CA Douai, 2e ch. sect. 1, 30 janvier 2014, n° 12/06820
DOUAI
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
SA BANQUE POPULAIRE DU NORD
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Parenty
Conseiller :
M. Brunel
Conseiller :
Mme Delattre
Avocats :
Me Laurent, Me Vynckier
Avocat :
Me Masay
Vu le jugement contradictoire du 14 juin 2012 du Tribunal de Commerce de Lille ayant débouté la Banque Populaire du Nord de sa demande au titre du cautionnement du prêt, condamné mademoiselle S. à payer 5 642,41€ au titre du solde débiteur du compte avec intérêts judiciaires à compter du 5 mai 2011, accordé des délais de paiement, condamné la Banque Populaire du Nord à payer à mademoiselle S. 1000€ sur la base de l'article 700 du code de procédure civile, débouté les parties du surplus, dit n'y avoir lieu à exécution provisoire, condamné la banque aux dépens ;
Vu l'appel interjeté le 31 octobre 2012 par la Banque Populaire du Nord;
Vu les conclusions déposées le 29 août 2013 pour la Banque Populaire du Nord;
Vu les conclusions déposées le 29 mars 2013 pour mademoiselle S.;
Vu l'ordonnance de clôture du 7 novembre 2013;
La Banque Populaire du Nord a interjeté appel aux fins d'infirmation du jugement; elle demande à la Cour de condamner Marion S. à payer en sa qualité de caution la somme de 5 652,41€ avec intérêts de retard de puis le 4 mai 2011dans la limite de son engagement de 12 000€, au titre du prêt la somme de 35 250,98€ avec intérêts conventionnels au taux de 4,4% à compter du 12 avril 2011 dans la limite de la somme de 61 200€, 2000€ sur la base de l'article 700 du code de procédure civile, de débouter mademoiselle S. de ses demandes; subsidiairement, elle réclame au moins les intérêts légaux sur la somme de 35 250,98€.
L'intimée sollicite la confirmation sauf sur sa condamnation à une somme de 5 642,41€; à titre subsidiaire, elle demande la déchéance du droit aux intérêts, l'octroi de délais de paiement et en tout état de cause 2000€ sur la base de l'article 700 du code de procédure civile.
Mademoiselle S. a créé en 2005 une société Osem, a ouvert un compte professionnel à la Banque Populaire du Nord, souscrit un prêt professionnel de 170 000€, garanti par un nantissement sur le fonds de commerce, et s'est portée caution personnelle le 7 mars 2005 du prêt accordé à la société Osem dans la limite d'une somme de 61 200€, puis le 6 juin 2008 de tous engagements de la société Osem dans la limite d'une somme de 12 000€.
Le 6 décembre 2010, le Tribunal de Commerce de Lille a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Osem, convertie le 12 avril 2011 en liquidation judiciaire.
A l'ouverture de la procédure, la Banque Populaire du Nord a déclaré une créance de 68 932,46€ au titre du solde du prêt et une de 5 652,41€ au titre du solde débiteur du compte puis il a mis en demeure mademoiselle S. de payer en sa qualité de caution et ce en vain.
Mademoiselle S. fait valoir que la poursuite de son activité a été autorisée jusqu'en Avril 2011 afin de rechercher une solution de cession qui a été entérinée le 12 avril 2011 avec transfert des échéances du prêt Banque Populaire du Nord au cessionnaire, la sas Verre et Quartz, que depuis les échéances ont été honorées par cette société , ce qui empêche la banque de pouvoir actionner la caution.
Elle souligne que la banque ne peut être remboursée à la fois par le repreneur et la caution, que ses demandes varient , qu'elle ne justifie pas que le prêt ne serait plus honoré, se contentant de verser un simple relevé établi par ses soins sans justifier d'une quelconque mesure coercitive à l'encontre de la société verre et Quartz, sachant qu'il appartient à la Banque Populaire du Nord d'actionner d'abord le débiteur principal comme le rappelle l'article 2298 du code civil et qu'il convient d'y inclure le montant du découvert en compte courant puisque le jugement a retenu pour le prêt une somme de 67 363€ alors que par courrier recommandé du 4 05 11 la banque lui a notifié un montant total de 66 979,35€, le décompte joint contenant le solde débiteur du compte.
Elle plaide en second lieu que les exigences formalistes de l'article L 341-2 à 6 du code de la consommation n'ont pas été respectées, que le second acte ne fait référence à aucune obligation garantie, que les deux ne comportent pas la mention de renonciation au bénéfice de discussion AVANT la signature mais après, ce qui entraîne au moins leur nullité, et a minima l'absence de solidarité qui lui permet d'invoquer l'extinction de la dette et la répartition entre les différentes cautions, soit la Socama et/ou la Sofaris.
Elle invoque la disproportion de son engagement puisqu'à l'époque la banque a sollicité sa caution pour 51 000€ alors qu'elle n'avait aucune ressource, vivait seule avec un enfant à charge, assumant un loyer de 1056€, que désormais elle a un logement social, touche le SMIC et n'a plus aucune économie, et le défaut d'information annuelle de la caution qui entraîne déchéance du droit aux intérêts et pénalités de retard.
La Banque Populaire du Nord fait d'abord remarquer que le jugement est entaché d'une erreur matérielle dans la mesure où le montant du solde du compte est de 6 652,41€ et que la date de la mise en demeure est le 4 mai 2011, puis plaide que le plan de cession n'a pas d'effet novatoire, que l'obligation transférée sur la tête du repreneur de payer les échéances du crédit à échoir n'entraîne pas décharge du débiteur et par accessoire de la caution, que celle ci reste obligée à l'intégralité des sommes dues au titre du crédit dans les mêmes conditions que l'emprunteur, devenues exigibles à la suite de la liquidation judiciaire d'Osem, sa poursuite n'étant pas subordonnée à la défaillance préalable du repreneur. Elle ajoute que la reprise n'a pour seule conséquence que la déduction des sommes versées par le repreneur qui figurent sur son décompte actualisé, les versements ayant cessé au mois de juin 2012 et le solde dû s'élevant à 35 250,98€.
Elle conteste également le jugement en ce qu'il l'a condamnée aux dépens et à une indemnité sur la base de l'article 700 du code de procédure civile alors qu'il avait reconnu le bien fondé d'une partie de sa demande, en ce qu'il a octroyé des délais de paiement à la débitrice qui avait d'ores et déjà bénéficié de facto de deux ans de délai et qui ne produisait qu'un seul bulletin de salaire, qui au demeurant indiquait qu'elle bénéficiait d'un salaire supérieur au smic. Elle précise qu'à l'époque de la souscription de l'engagement, mademoiselle S. avait déclaré être titulaire d'une épargne de 106 000€ outre une épargne salariale de 32 133,59€ au 31 décembre 2010 et de 19 632,25€ au 12 avril 2012, outre les 95 000€ au titre de la valeur des actions Osem, qu'il ressort des pièces qu'elle produit aujourd'hui qu'elle a décidé de quitter son emploi, créé une nouvelle entreprise, qu'elle perçoit les Assedic, qu'elle avait en 2008 un loyer de 700€.
Elle s'oppose aux arguments de son adversaire en faisant remarquer que mademoiselle S. inverse la charge de la preuve en réclamant à la banque justification de la cessation des versements en provenance de la société Verre et Quartz, que le solde débiteur du compte sort du champ de la reprise des engagements par le cessionnaire, que l'article L 341-2 du code de la consommation ne prévoit pas mention de l'obligation garantie, sachant que cet acte de cautionnement était un garantie tous engagements, porte comme l'autre les mentions obligatoires, l'article L 341-3n'exigeant pas qu'elles précédent la date ou la signature, le sens et la portée de l'acte n'en étant pas affectés, que la dette n'est pas éteinte, que les garanties Socaram et Sofaris sont des garanties de perte finale.
Elle indique qu'elle ne réclame aucune pénalité et verse les courriers d'information de la caution de 2009 et 2010 conformes aux modalités prévues dans les actes.
Sur ce
Sur le maintien de l'obligation de la caution
Il est de jurisprudence constante que le plan de cession n'a pas d'effet novatoire; l'obligation transférée sur la tête du repreneur de payer les échéances de crédit dans les mêmes conditions que l'emprunteur cautionné n'entraîne pas décharge du débiteur et donc n'entraîne pas non plus décharge de la caution qui reste tenue de l'intégralité des sommes dues sous déduction des sommes versées par le cessionnaire. En conséquence la poursuite de la caution n'est pas subordonnée au prononcé de la déchéance du terme à l'encontre du cessionnaire ou à sa défaillance. L'article 2 de l'acte de cautionnement précisait que la déchéance du terme à l'encontre du débiteur principal, intervenue lors de la liquidation judiciaire, entraînerait de plein droit l'exigibilité à l'égard de la caution; la créance de la banque est donc bien exigible sous déduction des versements opérés par la société repreneuse. La Banque Populaire du Nord a produit aux débats un décompte actualisé au 29 janvier 2013 à hauteur de 35 250,98€. Madame S. prétend que la banque n'apporte pas la preuve que la société Verre et Quartz a cessé ses versements depuis juin 2012; il s'agit de la preuve d'un fait négatif. La production du décompte actualisé suffit à la cour pour établir ce non paiement. Le jugement doit être réformé dans l'analyse qu'il a faite sur ce point.
Par ailleurs, le solde débiteur de compte est une créance chirographaire qui est hors champ du transfert opéré à la société Verre et Quartz qui n'y est pas tenue. Son montant ne doit pas comme prétendu par mademoiselle S. être repris dans la globalité.
Sur la validité des engagements de caution
L'intimée remet en question la validité de l'engagement qu'elle a souscrit le 6 juin 2008 en affirmant qu'il serait nul faute de préciser l'obligation garantie; mais il s'agit justement d'une garantie tous engagements de la société dont elle était gérante; l'article L 341-2 du code de la consommation qu'elle invoque ne comporte pas cette exigence. Son argument doit être rejeté.
Par ailleurs, elle indique que les deux actes seraient nuls parce que les mentions imposées par l'article L 341-3 du code de la consommation seraient apposées à un mauvais endroit à savoir après l'emplacement de la signature; il se trouve que le texte a bien été reporté en entier sur l'acte mais qu'une partie a été apposée en dehors de l'encadré, soit dans l'encadré concernant la mention du conjoint de la caution, dans la continuité du texte mais en partie en dessous de la signature. Ce procédé qui a consisté à diviser le texte en deux par un visible manque d'espace ne doit pas être considéré comme susceptible d'avoir affecté le sens et la portée de l'engagement que mademoiselle S. a pris en connaissance de cause ( civ 10 avril 2013).
Sur la disproportion invoquée
Le 22 février 2005, mademoiselle S. a rempli et signé une déclaration de revenus et de patrimoine par laquelle elle a attesté être titulaire d'un patrimoine mobilier d'une valeur de 210 000€ décomposée en 95 000€ au titre de la valeur des actions dans la société Osem, et 106 000€ de participation Decathlon; en outre la banque semblait détentrice des renseignements figurant sur les pièces 21 et 22 sur lesquelles apparaissent 19 623 € et 32 133€ d'épargne salariale; la disproportion s'apprécie au jour de l'engagement et doit être manifeste. Force est de constater qu'il n'y aucune disproportion manifeste vis à vis du montant des deux engagements.
Sur l'information annuelle de la caution
Certes la banque ne produit que deux lettres simples donc pas la justification de leur envoi mais mademoiselle S. en a accepté le principe par une mention figurant dans les actes de cautionnement par laquelle elle accepte une information par lettre simple à charge pour elle de faire connaître à la banque l'absence de réception de cette information avant le 20 mars de chaque année; elle n'apporte aucun élément de nature à établir qu'elle s en serait plainte dans ce délai. Ensuite elle a été destinataire de courriers recommandés.
Son argument sera rejeté.
Sur les délais de paiement
A juste titre la Banque Populaire du Nord fait remarquer que la rupture du contrat de travail de mademoiselle S. le 4 décembre 2012 est une rupture conventionnelle; elle a déclaré vouloir créer son entreprise personnelle le 19 février 2013, ce qui semble avoir été concrétisé au regard d'un versement du 28 juin 2013 pour aide à la création d'entreprise, qui lui procure peut être des revenus qu'elle tait; elle touche les Assedic. On ne connaît pas ses ressources actuelles. Elle a bénéficié de facto d'un délai pour s'acquitter et ne justifie pas vraiment de son impécuniosité, les avis d'imposition qu'elle verse étant anciens. Le jugement sera réformé en ce qu'il lui a octroyé des délais de paiement.
Il sera également réformé en ce qu'il a condamné la banque à lui payer une indemnité sur la base de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Il sera confirmé en ce qu'il a condamné mademoiselle S. à payer le solde du compte avec intérêts sauf à réparer les deux erreurs matérielles qui affectent le montant et le point de départ des intérêts.
Succombant en ses demandes, elle sera condamnée à payer 1200€ à la Banque Populaire du Nord sur la base de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs
La cour statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe
Infirme le jugement sauf sur le principe de la condamnation de mademoiselle S. au solde du compte;
Condamne mademoiselle S. à payer à la Banque Populaire du Nord la somme de 5 652,41€ avec intérêts légaux à compter du 4 mai 2011 dans la limite de 12 000€;
Condamne mademoiselle S. à payer à la Banque Populaire du Nord en sa qualité de caution au titre du prêt accordé à la société Osem la somme de 35 250,98€ avec intérêts conventionnels au taux de 4,4% à compter du 12 avril 2011, et ce dans la limite de la somme de 61 200€;
Déboute mademoiselle S. de ses demandes;
Condamne mademoiselle S. à payer à la Banque Populaire du Nord la somme de 1200€ sur la base de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.