CA Aix-en-Provence, 8e ch. c, 24 mars 2016, n° 14/14819
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Crédit Lyonnais sa
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Combes
Conseiller :
Mme Demory Petel
Conseiller :
Mme Cesaro Pautrot
Avocats :
Me Badie - SCP BADIE SIMON THIBAUD JUSTON, Me Ohannessian, Me Benhamou
Avocat :
Me Delestrade
LA COUR
Par acte sous seing privé du 22 janvier 2009, le Crédit lyonnais a consenti à la société K. pneus un prêt de 40 000 € sur 5 ans au taux nominal de 4,75 %, s'amortissant par échéances mensuelles de 759,99 €. L'acte stipule, en page 1, que le prêt est garanti par un engagement de caution solidaire souscrit par M. Serge K., dirigeant de la société K. pneus.
En page 3 de l'acte de prêt, M. K. a apposé sa signature sous la mention «'l'emprunteur'». En dessous de cette signature, dans un emplacement encadré portant la mention «'réservé à la caution'», il a apposé les mentions manuscrites prescrites par les articles L 341-2 et L 341-3 du code de la consommation, en s'engageant pour une durée de 84 mois dans la limite de la somme de 46 000 €. Sous les mentions manuscrites figurent ses initiales «'S. K.'», lesquelles sont également apposées au pied des pages 1 et 2 de l'acte, à titre de paraphe.
La société K. pneus ayant été mise en liquidation judiciaire le 2 novembre 2009, la banque a déclaré une créance au titre du solde du prêt après déchéance du terme, a mis en demeure M. K. le 22 décembre 2009 puis l'a fait assigner, le 2 juin 2014, en paiement de la somme de 46 000 € en se prévalant d'une créance de 48 997,51 € au 29 avril 2014.
M. K. n'a pas comparu.
Par jugement réputé contradictoire du 1er juillet 2014, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Marseille a condamné M. K. à payer la somme de 46 000 € avec intérêts au taux légal à compter du 30 avril 2014, a ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil et a alloué au Crédit lyonnais la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. K. est appelant de ce jugement.
Par conclusions remises le 7 janvier 2015, M. K. demande l'infirmation du jugement, à titre principal, le prononcé de la nullité du cautionnement pour cause d'absence de signature sous les mentions manuscrites ou le prononcé de l'inopposabilité de l'acte de cautionnement à raison d'une disproportion manifeste, l'allocation de la somme de 5 000 € à titre de dommages intérêts en réparation d'un abus dans l'exercice d'une action en justice, subsidiairement, le rejet de la demande en paiement comme conséquence d'un manquement à l'obligation de mise en garde, à titre reconventionnel, l'allocation de la somme de 30 000 € à titre de dommages intérêts en réparation d'une faute dans le traitement d'une lettre de change, l'allocation de la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il fait valoir :
- que la signature de la caution exigée sur l'acte de cautionnement par les articles L 341-2 et L 341-3 du code de la consommation doit être portée sous la mention manuscrite, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;
- que le paraphe apposé sous la mention manuscrite ne s'applique pas à l'engagement de caution ;
- que son engagement était manifestement disproportionné à ses biens et revenus puisqu'il n'a perçu que 11 368 € en 2009 et 8 224 € en 2010 ;
- qu'étant dépourvu de toute compétence en matière financière, il était une caution non avertie, en sorte que la banque était tenue d'une obligation de mise en garde sur les risques d'endettement attachés à son engagement ;
- que la société K. pneus a été victime d'une brusque rupture des relations commerciales établies avec l'un de ses fournisseurs'; que cette faute, retenue par un arrêt de cette cour, découle d'un dysfonctionnement administratif de la banque dans le traitement d'une lettre de change.
Par conclusions remises le 23 décembre 2014, le Crédit lyonnais demande la confirmation du jugement et l'allocation de la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il fait valoir :
- que M. K. a apposé non seulement sa signature au dessus des mentions manuscrites mais encore son paraphe, valant signature, en dessous de ces mentions ;
- que dans une fiche de renseignement établie le 20 janvier 2009, M. K. s'est prévalu d'un revenu annuel de 40 000 € pour des charges annuelles de 2 280 € ;
- qu'étant une caution avertie, en raison sa qualité de dirigeant de la société garantie, M. K. ne peut se prévaloir d'un manquement à l'obligation de mise en garde ;
- que la demande reconventionnelle en paiement de dommages intérêts est irrecevable comme nouvelle en appel ; qu'elle est mal fondée, le préjudice allégué découlant exclusivement d'une faute commise par le fournisseur ayant rompu brutalement les relations commerciales.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 février 2016.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la validité de l'engagement de caution
Il résulte de l'article L 341-2 du code de la consommation que toute personne qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature d'une mention manuscrite déterminée par ce texte et uniquement de celle ci.
L'acte unique portant convention de prêt et engagement de caution est constitué de 3 pages. Les deux premières fixent les modalités du prêt. La troisième détermine par des mentions pré imprimées les modalités du cautionnement puis, à la suite, comporte la date de l'acte, la signature d'un représentant de la banque, la signature de M. K. sous la mention «'l'emprunteur'», enfin, en bas de page, dans un emplacement encadré portant la mention «'réservé à la caution'», la mention manuscrite apposée par M. K. dans les termes prévus par le texte précité.
Alors qu'il a apposé une signature intégrale sous la mention l'emprunteur, M. K. n'a porté qu'un paraphe constitué de ses initiales sous la mention manuscrite, dans la partie encadrée, à gauche.
Le paraphe est une signature abrégée qui peut, selon les circonstances, valoir signature.
Mais, l'acte porte des paraphes identiques en page 1 et en page 2, au même emplacement qu'en page 3, dans la partie gauche, et à la même hauteur, au dessus de la dernière ligne pré imprimée.
Il en résulte que, même si elles l'ont été à l'intérieur du cadre «'réservé à la caution'», les initiales apposées par M. K. en page 3 expriment seulement la volonté de parapher l'acte à chaque page et non d'apposer sa signature sous la mention manuscrite, ce que l'intéressé aurait fait au moyen d'une signature intégrale, ainsi qu'il l'a fait lorsqu'il a signé en qualité de représentant de l'emprunteur.
Dès lors, l'engagement est nul, faute par la caution d'avoir apposé sa signature sous la mention manuscrite exigée par l'article L 341-2 du code de la consommation.
Sur la demande reconventionnelle en paiement de dommages intérêts
M. K. prétend que la brusque rupture des relations commerciales établies avec l'un de ses fournisseurs, faute qui a été retenue par un arrêt de cette cour, découle d'un dysfonctionnement administratif de la banque dans le traitement d'une lettre de change.
Il demande l'allocation de la somme de 30 000 € à titre de dommages intérêts, en se bornant à faire valoir que la banque fait preuve d'audace en le poursuivant en qualité de caution d'une société dont elle a provoqué la liquidation judiciaire.
Le Crédit lyonnais est infondé à opposer le caractère irrecevable de cette demande, formée pour la première fois en appel, dès lors que M. K. n'a pas comparu en première instance.
Mais quant au fond, M. K., dont le cautionnement est annulé, ne caractérise en aucune façon le préjudice personnel dont il demande réparation.
La demande est rejetée.
Le Crédit lyonnais, qui succombe, est condamné aux dépens.
L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
M. K., qui ne démontre pas en quoi le Crédit lyonnais a fait dégénérer en abus son droit d'agir en justice, est débouté de sa demande en paiement de dommages intérêts.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement attaqué,
Statuant à nouveau,
Déclare nul l'engagement de caution souscrit le 22 janvier 2009 par M. Serge K. envers le Crédit lyonnais, en garantie d'un prêt de 40 000 € consenti à la société K. pneus,
Rejette la demande en paiement formée par le Crédit lyonnais sur le fondement de ce cautionnement,
Déclare recevable la demande en paiement de dommages intérêts pour faute dans le traitement d'un effet de commerce,
La rejette,
Rejette la demande en paiement de dommages intérêts pour abus de procédure,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne le Crédit lyonnais aux dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SCP d'avocats Badie Simon Thibaud J.