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Décisions

CA Bordeaux, 1re ch. civ., 15 octobre 2020, n° 18/01131

BORDEAUX

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

SAS C2R

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Patrie

Conseiller :

M. Braud

Conseiller :

Mme Vallee

Avocats :

Me Fouillet, Me Hardouin

CA Bordeaux n° 18/01131

14 octobre 2020

Selon acte du 6 octobre 2015, M. Y s'est engagé en qualité de caution solidaire des engagements souscrits par la SARL AFC auprès de la SAS C2R dans la limite de 7 500 euros. M. Y a résilié son engagement selon courrier recommandé du 25 janvier 2016.

Après vaine mise en demeure, la société C2R a, par acte du 17 novembre 2016, fait assigner M. Y devant le tribunal d'instance de Bordeaux en paiement de la somme de 7 500 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure outre 750 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 12 septembre 2017, le tribunal a, en substance, rejeté la demande de nullité du cautionnement présentée par le défendeur, débouté la société C2R de ses demandes et l'a condamnée au paiement de la somme de 650 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. ll a rejeté les autres demandes.

Pour statuer ainsi le tribunal a retenu que l'engagement de caution était régulier mais qu'il n'était pas établi par la société C2R la réalité de sa créance au jour de la résiliation de la caution.

La société C2R a relevé appel de la décision le 26 février 2018 en ce qu'elle l'a déboutée de ses demandes et condamnée au paiement de la somme de 650 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt du 7 novembre 2019, la cour d'appel de Bordeaux a prononcé la réouverture des débats, renvoyé l'affaire à la mise en état et invité l'appelante à s'expliquer sur sa qualité de créancier professionnel et l'application des dispositions de l'article L. 331-1 du code de la consommation.

Par conclusions n°2 transmises par RPVA le 11 février 2020, la société C2R demande à la cour de:

- Déclarer recevable l'appel formé par la SAS C2R ;

- Confirmer le jugement du tribunal d'instance de Bordeaux en date du 12 septembre 2017 en ce qu'il a :

* Dit et jugé régulier et valide l'acte de cautionnement ;

* Débouté de l'intégralité de ses demandes Monsieur Y ;

- Réformer le jugement du tribunal d'instance de Bordeaux en date du 12 septembre 2017 en ce qu'il a :

* Constaté que la SAS C2R ne justifiait pas de la réalité de sa créance ;

* Débouté la SAS C2R de l'intégralité de ses demandes à l'encontre de Monsieur Y ;

En conséquence,

- Constater la validité de l'acte de cautionnement et en tirer toutes conséquences ;

- Constater la réalité de la créance à l'encontre de Monsieur Y ;

- Condamner Monsieur Y à payer à la SAS C2R la somme de 7 500 euros outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure ;

- Condamner Monsieur Y à payer à la SAS C2R la somme de 750 euros à titre de dommages et intérêts compte tenu de son attitude fautive ;

- Débouter Monsieur Y de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- Condamner Monsieur Y au paiement de la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner Monsieur Y aux entiers dépens.

Si la société C2R ne conteste pas sa qualité de créancier professionnel, elle fait valoir d'une part, que M. Y n'a pas soulevé en première instance le moyen de nullité de l'engagement de caution tiré de l'irrespect du formalisme de l'article L 331-1 du code de la consommation. D'autre part, elle soutient qu'il s'agit d'une nullité relative et que M. Y a exécuté spontanément l'engagement de caution et donné un consentement éclairé à cet acte.

Elle en conclut que l'engagement de caution est régulier et que M. Y n'a pas établi la réalité d'un vice du consentement.

Elle ajoute que compte tenu de la date de résiliation, M. Y demeurait tenu des créances antérieures au 11 février2016.

Elle considère qu'elle établit la réalité de sa créance par les factures assorties des bons de livraison pour un montant supérieur à 7 500 euros. Elle invoque une attitude fautive de M. Z

M. Y n'a pas constitué avocat. La déclaration d'appel lui a été signifiée selon acte du 6 avril 2018 et les dernières conclusions d'appelant selon acte du 5 mars 2020.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et de prétentions des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux dernières conclusions écrites déposées en application de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 20 août 2020.

MOTIFS DE LA DECISION

La société C2R fait valoir qu'elle est fabriquant d'éléments en matière plastiques destinés à la construction et que la société AFC était son partenaire commercial, ou plus exactement son client, pour avoir comme activité la vente et la pose de menuiseries.

C'est dans ces conditions que la société C2R expose avoir recueilli, le 6 octobre 2015, l'engagement de caution de M. Y, personne physique, pour tous les engagements que la société AFC aurait à son endroit, à concurrence de 7.500 €. Les engagements étaient caractérisés par les factures émises par la société C2R.

Sur la validité du cautionnement

Aux termes de l'article L. 331-1 du code de la consommation, dans sa dernière rédaction issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 :

« Toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle ci: "En me portant caution de X.., dans la limite de la somme de... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X.. n y satisfait pas lui même. »

S'agissant d'une disposition que le juge peut relever d'office par application des dispositions de l'article R. 632-1 du code de la consommation, il convient d'écarter le moyen de l'appelant selon lequel l'exception de nullité tirée de l'irrespect du formalisme prescrit par le code de la consommation n'aurait pas été soulevée en première instance.

En l'espèce, il est constant que M. Y est une personne physique et que le cautionnement litigieux a été souscrit sous seing privé.

Il est tout aussi constant que la société C2R a sollicité le cautionnement litigieux dans le cadre de son exercice professionnel afin de garantir sa créance, de sorte que sa qualité de créancier professionnel est établie, ce qu'elle ne conteste pas au demeurant.

Les dispositions susvisées sont donc applicables.

Or, il apparaît que l'engagement de caution dont se prévaut l'appelante ne respecte pas le formalisme de l'article L. 331-1 du code de la consommation, la mention manuscrite telle qu'elle y est prévue faisant défaut.

La violation de l'article L. 331-1 du code de la consommation, qui a pour finalité la protection des intérêts de la caution, entraîne la nullité de l'acte de cautionnement sauf lorsqu'il est démontré que la caution y a renoncé par l'exécution volontaire de son engagement irrégulier, en ayant connaissance du vice l'affectant. La confirmation d'un acte nul exige en effet à la fois la connaissance du vice l'affectant et l'intention de le réparer.

En l'espèce, la société C2R fait valoir que M. Y, après avoir bénéficié d'un temps suffisant pour prendre connaissance de la convention de cautionnement, a renvoyé celle ci dûment signée et accompagnée d'un chèque de caution d'un montant de 7.500 euros conformément à l'article 3 de la convention de cautionnement. Il en conclut qu'en agissant ainsi, M. Y a entendu réparer le vice affectant son engagement et par là, renoncé à se prévaloir de la nullité de l'acte.

Or, il ressort des pièces versées aux débats que M. Y a, selon courrier recommandé du 25 janvier 2016, résilié son engagement ; que nonobstant une mise en demeure en date du 30 mars 2016, M. Y n'a pas payé le montant qui lui était réclamé au titre de l'acte de cautionnement ; que par courriel du 9 mai 2016 adressé à la société C2R, M. Y a mis en cause la validité du cautionnement, indiquant 'Il est hors de question que vous engagiez un pseudo cautionnement de ma part' ; qu'enfin, alors que la société C2R tentait d'encaisser le chèque remis lors de la signature de l'acte de cautionnement par M. Y, ce dernier a fait opposition, de sorte que le chèque est revenu impayé.

Il résulte de ce qui précède que contrairement à ce que prétend l'appelant, M. Y n'a nullement exécuté volontairement l'engagement irrégulier.

La nullité de l'acte de caution souscrit le 6 octobre 2015 pour un montant de 7.500 euros doit en conséquence être prononcée et le jugement déféré infirmé de ce chef.

Il s'ensuit que les demandes de la société C2R à l'encontre de M. Y doivent être rejetées. Le jugement déféré sera donc confirmé de ce chef par substitution de motifs.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Aux termes de l'article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.


En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.

En application de ces textes, il convient de confirmer le jugement entrepris et, en cause d'appel, de condamner la société C2R aux dépens.


PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirme le jugement en ce qu'il a constaté la validité de l'acte de cautionnement du 6 octobre 2015 et débouté M. X A Y de sa demande tendant à voir constater la nullité de l'acte,

Statuant à nouveau sur le chef infirmé,

Dit que le cautionnement souscrit par M. X A Y le 6 octobre 2015 est nul,

Confirme par substitution de motifs le jugement pour le surplus,

Y ajoutant,

Condamne la société C2R aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Madame Béatrice PATRIE, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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