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Décisions

CA Chambéry, ch. com., 12 avril 2011, n° 10/01196

CHAMBÉRY

Arrêt

Autre

PARTIES

Défendeur :

CAISSE DE CREDIT MUTUEL ROCHOISE, SARL ALP'LOC, SELARL LUC GOMIS

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Morel

Conseiller :

Mme Brugade

Conseiller :

M. Grozinger

Avocats :

SCP FORQUIN - RÉMONDIN, SCP MAX JOLY ET ASSOCIES

Avocats :

SCP BOLLONJEON ARNAUD BOLLONJEON, SELARL REBOTIER - ROSSI & Associés

CA Chambéry n° 10/01196

11 avril 2011

FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES:

Le 14 mai 2004 la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL ROCHOISE a conclu une convention de compte courant professionnel avec la S. A.R. L. ALP'LOC.

Le 20 décembre 2004 cette banque lui a accordé un prêt professionnel d'un montant de 11 000 € remboursable en 60 mensualités.

En garantie de ces engagements les époux L., la femme étant gérante de cette société et les deux époux associés, se sont tous deux [Adresse] solidaire dans l'acte de prêt du 20 décembre 2004 pour un montant de 13 200 € et se sont par ailleurs engagés par acte sous seing privé du 21 décembre 2004 à garantir tous engagements de la S. A.R. L. ALP'LOC à l'égard de la société CRÉDIT MUTUEL ROCHOISE dans la limite de la somme de 6 000 € .

N'étant pas réglée des échéances du prêt et le compte courant professionnel restant débiteur, la banque a assigné devant le Tribunal de Grande Instance de THONON les BAINS statuant en matière commerciale la S. A.R. L. ALP'LOC en qualité de débitrice principale et les époux L. en qualité de cautions en paiement des sommes dues au titre des engagements ci dessus et, par jugement du 12 juin 2008, le Tribunal de THONON s'est déclaré incompétent territorialement au profit du Tribunal de Grande Instance de BONNEVILLE statuant en matière commerciale puis, par suite de la création du Tribunal de commerce d' ANNECY, l'affaire a finalement été transmise au Tribunal de Grande Instance D'ANNECY substituant le Tribunal de commerce nouvellement crée.

En cours de procédure, le 23 janvier 2009 la S. A.R. L. ALP'LOC a été placée en redressement judiciaire par le Tribunal de commerce de THONON les BAINS puis le 24 avril 2009 en liquidation judiciaire.

Après appel en cause de Maître Luc GOMIS, mandataire judiciaire désigné et reprise d'instance, le Tribunal de Grande Instance d'ANNECY a, par jugement du 15 décembre 2009, retenu que la banque qui avait respecté le préavis de soixante jours prévu à l'article L 313-12 du Code Monétaire et Financier ne pouvait pas se voir reprocher une rupture abusive de crédit engageant sa responsabilité, qu'il ne pouvait pas plus lui être reproché de ne pas avoir accordé un prêt de restructuration pour un montant de 40 000 € en contrepartie de l'augmentation du capital de la société, que l'inscription au FICP des incidents de paiement ne concerne que les époux L. personnes physiques et n'est pas liée à leurs engagements de caution, que d'une manière générale le CRÉDIT MUTUEL n'a commis aucune faute à l'occasion de la rupture des concours, que la créance déclarée par la banque au passif de la S. A.R. L. ALP'LOC est admise à titre chirographaire, que les cautions sont engagées en vertu de leur engagement général au titre du découvert en compte et pour leur engagement spécifique au contrat de prêt et a:

- déclaré le jugement commun à Maître GOMIS es qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la S. A.R. L. ALP'LOC,

- débouté la S. A.R. L. ALP'LOC et les époux L. de leurs demandes reconventionnelles,

- fixé la créance de la société Coopérative CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL ROCHOISE au passif de la S. A.R. L. ALP'LOC à la somme de 36 843,75 € à titre chirographaire,

- condamné solidairement les époux L. à payer à la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL ROCHOISE les sommes de 6 000 € outre intérêts légaux à compter du 01er avril 2007 et de 9 831,98 € outre intérêts à 4,60 % et cotisations d'assurance vie à 0,50 % à compter du 24 avril 2009 sur la somme de 7 865,58 € ,

- condamné solidairement les époux L. à verser à la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL ROCHOISE la somme de 1 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- déclaré le jugement exécutoire par provision,

- condamné solidairement la S. A.R. L. ALP'LOC et les époux L. aux dépens.


Les époux L. ont formé appel de ce jugement et, leurs moyens et prétentions étant développés dans leurs conclusions déposées le 27 septembre 2010, soutiennent que la S. A.R. L. ALP'LOC n'a jamais reçu les courriers des 18 juin et 24 juillet 2007 dont la banque se prévaut, qu'elle ne peut par conséquent pas invoquer la déchéance du terme qu'il lui appartient de faire judiciairement constater, que l'exigence du remboursement du découvert bancaire n'a été précédé d'aucune demande particulière, que la situation s'analyse en une brusque rupture du concours bancaire, que l'engagement des époux L. en qualité de caution du solde débiteur du compte courant dans les livres de la banque est nulle car elle ne porte pas les mentions en chiffre et en lettre relatives aux engagements souscrits, que les cautions n'ont jamais reçu l'information annuelle ce qui entraîne la déchéance du droit aux intérêts et aux frais, que de son coté Monsieur L. a remis à la banque le 23 novembre 2005 une somme de 26 270 € qui n'apparaît pas sur les relevés de compte, que les associés ont procédé à l'augmentation du capital social comme demandé par la banque, que le prêt en fonds de roulement n'a cependant pas pu être obtenu ni du CRÉDIT MUTUEL ni d'une autre banque du fait du maintien de l'inscription au FICP qu'elle a reconnu avoir effectué et qu'elle s'était engagée à lever, que la banque a ainsi commis des fautes, que le préjudice des époux L. s'élève à 50 000 € , que cette somme sera mise à la charge de la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL ROCHOISE et qu'une compensation sera ordonnée avec la créance de cette dernière au titre de la caution du prêt bancaire.

Au dispositif de ses écritures les appelants demandent à la Cour de:

- dire et juger nul et de nul effet le cautionnement du solde de compte courant en date du 21 décembre 2004,

- à tout le moins constater que les époux L. n'ont reçu aucune information de ce chef,

- dire et juger qu'ils seront déchargés de tous intérêts, frais et accessoires au titre du compte courant débiteur,

- dire et juger que la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL ROCHOISE a commis à l'égard de la S. A.R. L. ALP'LOC et des époux L. des fautes engageant sa responsabilité et à l'origine d'un préjudice personnel pour ces derniers,

- en réparation condamner la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL ROCHOISE à leur payer une indemnité de 50 000 € ,

- ordonner la compensation entre les créances respectives,

- condamner la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL ROCHOISE à leur verser une indemnité de 2 000 € pour frais irrépétibles et la condamner aux dépens.


La CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL ROCHOISE, ses moyens et prétentions étant développés dans ses conclusions déposées le 09 mars 2011, fait état de sa dénonciation du découvert bancaire de la S. A.R. L. ALP'LOC par lettre recommandée avec avis de réception en date du 12 avril 2007 reçue par cette dernière puisqu'elle y a répondu, de l'absence d'engagement de sa part pour un nouveau prêt de fonds de roulement à moyen terme, du fait que l'inscription au FICP des époux L. résulte de leurs engagements personnels, de la reconnaissance par aveu judiciaire par les époux L. de leur cautionnement à hauteur de 6 000 € ce qui rend irrecevable leur contestation en cause d'appel, de l'information régulière des cautions avant le 31 mars de chaque année et des conséquences limitées d'un éventuel défaut d'information au titre des intérêts qui restent dus au taux légal.

Au dispositif de ses écritures elle demande à la Cour:

- de révoquer l'ordonnance de clôture pour la remise d'un jeu complet de conclusions,

- de confirmer en tous ses points le jugement dont appel,

- y ajoutant d'ordonner la capitalisation des intérêts par année entière conformément à l'article 1154 du Code Civil,

- de condamner les époux L. à payer à la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner les époux L. aux dépens.



La SELARL Luc GOMIS es qualité de mandataire judiciaire de la S. A.R. L. ALP'LOC a été assignée à comparaître par devant la Cour d'Appel de CHAMBÉRY à la requête des appelants par acte d'huissier en date du 04 octobre 2010 délivré à personne (Mme D. Corinne secrétaire ainsi déclarée et habilitée) et l'acte d'appel et les conclusions des époux L. déposées au greffe de la Cour d'Appel le 27 septembre 2010 lui ont été signifiées.

Maître GOMIS ès qualité n'a pas constitué avoué.



Avec l'accord des parties l'ordonnance ayant fixé la clôture de la mise en état au 28 février 2011 a été révoquée et la clôture à été à nouveau prononcée le 14 mars 2011 avant l'ouverture des débats.


MOTIFS DE LA DÉCISION:

1 ) Sur les actes de cautionnement du 21 décembre 2004:


Attendu qu'il résulte de l'examen de la pièce 3 des communications du CREDIT MUTUEL que l'engagement de caution solidaire de Monsieur L. Philippe et de Madame L. Isabelle qui est paraphé, daté et signé par ceux ci ne porte en page 4 au chapitre consacré à la caution que la reprise incomplète des formules par mention manuscrite en me portant caution de la S. A.R. L. ALP LOC dans la limite de la somme etc...' puisqu'il n'est pas indiqué par les cautions le montant en chiffres et en lettres de leur engagement;


Attendu que s'agissant d'une caution personne physique qui s'engage par acte sous seing privé envers un créancier professionnel l'article L. 341-2 du code de la consommation applicable au 21 décembre 2004 s' impose comme une règle d'ordre public;

Attendu que faute de répondre totalement aux exigences de ce texte la caution doit par conséquent être déclarée nulle et ce sans que puisse être invoquée une reconnaissance de cet engagement par aveu judiciaire des époux L.;

Que le jugement du 15 décembre 2009 est réformé sur ce point;

2 ) Sur l'information annuelle des cautions:


Attendu qu'il appartient à la banque d'apporter la preuve de l'information faite aux cautions au 31 mars de chaque année au plus tard dans les termes de l'article L. 313-22 du code de la consommation;


Attendu qu'avant la mise en demeure du 10 septembre 2007 il n'est justifié d'aucune information annuelle des cautions, qu'il y a lieu de faire application de l'article L.313-22 du code de la consommation, de réformer sur ce point le jugement entrepris et de dire et juger que la CAISSE DE CREDIT AGRICOLE ROCHOISE est déchue des intérêts contractuels de retard;

Attendu que, conformément à la demande de cette dernière, la somme due au titre de l'engagement de caution pour le prêt déduction faite des intérêts contractuels est de 8 794,51 € et que les intérêts sur cette somme sont fixés au taux légal à compter du 10 septembre 2007 avec capitalisation de ces intérêts par année en application des dispositions de l'article 1154 du code civil;

3 ) Sur les fautes reprochées à la banque par les cautions:


Attendu que la déchéance du terme, s'agissant du prêt que les époux L. doivent garantir en leur qualité de caution selon acte sous seing privé du 20 décembre 2004 pour un montant de 13 200 € pour une durée de sept ans, a été prononcée par le CREDIT MUTUEL le 10 septembre 2007 par courrier recommandé avec avis de réception reçu le 12 septembre 2007, qu' à cette date il est justifié que trois mises en demeure avec déchéance du terme ont été adressées par la banque à la débitrice principale et à chacune des cautions;

Attendu que la banque n'a fait qu'appliquer le contrat de prêt, qu'aucune faute ne peut lui être reprochée à ce titre;

Attendu qu'il est par ailleurs établi que la société ALP' LOC représentée par sa gérante Madame L. a bien reçu le 13 avril 2007 (avis de réception à cette date) la dénonciation de l'autorisation de découvert adressée le 12 avril 2007 et arrêtée à la somme de 26 593,13 € qu'elle conteste en outre par voie de courrier recommandé avec avis de réception en réponse adressé le 27 avril 2007;

Attendu que la banque a, ainsi qu'elle le mentionne dans sa lettre du 12 avril 2007, respecté le délai de préavis de 60 jours prévu à l'article L.313-12 du code monétaire et financier qui s'applique uniquement au découvert bancaire s'agissant d'un concours à durée indéterminée et non au prêt qui est déterminé, qu'entre le 12 avril 2007 et le 10 septembre 2007 plus de 60 jours se sont en effet écoulés, que la mise en demeure que la banque a adressée à cette dernière date à la S. A.R. L. ALP'LOC et aux deux cautions reprend le décompte de créance dont le solde débiteur du compte courant professionnel, que la banque n'a par conséquent pas commis de faute en mettant fin au découvert bancaire avec un préavis suffisant;

Attendu qu'il est justifié notamment par la production de l'arrêt rendu le 23 novembre 2010 par la Chambre civile de la Cour d'Appel de CHAMBERY que l'inscription au FICP des époux L. résulte des incidents de paiement personnels;


Attendu qu'il ne peut pas plus être reproché au CREDIT MUTUEL de ne pas avoir accordé un prêt supplémentaire dénommé prêt de restructuration d un montant de 40 000 € , que l obtention d un prêt bancaire ne s'impose pas à la banque, que les appelants ne justifient en outre pas d'un engagement ferme et définitif du CREDIT MUTUEL;

Attendu que le jugement déféré est par conséquent confirmé en ce qu'il a dit que la banque n'avait commis aucune faute engageant sa responsabilité;

4 ) Sur le règlement de la somme de 26 270 € :

Attendu que les cautions ne peuvent invoquer avoir réglé cette somme au titre de leurs engagements de caution au demeurant limité pour le prêt du 20 décembre 2007 à la somme de 13 200 € ; que l'attestation produite mentionne uniquement que la somme de 26 270 € a été portée au compte courant de la S. A.R. L. ALP'LOC;


Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais non compris dans les dépens;


PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement du Tribunal de commerce D'ANNECY substitué par le Tribunal de Grande Instance en date du 15 décembre 2010 en ce qu'il a fixé la créance de la société coopérative CAISSE DE CREDIT MUTUEL ROCHOISE au passif de la S. A.R. L. ALP'LOC à la somme de 36 843,75 € à titre chirographaire,

Confirme le jugement du Tribunal de commerce D'ANNECY substitué par le Tribunal de Grande Instance en date du 15 décembre 2010 en ce qu'il a débouté la S. A.R. L. ALP'LOC, Monsieur Philippe L. et Madame Isabelle M. épouse L. de leurs demandes reconventionnelles; la CAISSE DE CREDIT MUTUEL ROCHOISE n'ayant commis aucune faute,

Réforme le jugement en ce qu'il a retenu l'engagement de caution des époux L. pour un montant de 6 000 € délivré en garantie de crédits consentis à durée indéterminée le 21 décembre 2007 et prononce la nullité de cet engagement en application de l'article L.341-2 du code de la consommation,

Rejette en conséquence la demande de paiement de la somme principale de 6 000 € outre intérêts formée à ce titre par la CAISSE DE CREDIT MUTUEL ROCHOISE,

Confirme le jugement en ce qu'il a retenu l'engagement de caution des époux L. au titre du prêt du 20 décembre 2007 mais le réforme concernant les intérêts contractuels dont la banque est déchue du fait du défaut d'information annuelle des cautions,

Condamne à ce titre les époux L. à payer à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL ROCHOISE la somme de 8 794,51 € augmentée des intérêts au taux légal sur ladite somme à compter de la mise en demeure du 10 septembre 2007 avec capitalisation des intérêts par année entière en application de l'article 1154 du code civil,

Confirme le jugement du 15 décembre 2009 en ce qu'il a condamné solidairement les époux L. à verser à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL ROCHOISE la somme de 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et les a condamnés aux dépens de première instance,

Dit n'y avoir lieu en appel à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et rejette les demandes des époux L. et d. à ce titre,

Condamne les époux L. aux dépens d'appel dont distraction au profit de la S. C.P. BOLLONJEON ARNAUD BOLLONJEON, avoués associés.

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