 décembre 2024, le président du tribunal judiciaire de Nancy a :

- rejeté la demande d'expertise de la SARL Frank immobilier,

- condamné la SARL Frank immobilier à payer à chacune des sociétés SLD TP et EGIS la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SARL Frank immobilier aux entiers frais et dépens de la procédure.

Pour statuer ainsi, le président du tribunal a estimé que la SARL Frank immobilier n'avait pas suffisamment explicité la nature exacte des dégradations affectant 'le reste de la voirie' et l'aggravation progressive des dégradations avec les intempéries.

De même, il a considéré que la mise en cause par la Métropole du Grand [Localité 6] dans son courrier du 27 février 2024, de la conception et de la réalisation des voiries était imprécise et non étayée, en particulier l'avis selon lequel la voirie n'était pas adaptée au passage de poids lourds, faute d'éléments probants. La 'suggestion' d'une étude approfondie pour un redimensionnement conforme aux règles de l'art n'a pas non plus apporté la clarté nécessaire.

Le président a également souligné l'absence d'éléments objectivant les désordres actuels et la production de pièces anciennes (2013 à 2017).

En outre, il a relevé que le courriel de SEFFIBA (un BET) à l'attention de la société Eiffage infrastructure, dont le rôle n'est pas défini, évoquant des travaux d'urgence se limitait à quelques clichés de nids de poule, considérés comme des dégradations courantes en raison des intempéries de nos régions, ce après une décennie d'utilisation.

Enfin, le président a également constaté l'absence d'une étude technique préliminaire ou d'un constat d'un commissaire de justice pour étayer cette nouvelle demande d'expertise, qui s'inscrit dans un contentieux de longue date.

En conséquence, au vu de ces éléments insuffisants et du manque de fondement de la demande, le tribunal a rejeté la demande d'expertise formulée.

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Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 13 décembre 2024, la SARL Frank immobilier a relevé appel de cette ordonnance.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 25 avril 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SARL Frank immobilier demande à la cour, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, de :

- infirmer l'ordonnance du tribunal judiciaire de Nancy, juge des référés, en date du 10 décembre 2024 références RG 24/00225 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- désigner tel expert qu'il plaira à la cour de choisir avec pour mission, les parties et leurs conseils dûment convoqués :

- de se rendre sur le site du lotissement [Adresse 4] à [Localité 5] [Adresse 10], où la SAS SLD TP a effectué des travaux de voiries pour le compte de la SARL Frank immobilier sous maîtrise d'oeuvre de la société Egis France,

- de se faire remettre l'ensemble des pièces des parties et particulièrement les courriers de la communauté de communes Grand [Localité 6] ainsi que de la CUGN ou de la commune de [Localité 5] refusant la rétrocession des travaux effectués par la SAS SLD TP en raison de l'existence de malfaçons et réserves et plus récemment de dégradations,

- d'effectuer le relevé de l'ensemble des malfaçons et réserves évoqués dans ces courriers affectant les voiries mises en oeuvre par la SAS SLD TP sous maîtrise d'oeuvre de la société EGIS France et de les décrire,

- de rechercher tout particulièrement si ces voiries sont adaptées à la circulation des véhicules, y compris des camions, et ce, tant en ce qui concerne leur conception que leur réalisation,

- de rechercher et décrire les responsabilités,

- d'effectuer toutes constatations utiles à la solution du litige qui sera soumis au juge du fond,

- dire qu'il appartiendra à l'expert de chiffrer le préjudice subi par la SARL Frank immobilier du fait des malfaçons imputables aux sociétés SLD TP et EGIS France ceci incluant le coût des reprises nécessaires pour permettre la rétrocession de l'ensemble des voiries à l'administration,

- constater que la SARL Frank immobilier propose de faire l'avance des frais d'expertise qui suivront ultérieurement le sort de toute instance principale qui viendrait à être introduite,

- constater l'exécution par provision,

- débouter les sociétés SLD TP et EGIS France de l'ensemble de leurs conclusions contraires ou reconventionnelles et leurs appels incidents,

- débouter les sociétés EGIS France, SLD TP et SMA SA de l'ensemble des nouvelles conclusions déposées postérieurement aux conclusions précédentes de la SARL Frank immobilier.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 8 avril 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SAS SLD TP demande à la cour, sur le fondement des articles 145 du code de procédure civile et 1792 du code civil, de :

A titre principal,

- confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a :

- rejeté la demande d'expertise de la SARL Frank immobilier,

- condamné la SARL Frank immobilier à payer à chacune des sociétés SLD TP et EGIS la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SARL Frank immobilier aux entiers frais et dépens de la procédure,

- juger que la demande d'expertise judiciaire présentée par la SARL Frank immobilier ne présente aucun caractère d'utilité en raison des modifications et reprises intervenues sur la voirie,

- rejeter la demande d'expertise en raison de l'imprécision de son objet,

A titre subsidiaire,

- circonscrire l'objet de l'expertise judiciaire qui serait ordonnée aux seuls éléments géographiques et techniques dont la demanderesse sera en mesure de justifier avant sa mise en 'uvre, et en l'état limitées aux seules photographies versées par la demanderesse au soutien de son assignation,

- exclure du champ de l'expertise toute investigation relative à la partie basse de la voirie (matérialisée en jaune en pièce n°8),

- compléter la mission de la façon suivante :

- établir une chronologie précise des travaux de mise en 'uvre des différentes voiries,

- se prononcer sur la date d'achèvement et d'exploitation de la voirie haute,

semi-définitive et définitive, et fournir tous éléments techniques et de fait permettant à la juridiction éventuellement saisie de se prononcer sur leur date de réception, expresse ou tacite,

- déterminer si les désordres dénoncés dans l'assignation étaient apparents à la réception,

- dire si les voiries ont été utilisées conformément à leur destination,

En tout état de cause,

- condamner la SARL Frank immobilier à verser à la SAS SLD TP la somme de 5000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 26 mai 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SA EGIS France demande à la cour, sur le fondement des articles 31, 122 et 145 du code de procédure civile, 1792-4-1 et 2224 du code civil et de l'instance introduite au fond par la SARL Frank immobilier (RG n°23/01876), de :

- confirmer l'ordonnance du tribunal judiciaire de Nancy du 10 décembre 2024 (RG n°24/00225 - minute n°24/425),

- condamner la SARL Frank immobilier à payer à la société EGIS la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens de l'instance, en ce compris le droit de timbre en cause d'appel,

Et à titre subsidiaire, en cas d'infirmation de l'ordonnance et de renvoi à l'expertise,

- noter les protestations et réserves d'usage de la société EGIS,

- circonscrire le périmètre de l'expertise judiciaire à la [Adresse 8] en partie haute,

- exclure de l'expertise toute investigation relative à la partie basse de la voirie,

- limiter les désordres aux bordures sur la voie secondaire et aux enrobés chaussée et trottoir sur la voie secondaire,

- compléter l'expertise par les missions suivantes :

- établir une chronologie précise des travaux de mise en oeuvre des différentes voiries,

- se prononcer sur la date d'achèvement et d'exploitation des différentes voiries et fournir tous les éléments permettant de se prononcer sur leur date de réception,

- déterminer si les désordres dénoncés dans l'assignation étaient apparents à la réception,

- dire si les voiries ont été utilisées conformément à leur destination,

- réserver les sommes pouvant être mises à la charge de la société EGIS au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 8 avril 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SA SMA SA demande à la cour de :

A titre principal,

- rejeter comme mal-fondé l'appel de la SARL Frank immobilier,

En conséquence,

- confirmer l'ordonnance rendue le 10 décembre 2024 sous le n° RG 24/00225 par le juge des référés près le tribunal judiciaire de Nancy,

- condamner la SARL Frank immobilier à verser à la SA SMA SA la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code civil,

- condamner la SARL Frank immobilier aux entiers frais et dépens de la procédure,

A titre subsidiaire,

- donner acte à la SA SMA SA de ce qu'elle ne s'oppose pas, tous droits et moyens expressément réservés, à la mesure d'expertise sollicitée,

- limiter la mission de l'expert judiciaire aux seuls désordres affectant les revêtements définitifs de la partie haute du lotissement,

- mettre a la charge de la SARL Frank immobilier la consignation sur les frais et honoraires de l'expert.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 30 juin 2025.

L'audience de plaidoirie a été fixée le 1er septembre 2025 et le délibéré au 20 octobre 2025, puis prorogé au 27 octobre 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu les dernières conclusions déposées le 25 avril 2025 par la SARL Frank immobilier, le 8 avril 2025 par la société SLD TP, le 26 mai 2025 par la société Egis France et le 8 avril 2025 par la société SMA et visées par le greffe auxquelles il convient de se référer expressément en application de l'article 455 du code de procédure civile,

Vu la clôture de l'instruction prononcée par ordonnance du 30 juin 2025,

Sur la demande portant sur la mesure d'instruction

L'ordonnance déférée a rejeté la demande de la société Frank Immobilier, maître de l'ouvrage , en faisant état de l'imprécision du périmètre concerné par la mesure sollicitée ainsi que des dégradations alléguées, étant précisé qu'une précédente ordonnance avait désigné Monsieur [S] pour effectuer une expertises des travaux réceptionnés en septembre et octobre 2011 ; l'expertise a été déposée le 4 mai 2023 ;

Faisant l'historique des relations des parties ainsi que des saisines judiciaires, la société Frank Immobilier entend distinguer les travaux qui ont été l'objet de l'expertise confiée le 8 novembre 2017 à Monsieur [S] dont le rapport est daté du 4 mai 2023, de la problématique actuelle qui concerne, selon elle, un autre secteur de la zone aménagée à [Localité 5] (plan pièce 14 appelante) ;

Elle précise enfin qu'un autre litige au préjudice d'une société Noremat a définitivement été jugé le 20 février 2025, après une expertise également confiée à Monsieur [S] , laquelle n'offre aucun lien avec la demande actuelle ;

L'appelante ajoute que le litige ne porte pas sur la voirie provisoire qui a été réceptionnée partiellement, mais sur la voirie définitive terminée en 2014 et non réceptionnée, tel que cela résulte des constatations de l'expert judiciaire - à l'exception du carrefour ZAC sur la R.D. 73-;

Elle conteste l'ordonnance déférée dont les motifs sont peu diserts sur le litige en rappelant que les travaux commandés portent sur une voirie destinée à une zone d'activité comprenant le passage de poids lourds ; elle conteste avoir repris la voirie si ce n'est aux endroits devenus dangereux pour la circulation (nids de poule) et ajoute que les portions de voiries concernées sont parfaitement déterminées (plan pièce 14 appelante) ;

La société Egis lui oppose qu'elle n'a pas d'intérêt à agir, ce qu'elle conteste ; la société Frank Immobilier rappelle en effet, que du fait de l'état des voiries, les collectivités publiques lui en refusent la rétrocession ;

La société Egis affirme que le siège de la présente demande est identique à celui de la précédente expertise ;

Elle conclut au mal fondé de la demande, l'appelante tentant d'inclure dans le périmètre de la zone d'instruction, la 'partie basse' réceptionnée en 2011 ([Adresse 8]) ainsi que la [Adresse 9] non inclue dans le marché ; elle constate dès lors que la demande comporte un réel problème de localisation des désordres ; finalement elle ajoute que les désordres ont fait l'objet de reprises ce qui exclut toute constatation ;

Subsidiairement, elle indique que si l'expertise est ordonnée, elle ne doit porter que sur la mise en oeuvre des bordures de trottoirs et des enrobés de chaussée sur une voie secondaire ce qui ressort d'un compte rendu de chantier du 24 juin 2014, ces ouvrages non réceptionnés n'étant pas visés par la prescription de 10 ans (pièce 23 appelante) ;

Enfin elle rappelle que le dernier rapport d'expertise, donne un avis sur les désordres constatés, qui sont dus à un problème de sol résultant de la sécheresse, qui ne pouvait être anticipé par ses soins, excluant ainsi toute cause tenant à la structure du trottoir et par conséquent toute responsabilité la concernant ;

La société SLD TP affirme que s'il s'agit de voiries différentes, l'action est prescrite et qu'à défaut, une instance au fond est d'ores et déjà introduite entre les mêmes parties, ce qui exclut la compétence du juge des référés ; elle indique également, que les chaussées ont fait l'objet de travaux de réfection, ce qui exclut toutes constatations par l'expert ;

Plus subsidiairement, elle réclame la mise en oeuvre d'une mission appropriée, distincte de celle de la partie appelante, afin que le périmètre des constatations à effectuer soit limité et que la mesure d'instruction ne consiste pas en un audit de la voirie réalisée ;

Elle réclame enfin que soit effectuée une chronologie précise des travaux de mise en oeuvre des différentes voiries, semi définitives et définitives soit réalisée ainsi que leur date d'achèvement afin de permettre à la juridiction de se prononcer sur l'existence d'une réception, tacite ou non ; elle réclame qu'il soit déterminé si les désordres visés dans l'assignation, étaient apparents à la date de réception et si les voiries ont été utilisées conformément à leur destination ;

La société SMA considère également que les désordres actuels concernent la voirie provisoire, qui a été réceptionnée il y a plus de dix ans (28 septembre 2011), ce qui ôte tout motif légitime pour l'appelante, demanderesse à la mesure, toute action étant prescrite ;

Il existait selon elle, deux phases dans les travaux : celle dite 'semi-définitive' qui aurait été réceptionnée le 19 octobre 2021, celle dite 'définitive' pour laquelle seuls les travaux de la partie haute n'ont pas été réceptionnés (ils concernent 'le revêtement définitif de la chaussée et des trottoirs après construction des parcelles') ;

Elle affirme en effet, que le refus de rétrocession des voiries opposé par la Métropole concerne les structures de chaussées mises en oeuvre jusqu'à la partie supérieure des terrassements, travaux qui selon elle ont été réceptionnés en 2011, ce qui exclut toute expertise ;

Subsidiairement, elle émet toutes protestations et réserves quant à la demande d'expertise ;

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, 's'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instructions légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé' ;

Il y a lieu de rappeler qu'une expertise peut être ordonnée en référé, dès lors qu'elle ne concerne pas le même litige et les mêmes dégradations qu'une précédente ordonnance ; à défaut, seul le juge du fond est compétent ; c'est l'argument que la société Egis développe au titre de l'intérêt à agir ;

En outre, une mesure d'instruction est valablement ordonnée en présence d'un motif légitime, et si toute action au fond n'est pas vouée à l'échec, notamment pour cause de forclusion ;

Les intimées concluent à la forclusion de toute action pour la société Frank Immobilier, sur le fondement de la garantie décennale de l'article 1792-4-1 du code civil ; elles relèvent en outre , que si un effet interruptif peut être attaché à une précédente procédure en référé, celui est cependant limité à l'objet de l'assignation ;

Ainsi la partie basse définitive a été reçue le 28 septembre 2011 et la partie haute présente une voirie semi-définitive réalisée en 2011, réceptionnée le 19 octobre 2011 pour la structure , puis en 2012 ceux de la [Adresse 8] et en 2014 pour la voirie dite 'secondaire' s'agissant des enrobés (pièce 19 appelante) ;

Il résulte du constat de commissaire de justice du 22 janvier 2025 (pièce 24 appelante) ainsi que du plan produit en pièce 14, la présence de dégradations de la chaussée s'agissant de la [Adresse 8] ainsi que la [Adresse 9] à [Localité 5] ;

La société Frank Immobilier promoteur, justifie également du refus de rétrocession de la voirie à la Métropole du Grand [Localité 6], en produisant en pièce 12 un courrier daté du 27 février 2024 émettant de nombreuses réserves;

Elle a par conséquent, un intérêt à agir ;

L'expertise déposée le 4 mai 2023 par Monsieur [S], missionné le 8 novembre 2017 par le tribunal de commerce de Nancy a été motivée par plusieurs glissements de terrain en décembre 2010 et juillet 2011 et 2013, et l'expert était chargé d'en détermine les causes, imputabilités et préjudices consécutifs ;

Elle porte sur les trottoirs et soutènements sur une partie du site, tel que mentionné en feutre bleu sur le plan (document n°14 appelante) ; elle oppose la société Frank Immobilier à la société SLDTP qui a réalisé les travaux en litige et à la société Egis, maître d'oeuvre ;

Il résulte des constatations de l'expert, que seule la partie basse de la voirie définitive a été réceptionnée le 28 septembre 2011, la voirie semi-définitive ayant fait l'objet d'une reception partielle le 19 octobre 2011 (pièces 1 et 2 SLDTP);

Dès lors il n'est pas établi que toute action au fond que la société Frank Immobilier engagerait, soit prescrite, ce qui établit qu'elle dispose d'un motif légitime pour justifier sa demande (rapport pages 43 et 44) ;

Il est également constant que le siège de la précédente expertise, diffère totalement de celui pour lequel la juridiction est actuellement saisie, celui-ci se rapportant notamment à la voirie [Adresse 8] et dont la voirie en partie basse est exclue (plan SLDTP pièce 8) ;

En revanche, certaines constatations de l'expert sur les causalités des dommages constatés, apparaissent comme transposables au présent litige (nature du sol et effets du réchauffement climatique qui justifie de désigner le même expert, qui a une bonne connaissance des lieux et de la composition des sols (rapport pages 67 et 68) ;

La mission sera déterminée au dispositif, et la mesure d'instruction ordonnée aux frais avancés de l'appelante ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

La société Frank Immobilier, partie appelante, demanderesse à la mesure d'instruction en supportera les dépens de première instance et d'appel ;

En revanche l'ordonnance déférée sera infirmée en ce qu'elle a prononcé des condamnations contre la société Frank Immobilier au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

S'agissant des demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile, il n'apparait pas inéquitable de laisser les frais non compris dans les dépens, à chaque partie au litige.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Infirme l'ordonnance déférée,

Statuant à nouveau sur les chefs de décision infirmés et y ajoutant,

Ordonne une expertise technique et commet pour y procéder Monsieur [S], expert, avec mission de :

- se rendre sur le site du lotissement [Adresse 4] à [Localité 5], [Adresse 10], où la société SLDTP a effectué des travaux de voiries pour le compte de la société Frank Immobilier sous maîtrise d''uvre de la société EGIS France ;

- établir une chronologie des travaux de mise en oeuvre des différentes voiries ;

- se prononcer sur la date d'achèvement et d'exploitation de la voirie haute, semi-définitive et définitive, et fournir tous éléments techniques et de fait permettant à la juridiction éventuellement saisie de se prononcer sur leur date de réception, expresse ou tacite ;

- se faire remettre l'ensemble des pièces des parties et particulièrement les courriers de la communauté de communes GRAND [Localité 6] ainsi que de la CUGN ou de la commune de [Localité 5] refusant la rétrocession des travaux effectués par la société SLDTP en raison de l'existence de malfaçons et réserves et plus récemment de dégradations ;

- effectuer le relevé de l'ensemble des malfaçons et réserves évoqués dans ces courriers affectant les voiries mises en 'uvre par la société SLDTP sous maîtrise d''uvre de la société EGIS France et de les décrire ;

- déterminer si les désordres dénoncés dans l'assignation étaient apparents à la réception ;

- rechercher tout particulièrement si ces voiries sont adaptées à la circulation des véhicules, y compris des camions, et ce, tant en ce qui concerne leur conception que leur réalisation ;

- dire si les voiries ont été utilisées conformément à leur destination ;

- rechercher et détailler les éléments de fait qui permettront aux juges d'établir les responsabilités ;

- chiffrer le préjudice subi par la société Frank Immobilier du fait des malfaçons incluant le coût des reprises nécessaires pour permettre la rétrocession de l'ensemble des voiries à l'administration ;

- déterminer les éléments d'imputabilité ;

- effectuer toutes constatations utiles à la solution du litige ;

Dit que l'expert déposera au greffe du tribunal judiciaire de NANCY et adressera aux parties un pré-rapport, comprenant son avis motivé sur l'ensemble des chefs de sa mission, dans un délai de SIX MOIS à compter du jour de sa saisine ;

Dit qu'il laissera aux parties un délai minimum d'un mois à compter du dépôt de son pré-rapport pour leur permettre de faire valoir leurs observations par voie de dire récapitulatif et lui communiquer sous format dématérialisé l'ensemble des pièces numérotées accompagnées d'un bordereau (chaque pièce devant constituer un fichier informatique distinct) avant de déposer son rapport définitif ;

Dit que, de toutes ses observations et constatations, l'expert dressera enfin un rapport qu'il déposera au greffe en deux exemplaires et transmettra un exemplaire aux parties ;

Dit que l'expert déposera ce rapport au greffe du tribunal judiciaire de Nancy dans les DIX mois de sa saisine ;

Rappelle que pour l'exécution de sa mission l'expert pourra recourir à la plate-forme sécurisée d'échanges Opalexe ;

Rappelle que pour l'accomplissement de cette mission, l'expert aura la faculté de :

se faire communiquer ou remettre tous documents et pièces, y compris par des tiers, sauf à en référer au magistrat chargé de suivre les opérations d'expertise, en cas de difficultés, entendre tous sachants qu'il estimera utile ;

en cas de besoin et conformément aux dispositions de l'article 278 du code de procédure civile, recueillir l'avis d'un autre technicien dans une spécialité distincte de la sienne,à charge pour l'expert de joindre cet avis à sonrapport (article 282 du code de procédure civile) ;

en cas de besoin et conformément aux dispositions de l'article 278-1 du code de procédure civile, se faire assister par la personne de son choix qui interviendra sous son contrôle et sa responsabilité, étant rappelé que son rapportdevra mentionner les nom et qualités des personnes ayant prêté leur concours (article 282 du code de procédurecivile) ;

Fixe à 4000 euros (quatre mille euros), le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert qui devra être consignée par la société Frank Immobilier avant le 30 novembre 2025, sous peine de caducité ;

Dit que la consignation sera faite de préférence par virement sur le compte bancaire de la Régie du tribunal judiciaire de Nancy avec comme référence le nom du demandeur à l'instance et le numéro RG de la procédure ;

Dit qu'en cas d'empêchement ou de refus de l'expert, il sera pourvu à son remplacement d'office par ordonnance du juge chargé du contrôle des expertises.

Dit que le contrôle de la présente mesure d'instruction sera assuré par le juge spécialement chargé de contrôler l'exécution des mesures d'instruction du tribunal judiciaire de Nancy conformément aux dispositions de l'article155-1ducodedeprocédurecivile.

Dit que l'expert devra, en toutes circonstances, informer le magistrat chargé de suivre les opérations d'expertise de la date de ces opérations, de l'état d'avancement des ces travaux et des difficultés qu'il pourra rencontrer ;

Dit que si les honoraires de l'expert devaient dépasser le montant de la provision versée, il devra en aviser ce magistrat chargé de suivre les opérations d'expertise et ne continuer ses opérations qu'après consignation d'une provision complémentaire ;

Condamne les sociétés EGIS France, SLDTP et SMA à payer à la société Frank Immobilier la somme de 3000 euros (trois mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Deboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne la société Frank Immobilier aux dépens de première instance et d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Signé : C. PERRIN.- Signé : N. CUNIN-WEBER.-

Minute en douze pages.

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