CA Aix-en-Provence, 8e ch. b, 27 avril 2017, n° 15/05200
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Défendeur :
SA SOCIETE MARSEILLAISE CREDIT
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Gerard
Conseiller :
Mme Demory Petel
Conseiller :
Mme Dubois
Avocat :
Me Serror
Avocat :
Me Cabaye et Me Roussel - ASSOCIATION CABINET ROUSSEL CABAYE
Par acte sous seing privé du 22 août 2011, la SA Société Marseillaise de Crédit a consenti à la SARL JMC Automobiles, représentée par son gérant, M. Julien A., un prêt, destiné à financer l'acquisition d'un fonds de commerce de vente de véhicules ainsi que des travaux de rénovation, d'un montant de 19.000 euros, au taux de 5 % l'an, remboursable en 60 mensualités.
En garantie de ce prêt, suivant acte du 23 août 2011, M. Julien A. s'est porté caution solidaire des engagements de l'emprunteur envers la banque dans la limite de la somme de 23.000 euros.
Selon avenant à la convention du compte courant professionnel n°30077 04897 127759 002 00 ouvert par la SARL JMC Automobiles dans les livres de la Société Marseillaise de Crédit du 3 juillet 2013, cette dernière a consenti à sa cliente une ouverture de crédit d'un montant de 30.000 euros.
Par acte du 3 juillet 2013, M. Julien A. s'est porté caution solidaire de tous les engagements de la SARL JMC Automobiles envers la banque, dans la limite de la somme de 39.000 euros, et pour la durée de dix ans.
Par jugement du 17 mars 2014, le tribunal de commerce de Marseille a ouvert une procédure de liquidation judiciaire de la SARL JMC Automobiles.
Le 12 mai 2014, la Société Marseillaise de Crédit a déclaré sa créance au passif de ladite société pour un montant total de 48.093,82 euros, dont 37.276,96 euros au titre du solde débiteur du compte courant et 10.816,86 euros au titre du prêt.
Suivant lettre recommandée du 26 mai 2014, la banque a vainement mis en demeure la caution de lui régler lesdites sommes.
Par acte du 10 juillet 2014, la Société Marseillaise de Crédit a fait assigner M. Julien A. en paiement devant le tribunal de commerce de Marseille.
Par jugement du 10 mars 2015, ce tribunal a :
- débouté M. Julien A. de l'ensemble de ses demandes,
- condamné M. Julien A., pris en sa qualité de caution, à payer à la Société Marseillaise de Crédit :
* la somme de 37.276,96 euros au titre du solde débiteur du compte bancaire, avec intérêts au taux légal à compter du 26 mai 2014,
* la somme de 10.816,86 euros avec intérêts au taux conventionnel de 5% à compter du 26 mai 2014,
* la somme de 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit les frais de l'instance supportés par M. Julien A.,
- ordonné pour le tout, l'exécution provisoire,
- rejeté pour le surplus toutes autres demandes.
Suivant déclaration du 30 mars 2015, M. Julien A. a relevé appel de cette décision.
Aux termes de ses conclusions notifiées et déposées le 9 avril 2015, auxquelles il convient de se reporter par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, l'appelant demande à la cour de :
- réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Marseille le 10 mars 2015,
- prononcer la nullité de son engagement de caution en date du 22 août 2011,
- débouter la Société Marseillaise de Crédit de son action en paiement pour nullité de l'acte de cautionnement,
- prononcer la décharge de son engagement de caution en date du 3 juillet 2013 pour caractère disproportionné de l'acte de cautionnement,
- débouter la Société Marseillaise de Crédit de son action en paiement,
- condamner la Société Marseillaise de Crédit au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la Société Marseillaise de Crédit aux entiers dépens de première instance et d'appel au profit de Me Serror, avocat.
Par conclusions notifiées et déposées le 29 mai 2015, auxquelles il y a également lieu de se référer, la Société Marseillaise de Crédit demande à la cour de :
- débouter M. Julien A. de toutes ses demandes,
- dire que l'engagement de caution en date du 23 août 2011 est régulier,
- dire que l'engagement de caution en date du 3 juillet 2013 d'un montant de 39.000 euros n'est pas manifestement disproportionné face à un patrimoine de 61.000 euros,
- confirmer en tous points le jugement du 10 mars 2015 qui l'a condamné au paiement de la somme de 10.816,86 euros outre intérêts au taux conventionnel de 5% à compter du 26 mai 2014 concernant le prêt et à la somme de 37.276,96 euros outre intérêts au taux légal à compter du 26 mai 2014 au titre du solde débiteur du compte bancaire et à la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. Julien A. au paiement de la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner aux dépens conformément aux articles 695 et suivants du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 31 janvier 2017.
MOTIFS
Sur la nullité de l'engagement de caution du 23 août 2011 :
Invoquant les dispositions de l'article L341-2 du code de la consommation, M. Julien A. soulève la nullité de l'engagement de caution souscrit le 23 août 2011.
Il fait valoir que la mention exigée par l'article précité porte principalement sur l'identité du débiteur cautionné et sur la durée de l'engagement, que ces mentions font en l'espèce défaut.
La Société Marseillaise de Crédit réplique que les indications portées quant à la désignation du débiteur principal, en l'occurrence « bénéficiaire du crédit », et à la durée de l'engagement, « durée de l'opération garantie + 2 ans » ne modifient pas la nature et la portée de l'engagement de caution, que l'appelant, gérant de la société cautionnée et signataire du prêt, ne peut prétendre ignorer la portée de son engagement.
Ceci étant, aux termes de l'article L341-2, devenu L331-1 et L343-1, du code de la consommation, toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle ci : "En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui même."
Etant par ailleurs observé que ces dispositions de caractère général bénéficient à toutes les cautions personnes physiques sans qu'il y ait lieu d'instaurer pour les dirigeants sociaux des restrictions que la loi n'a pas prévues, il ne peut, à la lecture de ce texte, qu'être constaté que les mentions particulières, et donc essentielles, qui doivent être renseignées concernent, outre le montant du cautionnement, l'identité du débiteur principal et la durée de l'engagement.
Or, la mention utilisée, pour remplacer « X », de « bénéficiaire du crédit » ne permet pas, sauf à se reporter aux clauses imprimées de l'acte, une identification du débiteur cautionné.
De la même manière, l'indication « durée de l'opération garantie + 2 ans » ne permet pas à elle seule de déterminer avec une précision suffisante la durée de l'engagement de caution, élément pourtant essentiel de celui ci.
Ainsi, faute de comporter l'ensemble des éléments destinés à assurer l'information complète de la caution quant à la portée exacte de son engagement, la mention manuscrite de l'acte du 23 août 2011, dont l'expression nécessite sur deux points essentiels de se référer aux clauses imprimées du contrat, ne respecte pas les formalités prescrites par les dispositions d'ordre public précitées.
En conséquence, eu égard à la sanction encourue aux termes dudit texte, la nullité de l'engagement de caution souscrit le 23 août 2011 par M. Julien A. doit être prononcée, et le jugement infirmé de ce chef.
Sur le caractère disproportionné de l'engagement de caution du 3 juillet 2013 :
Se fondant sur les dispositions de l'article L 341-4 du code de la consommation, l'appelant, qui fait notamment grief au tribunal de n'avoir pas analysé sa situation au jour de l'assignation, demande à être déchargé de son engagement de caution signé le 3 juillet 2013, au motif que celui ci était manifestement disproportionné eu égard à ses revenus et son absence de patrimoine.
Selon les dispositions de ce texte, devenu L 332-1 du code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Comme le fait valoir la Société Marseillaise de Crédit, le caractère disproportionné des biens et revenus s'apprécie à la date de la signature de l'engagement de caution, et ce n'est que dans l'hypothèse d'un contrat de cautionnement jugé manifestement disproportionné que doit être examinée la situation patrimoniale de la caution au moment où celle ci est actionnée.
Par ailleurs, le caractère manifestement disproportionné du cautionnement s'apprécie au regard, d'un côté, de l'ensemble des engagements souscrits par la caution, d'un autre côté, de ses biens et revenus.
A cet égard, la banque invoque une fiche patrimoniale selon elle remplie par M. Julien A. au terme de laquelle ce dernier aurait indiqué détenir un patrimoine de 30.000 euros.
Cependant, s'il est exact que, comme le soutient l'établissement de crédit, celui ci est fondé à se fier aux informations communiquées par la caution, il apparaît en l'espèce que la seule fiche de renseignements produite aux débats par la société intimée a été établie le 17 septembre 2011.
De ce document, il résulte d'ailleurs que l'appelant percevait alors, en sa qualité de gérant de la SARL JMC Automobiles, des revenus annuels nets de 27.000 euros, qu'il était marié sous le régime de la séparation des biens, que les époux étaient locataires de leur logement, qu'ils ne disposaient d'aucun patrimoine immobilier, et détenaient un patrimoine mobilier constitué de livrets pour un montant estimé de 5.000 euros.
Etant rappelé que c'est à la caution qu'il incombe de rapporter la preuve de la disproportion qu'elle allègue, et que le cautionnement litigieux a été conclu le 3 juillet 2013, il sera constaté que, de l'avis d'imposition qu'il verse aux débats, il ressort que M. Julien A. a perçu en 2012, au titre des salaires et assimilés, des revenus nets imposables de 31.891 euros, qu'il disposait alors de capitaux mobiliers, certes peu importants au regard des revenus produits mais dont il n'est cependant pas justifié, ni même fait état.
En considération, eu égard à ses seules ressources, de la situation de l'appelant à l'époque de la conclusion du contrat en cause, il apparaît que l'engagement de caution litigieux, souscrit dans la limite de 39.000 euros portant le total de ses engagements à la somme de 62.000 euros, n'était pas manifestement disproportionné aux biens et revenus de M. Julien A..
Le moyen tiré de l'application des dispositions de l'article L 341-4, devenu L 332-1, du code de la consommation, est donc écarté, et, aucune autre contestation n'étant formulée, notamment quant à la créance de la Société Marseillaise de Crédit, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. Julien A., pris en sa qualité de caution de la SARL JMC Automobiles, à payer la somme de 37.276,96 euros au titre du solde débiteur du compte bancaire, outre intérêts au taux légal à compter du 26 mai 2014.
Sur les frais irrépétibles :
En l'espèce, il n'y a pas lieu, en cause d'appel, à condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il condamné M. Julien A., pris en sa qualité de caution, à payer à la Société Marseillaise de Crédit la somme de 37.276,96 euros, au titre du solde débiteur du compte bancaire, avec intérêts au taux légal à compter du 26 mai 2014, outre la somme de 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et les dépens,
L'infirme pour le surplus, et statuant à nouveau,
Prononce la nullité de l'engagement de caution souscrit par M. Julien A. le 23 août 2011,
Déboute en conséquence la Société Marseillaise de Crédit de sa demande en paiement à ce titre,
Dit n'y avoir lieu en cause d'appel à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. Julien A. aux dépens d'appel.