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Décisions

CA Nîmes, 1re ch. civ., 5 janvier 2017, n° 16/01774

NÎMES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Sté. Coopérative Banque Pop. BANQUE POPULAIRE DU SUD

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Blume

Conseiller :

Mme Leger

Conseiller :

Me Toulouse

Avocats :

Me Simon - SCP SIMON, Me Vergnaud, Me Vajou - SELARL LEXAVOUE

Avocats :

Me Reinhard - SCP RD AVOCATS & ASSOCIES, Me Triboul Maillet - SCP CBMT & ASSOCIÉS

CA Nîmes n° 16/01774

4 janvier 2017

EXPOSE DU LITIGE

Vu l'appel interjeté le 8 novembre 2012 par Mme Lidia M. épouse D. à l'encontre d'un jugement rendu le 11 janvier 2010 par le Tribunal de Grande Instance de Béziers,

Vu l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 19 mars 2014,

Vu l'arrêt de la cour de cassation du 9 février 2016,

Vu la saisine de la cour d'appel de Nîmes par déclaration de Mme Lidia M. épouse D. du 20 avril 2016,

Vu les conclusions de Mme Lidia M. épouse D. du 28 juin 2016,

Vu les conclusions de la Banque Populaire du Sud du 28 juillet 2016,

Vu l'ordonnance du 27 septembre 2016 fixant la clôture au 27 septembre 2016.

Par acte du 15 septembre 2006, Madame Lidia M. épouse D. s'est portée caution solidaire d'un prêt d'un montant de 140'000 € souscrit par l'EURL CNE

SOLCLED dont le gérant est son époux M. D..

La société SOLCLED a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de Commerce de Béziers du 22 avril 2009 et la Banque Populaire du Sud a mis Madame Lidia M. épouse D. en demeure, en sa qualité de caution solidaire, de régler les sommes dues au titre du crédit.

Par jugement réputé contradictoire du 11 janvier 2010, le tribunal de grande instance de Béziers a :

- condamné Madame Lidia M. épouse D., en qualité de caution solidaire, à payer à la Banque Populaire du Sud la somme de 94.573,07 euros assortie des intérêts au taux de 3,70 % à compter du 28 juillet 2009 ainsi que la somme de un euro à titre d'indemnité légale avec application des dispositions de l'article 1154 du Code civil,

- rejeté l'application de l'article 154 du Code civil,

- rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Madame Lidia M. épouse D. aux dépens.

Madame Lidia M. épouse D. a relevé appel de ce jugement le 8 novembre 2012.

Par arrêt du 19 mars 2014, la cour d'appel de Montpellier a infirmé le jugement entrepris et :

- dit que l'assignation introductive d'instance en date du 28 janvier 2009 n'encourt pas la nullité,

- condamné Madame Lidia M. épouse D. en qualité de caution solidaire de l'EURL CNE SOLCLED à payer à la Banque Populaire du Sud les sommes suivantes :

. 94.773,07 euros avec déduction des intérêts au taux contractuel auxquels seront substitués les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 13 juin 2009 jusqu'à parfait paiement,

. 7.581,85 euros à titre d'indemnité contractuelle au taux de 8 % avec intérêts au taux légal à compter du 22 février 2013 jusqu'à parfait règlement,

. 1.500 euros au titre des frais irrépétibles.

Saisie d'un pourvoi formé par Madame Lidia M. épouse D., la Cour de cassation, par arrêt du 9 février 2016, a cassé et annulé l'arrêt la cour d'appel de Montpellier du 19 mars 2004 sauf en ce qu'il a jugé régulière l'assignation introductive d'instance du 28 juillet 2009, et a remis les parties en l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt, renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Nîmes.

Madame Lidia M. épouse D. a saisi la cour d'appel de Nîmes par acte du 20 avril 2016.

Aux termes de ses dernières écritures elle sollicite l'infirmation du jugement du tribunal de Grande instance de Béziers et demande à la cour de :

- dire le cautionnement nul au visa de l'article L341'2 du code de la consommation,

- rejeter les demandes de la Banque Populaire du Sud,

- la condamner au paiement de la somme de 6 000 € titre des frais irrépétibles en sus des entiers dépens dont sera ordonnée la distraction en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que le contrat de cautionnement est nul pour violation des dispositions de l'article L314'2 du code de la consommation qui subordonne la validité de l'acte de caution par acte sous seing privé envers un créancier professionnel à la présence de ladite mention manuscrite : «en me portant caution de X... dans la limite de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X ... n'y satisfait pas lui même.»

Elle rappelle qu'en l'état de la jurisprudence de la Cour de cassation la sanction de la nullité au visa de l'article L341-2 du code de la consommation est encourue lorsque la différence entre la mention manuscrite figurant dans le contrat et celle prévue par le texte légal altère le sens où la portée du texte. Elle fait valoir que la formule «108 mensualités» mentionnée dans l'acte de caution se réfère à un montant et non pas à une durée d'engagement, de sorte qu'elle modifie le sens et la portée de la mention manuscrite prévue par la loi qui doit éclairer la caution sur la portée de son engagement, en sorte que la validité de l'acte de caution s'en trouve compromise.

La Banque Populaire du Sud conclut à l'infirmation du jugement déféré et demande la cour de :

- débouter Madame Lidia M. épouse D. de l'ensemble de ses demandes,

- la condamner au paiement de la somme de 94.773,07 euros sous déduction des intérêts au taux contractuel auxquels seront substitués les intérêts au taux légal, majorés à compter du 13 juin 2009 jusqu'à parfait paiement, outre la somme de 7.581,85 euros à titre d'indemnité contractuelle avec intérêts au taux légal à compter du 22 février 2013 jusqu'à parfait règlement,

- faire application des articles 1254 et 1154 du code civil,

- condamner Madame Lidia M. épouse D. au paiement de la somme de 4.000 € au titre des frais irrépétibles,

- statuer ce que de droit sur les dépens et faire application de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle considère que la formule «108 mensualités» résulte d'une simple erreur matérielle commise par Madame Lidia M. épouse D. qui n'a pu altérer la conscience que celle ci avait de son engagement. Elle ajoute que l'indication de la durée de l'engagement était également exprimée en dehors de la mention légale, d'une part au sein du contrat de prêt, d'autre part dans l'indication par Madame Lidia M. épouse D. elle même de la durée de son engagement de neuf ans dans l'acte de cautionnement.

Il est fait renvoi aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Les dispositions de l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier en date du 19 mars 2014 qui ont écarté l'exception de nullité de l'assignation introductive d'instance en date du 28 juillet 2009 n'ayant pas été annulées par l'arrêt de la Cour de cassation, ces dispositions sont devenues définitives et la cour n'est saisie que de l'appel des dispositions du jugement du tribunal de grande instance de Béziers du 11 janvier 2010 relatives à la condamnation de Mme Lidia M. ep D. à payer en qualité de caution solidaire à la Banque Populaire du Sud la somme de 94.773,07€ avec intérêts au taux de 3,70% à compter du 28 juillet 2009 outre 1 € à titre d'indemnité légale avec application des articles 1254 et 1154 du code civil, et les entiers dépens.

Aux termes de l'article L341-2 du code de la consommation 'toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle ci : "En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui même.'

Le formalisme ainsi institué au profit de la caution, qu'elle soit profane ou avertie, s'interprète strictement et son non respect est sanctionné par la nullité de l'acte.

En l'espèce la mention manuscrite portée par Madame M. épouse D. sur l'acte de cautionnement signé le 15 septembre 2006 est la suivante: 'en me portant caution de E. Solcled dans la limite de la somme de 182.000 € ( cent quatre vingt deux mille euros) couvrant le paiement du principal des intérêts, et le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de 108 mensualités, je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur les revenus et mes biens si l'E. Solcled n'y satisfait pas lui même (...)'.

Il est admis que le non respect des règles de forme imposées par les dispositions légales précitées échappe à la sanction de la nullité de l'acte de caution à la condition que l'erreur n'affecte ni le sens ni la portée de l'engagement de la caution.

En l'espèce la mention manuscrite comporte l'indication d'une durée d'engagement de '108 mensualités' au lieu de '108 mois'. Le terme de mensualité recouvre la notion de paiement mensuel de sorte que l'indication de '108 mensualités' correspond à un montant et non à une durée d'engagement. Il en résulte que l'erreur dans la retranscription de la mention exigée par l'article L341-2 du code de la consommation affecte le sens et la portée de la mention manuscrite en ce qui concerne un élément essentiel de l'engagement de caution, s'agissant de la durée de celui ci, sans que d'autres mentions de l'acte relatives à la durée de l'engagement puissent pallier l'irrégularité formelle de la mention manuscrite. Il sera relevé à cet égard que l'indication manuscrite mais non paraphée en page 2 de l'acte de cautionnement d'une durée du cautionnement de 9 ans ne peut être attribuée avec certitude à Mme M. épouse D..

Il convient en conséquence de sanctionner l'irrégularité formelle de la mention manuscrite par la nullité de l'acte de cautionnement et de rejeter les demandes de la Banque Populaire du Sud.

Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a condamné Mme Lidia M. épouse D. en qualité de caution solidaire au paiement à la Banque Populaire du Sud des sommes de 94'773,07 euro , 7581,85 euros et 1500 € au titre des frais irrépétibles.

La Banque Populaire du Sud succombe et supportera les entiers dépens de première instance et d'appel.

Aucune circonstance d'équité ne justifie qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile.


PAR CES MOTIFS

LA COUR, ayant délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement déféré en ses dispositions ayant condamné Mme Lidia D. épouse M. en qualité de caution solidaire de l'EURL CNE SOLCLED,

Statuant à nouveau,

Dit nul et de nul effet l'acte de cautionnement en date du 15 septembre 2006,

Déboute la SA Banque Populaire du Sud de sa demande en paiement à l'encontre de Mme Lidia D. épouse M.,

Rejette toute demande plus ample ou contraire des parties,

Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SA Banque Populaire du Sud au entiers dépens de première instance et d'appel.

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