Livv
Décisions

CA Caen, 1re ch. civ., 28 octobre 2025, n° 22/00321

CAEN

Arrêt

Autre

CA Caen n° 22/00321

28 octobre 2025

AFFAIRE : N° RG 22/00321 -

N° Portalis DBVC-V-B7G-G5SC

ARRÊT N°

JB.

ORIGINE : DÉCISION du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 12] du 17 Décembre 2021

RG n° 19/01903

COUR D'APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 28 OCTOBRE 2025

APPELANTES :

Madame [C] [P]

[Adresse 4]

[Localité 1]

La S.A.R.L. ARCHI-TRIAD

N° SIRET : 521 818 294

[Adresse 6]

[Localité 7]

prise en la personne de son représentant légal

La Société MUTUELLE ARCHITECTES FRANCAIS (MAF)

N° SIRET : 784 647 349

[Adresse 3]

[Localité 10]

prise en la personne de son représentant légal

Tous représentés par Me Gaël BALAVOINE, avocat au barreau de CAEN

Tous assistés de Me Patrice LEMIEGRE, substitué par Me GOUNET, avocats au barreau de ROUEN,

INTIMÉS :

Monsieur [L] [U]

né le 19 Février 1946

[Adresse 8]

[Localité 1]

Madame [A] [J] épouse [U]

née le 24 Février 1966

[Adresse 8]

[Localité 1]

représentés et assistés de Me Etienne HELLOT, avocat au barreau de CAEN

Maître [T] [R] ès qualités de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la SOCIETE PLATRERIE NORMANDE

[Adresse 11]

[Localité 1]

La S.A.R.L. PLATERIE NORMANDE

[Adresse 5]

[Localité 2]

prise en la personne de son représentant légal

non représentés bien que régulièrement assignés

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme BARTHE-NARI, Président de chambre,

Mme DELAUBIER, Conseillère,

Mme GAUCI SCOTTE, Conseillère,

DÉBATS : A l'audience publique du 13 mai 2025

GREFFIERE : Mme COLLET

ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile le 28 Octobre 2025 après plusieurs prorogations fixé initialement le 23 Septembre 2025 et signé par Mme BARTHE-NARI, présidente, et Mme FLEURY, greffière

* * *

EXPOSE DU LITIGE

M. [L] [U] et son épouse Mme [A] [J] (désignés ci-après les époux [U]) ont décidé de faire construire une maison contemporaine, comportant un rez-de-chaussée et un étage, sise [Adresse 9].

Le 13 juillet 2010, ils ont conclu un contrat d'architecte avec la société Archi Triad avec une mission complète de maîtrise d'oeuvre.

Suivant avenant au marché de maîtrise d'oeuvre du 13 juillet 2012, l'estimation prévisionnelle des travaux de 300.000 euros HT a été portée, du fait de la modification du programme, à 350.000 euros, et en conséquence, la rémunération du maître d'oeuvre par application du taux de 10% sur l'estimation prévisionnelle, fixée à 41.860,00 euros TTC. Il était aussi fait référence à une répartition de ces honoraires entre la société Archi Triad et Mme [C] [P].

Mme [P], architecte est intervenue dans le cadre de la maîtrise d'oeuvre suivant convention signée le 14 janvier 2013 avec la société Archi Triad.

Les deux architectes sont assurés auprès de Mutuelle des Architectes Français (la Maf).

Suivant ordre de service signé le 14 mars 2013, le lot menuiseries aluminium a été confié à la société Podyma pour un montant de 57.408 euros TTC.

La société Plâtrerie Normande (société SPN) est intervenue pour la réalisation de travaux de menuiserie bois-plâtrerie suivant deux devis des 28 novembre 2014 et 23 mars 2015 pour un montant total de 18.264,73 euros TTC.

En cours de travaux, les époux [U] se sont plaints de diverses infiltrations apparues au droit des pièces d'appui des grandes baies en aluminium, et aussi aux angles de certaines fenêtres, avant la réalisation des doublages des façades et des chapes des sols.

Des travaux de reprise ont eu lieu avec notamment remplacement des bavettes déjà ajoutées en recouvrement des pièces d'appui, travaux préconisés par la maîtrise d'oeuvre, et le chantier s'est poursuivi.

Les époux [U] ont fait diligenter une expertise amiable confiée à M. [B] qui a établi un rapport en date du 30 mai 2015 puis une note complémentaire le 25 novembre 2015 mentionnant l'existence de malfaçons affectant les fixations et le fonctionnement des menuiseries d'une part, et les joints intérieurs et extérieurs d'autre part malgré l'absence de persistance d'infiltrations.

Après la survenance de plusieurs arrêts et abandons de chantiers imputables à diverses entreprises dont la société Podyma, l'ensemble des travaux étaient réceptionnés en décembre 2015, à l'exception notamment du lot 'menuiseries aluminium'.

Les maîtres de l'ouvrage prendront possession de l'immeuble en mars 2016.

M. et Mme [U] ont saisi le Conseil Régional de l'Ordre des Architectes lequel a établi un procès-verbal de non-conciliation le 2 décembre 2015.

Par ordonnance du 9 juin 2016, le juge des référés du tribunal de grande instance de Caen, saisi par les époux [U], a ordonné une expertise judiciaire au contradictoire de la société Archi Triad, de Mme [P] et de la société Podyma, et confiée à M. [N] [S] avec pour mission notamment de faire les comptes entre les parties.

Par ordonnances des 20 juillet 2017 et 25 janvier 2018, les opérations d'expertise ont été déclarées communes et opposables à la société Bubendorff, fabricante des volets roulants posés par la société Podyma, ainsi qu'à la société de Plâtrerie Normande SPN.

L'expert a rendu son rapport le 28 janvier 2019.

Par jugement du tribunal de commerce d'Alençon en date du 4 février 2019, la Selarl Trajectoire, agissant en la personne de M. [F] [X], a été désignée en qualité d'administrateur judiciaire de la société Podyma, Me [Y] [K] en qualité de mandataire judiciaire, entre les mains duquel les époux [U] ont déclaré leur créance.

Par acte du 13 mai 2019, M. et Mme [U] ont assigné la société Archi Triad et Mme [P], cette dernière en sa qualité d'architecte sous-traitant, leur assureur la Maf et la société Plâtrerie Normande aux fins principalement de les voir condamner in solidum à leur payer la somme de 80.299,31 euros au titre des travaux de remise en état, dont celle de 5.382 euros à l'égard de la société Plâtrerie Normande, ainsi que la somme de 20.000 euros en réparation du préjudice de jouissance subi.

Par jugement du 17 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Caen a :

- prononcé l'annulation de la clause figurant à l'article G 6.3.1 du contrat de maîtrise d'oeuvre

de la société Archi Triad excluant la solidarité de l'architecte dans le préjudice subi par le maître d'ouvrage en l'espèce M. [L] [U] et Mme [A] [J] son épouse ;

- condamné in solidum la société Archi Triad et Mme [P] et la Maf ainsi que la société Plâtrerie Normande à verser à M. [L] [U] et Mme [A] [J] son épouse la somme de 80.299,31 euros au titre des travaux de remise en état, dont la somme de 5.382,31 euros à l'égard de la société Plâtrerie Normande ;

- condamné in solidum la société Archi Triad et Mme [P], la Maf, ainsi que la société Plâtrerie Normande à verser à M. [L] [U] et Mme [A] [J] son épouse, unis d'intérêts, la somme de 10.000 euros en indemnisation de leur préjudice moral pour trouble de jouissance ;

- rappelé que la Maf assureur de la société Archi Triad et de Mme [P] ne pourra être tenue que dans les limites des polices d'assurance souscrites par celles-ci et pourra opposer aux demandes présentées à son encontre la franchise contractuelle ;

- condamné M. [L] [U] et Mme [A] [J] son épouse à payer à la société Archi Triad et Mme [P] la somme de 7.501,48 euros TTC au titre du solde des travaux ;

- débouté la société Archi Triad, Mme [P] et la Maf de leurs autres demandes ;

- condamné in solidum la société Archi Triad, Mme [P] et la Maf à payer la somme de 8.000 euros à 'M. et Mme [P]' (sic) unis d'intérêt sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement ;

- condamné in solidum la société Archi Triad, Mme [P] et la Maf aux dépens, comprenant les frais d'huissiers et d'expertise.

Par déclaration du 9 février 2022, la société Archi Triad, Mme [P] et la Maf ont formé appel de ce jugement, intimant les époux [U], la société Plâtrerie Normande et Me [R] ès qualités de liquidateur judiciaire de cette dernière société.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 6 mai 2025, la société Archi Triad, Mme [P] et la Maf demandent à la cour de :

A titre liminaire,

Vu l'absence d'effet dévolutif des conclusions d'appel incident des époux [U], dire n'y avoir lieu de statuer sur les demandes de ces derniers tendant à voir 'condamner in solidum la SARL Archi Triad et Mme [P] et la Maf à verser à M. et Mme [U] la somme de 20.000 euros' et 'débouter la SARL Archi Triad et Mme [P] et la Maf de leur demande relative au solde des travaux pour cause de prescription et défaut de preuve' ;

- subsidiairement, si la cour estime que les conclusions d'appel incident des époux [U] ont produit un effet dévolutif, confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. et Mme [U] à payer à la société Archi Triad et Mme [P] la somme de 7.501,48 euros euros TTC au titre du solde des travaux ;

A titre principal :

- réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Caen le 17 décembre 2021, en ce qu'il :

* les a condamnés à verser à M. et Mme [U] la somme de 80.299,31 euros au titre des travaux de remise en état ;

* a annulé la clause figurant à l'article G 6.3.1 du contrat de maîtrise d'oeuvre de la société Archi Triad excluant la solidarité de l'architecte dans le préjudice subi par le maître d'ouvrage en l'espèce M. et Mme [U] ;

* les a condamnés in solidum avec la société Plâtrerie Normande à verser la somme de 10.000 euros à M. et Mme [U] unis d'intérêts en indemnisation de leur préjudice moral pour trouble de jouissance ;

* les a déboutés 'de leurs autres demandes' ;

* les a condamnés in solidum à payer la somme de 8.000 euros à M. et Mme [U] unis d'intérêt sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

* les a condamnés in solidum aux dépens, comprenant les frais d'huissier et d'expertise ;

Statuant à nouveau,

- juger l'absence de faute commise par la société Archi Triad et Mme [P] ;

- rejeter toutes demandes à leur encontre ;

A titre subsidiaire,

si par extraordinaire, la cour entre en voie de condamnation à leur encontre ;

- juger applicable la clause d'exclusion de solidarité prévue dans le contrat de maîtrise d'oeuvre à leur profit ;

- débouter M. et Mme [U] de toute demande de condamnation in solidum ou solidaire de l'architecte avec les autres constructeurs ;

- limiter les condamnations prononcées à leur encontre à 15% des sommes totales allouées à M. et Mme [U] ;

- juger qu'en cas de condamnation à leur encontre, ils auront recours et garantie à l'encontre de la société Plâtrerie Normande ;

- fixer le cas échéant au passif de la liquidation judiciaire de la société Plâtrerie Normande la créance de leur garantie, le montant de cette créance correspondant à celui des condamnations qui seraient prononcées à leur encontre à quelque titre que ce soit ;

En tout état de cause,

- rejeter la demande de M. et Mme [U] au titre du trouble de jouissance ;

- juger que la Maf ne peut être tenue que dans les limites de la police d'assurance souscrite par la société Archi Triad et Mme [P], et en particulier que dans les limites de ses franchises contractuelles d'assurance ;

- rejeter toute autre demande à leur encontre ;

- condamner M. et Mme [U] à leur payer la somme de 7.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. et Mme [U] en tous les dépens.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 9 mai 2025, M. et Mme [U] demandent à la cour de :

- rabattre l'ordonnance de clôture au jour des plaidoiries et subsidiairement, rejeter les conclusions signifiées par la société Triad, Mme [P] et la Maf ;

- recevant en leur appel la société Archi Triad, Mme [P] et la Maf, les en déclarer mal fondées ;

- les recevant en leur appel incident, les en déclarer bien fondés ;

Ce faisant :

- infirmer le jugement sur la nature de la responsabilité délictuelle de Mme [P] ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné in solidum la société Archi Triad, Mme [P] et la Maf, au paiement de la somme de 80.299,31 euros au titre des travaux de remise en état, dont celle de 5.382 euros à l'égard de la société Plâtrerie Normande ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a écarté la clause limitative de responsabilité et, en tout état de cause, dire et juger que la société Archi Triad ainsi que Mme [P] ont concouru à l'entier dommage et ne sauraient voir dans ces circonstances leur responsabilité limitée vis-à-vis d'eux ;

En tout état de cause :

- dire et juger que 'Mme [P], non partie au contrat d'architecte, ainsi que la Maf en vertu de l'action directe de la clause de non solidarité ne sauraient s'en prévaloir' ;

Ce faisant :

- condamner in solidum la société Archi Triad, Mme [P] et la Maf, à leur verser la somme de 80.299,31 euros, outre indexation sur l'indice BT01 ;

Rejeter la demande d'irrecevabilité de la demande d'incident ;

Faisant droit à leur appel incident,

- condamner in solidum la société Archi Triad, Mme [P] et la Maf, à leur verser la somme de 20.000 euros au titre du trouble de jouissance ;

- débouter la société Archi Triad, Mme [P] et la Maf, de leur demande relative au solde des travaux pour cause de prescription et défaut de preuve ;

- débouter la société Archi Triad, Mme [P] et la Maf, de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

- condamner in solidum la société Archi Triad, Mme [P] et la Maf, à leur verser la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Plâtrerie Normande et Me [R], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Plâtrerie Normande, auxquelles la déclaration d'appel et les conclusions d'appel de la société Archi Triad, Mme [P] et la Maf ont été régulièrement notifiées par actes des 30 mars et 5 avril 2022, n'ont pas constitué avocat.

Après révocation de l'ordonnance de clôture de l'instruction en date du 7 mai 2025, la clôture de l'instruction a été prononcée le 13 mai 2025.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées par les parties.

MOTIFS

En application de l'article 472 du code de procédure civile, en appel, si l'intimé ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, mais la cour ne fait droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où elle les estime réguliers, recevables et bien-fondés. Ainsi, la cour examine, au vu des moyens d'appel, la pertinence des motifs par lesquels le tribunal s'est déterminé.

- Sur l'étendue de la saisine de la cour :

La société Archi Triad, Mme [P] et la Maf demandent à la cour de constater qu'elle n'est saisie d'aucun appel incident formé par les époux [U] concernant les dispositions du jugement ayant :

- condamné in solidum la société Archi Triad, Mme [P] et la Maf ainsi que la société Plâtrerie Normande à verser à M. [L] [U] et Mme [A] [J] son épouse, unis d'intérêts, la somme de 10.000 euros en indemnisation de leur préjudice moral pour trouble de jouissance ;

- condamné M. [L] [U] et Mme [A] [J] son épouse à payer à la société Archi Triad et Mme [P] la somme de 7.501,48 euros TTC au titre du solde des travaux.

Les époux [U], pour leur part, considèrent qu'en sollicitant, dans le dispositif de leurs conclusions, de faire droit à leur appel incident, de condamner in solidum la société Archi Triad, Mme [P] et la Maf à leur payer la somme de 20.000 euros au titre du trouble de jouissance et de rejeter la demande relative au solde d'honoraires, ils ont régulièrement relevé appel incident des dispositions précitées.

Sur ce,

Selon l'article 542 du code de procédure civile, 'l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel.'

En application de l'article 954 du même code, dans sa rédaction antérieure à la modification apportée par le décret n°2023-1391 du 29 décembre 2023, ' les conclusions d'appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l'article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.

Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.

La partie qui conclut à l'infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu'elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.

La partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.'

Il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation ni l'annulation des dispositions concernées du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer les dites dispositions.

Il est constant que par voie de conclusions d'appel incident, l'intimé peut étendre la dévolution prévue dans l'acte d'appel.

L'appel incident n'est pas différent de l'appel principal par sa nature ou son objet, les conclusions de l'appelant qu'il soit principal ou incident, doivent déterminer l'objet du litige porté devant la cour d'appel, l'étendue des prétentions dont est saisie la cour d'appel étant déterminée dans les conditions fixées par l'article 954 du code de procédure civile et le respect de la diligence impartie par l'article 909 du code de procédure civile étant nécessairement apprécié en considération des prescriptions de cet article 954.

En l'espèce, la cour relève que les époux [U], qui ont fait signifier par RPVA le 3 août 2022 en application de l'article 909 du code de procédure civile dans sa rédaction alors en vigueur, des conclusions les désignant comme étant 'appelants à titre incident' ont sollicité uniquement l'infirmation du jugement 'sur la nature de la responsabilité délictuelle de Mme [P]'.

Si les époux [U] demandent certes à la cour, 'faisant droit à leur appel incident', de 'condamner in solidum la société Archi Triad, Mme [P] et la Maf ainsi que la société Plâtrerie Normande à verser à M. [L] [U] et Mme [A] [J] son épouse, unis d'intérêts, la somme de 20.000 euros en indemnisation de leur préjudice moral pour trouble de jouissance' et de 'rejeter la société Archi Triad, Mme [P] et la Maf de leur demande relative au solde des travaux pour cause de prescription et défaut de preuve', ils ne formulent aucune demande d'infirmation ou de réformation des chefs du jugement autres que celle portant 'sur la nature de la responsabilité délictuelle de Mme [P]' dans le dispositif, qui seul saisit la cour en application de l'article 954 du code de procédure civile.

Il en est de même au dispositif de leurs dernières conclusions.

Ainsi, ils ne formulent aucune demande d'annulation, de réformation ou d'infirmation des chefs du jugement ayant condamné in solidum la société Archi Triad, Mme [P] et la Maf à leur payer la somme de 10.000 euros au titre de leur préjudice de jouissance, et les ayant condamnés à payer la somme de 7.501,48 euros TTC au titre du solde des travaux.

Dès lors, la cour ne peut que constater qu'elle n'est pas saisie d'un appel incident des époux [U] de ces chefs du jugement.

Si la cour est saisie, au titre de l'appel principal, du chef de jugement relatif à l'indemnisation du préjudice de jouissance, en revanche, elle n'est saisie d'aucune demande d'infirmation ou de réformation du chef ayant condamné les époux [U] à payer la somme de 7.501,48 euros TTC au titre du solde des travaux de sorte qu'elle ne pourra que confirmer la décision sur ce dernier point.

Enfin, la cour relève qu'elle n'est saisie d'aucune demande de réformation du jugement en ses dispositions portant condamnation de la société Plâtrerie Normande.

- Sur la responsabilité de la maîtrise d'oeuvre :

Considérant que la société Archi Triad et Mme [P] avaient manqué à leur obligation de veiller à l'exécution de travaux conformes au descriptif et aux règles de l'art ce, en ayant accepté la livraison d'un immeuble dont elles ne pouvaient garantir l'étanchéité, le tribunal a retenu la responsabilité contractuelle de la première et la responsabilité délictuelle de la seconde relativement aux dommages, conséquences directes de leurs fautes personnelles, en proportion de leur part de responsabilité.

La société Archi Triad, Mme [P] et la Maf critiquent le jugement en ce que les premiers juges ont retenu à tort que l'architecte est tenu à une obligation de résultat concernant la qualité de la construction dont il a la charge, et estimé qu'en l'occurrence, les architectes étaient responsables en raison des défauts d'exécution et des non-conformités sans dommage commis par les sociétés Podyma et Plâtrerie Normande (SPN).

Elles rappellent que les obligations de conseil et de surveillance du chantier par l'architecte consistent en des obligations de moyen et soulignent que l'expert judiciaire ne leur a imputé aucun manquement à ces titres, celui-ci relevant au contraire qu'elles avaient rempli leur mission et exécuté leur obligation de conseil auprès des maîtres de l'ouvrage.

Elles ajoutent que le rapport d'expertise a mis en exergue que la cause des infiltrations auxquelles les travaux de reprise ont mis fin définitivement étaient imputables aux sociétés SPN et Podyma, entreprises tenues à une obligation de résultat leur imposant de mettre en place un ouvrage exempt de vices, mais que la responsabilité des maîtres d'oeuvre ne pouvait être retenue.

Elles relèvent à cet égard que les époux [U] ne caractérisent pas la moindre inexécution des obligations de moyen incombant aux architectes.

Par ailleurs, elles font valoir que, conformément à la jurisprudence, les architectes-constructeurs ne sont pas débiteurs d'une obligation de mise en conformité en l'absence de tout désordre et de DTU contractualisé, de sorte que leur responsabilité ne pouvait pas être engagée au titre de menuiseries qui ne sont plus fuyardes mais au contraire parfaitement étanches.

En conséquence, elles demandent à la cour de les mettre hors de cause et subsidiairement, de limiter leur responsabilité à 15% ce encore, pour les postes retenus par l'expert judiciaire à savoir, l'isolation des coffres du rez-de-chaussée, la sous-face des deux coffres de l'étage et les coffres des chambres et les châssis.

A titre encore plus subsidiaire, les appelantes invoquent le bénéfice de la clause d'exclusion de solidarité prévue au contrat de maîtrise d'oeuvre, laquelle est valide contrairement à ce que les premiers juges ont décidé, considérant qu'aucune condamnation solidaire ou in solidum ne pouvait être prononcée à leur encontre.

Les époux [U] demandent l'infirmation du jugement 'sur la nature de la responsabilité délictuelle de Mme [P]', reprochant au tribunal de ne jamais avoir mentionné l'article 1240 du code civil, fondement juridique qu'ils avaient exclusivement invoqué au soutien de leurs demandes.

Ils sollicitent la confirmation du jugement ayant retenu les fautes commises par les architectes pour avoir privilégié des solutions palliatives (joints de silicones) sans pouvoir garantir leur longévité quant à l'étanchéité des menuiseries.

Ils estiment que l'acceptation des dites solutions par des maîtres de l'ouvrage non professionnels de la construction, ne saurait exclure la responsabilité des maîtres d'oeuvre tenus à une obligation de conseil à leur égard.

Ils font valoir que M. [S], nonobstant l'absence d'infiltration constatée lors de la réunion d'expertise, a relevé que l'étanchéité de la menuiserie était assurée par des rajouts de joints silicone en sur-épaisseur des profils destinés à assurer l'étanchéité des assemblages.

Ils précisent que cette solution de reprise a été validée par les architectes alors qu'elle ne permet pas de connaître la durabilité de ces ajouts d'étanchéité par mastic et que les maîtres de l'ouvrage avaient alerté les architectes sur la mauvaise qualité des travaux réalisés par l'entrepreneur concerné.

En définitive, ils estiment que la société Archi Triad et Mme [P] ont failli à leur mission en validant les réparations de fortune réalisées par la société Podyma alors que la seule solution pour permettre aux intervenants de déférer à leurs obligations contractuelles, était le changement des menuiseries, ce que l'architecte aurait dû exiger de l'entrepreneur.

Ils soulignent la gravité de cette faute commise par le maître d'oeuvre, tenu au titre de la direction de l'exécution des travaux à veiller à l'exécution de travaux conformes tant au descriptif qu'aux règles de l'art.

Ils concluent in fine que l'application de la clause d'exclusion de la solidarité doit être écartée en ce que celle-ci est abusive au sens des articles L.212-1 et L. 242-1 du code de la consommation, que la condamnation in solidum sollicitée et d'ordre public est à distinguer de la condamnation solidaire, et qu'en tout état de cause, les architectes ont concouru à la survenance de l'entier dommage en acceptant des mesures palliatives de sorte qu'il n'y a pas lieu à limitation de leur responsabilité.

Sur ce,

Aux termes de l'article 1134 ancien devenu 1103 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

En vertu des dispositions de l'article 1147 ancien du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 en date du 10 février 2016 et applicable au présent litige, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Selon l'article1382 ancien du code civil devenu 1240, 'Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.'

Le tribunal a fait droit à la demande présentée par les époux [U] en condamnant in solidum les architectes, leur assureur, et la société SPN, à leur régler en totalité le coût des travaux de reprise des défauts d'exécution et non conformités relevés par M. [S], expert judiciaire, au titre du lot menuiseries en aluminium confiées à la société Podyma et du lot menuiseries bois -plâtrerie attribué à la société Plâtrerie Normande.

Il doit être relevé à titre liminaire que la responsabilité des architectes n'est pas recherchée par les époux [U] sur le fondement des garanties légales prévues aux articles 1792 et suivants, mais sur celui de la responsabilité contractuelle de droit commun s'agissant de la société Archi-Triad et de la responsabilité délictuelle concernant Mme [P].

De fait, il n'est pas discuté que le lot menuiserie aluminium confié à la société Podyma comme les travaux relatifs au lot menuiseries bois-plâtrerie (dont la pose de volets roulants) attribués à la société Plâtrerie Normande, et concernés par les défauts d'exécution et non conformités dénoncés, n'ont pas été réceptionnés expressément. Il n'est pas sollicité le prononcé d'une réception judiciaire ni invoqué l'éventualité d'une réception tacite, laquelle, ainsi que le suggère l'expert judiciaire, au regard des éléments du dossier, ne pourrait être fixée qu'à la date de prise de possession de l'immeuble en état d'être habité, soit en mars 2016, avec les réserves correspondant aux différents points techniques retenus dans son rapport.

Ainsi, les époux [U] exercent valablement l'action en responsabilité contractuelle de droit commun à l'encontre de la société Archi Triad, ce qui leur impose néanmoins de démontrer les manquements qu'ils lui imputent dans le cadre de sa mission de direction et de surveillance des travaux d'une part, et de son obligation d'information et de conseil d'autre part.

Si, avant le prononcé de la réception des travaux, l'entrepreneur est débiteur envers le maître de l'ouvrage d'une obligation contractuelle de résultat lui imposant la réalisation d'un ouvrage exempt de désordre, de malfaçon ou de non-conformité, le maître d'oeuvre n'est normalement tenu que d'une obligation de moyen dans l'accomplissement de sa mission de surveillance et de direction des travaux.

En outre, dans les limites de sa mission, l'architecte a une obligation générale, qui naît du contrat et qui relève de sa technicité, de renseignement et de conseil, et un devoir d'assistance du maître de l'ouvrage, l'obligation d'information ne s'appliquant pas cependant aux faits connus de tous et dont le maître de l'ouvrage a lui-même connaissance.

Il sera rappelé que suivant contrat signé le 13 juillet 2010, les époux [U] ont confié à la société Archi Triad une mission de maîtrise d'oeuvre dite 'normale', en réalité complète, comprenant en particulier la conception du projet de construction d'un bâtiment, la direction des travaux, et l'assistance aux opérations de réception des travaux.

L'article G.3.7 du cahier des clauses générales du contrat précisait s'agissant de la 'direction de l'exécution des contrats de travaux' que 'pour la réalisation de l'ouvrage, la mission de l'architecte est distincte et indépendante de celle de l'entrepreneur, à qui incombe notamment de réaliser les travaux dans le respect des règles de l'art, des documents techniques unifiés (DTU) et des normes en vigueur, respecter les prescriptions du CCTP', étant ajouté in fine que 'Tout manquement de l'entrepreneur à ses obligations est constaté dans les comptes-rendus de chantier de l'architecte et fait, si nécessaire, l'objet d'une mise en demeure par le maître de l'ouvrage.'

Par ailleurs, le contrat de maîtrise d'oeuvre prévoit en ses articles G 6.2.1et G 6.2.2 que l'architecte peut s'adjoindre le concours de spécialistes comme cotraitants ou comme sous-traitants, et qu'en cas de pluralité d'architectes, ceux-ci se répartissent entre eux les tâches et les honoraires, la dite répartition étant transmise au maître de l'ouvrage.

Une convention intitulée 'sous-traitance de missions partielles d'un contrat de maîtrise d'oeuvre' a été signée le 14 janvier 2013 entre la société Archi Triad (représenté par M. [D] [O]) et Mme [C] [P] (Eurl [P]), architecte, portant sur la 'la maîtrise d'oeuvre en sous traitance partielle, sur la 1ère partie limitée à dossier de consultation des entreprises soit 52% de la mission complète'.

L'expert judiciaire a indiqué que Mme [P], architecte, était intervenue en qualité de sous-traitant de la société Archi Triad pour la 1ère phase de la mission de maîtrise d'oeuvre (mise au point des marchés) mais aussi pour la phase réalisation des travaux. Cette analyse n'est pas remise en cause par les parties et ressort tant de l'avenant au marché de maîtrise d'oeuvre du 11 décembre 2012 auquel est annexé un état de répartition des honoraires entre les deux architectes en fonction des missions convenues entre elles, que des courriels versés aux débats et échangés entre les maîtres de l'ouvrage, M. [O] (pour la société Archi Triad) et Mme [P] au cours de la phase d'exécution des travaux.

Plus précisémment, il apparaît que Mme [P] s'est vue confier par la société Archi Triad notamment les visas des études d'exécution, la direction de l'exécution des travaux, et l'assistance aux opérations de réception, chacune de ces missions incombant pour moitié à chacun des architectes.

Il en résulte que Mme [P], liée à la société Archi Triad par la convention du 14 janvier 2013, devait, au titre de ces missions sous-traitées partiellement, respecter les obligations incombant à cette dernière envers les maîtres de l'ouvrage, et que la société Archi Triad est tenue contractuellement à l'égard des époux [U] des éventuels manquements commis par la sous-traitante.

En revanche, la responsabilité de Mme [P] à l'égard des maîtres de l'ouvrage, avec lesquels elle n'était pas liée contractuellement, ne peut être engagée que sur un fondement délictuel ainsi que l'a bien relevé le tribunal, ce, au titre des fautes pouvant résulter de la mauvaise exécution du contrat de sous-traitance et constitutives de fautes délictuelles à l'égard des époux [U].

Il revient en conséquence à la cour d'examiner si les fautes alléguées par les époux [U] à l'encontre des architectes dans l'accomplissement de leurs missions de direction et de surveillance des travaux sont caractérisées, et s'ils ont manqué à leur obligation d'information et de conseil tel que prétendu.

Dans les limites de sa mission, l'expert judiciaire a examiné les réclamations des maîtres de l'ouvrage, en ce qu'elles se rapportaient exclusivement aux menuiseries extérieures en aluminium puis aux volets roulants et à leur coffre.

- s'agissant des menuiseries extérieures en aluminium:

Il est constant que les menuiseries extérieures en aluminium ont été fabriquées par la société Podyma dans son atelier avec des profilés utilisés de marque Wicona, puis transportées par ses soins sur le chantier et posées par son personnel.

L'expert judiciaire a rappelé qu'en cours de travaux, des infiltrations d'eau sont apparues au droit des pièces d'appui des grandes baies, et aussi aux angles de certaines fenêtres dont celles de l'étage (apparition en fonction de la direction du vent), infiltrations rappelées dans divers mails et courriels, lesquels sont versés aux débats, à savoir :

- la lettre du 3 novembre 2013 adressée à la société Podyma, par laquelle M. [D] [O] (Archi-Triad) fait part 'd'un doute important sur l'étanchéité globale des menuiseries' à la suite des essais auxquels il a été procédé et qui ont 'montré des passages d'eau dans des assemblages et aux jonctions entre menuiseries et maçonneries aux emplacements des appuis(...)', demandant à l'entrepreneur de procéder à la dépose des coulisses et des bavettes des fenêtres de la cuisine et des chambres de l'étage, puis à des essais en présence des maîtres de l'ouvrage et de lui-même, et enfin aux corrections éventuellement nécessaires avant repose des bavettes et coulisses compris tous joints d'étanchéité, attirant tout particulièrement son attention au 'remontage des bavettes suivant schémas examinés ensemble comme convenu au démarrage du chantier', et le sommant d'adopter 'la méthodologie rigoureuse indiquée' ;

- les courriels adressés à Mme [P] par lesquels les époux [U] se plaignaient, le 23 novembre 2013 d'une exécution non satisfaisante des joints et de la mauvaise pose des compribandes, invoquant une étanchéité de la salle de bain et du RDC 'beurré de silicone' puis, le 26 novembre suivant, d'un assemblage des menuiseries ne respectant pas les préconisations de fabrication (étanchéité de jonction), de la pose des menuiseries réalisée dans la poussière de béton, de l'absence de joint de compribande non déployé sur certaines menuiseries (...) en estimant in fine que 'les palliatifs mis en oeuvre à ce jour ne donnent pas satisfaction' alors qu'ils souhaitaient 'un ouvrage réalisé selon les règles de l'art et les normes en vigueur' ;

- le mail du 26 novembre 2013 signé de Mme [P] et de M. [O] répondant aux maîtres de l'ouvrage que 'la procédure de réparation a été mise en place et la finalisation des ouvrages est en route et qu'il ne faut pas l'arrêter', que certes, il y avait eu 'des problèmes réels : fuites des menuiseries à cause d'erreur de collage de joint à la construction et erreur de pose', mais que 'les éléments ont été repris pour terminer, restant seulement les reprises demandées mercredi et samedi', précisant que le repérage des joints à reprendre serait fait mercredi et le beurrage des joints certes inesthétique serait caché par les bavettes, que l'entreprise devait intervenir pour toutes reprises vues ensemble pour terminer, et qu'il ferait 'le tour mercredi avec l'entreprise', celle-ci devant vérifier que l'étanchéité était assurée ;

- le courriel du 26 mai 2014 envoyé par Mme [P] à la société Podyma dénonçant de nouvelles fuites avec des entrées d'eau dans les profilés à l'angle cuisine et au niveau des coulissants séjour et chambre 1 RDC, soulignant l'urgence d'intervenir, et lui rappelant le RV fixé le mercredi 28 mai suivant ;

- la lettre recommandée avec demande d'avis de réception datée du 31 juillet 2014 par laquelle M. [O] (Archi Triad) met en demeure la société Podyma de fournir notamment 'la note de Wicona' fabricant des profilés permettant d'apporter toutes réponses 'sur la languette de 8 mm et distances aux rejingots, conformément à nos derniers rappels par mail des 6,8 et 22 juillet derniers et tous comptes rendus des périodes concernées', 'tous éléments de la note de calcul concernant la grande baie du séjour en rappel depuis mars 2014 jusqu'aux demandes plus récentes des 2 et 13 mai, notamment rappels des 8,22 juillet et tous comptes rendus des périodes concernées', 'la note de protocole sur les mises en oeuvre à mettre en place concernant notamment la disposition de rebouchage des trous de busettes, des fixations de bavettes, coulisses..mise en place des busettes', 'horizontalité et rectitude du rail bas de la grande baie de séjour (compte rendu du 9 juillet 2014)' (...), concluant que 'les interventions sur site devront être prévues au plus tard pour la fin de la semaine du 1er septembre (semaine 36), passé cette date, toutes les mesures seront prises par le maître de l'ouvrage pour obtenir la fin du chantier et la réception des ouvrages à vos frais'.

M. [S] a constaté que diverses interventions des constructeurs avaient eu lieu, et ce, pour toutes les menuiseries après la pose d'une bavette 'test sur la fenêtre du cellier', modifications décidées lors de la réunion de chantier du 9 octobre 2014.

Il a signalé que le remplacement des bavettes déjà ajoutées en recouvrement des pièces d'appui,

estimé à 4.715 euros HT suivant devis de la société Podyma du 13 juin 2014, avait été pris en charge par la Maf, et qu'il avait été aussi procédé à l'ajout de cordons de mastic souple dans les angles des cadres dormants.

Il est constant qu'à la suite de ces interventions, les infiltrations ont cessé et que le chantier s'est poursuivi, étant relevé que, ainsi que l'indique l'expert, la société Podyma a quitté le chantier le 4 mars 2015 sans l'avoir achevé et qu'elle serait intervenue pour parfaire son ouvrage entre avril et septembre 2015.

M. [B], expert conseil sollicité par les époux [U], avait conclu dans sa note complémentaire du 30 septembre 2015 que 'l'entreprise s'est généralement contentée de mettre en oeuvre une masse importante de silicone au pourtour des assemblages fuyards, côté intérieur', 'alors que la solution ne pouvait que consister à déposer ces menuiseries et à reprendre leurs joints de montage', estimant que 'ces reprises qui ne sont plus visibles du fait

des doublages sont contraires à toutes les règles de l'art et sont de nature à compromettre la pérennité de l'ouvrage'.

Dans son rapport déposé le 28 janvier 2019, l'expert judiciaire a relevé pour sa part certains défauts d'exécution / non conformités concernant :

- les pièces d'appui des châssis alu : des mortaises apparentes et des perçages réalisés pour modifier les mortaises d'origine et fixer les bavettes qui, par la suite, ont été déposées, remplacées par des éléments indémontables ; des cordons de mastic extrudés aux extrémités des bavettes rapportées aux jonctions avec les tapées.

M. [S] a expliqué qu'il s'agissait d'une 'adaptation sur le tas' des éléments fabriqués en atelier par la société Podyma et ce pour parfaire la protection des joints d'étanchéité mis en oeuvre en applique, mais aussi d'une conception pour l'exécution des menuiseries alu non suffisamment étudiée avant la mise en fabrication.

Il a précisé que les percements non utilisés, protégés par les bavettes en place, ne réduiraient pas la durée de vie des menuiseries, indiquant qu'une résine pourrait être appliquée sur les parois des entailles des profilés et des pare-vent.

Enfin, il a signalé que l'architecte n'avait pas la charge d'établir les plans d'exécution des menuiseries.

- les vantaux coulissants de la baie de la cuisine : une difficulté de fonctionnement, pour laquelle la société Podyma était déjà intervenue pour tenter d'y remédier ce, en vain, en remplaçant les galets de roulement alors que l'alignement du rail inférieur avait été contrôlé ;

- l'ouverture du vantail coulissant de la baie de la chambre du rez-de-chaussée : une difficulté d'ouverture, existant non pas sur toute la longueur du rail mais seulement au 'déboîtement' du vantail, et semblant liée à l'encombrement trop important des joints verticaux insérés dans le montant du vantail ;

- une infiltration d'air frais au droit de 2 menuiseries : un passage d'air sur les 3/4 de la hauteur du montant côté droit du châssis fixe en pignon sur terrasse, et un passage d'air frais en partie basse, côté poteau d'angle du châssis fixe du bureau sur terrasse.

L'expert a retenu que des défauts d'exécution des calfeutrements, assemblages, et des montants en alu entre eux en étaient à l'origine. Il a préconisé le démontage des 2 châssis et leur repose avec cordons de mastic étanchéité, estimant toutefois que leur remplacement n'était pas justifié.

S'agissant plus particulièrement des châssis alu et de l'étanchéité des assemblages des profilés dormants en alu :

L'expert a indiqué que l'ouverture de la cloison de doublage en allège d'une fenêtre le 19 septembre 2017 avait permis de constater la présence d'un cordon de mastic à l'extérieur de l'angle du dormant (mastic qui n'a pas d'utilité).

Après démontage de 2 vantaux et de profilés rupteurs thermiques (chambre du 1er étage) réalisé contradictoirement le 3 octobre 2018, M. [S] a relevé la présence d'un mastic silicone translucide en sur-épaisseur des profilés (à la jonction du montant et de la traverse horizontale), lequel aurait été ajouté pour mettre fin aux infiltrations d'eau provenant d'une défaillance de l'étanchéité de l'assemblage fait en atelier.

Toutefois, il a indiqué que la mise en eau du profilé horizontal n'avait pas fait apparaître d'infiltrations en sous face de l'angle du dormant.

L'expert a ainsi souligné que :

- l'adaptation faite sur place pendant le chantier 'complément par cordons de mastic silicone' assurait l'étanchéité des assemblages puisque c'est à partir de leur mise en oeuvre que les infiltrations d'eau avaient cessé ;

- le fabricant des profilés (Wicona) avait néanmoins prévu une étanchéité par collage des coupes d'onglet sans complément de mastic à l'extérieur des coupes ;

- aucun avis ne pouvait être donné sur la durée de bonne tenue des cordons de mastics rapportés.

Pour remédier à cette difficulté, et afin de tenir compte de ce que l'étanchéité était assurée, l'expert a proposé :

- de ne pas intervenir sans pouvoir néanmoins garantir comment les assemblages se comporteraient pour l'avenir,

- ou de procéder au remplacement des menuiseries avec tous les travaux annexes de plâtrerie, isolation, peinture (pour les menuiseries ayant reçu les mêmes compléments de mastic dans les angles), ajoutant que 'cette solution extrême réglerait les postes suivants' : fixation châssis sur le gros oeuvre, l'étanchéité angles châssis, les pièces d'appui des châssis alu, les montants des dormants percés pour la pose des coulisses, le problème de fonctionnement des vantaux coulissants de la baie de la cuisine et la difficulté d'ouverture vantail coulissant de la baie de la chambre du rez-de-chaussée, les infiltrations d'air au droit de deux menuiseries.

Le montant de l'ensemble de ces seuls travaux a été évalué à 67.245,31 euros TTC outre 4.000 euros au titre des honoraires de maîtrise d'oeuvre nécessaires.

L'expert a expliqué la survenue des infiltrations en cours d'exécution par une insuffisance d'encollage des coupes à 45° en atelier et/ou une rupture des assemblages collés lors du transport des dormants ou de leur pose, ce qui relevait en tout état de cause de la responsabilité de la société Podyma.

S'agissant de l'étanchéité des assemblages mise en oeuvre par la société Podyma par la pose de cordons de mastic, l'expert a retenu que 'les architectes avaient tenu leur rôle de conseil près des deux parties :

- des époux [U], en intervenant près de Podyma pour obtenir des ouvrages étanches, esthétiques et ce dans un délai raisonnable ;

- de Podyma en ne refusant pas les menuiseries dès le constat des premières fuites.

Ils ont dialogué avec le maître d'ouvrage et l'entreprise, étudié des solutions et ont réussi à les faire mettre en oeuvre.

Ils ont obtenu 'l'étanchéité' certes, en ne respectant pas la préconisation du fabricant et en ne pouvant donner un avis sur la durée de vie des assemblages 'fuyards avant ou après l'expiration de la garantie décennale', ou jamais fuyards.

Le coût des travaux de remplacement complet des menuiseries (solution extrême) pendant le chantier était déjà important, et l'on peut supposer qu'il a été pris en considération dans les réflexions pour limiter 'économiquement' l'impact sur la société Podyma.'

Concernant les autres difficultés relevées auxquelles le remplacement des menuiseries permettrait de mettre fin, M. [S] impute leur entière responsabilité à la société Podyma et le rapport d'expertise ne met pas en exergue sur ces points, un quelconque manquement de la maîtrise d'oeuvre susceptible d'être retenu au titre d'un défaut d'exécution de ses missions de direction et de surveillance.

S'agissant de l'étanchéité des assemblages mise en oeuvre par la société Podyma par la pose de cordons de mastic, il ressort des éléments du rapport d'expertise précité, et du déroulement du chantier tel que déterminé à l'examen des pièces produites, qu'à la suite des infiltrations survenues en cours d'exécution des travaux par la société Podyma et dont celle-ci est à l'origine, les architectes sont intervenus auprès de l'entrepreneur pour rechercher et veiller à la mise en oeuvre des travaux de reprise propres à remédier aux désordres et à prévenir leur renouvellement.

Ces interventions ont permis, selon les termes mêmes de l'expert judiciaire, de parvenir à un ouvrage étanche, esthétique et ce, dans un délai raisonnable.

De surcroît, l'expert n'a pas conclu que ces solutions étaient non conformes aux règles de l'art ou à un DTU, étant observé que le devis accepté établi par la société Podyma ne révèle aucun engagement de sa part à ce dernier titre.

Si l'étanchéité des menuiseries devait être assurée, selon les préconisations du fabricant, par collage des coupes d'onglet sans complément de mastic à l'extérieur des coupes, l'expert ne dit aucunement que ces préconisations se rapporteraient à un DUT ou à une règle de l'art en matière d'assemblage de menuiseries d'aluminium à respecter impérativement pour assurer l'étanchéité, ni que l'ajout de mastic, et plus généralement la solution palliative validée par les architectes serait contraire aux règles de l'art ou non conforme à un DTU.

Or, il résulte de la combinaison des anciens articles 1134, 1147 et 1382, devenu 1240 du code civil, qu'en l'absence de désordre, le non-respect des normes qui ne sont rendues obligatoires ni par la loi ni par le contrat ne peut donner lieu à une mise en conformité à la charge du constructeur.

Dès lors, il ne peut être retenu un manquement des architectes à leur obligation de direction des travaux en ayant validé une solution qui, bien que non conforme aux préconisations du fabricant, a permis d'assurer l'étanchéité des menuiseries et ce durablement, en l'absence de toute nouvelle infiltration survenue dans les dix années qui ont suivi.

En revanche, il apparaît que les maîtres d'ouvrage, présents aux réunions de chantier, ont toujours critiqué l'étanchéité des menuiseries et alerté les architectes sur leurs craintes quant à la qualité des travaux par la société Podyma en particulier sur ce point.

Il sera rappelé que, suivant ordre de service du 14 mars 2013 et devis annexé du 11 mars 2013 établi par la société Podyma, l'entrepreneur s'était engagé à fournir, livrer et poser des menuiseries aluminium du fabricant Wicona, ce qui impliquait pour lui l'obligation de respecter le procédé d'étanchéité prévu par celui-ci par collage des coupes d'onglet sans complément de mastic à l'extérieur des coupes, ce qui n'a pas été mis en oeuvre tant à l'origine qu'au titre des travaux de reprise validés par les architectes en toute connaissance de cause.

Si les maîtres de l'ouvrage ont été informés de la nature des travaux de reprise décidés et de la nécessité d'en poursuivre l'exécution nonobstant les doutes qu'ils avaient exprimés, il est manifeste à la lecture des courriels échangés avec les maîtres d'oeuvre et des extraits de compte-rendus de chantier, qu'en leur qualité de profanes, faisant confiance aux intervenants professionnels ainsi que le note l'expert, ils n'ont pas été en mesure de consentir de manière éclairée à la solution palliative retenue par les architectes.

En effet, ni la société Archi Triad ni Mme [P] ne justifient, ni n'allèguent au demeurant avoir porté à la connaissance des maîtres de l'ouvrage le fait que l'étanchéité ainsi assurée sans respect des préconisations du fabricant ne pouvait être garantie dans la durée.

Il n'est pas établi que les architectes aient ainsi informé les maîtres de l'ouvrage des risques encourus quant à la pérennité de la solution palliative retenue, ni a fortiori recueilli leur accord préalable donné en toute connaissance de cause.

L'acceptation des risques suppose que le maître d'ouvrage, dûment averti, ait délibérément fait le choix de passer outre à la difficulté qu'il connaissait.

La volonté délibérée de prendre un risque doit être caractérisée, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Tout au contraire, il est établi que les époux [U] ont alerté dès novembre 2013 les maîtres d'oeuvre d'un assemblage des menuiseries ne respectant pas les préconisations du fabricant, et de leurs doutes quant aux palliatifs mis en oeuvre, lesquels n'ont pas donné satisfaction immédiatement puisque de nouvelles interventions ont été nécessaires par la suite afin d'y remédier.

Il en résulte que la société Archi Triad et Mme [P] ont commis un manquement à leur obligation d'information et de conseil en validant, en connaissance de cause, une solution palliative non conforme aux préconisations du fabricant que devait respecter contractuellement l'entrepreneur et dont l'étanchéité n'était pas garantie dans la durée ce, sans avertir les maîtres de l'ouvrage des risques techniques encourus en retenant une telle solution, ni obtenir préalablement l'accord des époux [U] dûment informés.

Mais le préjudice subi doit nécessairement être envisagé en termes de perte de chance et ne peut être égal au coût du remplacement des menuiseries ou des travaux de reprise chiffrés par l'expert.

En effet, le préjudice en lien avec le manquement imputé aux architectes ne peut consister qu' en une perte de chance pour les maîtres de l'ouvrage de faire un choix éclairé, de renoncer à la solution palliative validée par les maîtres d'oeuvre pour décider le remplacement de l'ensemble des menuiseries afin d'obtenir des prestations conformes à celles commandées, dont l'étanchéité aurait été garantie dans la durée et qui permettait, de surcroît, un recours possible si nécessaire contre le fabricant des profilés dès lors que ses préconisations avaient été respectées.

Lorsque le juge constate qu'une faute a privé la victime d'une chance d'empêcher que son dommage se réalise, il doit condamner le responsable à réparer ce préjudice. Il ne peut refuser cette indemnisation au motif que la victime demandait la réparation de son dommage et non de la perte de chance de l'éviter.

En l'occurrence, il y a lieu de relever l'attachement des époux [U] à l'exécution de travaux conformes et au respect de l'obligation de résultat à laquelle était tenue l'entrepreneur, tel que manifesté par les courriels échangés avec les maîtres d'oeuvre et leur présence assidue à toutes les réunions de chantier, mais aussi les inconvénients que la solution de remplacement des menuiseries impliquait en termes d'allongement des délais d'exécution des travaux de construction et du retard imposé aux entrepreneurs devant succéder à la société Podyma, comme la confiance légitiment accordée par les époux [U] aux architectes, lesquels ont mis en oeuvre de fait, une solution qui s'est révélée efficace en l'absence de tout désordre survenu dans les neuf années qui ont suivi.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, la cour considère que la perte de chance ne saurait être évaluée au delà de 10% de sorte que le préjudice subi doit être évalué à la seule somme de 7.124,53 euros, soit [(67.245,31 euros + 4.000 euros) x 10%].

La responsabilité de la société Archi Triad sera donc retenue au titre du manquement contractuel à son obligation d'information et de conseil à l'égard de ses cocontractants et celle de Mme [P], en sa qualité de sous-traitante de la société Archi Triad, le sera sur le fondement délictuel, compte tenu de ses manquements contractuels dans l'exécution de sa mission à l'égard de la société Archi Triad constitutifs d'une faute délictuelle à l'égard des époux [U].

Par ailleurs, M. et Mme [U] sont recevables et fondés à exercer l'action directe du tiers lésé à l'égard de la Maf, assureur qui ne conteste pas garantir la responsabilité civile professionnelle de la société Archi Triad et de Mme [P].

Enfin, il apparaît que la société Archi Triad comme Mme [P], assurées par la Maf, ont agi de concert dans la phase d'exécution des travaux accomplis par la société Podyma, tenus par la même obligation d'information et de conseil et à l'origine du même dommage, à savoir une perte de chance, de sorte que la clause d'exclusion de solidarité prévue au contrat d'architecte n'a pas lieu de s'appliquer.

En conséquence, après infirmation du jugement, la cour condamnera in solidum les architectes et leur assureur à payer aux époux [U] la somme de 7.124,53 euros en réparation du préjudice subi par ces derniers au titre de la perte de chance résultant du non-respect de leur obligation d'information et de conseil.

Enfin, s'agissant des volets roulants, fabriqués par la société Budendorff et installés par la société Podyma, incorporés dans des coffres commencés par la société Bati-Elec, il sera rappelé qu'après abandon de cette dernière, la société SPN est intervenue pour parfaire les parois des coffres, installer les sous-faces démontables, et assurer les travaux de finition de l'isolation thermique de la maison.

L'expert a constaté :

- le blocage des tabliers : les problèmes d'enroulement sont consécutifs à une déformation des lames nécessitant leur remplacement à la charge de la société Budendorff pour un coût de reprise de 1200 euros TTC ;

- des problèmes d'isolation des coffres au RDC : une absence d'étanchéité à l'air entre la sous-face du coffre et le profilé alu fixé sur la traverse du dormant, une discontinuité de l'isolant thermique du coffre, à la jonction sous face et paroi verticale, et la présence de découpes de l'isolant horizontal pour le passage de câbles.

M. [S] a retenu que ces problèmes avaient pour cause une exécution trop rapide des travaux par la société SPN, menuisier, des découpes inappropriées de l'isolant, l'absence d'un joint d'étanchéité au droit de l'appui de la sous-face avec le profilé alu.

Il a préconisé pour y remédier divers travaux décrits en page 23 valables également pour les coffres des volets roulants des 3 chambres de l'étage ;

- des problèmes d'isolation thermique des coffres des 2 volets roulants de l'étage dans le couloir :

L'expert a relevé que l'étanchéité des jouées dans l'épaisseur du doublage n'avait pas été réalisée en totalité, prestation incombant à la société SPN, et que la dépose complète des deux volets roulants était à prévoir pour l'intervention d'un menuisier. En outre, un espace vide existait aux extrémités des sous faces des coffres de 15 x40mm environ de sorte que l'air frais qui entre dans le coffre sort par les 2 ouvertures. Il a été rappelé que la réalisation des sous faces des coffres avait été confiée à la société SPN qui avait la charge d'établir les croquis d'exécution.

S'agissant de ces problèmes d'isolation, l'expert a indiqué que 'subsidiairement, au titre de la surveillance des travaux, la responsabilité du maître d'oeuvre d'exécution pourrait être recherchée'.

Il a été définitivement jugé que la responsabilité de la société SPN devait être retenue au regard des manquements commis à son obligation de résultat à l'origine de l'absence d'isolation des coffres des volets roulants aussi bien au rez-de-chaussée qu'à l'étage et dont l'entrepreneur avait la responsabilité.

Retenant le montant des travaux de mise en conformité arrêté par l'expert à la somme de 5.382,31 euros, le tribunal a, dans les motifs de sa décision, dit qu'il convenait de 'condamner in solidum la société SPN avec la société Archi Triad et Mme [P] à payer la somme de 5.382,31 euros sur ce poste'.

Au regard des désordres mis en exergue relatifs au défaut d'étanchéité à l'air et manque d'isolation des coffres au rez-de-chaussée, et aux défauts d'isolation thermique des coffres des deux volets roulants de l'étage dans le couloir, la cour relève à la lecture du rapport d'expertise un défaut de surveillance des maîtres d'oeuvre des prestations réalisées par la société SPN, lesquels n'ont pas vérifié suffisamment que l'isolation thermique était assurée ce, alors qu'une vigilance accrue s'imposait particulièrement, la société intervenant à la suite de l'abandon du chantier par la société Bati-Elec.

Tant la société Archi Triad que Mme [P] ne produisent les comptes-rendus de chantier ou lettres recommandées de mise en demeure permettant d'établir que les architectes avaient attiré l'attention de la société SPN sur ces problèmes et sollicité une intervention corrective pour y remédier.

En conséquence, la société Archi Triad que Mme [P], toutes deux intervenues lors de cette phase de travaux ont engagé leur responsabilité à l'égard des époux [U], la première au titre d'un manquement contractuel, la seconde sur un fondement délictuel pour ses manquements dans l'exécution de sa mission de sous-traitance.

En application de l'article 1147 du code civil précité, chacun des coauteurs d'un même dommage, conséquence de leurs fautes respectives, doit être condamné in solidum à la réparation de l'entier dommage, chacune de ces fautes ayant concouru à le causer tout entier, sans qu'il y ait lieu de tenir compte du partage de responsabilités entre les coauteurs, lequel n'affecte que les rapports réciproques de ces derniers, mais non le caractère et l'étendue de leur obligation à l'égard de la victime du dommage.

S'agissant de l'application de la clause d'exclusion de solidarité invoquée par les architectes et son assureur, ce principe peut trouver des limites.

La clause du contrat G 6.3.1, liant la société Archi Triad au maître d'ouvrage, prévoit que l'architecte 'ne peut être tenu responsable, de quelque manière que ce soit, et en particulier solidairement, des dommages imputables aux actions ou omissions du maîtres d'ouvrage ou des autres intervenants dans l'opération faisant l'objet du présent contrat.'

Il est admis qu'une telle clause est valable et ne constitue pas une clause abusive, de sorte que le jugement est infirmé en ce qu'il a prononcé l'annulation de la clause litigieuse.

Mais, il est également admis que cette clause ne saurait avoir pour effet de réduire le droit à réparation du maître d'ouvrage contre l'architecte, quand sa faute a concouru à la réalisation de l'entier dommage.

Dès lors, les maîtres de l'ouvrage sont fondés à soutenir que la clause n'est pas applicable en l'espèce dès lors que les fautes de la société Archi Triad et de Mme [P], commises dans la phase de la surveillance des travaux ont concouru à l'entier dommage dont les époux [U] obtiennent réparation.

Par suite, il y a lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné les architectes à verser à M. et Mme [U] la somme de 80.299,31 euros au titre des travaux de remise en état et il conviendra de condamner la société Archi Triad, Mme [P], et leur assureur la Maf in solidum avec la société SPN à payer aux époux [U] la somme de 5.382,31 euros ce, au titre du seul coût des travaux de reprise avec indexation selon l'évolution de l'indice du coût de la construction BT 01 entre celui publié le 28 janvier 2019 et celui publié à la date du présent arrêt.

Dans les rapports entre les architectes d'une part et la société SPN d'autre part, le partage définitif des responsabilités se fera ainsi :

- pour la société SPN : 90%

- pour la société Archi Triad et Mme [P] : 10%

Il s'en suit, qu'au regard des fautes respectives des intervenants, il sera fait droit au recours en garantie sollicité par les architectes et leur assureur et au sujet duquel le tribunal a omis de statuer.

La société Archi Triad et Mme [C] [P] et la Maf, seront garanties par la société SPN à hauteur de 90% des condamnations prononcées à leur encontre in solidum avec celle-ci, en principal et intérêts, à proportion du partage de responsabilité fixé par la cour.

- Sur les autres demandes :

Le tribunal a condamné in solidum la société Archi Triad et Mme [P], la Maf, ainsi que la société Plâtrerie Normande à verser à M. [L] [U] et Mme [A] [J] son épouse, unis d'intérêts, la somme de 10.000 euros en indemnisation de leur préjudice moral pour trouble de jouissance ce, en raison des travaux non terminés et de l'incertitude sur la tenue des solutions palliatives.

Les architectes et la Maf sollicitent l'infirmation de ce chef de jugement en concluant à l'absence de tout désordre d'infiltration et de tout préjudice de jouissance ou défaut esthétique subi par les maîtres de l'ouvrage.

Ils précisent qu'aucune des non-conformités alléguées n'a empêché la jouissance normale de l'habitation occupée depuis mars 2016, ajoutant que la réception aurait pu être prononcée avec réserves alors que l'expert a constaté que les éléments en place remplissaient de manière générale leurs fonctions ce, malgré des réglages et des finitions devant être réalisés.

Les époux [U] font valoir que les travaux ne sont pas terminés et n'ont pu être réceptionnés, et qu'ils devront supporter la réalisation des travaux de reprise.

L'expert a relevé dans son rapport que l'imperfection de l'isolation avait engendré des déperditions calorifiques complémentaires, notant qu'il était difficile de quantifier le surcroît de dépense en énergie proposant de fixer ce poste de préjudice à 200 euros.

Il a aussi évalué le préjudice de jouissance à prévoir pour la réalisation des travaux de reprise.

De fait, le préjudice de jouissance à subir résultant des défauts d'isolation thermique et des travaux de reprise des coffres des volets roulants à réaliser devra être pris en considération.

En revanche, celui-ci ne pourra être pris en compte au titre du remplacement de l'ensemble des menuiseries, la cour ayant seulement retenu un manquement des architectes constitutif d'une perte de chance pour les époux [U].

Enfin, le préjudice moral allégué au titre de la crainte résultant de l'absence de garantie de la tenue dans la durée des solutions palliatives, distinct de la perte de chance déjà indemnisée n'est pas établi.

L'ensemble de ces éléments conduit la cour à infirmer le jugement de ce chef et à condamner les architectes et leur assureur in solidum avec la société SPN à payer aux époux [U] la somme de 1.500 euros à ce titre.

La société Archi Triad et Mme [C] [P] et la Maf, seront garanties par la société SPN à hauteur de 90% de cette condamnation, en principal et intérêts, à proportion du partage de responsabilité fixé précédemment par la cour.

Enfin, le tribunal a déjà rappelé que la Maf, assureur de la société Archi Triad et de Mme [P], ne pourra être tenue que dans les limites des polices d'assurance souscrites par celles-ci et pourra opposer aux demandes présentées à son encontre la franchise contractuelle, et aucune partie n'a sollicité l'infirmation du jugement à ce titre.

- Sur les demandes accessoires :

La responsabilité des architectes ayant été retenue par la cour en son principe, il y a lieu de confirmer les dispositions du jugement en ses dispositions relatives aux dépens.

Par ailleurs, il y a lieu de relever l'erreur matérielle figurant au dispositif du jugement en ce qu'il a condamné in solidum les sociétés Archi Triad, Mme [P] et la Maf à payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 8.000 euros à 'Monsieur et Mme [P] unis d'intérêt' aux lieu et place de 'Monsieur et Madame [U].'

Mais, compte tenu de la solution retenue par la cour in fine, le jugement sera infirmé quant au montant alloué aux époux [U] au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et la société Archi Triad, Mme [P] et la Maf seront condamnées in solidum à leur payer la somme de 6.000 euros.

La société Archi Triad, Mme [P] et la Maf, parties qui succombent même partiellement, seront condamnées in solidum aux dépens de la procédure d'appel et leur demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

L'équité commande de condamner in solidum société Archi Triad, Mme [P] et la Maf à payer à M. et Mme [U] la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement, dans les limites de l'appel, par arrêt rendu par défaut et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 17 décembre 2021 par le tribunal judiciaire de Caen en ce qu'il a :

- rappelé que la Maf assureur de la société Archi Triad et de Mme [C] [P] ne pourra être tenue que dans les limites des polices d'assurance souscrites par celles-ci et pourra opposer aux demandes présentées à son encontre la franchise contractuelle ;

- condamné M. [L] [U] et Mme [A] [J] épouse [U] à payer à la société Archi Triad et Mme [P] la somme de 7.501,48 euros TTC au titre du solde des travaux ;

- condamné in solidum la société Archi Triad, Mme [P] et la Maf aux dépens, comprenant les frais d'huissier et expertise ;

L'infirme pour le surplus des dispositions dont la cour est saisie ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à appliquer la clause d'exclusion de la solidarité figurant au contrat de maîtrise d'oeuvre ;

Condamne la société Archi Triad, Mme [C] [P], et leur assureur la Maf in solidum avec la société SPN à payer à M. [L] [U] et Mme [A] [J] épouse [U] la somme de 5.382,31 euros au titre des travaux de reprise des défauts d'isolation des coffres du rez-de-chaussée et d'isolation thermique des coffres des deux volets roulants de l'étage avec indexation selon l'évolution de l'indice du coût de la construction BT 01 entre celui publié le 28 janvier 2019 et celui publié à la date du présent arrêt ;

Condamne la société Archi Triad, Mme [C] [P] et leur assureur la Maf, in solidum avec la société SPN à payer à M. [L] [U] et Mme [A] [J] épouse [U] la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance ;

Fixe le partage de responsabilité entre la société Archi Triad et Mme [C] [P], assurées par la Maf d'une part, et la société SPN d'autre part, à 10% pour les premières et 90% pour la seconde ;

Dit que la société Archi Triad et Mme [C] [P] et la Maf, seront garanties par la société SPN à hauteur de 90% des condamnations prononcées à leur encontre in solidum avec celle-ci, en principal et intérêts ;

Fixe au passif de la liquidation de la société SPN la créance de garantie de la société Archi Triad et Mme [C] [P], et de la Maf ainsi déterminée ;

Condamne in solidum la société Archi Triad, Mme [C] [P] et leur assureur la Maf à payer à M. [L] [U] et Mme [A] [J] épouse [U] la somme de 7.124,53 euros en indemnisation de la perte de chance subie au titre de leur manquement à leur obligation d'information et de conseil ;

Condamne in solidum la société Archi Triad, Mme [C] [P] et leur assureur la Maf à payer à M. [L] [U] et Mme [A] [J] épouse [U], unis d'intérêt, la somme de 6.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et 4.000 euros au titre de ceux engagés en cause d'appel ;

Rejette toutes autres demandes des parties ;

Condamne in solidum la société Archi Triad, Mme [C] [P] et leur assureur la Maf aux dépens de la procédure d'appel.

LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE

E. FLEURY Hélène BARTHE-NARI

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site