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Décisions

CA Lyon, 1re ch. civ. a, 31 janvier 2019, n° 15/05787

LYON

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE RHONE ALPES

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Rachou

Conseiller :

Mme Clement

Conseiller :

M. Nicolas

Avocat :

SELAS LLC ET ASSOCIES

Avocat :

SELARL BRUMM & ASSOCIES SPE D 'AVOCATS ET D'EXPERTS COMPTABLES

CA Lyon n° 15/05787

30 janvier 2019

Exposé des faits

Par acte du 13 avril 2013, la SARL Roje a emprunté à la SA Caisse d'épargne et de prévoyance Rhône Alpes (la banque) la somme de 100 000 euros remboursable en 84 mensualités, moyennant un taux de 3,20% l'an.

Par acte séparé du même jour, Monsieur B., gérant de la société Roje, s'est porté caution solidaire de ce prêt à hauteur de 65 000 euros, pour une durée de 117 mois.

Le 17 avril 2014, la SARL Roje a été placée en liquidation judiciaire. La banque a régulièrement déclaré sa créance à hauteur de 90 894,39 euros, puis elle a mis en demeure Denys B. le 27 juin suivant, mais sans succès, d'honorer ses engagements.

Par acte d'huissier du 5 novembre 2014, la banque l'a fait assigner devant le tribunal de commerce de Lyon en paiement de la somme de 65 000 euros, outre intérêts conventionnel majoré de 6,20%, frais et accessoires.

Denys B. a conclu au débouté de cette demande, motifs pris de la nullité de son engagement de caution.

Par jugement en date du 25 juin 2015, le tribunal a :

- condamné Monsieur B. à payer à la banque la somme de 65 000 euros outre les intérêts au taux conventionnel de 6,20% à compter de la date de la mise en demeure.

- ordonné la capitalisation des intérêts,

- rejeté la demande de délais de paiement de Monsieur B.,

- rejeté la demande d'exécution provisoire,

- condamné Monsieur B. à payer à la banque la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de Lyon le 13 juillet 2015, Monsieur B. a interjeté appel de cette décision.

Vu ses conclusions du 12 octobre 2015, déposées et notifiées, par lesquelles il demande à la cour, au visa des articles L341-2 du code de la consommation, 1244-1 du code civil, de :

- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

A titre principal :

- dire et juger nul l'acte de caution versé aux débats par la demanderesse en pièce n°4,

- rejeter l'intégralité des demandes de l'intimé,

- condamner la Caisse d'épargne et de prévoyance Rhône Alpes à payer à Monsieur B. la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire :

- accorder à Monsieur B. les plus larges délais de paiement pour s'acquitter de sa dette.

en tout état de cause :

- condamner la Caisse d'épargne et de prévoyance Rhône Alpes aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Lafontaine.

Monsieur B. soutient que :

- l'article L. 341-2 du code de la consommation dispose que la signature de la caution doit être apposée à la suite de la formule prévue par ce même article ; en l'espèce sa signature figure au milieu de la mention manuscrite, de sorte que l'acte de cautionnement encourt la nullité ;

- l'acte de cautionnement encourt également la nullité puisqu'il n'a pas apposé ses initiales en page 5 de l'acte, et n'a donc pas pu appréhender la portée générale de son engagement ;

- à titre subsidiaire, sa situation financière ne lui permet pas de s'acquitter de sa dette en une seule fois, et justifie un échelonnement du paiement sur deux années ;

- il ne s'est engagé que dans la limite de 65 000 euros, somme couvrant le principal, les intérêts et, le cas échéant, les pénalités de retard ou intérêts de retard ; l'application du taux conventionnel majoré de 6,20% ne lui est donc pas applicable;

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 9 décembre 2015, la banque demande à la cour, au visa des articles 1134 et suivants du code civil, 2288 et suivants du même code, de :

A titre principal :

- confirmer le jugement dans son intégralité,

- débouter Monsieur B. de l'intégralité de ses prétentions,

A titre subsidiaire, si des délais de paiements étaient accordés à Monsieur B. :

' dire et juger que la première échéance devrait être réglée quinze jours après la signification du jugement, et qu'en cas de non règlement d'une seule des mensualités octroyées par la cour, l'intégralité des sommes dues deviendra exigible, sans mise en demeure.

en tout état de cause :

- condamner Monsieur B. à payer à la Caisse d'épargne et de prévoyance Rhône Alpes la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner le même aux entiers dépens de première instance et d'appel, distraction fait au profit de Maître Cerato.

La banque soutient que :

- plus de trois quarts de la mention manuscrite prévue à l'article L. 341-2 du code de la consommation précède la signature de Monsieur B. ; le seul fait que la fin de la phrase prévue par cet article ne précède pas sa signature est sans incidence sur la portée de l'engagement de l'appelant, et la connaissance qu'il en avait ;

- la page 5 de l'acte d'engagement de caution correspond à un cadre réservé au prêteur ; les mentions y figurant ne conditionnent pas la validité de l'acte ; l'absence des initiales de Monsieur B. sur la page est donc sans incidence sur la validité de son engagement ;

- l'absence de justificatifs probants et la mauvaise foi de Monsieur B., qui omet de faire état de son patrimoine immobilier, s'oppose à sa demande de délai de paiement ;

- les intérêts de retard au taux conventionnel majoré de 6,20% n'ont pas pour but de sanctionner le retard de paiement du débiteur principal mais de la caution, et lui sont donc pleinement applicables.

Vu l'ordonnance de clôture du 7 novembre 2017.


SUR QUOI, LA COUR :

Sur la validité de l'engagement de caution : 

Attendu qu'au regard des articles L.341-2 et L.341-3 du code de la consommation, devenus les articles L.331-1 et L.331-2, la signature de la caution doit, à peine de nullité de l'engagement, suivre et non précéder les mentions manuscrites prescrites par ces deux articles ;

Attendu qu' il ressort de l'acte de caution du 13 avril 2013 que Denys B. a apposé sa signature au sein de la mention manuscrite prévue par l'article L.331-1 du code de la consommation, juste après les mots 'je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus' et juste avant les mots 'et mes biens, si la société ROJE n'y satisfait pas elle même', qui constituent les derniers mots de cette mention ; qu'ensuite, il n'a pas apposé sa signature sous la mention manuscrite prévue par l'article L.331-2 qu'il a rédigée à la suite de la précédente ; que ce non respect des dispositions des articles L.331-1 et L.331-2 du code de la consommation relatives à l'emplacement de la signature de la caution entraîne la nullité de l'engagement qu'il a souscrit ; que le fait pour lui d'avoir apposé sa signature sous 'les trois quarts' de la mention manuscrite prévue par l'article L.331-1, affecte la portée des mentions imposées par la loi, dès lors que la signature manifeste le consentement de son auteur aux obligations découlant d'un acte juridique, et qu'en l'espèce, compte tenu de l'emplacement de sa signature, il n'est pas établi que Denys B. a approuvé les deux mentions manuscrites ;


Attendu, dans ces conditions, qu'en raison de la nullité de l'engagement de caution de Denys B., il y a lieu de débouter la banque de toutes ses demandes ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Condamne la SA Caisse d'épargne et de prévoyance Rhône Alpes aux dépens de première instance et d'appel lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

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