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Décisions

CA Montpellier, 2e ch., 3 janvier 2017, n° 15/03427

MONTPELLIER

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

SAS UNION MATERIAUX

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bourrel

Conseiller :

M. Bertrand

Conseiller :

Mme Olive

Avocat :

Me Redon - SCP RAYNAUD ET ASSOCIES

Avocat :

Me Justafre - SCP SAGARD CODERCH HERRE ET ASSOCIES

CA Montpellier n° 15/03427

2 janvier 2017

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES

L'EURL Roussillon Plac qui exerce une activité de plaquiste et de pose de menuiseries a ouvert un compte client professionnel auprès de la société Union Matériaux, le 29 juillet 2008.

Par acte sous seing privé du 4 octobre 2011, M. Jean Philippe C., gérant de la société Roussillon Plac, s'est rendu caution solidaire envers la société Union Matériaux de tous les engagements souscrits par celle ci, dans la limite de 30 000 euros pour une durée de «un an renouvelable par tacite reconduction ».

La société Roussillon Plac a fait l'objet d'un redressement judiciaire le 4 septembre 2013 et la société Union Matériaux a déclaré sa créance au titre des factures de matériaux demeurées impayées, entre les mains du mandataire judiciaire, M. C., le 11 octobre 2013. La créance a été admise au passif de la procédure collective pour un montant de 22 785,57 euros.

Le tribunal de commerce de Perpignan a arrêté un plan de redressement d'une durée de 10 ans, par jugement du 3 septembre 2014.

La société Union Matériaux a actionné M. C., en sa qualité de caution, devant le tribunal de commerce de Perpignan, par assignation du 9 octobre 2014, pour obtenir paiement de la somme susvisée, outre intérêts au taux légal à compter du 11 octobre 2013.

Par jugement contradictoire du 31 mars 2015, le tribunal a notamment :

- dit que l'engagement de caution solidaire souscrit par M. C. est valable ;

- la contestation par la caution du quantum de la créance de la société Union Matériaux est irrecevable et subsidiairement non fondée ;

- dit que la société Union Matériaux n'est pas un établissement de crédit ni une société de financement et que l'article L. 313-22 du code monétaire et financier ne peut donc pas trouver ici application ;

- débouté M. C. de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- condamné M. C. à payer à la société Union Matériaux, la somme de 22 785,57 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 11 octobre 2013 ;

- ordonné l'exécution provisoire de la décision ;

- alloué sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 1000 euros à la société Union Matériaux qui lui sera versée par M. C. ;

- condamné M. C. aux dépens de l'instance.

 

M. Jean Philippe C. a relevé appel du jugement par déclaration transmise au greffe de la cour le 5 mai 2015.

Dans des conclusions parvenues au greffe le 17 juillet 2015, il a conclu à l'infirmation du jugement, demandant à la cour de prononcer la nullité de l'acte de caution du 4 octobre 2011 pour défaut de mention manuscrite régulière et absence de durée déterminée et de débouter la société Union Matériaux de l'ensemble de ses demandes. Il sollicite l'allocation d'une somme de 3000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il soutient pour l'essentiel que :

- la mention manuscrite apposée sur l'acte de caution n'est pas conforme aux dispositions des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation en ce qu'elle comporte un ajout sur la reconduction tacite de l'engagement, ce qui affecte le sens et la portée de l'engagement ;

- l'article L. 341-2 du code de la consommation limite dans le temps la durée du cautionnement souscrit par acte sous seing privé, contrairement à l'engagement de caution pris par acte notarié ;

- la modification de la mention légale déroge à la durée déterminée de l'engagement de caution sous seing privé et les conditions dans lesquelles la caution peut mettre fin à la reconduction tacite ne sont pas indiquées ;

- l'engagement de caution peut perdurer de manière indéterminée, ce qui est aussi contraire aux prescriptions de l'article 2292 du code civil;

- le non respect du formalisme légal emporte nullité de l'engagement de caution.


La société Union Matériaux a conclu, le 20 août 2015, à la confirmation du jugement, au rejet des demandes adverses et à l'allocation de la somme de 2 000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir en substance que :

- l'article L. 341-2 du code de la consommation ne fixe par la manière dont la durée de l'engagement de caution doit être mentionnée dans l'acte sous seing privé ;

- s'il s'agit d'un élément essentiel devant permettre à la caution de mesurer la portée exacte de son engagement qui doit être précisé clairement, il ne saurait y avoir lieu à nullité qu'en présence d'une imprécision affectant la compréhension de la durée ;

- l'utilisation de la formule « pour une durée de un an renouvelable par tacite reconduction » ne constitue pas une modification de la formule légale, d'autant que l'ouverture de compte couverte par le cautionnement, était à durée indéterminée ;

- une caution peut s'engager pour une durée indéterminée ;

- si on considérait que le cautionnement n'a été donné que pour une durée de un an, la créance résulte de factures émises durant cette période de couverture ;

- M. C. ne critique plus, en cause d'appel, le quantum de la créance, à titre subsidiaire.


La procédure a été clôturée par ordonnance du 27 octobre 2016.


MOTIFS DE LA DECISION

Il résulte de l'article L. 341-2 du code de la consommation, désormais codifié aux articles L. 331-1 et L. 343-1 dudit code, par application de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 , entrée en vigueur le 1er juillet 2016, que toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel fait précéder sa signature de la mention manuscrite suivante et uniquement de celle ci : «En me portant caution de X', dans la limite de la somme de ', couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ', je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens, si X', n'y satisfait pas lui même ». Ces formalités sont prescrites à peine de nullité.

Le formalisme édicté par ce texte d'ordre public, qui vise à assurer l'information complète de la personne se portant caution quant à la portée de son engagement, conditionne la validité même de l'acte de cautionnement.

Il en résulte que le non respect des dispositions relatives à la mention manuscrite exigée par ces textes, est sanctionné par la nullité automatique de l'acte, à moins qu'il ne s'agisse d'imperfections mineures ou d'une erreur matérielle, qui n'affectent ni le sens ni la portée de la mention.

En l'espèce, il n'est pas contesté que l'engagement de caution souscrit par M. C. le 4 octobre 2011, envers la société Union Matériaux, créancier professionnel, est régi par les dispositions légales susvisées.

Dans l'acte de caution, M. C. a écrit la formule suivante : « En me portant caution de la société Roussillon Plac, dans la limite de la somme de trente mille euros, couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard pour une duré de un an renouvelable par tacite reconduction, je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens. (') »

Le cautionnement vis-à- vis d'un créancier professionnel souscrit par acte sous seing privé doit être à durée déterminée. Ainsi la formule fixant la durée de l'engagement à « un an renouvelable par tacite reconduction » constitue une mention contraire aux dispositions d'ordre public puisqu'à l'issue du délai de un an, le cautionnement devient à durée indéterminée.

De plus, si les dispositions légales susvisées ne fixent pas la manière dont la durée de l'engagement de caution doit être mentionnée dans l'acte de cautionnement, il n'en demeure pas moins que s'agissant d'un élément essentiel permettant à la caution de mesurer la portée exacte de son engagement, elle doit être précisée clairement et l'ajout d'un renouvellement par tacite reconduction est, en tout état de cause, source de confusion quant à la portée de l'engagement de caution.

L'ajout dont s'agit ne résulte pas d'une erreur ou d'une imperfection mineure s'agissant d'une atteinte à la durée déterminée d'un cautionnement consenti par acte sous seing privé, étant observé au surplus que M. C. n'a fait que reproduire le modèle dactylographié établi par la société Union Matériaux.

La formule utilisée au titre de la durée affecte la validité de l'acte de caution qui est nul et de nul effet, en ce qu'il ne respecte pas le formalisme légal.

Les demandes de la société Union Matériaux fondées sur cet engagement de caution seront rejetées et le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions.


Il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit d'aucune des parties tant en première instance qu'en cause d'appel.

La société Union Matériaux supportera la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel.


PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Et statuant à nouveau ;

Dit que l'engagement de caution souscrit par M. C., le 4 octobre 2011, est nul et de nul effet ;

Déboute la société Union Matériaux de l'ensemble de ses demandes ;

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile, au profit d'aucune des parties tant en première instance qu'en cause d'appel ;

Condamne la société Union Matériaux aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

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