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Décisions

CA Toulouse, 1re ch. sect. 1, 30 mai 2016, n° 15/01373

TOULOUSE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL NORD MI DI PYRENEES

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Forcade

Conseiller :

M. Moulis

Conseiller :

Mme. Mazarin-Georgin

Avocats :

Me Roux - SELARL B2R, Me Roca

Avocat :

Me Arnaud Laur - SCP MAIGNIAL SALVAIRE ARNAUD LAUR LABADIE BOONSTOPPEL LAURENT

CA Toulouse n° 15/01373

29 mai 2016

EXPOSES DES FAITS.

La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord Midi Pyrénées a consenti à M. Alain B., agriculteur, divers concours dont le 5 juin 2008 un prêt de trésorerie de 30000€ remboursable au taux de 5,75% sur 12 échéances annuelles, les deux premières s'élevant à 1725€ et les suivantes à 4027,90€.

Par acte du même jour, Mme Noémie D. s'est portée caution solidaire de M. B. dans la limite de la somme de 39000€ au titre de ce prêt.

Suite à la défaillance de l'emprunteur la banque a prononcé la déchéance du terme et mis en demeure la caution par lettre recommandée reçue le 21 septembre 2013.

Par acte en date du 27 février 2014 la CRCAM Nord Midi Pyrénées a assigné M. B. et Mme D. devant le tribunal de grande instance de Castres en paiement de la somme de 31142,12€ avec les intérêts au taux de 5,75% majorés de 5 points échus postérieurement au 13 janvier 2014 au titre du prêt du 5 juin 2008 et M. B. en paiement des sommes restant dues au titre des autres concours.

Par jugement en date du 19 décembre 2014 le tribunal a :

- condamné M. B. à payer à la Caisse Régionale de Crédit Mutuel Nord Midi Pyrénées divers montants au titre des concours qui lui ont été consentis

- condamné solidairement M. B. et Mme D. à payer à la Caisse Régionale de Crédit Mutuel Midi Pyrénées la somme de 31142,12€ avec les intérêts au taux de 5,75% majorés de 5 points échus postérieurement au 13 janvier 2014,

- condamné solidairement M. B. et Mme D. aux dépens en ce compris ceux résultant des mesures conservatoires autorisées par ordonnance du 19 février 2014, rejeté la demande de délais de paiement, et la demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rectificatif du 6 janvier 2015 le tribunal de grande instance de Castres a dit que les condamnations à paiement sont prononcées en faveur de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord Midi Pyrénées et non de la Caisse Régionale de Crédit Mutuel Nord Midi Pyrénées.

Par déclaration en date du 19 mars 2015 Mme D. a interjeté appel de ces décisions.

Par dernières conclusions reçues le 30 octobre 2015 elle demande à la cour de :

- Dire et juger recevable et bien fondé l'appel interjeté par Madame D. du jugement rendu le 19 décembre 2014 par le Tribunal de grande instance de CASTRES, rectifié par jugement du 6 février 2015,

- Donner acte à Madame D. qu'elle maintient son appel dirigé à l'encontre de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord Midi Pyrénées, et qu'elle se désiste de l'appel interjeté contre Monsieur B..

- Infirmer le jugement querellé en ce qu'il a :

- Condamné Madame Noémie D., en qualité de caution, à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord Midi Pyrénées la somme de 31142,12 euros outre intérêts au taux de 5,75 % majoré de 5 points échus postérieurement au 13 janvier 2014,

- Condamné Madame Noémie D. aux dépens en ce compris ceux résultant des mesures conservatoires autorisées par ordonnances du 13 février 2014,

Statuant à nouveau :

- Dire et juger que Madame D. n'a jamais renoncé à soulever la nullité de son engagement de caution, et qu'elle n'a pas pu confirmer un acte vicié dans l'ignorance de ce vice,

- Dire et juger que l'acte de cautionnement du 5 juin 2008 est irrégulier en ce que la mention du montant cautionné n'a pas été reproduite conformément aux dispositions de l'article 1326 du Code civil, et qu'il doit être privé d'effet, ou à tout le moins qu'il doit être limité à un montant de 39 € (somme écrite en toutes lettres) qui a d'ores et déjà été payé par l'acompte versé par Monsieur B.,

- Dire et juger que l'engagement de caution du 5 juin 2008 est manifestement disproportionné aux biens et revenus de Madame D. de sorte que le CREDIT AGRICOLE ne peut s'en prévaloir,

Subsidiairement :

- Dire et juger que le CREDIT AGRICOLE n'a pas respecté l'obligation d'information annuelle prévue par l'article L 313-22 du Code monétaire et financier et doit être déchu des intérêts échus depuis le 31 mars 2009.

- Dire et juger que les paiements effectués par Monsieur B. seront réputés, dans les rapports entre Madame D. et le CREDIT AGRICOLE, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.

- Dire et juger qu'à défaut pour le CREDIT AGRICOLE de produire un décompte de sa créance tenant compte de l'application des sanctions prévues à l'article L 313-22 du Code monétaire et financier, il sera débouté de ses demandes à l'égard de Madame D. faute de justifier du quantum de sa prétendue créance,

En toute hypothèse,

- Débouter le CREDIT AGRICOLE de toutes ses demandes dirigées contre Madame D.,

- Condamner le CREDIT AGRICOLE à payer à Madame D. la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamner le même aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par dernières conclusions reçues le 17 août 2015 la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord Midi Pyrénées demande à la cour de :

- Déclarer l'appel irrecevable et mal fondé

- Débouter Mme D. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

- en tout état de cause, dans l'hypothèse où la cour ferait droit en tout ou partie à l'appel de Mme D., confirmer le jugement dans ses dispositions à l'égard de M. B..

Les conclusions de la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord Midi Pyrénées ont été signifiées le 19 août 2015 à la personne de M. B.. L'arrêt sera réputé contradictoire.


MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu l'article 455 du code de procédure civile et les dernières conclusions des parties auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé de leurs moyens et arguments,

Il y a lieu de constater le désistement de l'appel interjeté par Mme D. à l'encontre de M. B..

Sur la recevabilité des contestations de Mme D.

En vertu de l'article 564 du code de procédure civile les parties ne peuvent à peine d'irrecevabilité soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour faire opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Le moyen tiré de la nullité de l'engagement de caution sur lequel est fondée la demande constitue une défense au fond qui rend recevable la prétention formée pour la première fois devant la cour.

Par ailleurs, la renonciation à un droit ne se présume pas et doit être certaine et dénuée d'équivoque.

Le fait que Mme D. n'ait pas contesté la validité de son engagement de caution en première instance ne la prive pas du droit de soulever ce moyen en appel. Elle n'a pas pu renoncer au droit de soulever la nullité de son cautionnement alors qu'elle était dans l'ignorance de ce droit.

Il n'est pas contesté que l'acompte versé au conseil de la banque avant le jugement l'a été par le débiteur principal et non par la caution de sorte que celle ci n'a accompli aucun acte de nature à confirmer son engagement.

Les contestations de Mme D. sont donc recevables.

Sur la validité du cautionnement

Selon l'article L 341-2 du code de la consommation toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante , et uniquement de celle ci :' En me portant caution de X... dans la limite de de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui même.

La mention manuscrite apposée par Mme D. sur l'acte de cautionnement signé le 5 juin 2008 est conforme aux prescriptions de l'article L 341-2 de sorte que la nullité de l'acte n'est pas encourue.

En revanche, la mention manuscrite est ainsi libellée : ' En me portant caution solidaire de M. Alain B. dans la limite de la somme de 39000€ (trente neuf euros ), couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard...'

L'article 1326 du code civil dispose que l'acte juridique par lequel une seule partie s'engage envers une autre à lui payer une somme d'argent ou à lui livrer un bien fongible doit être constaté dans un titre qui comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, l'acte sous seing privé vaut pour la somme écrite en toutes lettres.

Les dispositions de l'article L 341-2 du code de la consommation qui sont relatives à la validité du cautionnement ne dérogent pas à celles de l'article 1326 du code civil qui concernent l'étendue de l'engagement unilatéral pris par la caution.

En conséquence, le montant de l'engagement de Mme D. est limité à celui écrit en lettres dans la mention manuscrite soit 39€ couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard.

Il y a donc lieu d'infirmer les jugements déférés et de limiter la condamnation solidaire de Mme D. au titre du prêt de 30000€ consenti le 5 juin 2008 à M. B. à la somme de 39€.

Les autres contestations élevées relatives au défaut d'information de la caution et à la disproportion du cautionnement n'ont pas lieu d'être examinée.

Les intérêts au taux légal courront à compter de la mise en demeure du 21 septembre 2013.

Il n'y a pas lieu de dire que cette condamnation est éteinte par le versement de 1437,54€ effectué par M. B. le 21 novembre 2014 dès lors que Mme D. soutient par ailleurs qu'elle n'a pas confirmé son engagement en payant cet acompte qui a été payé par M. B. seul.

Compte tenu du faible montant de l'engagement de Mme D. il y a lieu d'infirmer le jugement qui l'a condamnée solidairement avec M. B. aux dépens de première instance en ce compris ceux résultant des mesures conservatoires autorisées par ordonnance du 13 février 2014.
En l'absence d'appel de M. B., il n'y a pas lieu de confirmer le jugement dans ses rapports avec la caisse Régionale de crédit Agricole Mutuel Nord Midi Pyrénées mais de constater que le jugement est définitif à son égard.

La solution donnée au litige conduit à dire que Mme D. et la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord Midi Pyrénées conserveront la charge de leurs propres dépens et frais irrépétibles d'appel.


PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant dans les limites de l'appel,

Constate le désistement de l'appel à l'encontre de M. B.,

Infirme les jugements rendus le 19 décembre 2014 et le 6 janvier 2015 par le tribunal de grande instance de Castres dans les rapports entre Mme D. et la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord Midi Pyrénées,

Statuant à nouveau,

Condamne Mme D. à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord Midi Pyrénées en sa qualité de caution solidaire de M. B. au titre du prêt du 5 juin 2008 la somme de 39€ avec les intérêts au taux légal à compter du 21 septembre 2013,

Dit que la solidarité de Mme D. avec M. B. est limitée à ce montant,

Déboute les parties de toutes autres demandes,

Constate que les jugements déférés sont devenus définitifs à l'égard de M. B.,

Dit que Mme D. et la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord Midi Pyrénées conserveront la charge de leurs propres dépens et frais irrépétibles d'appel.

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