CA Paris, Pôle 5 ch. 6, 12 avril 2023, n° 22/00566
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Défendeur :
S.A. CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE GRAND EST EUROPE
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bailly et M. Braud
Conseiller :
Mme Sappey-Guesdon
Avocat :
Me Meseci
Avocats :
Me Maquin-Joffre - SELARL A.K.P.R, Me Raimon
Le 9 septembre 2016, la société SH Distribution a ouvert dans les livres de la Caisse d'épargne et de prévoyance Grand Est Europe, (ci-après la Caisse d'épargne) un compte courant numéro 08003763020 ayant fait l'objet d'une convention de compte.
Par acte sous seing privé du 27 septembre 2016, la Caisse d'épargne a accordé à la société SH Distribution un concours sous forme de découvert d'un montant de 150 000 euros, rémunéré moyennant un taux d'intérêts TIBEUR 3 mois + 1,30 %.
En contrepartie, la Caisse d'épargne a reçu les engagements de caution solidaires par actes sous seing privé des 28 et 29 septembre 2016 de :
- [N] [P] à hauteur de la somme de 75 000 euros,
- [W] [J] à hauteur de la somme de 37 500 euros,
- [L] [D] à hauteur de la somme de 37 500 euros.
Par ailleurs, la Caisse d'épargne a consenti à la société SH Distribution, par acte sous seing privé du 27 juillet 2017, un prêt d'un montant de 200 000 euros, ledit prêt étant remboursable en 48 mois par échéances constantes de 4 269,55 euros moyennant un taux d'intérêt hors assurances à taux fixe de 1,20 % l'an.
Par acte sous seing privé en date du 1er août 2017, [N] [P] et [W] [J] se sont portés cautions solidaires du remboursement de ce prêt, chacun à hauteur de 30 000 euros.
Le 27 mai 2019, la société SH Distribution a été informée que son compte courant présentait un solde débiteur sans autorisation de 151 997,46 euros et que la Caisse d'épargne allait devoir procéder à sa clôture.
Le prêt a quant à lui été rendu exigible le 3 juillet 2019 et la Caisse d'épargne a mis en demeure la société SH Distribution de lui rembourser la somme de 135 011,040 euros.
Le 3 juillet 2019, [N] [P] et [W] [J] ont été mis en demeure d'avoir à honorer leurs engagements au titre du prêt.
Par acte en date du 23 août 2019, la société SH Distribution, [W] [J] et [N] [P] ont été assignés par la Caisse d'épargne devant le tribunal de commerce de Bobigny.
La société SH Distribution a fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire le 8 janvier 2020, la Caisse d'épargne a fait déclaration de sa créance entre les mains du mandataire judiciaire le 7 janvier 2020 et s'est désistée de son instance à l'encontre de la société SH Distribution.
Par jugement réputé contradictoire en date du 12 octobre 2021, le tribunal de commerce de Bobigny a :
' Reçu la Caisse d'épargne en ses demandes, les a dites partiellement fondées et y a fait partiellement droit et :
' Donné acte du désistement d'instance de la Caisse d'épargne à l'encontre de la société SH Distribution en liquidation judiciaire ;
' Condamné solidairement [N] [P] et [W] [J] à hauteur de 75 000 euros pour [N] [P] et 37 500 euros pour [W] [J] au titre du solde débiteur du compte courant, et sans intérêts ;
' Condamné [W] [J] à payer à la Caisse d'épargne la somme de 20 251,71 euros majorée des intérêts au taux contractuel majoré de 3 % soit 4,20 % l'an, à compter du 23 août 2019 et avec anatocisme ;
' Condamné [N] [P] et [W] [J] chacun à payer la somme de 1 000 euros à la Caisse d'épargne au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
' Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement ;
' Condamné solidairement [N] [P] et [W] [J] aux dépens de l'instance ;
' Liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 116,78 euros toutes taxes comprises dont 19,46 euros de taxe sur la valeur ajoutée.
Pour dire partiellement fondées les demandes de la Caisse d'épargne, le tribunal n'a, notamment, pas reconnu la validité de l'acte de cautionnement signé le 1er août 2017 par [N] [P].
Par déclaration en date du 30 décembre 2021, [N] [P] a interjeté appel du jugement contre la Caisse d'épargne et de prévoyance Grand Est Europe.
Dans l'état de ses dernières conclusions en date du 7 juin 2022, [N] [P] fait valoir :
À titre principal : sur le défaut de justification de vérification des engagements de garantie pris par [N] [P] :
- Que la Caisse d'épargne n'a pas démontré avoir régulièrement informé [N] [P] de son engagement à la suite des difficultés présentées par la société SH Distribution et n'a pas démontré avoir rappelé à [N] [P] ses engagements de garantie et de cautionnement personnel,
- Que l'article L. 321-22 du code monétaire et financier dispose que les établissements de crédit sont tenus à une obligation d'information annuelle de la caution du montant du principal et des intérêts et que l'article L. 333-2 du code de la consommation dispose que le créancier professionnel est également tenu à cette obligation à l'égard de la caution personne physique et que dans le cas d'espèce, aucune information n'a été donnée à la caution depuis 2016 et ce même lorsque la Caisse d'épargne s'est rendu compte des difficultés financières de la société SH Distribution.
À titre subsidiaire : sur la disproportion de l'acte de cautionnement :
- Que l'article L. 332-1 du code de la consommation dispose que le créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement disproportionné, laquelle s'apprécie en comparant le montant de l'engagement de caution, aux patrimoine, revenus et charges de la caution et ce, au jour de la souscription,
- Que la Caisse d'épargne ne justifie pas avoir sollicité de [N] [P] les éléments lui permettant de vérifier la proportion entre l'engagement pris par ce dernier et ses revenus d'alors et que la société SH Distribution venait d'être constituée et n'avait donc aucune « surface financière »,
- Que le fait de ne pas avoir contrôlé l'adéquation des engagements de [N] [P] avec ses ressources démontre la légèreté blâmable de la Caisse d'épargne.
À titre subsidiaire : sur l'appel incident de la Caisse d'épargne et de prévoyance Grand Est Europe :
- Que c'est à bon droit que le tribunal a rejeté les demandes pour le surplus de la Caisse d'épargne,
- Que comme l'a relevé le magistrat en première instance, les écritures des documents présentés par l'intimée sont totalement différentes mais qu'on ne saurait en tirer pour conséquence que ce serait [N] [P] qui aurait pu faire compléter le second document par une tierce personne,
et demande à la cour de :
« Sur l'appel principal de M. [P] :
- Recevoir M. [N] [P] en son appel ;
- Infirmer le jugement entrepris du 12 octobre 2021 seulement en ce qu'il a condamné solidairement M. [N] [P] à hauteur de la somme de 75.000 euros pour M. [N] [P] au titre du solde débiteur du compte courant et sans intérêts ;
- Et Statuant à nouveau
- Rejeter l'intégralité des demandes, conclusions, moyens et de LA CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE GRAND EST EUROPE à l'encontre de M. [N] [P].
Sur l'appel incident de LA CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE GRAND EST EUROPE :
- Confirmer le jugement entrepris du 12 octobre 2021 pour le surplus à l'exception de ce qu'il a condamné solidairement M. [N] [P] à hauteur de la somme de 75.000 euros pour M. [N] [P] au titre du solde débiteur du compte courant et sans intérêts ;
En conséquence
- Rejeter purement et simplement l'appel incident de LA CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE GRAND EST EUROPE :
En tout état de cause :
- Condamner la société demanderesse à verser à M. [N] [P] à la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civil ;
- La Condamner aux entiers dépens ».
Dans l'état de ses dernières conclusions en date du 8 avril 2022, la société anonyme Caisse d'épargne et de prévoyance Grand Est Europe fait valoir :
Sur l'appel principal de [N] [P] :
Sur le défaut de justification de vérification des engagements de garantie pris par [N] [P] :
- Que si [N] [P] soutient que la Caisse d'épargne ne démontre pas l'avoir régulièrement informé de son engagement de caution, cet engagement est matérialisé par la signature de [N] [P] et l'apposition des mentions visées aux articles L. 331-1 et L. 331-2 du code de la consommation et ce dernier a reconnu la validité de son engagement de caution,
- Qu'il a été le destinataire de multiples courriers pour l'informer des difficultés rencontrées par la société SH Distribution,
- Que la Caisse d'épargne a également versé aux débats les lettres d'information à caution adressées à [N] [P].
Sur la prétendue disproportion de l'engagement de caution du 28 septembre 2016 :
- Que la preuve de la disproportion du cautionnement doit être apportée par la caution à la date de son engagement et que [N] [P] s'abstient de verser aux débats tout justificatif de sa situation de ressources et de patrimoine en 2016 et 2017,
- Que [N] [P] a complété la fiche patrimoniale le 6 juin 2017 où il déclare être propriétaire avec son épouse d'un bien immeuble évalué à 375 000 euros pour un capital emprunté restant dû de 195 810 euros, et qu'il disposait donc d'un patrimoine de 179 190 euros, ce qui n'est pas disproportionné aux engagements de caution qui étaient limités à 75 000 et 30 000 euros.
Sur l'appel incident de la Caisse d'épargne :
Sur le point de départ des intérêts au titre de la condamnation au paiement de la somme de 75 000 euros :
- Que si le tribunal a considéré que la condamnation prononcée contre [N] [P] ne devait pas porter d'intérêts, il a commis un excès de pouvoir en application de l'article 1231-7 du code civil,
- Que la Caisse d'épargne sollicite de la cour que le point de départ des intérêts soit celui de la première présentation de la lettre recommandée adressée à [N] [P] le 27 mai 2019 qui a été présentée le 29 mai 2019, cette dernière représentant une interpellation suffisante,
- Que le tribunal n'a pas non plus fait application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil en n'ordonnant pas la capitalisation des intérêts.
Sur l'engagement de caution du 1er août 2017 :
Qu'il ressort de la vérification d'écriture que l'engagement de caution du 1er août 2017 portant sur la somme de 30 000 euros contient une mention manuscrite qui n'est pas de la main de [N] [P] ,
Que [N] [P] a donc donné instruction à un tiers de reporter ladite mention en ses lieu et place, sans pour autant le révéler à la Caisse d'épargne et qu'il a donc agi déloyalement envers la banque qui n'est pas tenue d'obliger une caution à remplir son engagement et à le signer en présence d'un préposé de la banque,
Que la Cour de cassation a retenu que la fraude commise par la caution dans la rédaction des mentions manuscrites légales prescrites à peine de nullité du cautionnement interdit à cette dernière de se prévaloir des dispositions protectrices du code de la consommation et que par conséquent, [N] [P], sans ignorer que les mentions manuscrites requises devaient être apposées de sa main, a voulu s'affranchir de ses obligations,
et demande à la cour de :
« ' Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de BOBIGNY le 12 octobre 2021 en ce qu'il a condamné Monsieur [N] [P] à payer à la CAISSE D'ÉPARGNE la somme de 75.000 € au titre de son engagement de caution du 28 septembre 2016 ;
' L'infirmer en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à intérêts et à capitalisation, en ce qu'il a débouté la CAISSE D'ÉPARGNE de sa demande en paiement au titre de l'engagement de caution du 1 er août 2017, et en ce qu'il a limité la condamnation au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile à la somme de 1.000 € ;
Statuant à nouveau,
' Condamner Monsieur [N] [P] à payer à la CAISSE D'ÉPARGNE, sur la somme de 75.000 €, des intérêts au taux légal à compter du 29 mai 2019, date de la première présentation de la mise en demeure, jusqu'à parfait paiement ;
' Le condamner également à payer à la CAISSE D'ÉPARGNE, au titre du crédit moyen terme, 15 % de la somme de 135.011,40 €, avec intérêts de retard au taux contractuel majoré de trois points, soit 4,20 % l'an, par application des dispositions de l'article 18 des conditions générales du prêt, à compter du 3 juillet 2019, sur la somme principale, soit 134.803,64 € (total de la dette ' intérêts échus), et ce jusqu'à parfait paiement ;
' Condamner Monsieur [N] [P] à payer à la CAISSE D'ÉPARGNE la somme de 2.000 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile au titre de ses frais irrépétibles de première instance ;
' Condamner Monsieur [N] [P] à payer à la CAISSE D'ÉPARGNE la somme de 3.000 € au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;
' Ordonner la capitalisation des intérêts dus depuis plus d'un an par application des dispositions de l'article 1343-2 du Code Civil ;
' Condamner Monsieur [N] [P] aux entiers dépens d'appel ».
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux dernières conclusions écrites déposées en application de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 janvier 2023 et l'audience fixée au 2 mars 2023.
CELA EXPOSÉ,
Sur la validité du cautionnement du 1er août 2017 :
Aux termes de l'article L. 331-1 ancien du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à l'espèce, toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel fait précéder sa signature de la mention manuscrite suivante et uniquement de celle-ci :
« En me portant caution de X...................., dans la limite de la somme de.................... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de...................., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X.................... n'y satisfait pas lui-même. »
Aux termes de l'article L. 331-2 ancien du même code, lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution fait précéder sa signature de la mention manuscrite suivante :
« En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec X je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement X ».
En vertu des articles L. 343-1 et L. 343-2 anciens du même code, les formalités définies aux articles précités sont prévues à peine de nullité.
Il est constant que [N] [P] n'est pas l'auteur des mentions manuscrites figurant dans l'acte de cautionnement du 1er août 2017, à la suite desquelles il a néanmoins apposé sa signature.
Or, [N] [P] avait déjà souscrit un premier engagement solidaire le 28 septembre 2016, si bien qu'il n'ignorait pas que les mentions manuscrites requises devaient être apposées de sa main.
En dépit de ce précédent, et des précisions données dans l'acte, lequel comporte trois pages, toutes paraphées par le souscripteur, dont la dernière précise de manière apparente et en caractères gras et soulignés, que la mention manuscrite doit être apposée par la caution, [N] [P] s'est néanmoins affranchi de cette obligation lors de la rédaction de son second engagement de caution, détournant ainsi sciemment le formalisme de protection dont il se prévaut désormais pour tenter de faire échec à la demande en payement.
Il résulte du principe Fraus omnia corrumpit que la fraude commise par la caution dans la rédaction des mentions manuscrites légales, prescrites, à peine de nullité du cautionnement, par les textes précités interdit à cette dernière de se prévaloir de ces dispositions (Com., 5 mai 2021, no 19-21.468). Le jugement querellé sera infirmé en ce qu'il n'a pas reconnu la validité du cautionnement du 1er août 2017.
Sur la disproportion des cautionnements :
En application des dispositions de l'article L. 341-4 ancien du code de la consommation devenu l'article L. 332-1 du même code, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
La banque n'est pas tenue de vérifier la situation financière de la caution lors de son engagement. La charge de la preuve de la disproportion incombe à la caution poursuivie qui l'invoque et celle-ci doit être appréciée à la date de l'engagement, en tenant compte de ses revenus et patrimoine ainsi que de son endettement global.
La banque n'a pas à vérifier les déclarations qui lui sont faites à sa demande par les personnes se proposant d'apporter leur cautionnement sauf s'il en résulte des anomalies apparentes.
En l'occurrence, [N] [P] reproche à la Caisse d'épargne de ne pas lui avoir demandé les éléments lui permettant de vérifier la proportion entre l'engagement pris par la caution et ses revenus d'alors.
La Caisse d'épargne produit la fiche patrimoniale signée par [N] [P] le 6 juin 2017 où celui-ci déclare être marié sous le régime de la communauté, sans enfant à charge; disposer de ressources annuelles de 84 000 euros pour lui-même et de 37 000 euros pour sa femme ; supporter des charges annuelles de 40 104 euros au titre d'un emprunt immobilier et de 5 542 euros au titre d'un prêt à la consommation ; être propriétaire avec son épouse d'un bien immeuble évalué à 375 000 euros, pour un capital emprunté restant dû de 195 810 euros, soit un patrimoine net de 179 190 euros (pièce no 10 de l'intimée).Ces déclarations ne sont entachées d'aucune anomalie apparente, si bien que la banque pouvait légitimement s'y fier.
Faute pour [N] [P] de mieux justifier devant la cour de sa situation à la date des engagements litigieux, ni le premier de ceux-ci contracté à concurrence de 75 000 euros, ni le second qui portait le total de ses engagements à 105 000 euros, n'étaient, lors de leur conclusion, manifestement disproportionnés à ses biens et revenus. La Caisse d'épargne est par suite fondée à s'en prévaloir.
Sur la déchéance des intérêts et pénalités :
Aux termes de l'article L. 333-2 ancien du code de la consommation, le créancier professionnel fait connaître à la caution personne physique, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation garantie, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, il rappelle la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.
Aux termes de l'article L. 343-6 ancien du même code, lorsqu'un créancier ne respecte pas les obligations prévues à l'article L. 333-2, la caution n'est pas tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information.
Par ailleurs, aux termes de l'article L. 313-22 ancien du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable à l'espèce, les établissements de crédit ou les sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.
Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.
Cette information est due jusqu'à l'extinction de la dette. La charge de la preuve de l'envoi de l'information incombe à la banque, qui n'a pas à justifier de sa réception. Cette preuve peut être effectuée par tout moyen mais la preuve de l'envoi ne peut notamment résulter de la seule production de copies de lettres.
En l'espèce, la Caisse d'épargne ne produit que les lettres d'information datées du 12 mars 2018, du 11 mars 2019 et du 13 mars 2020 à l'adresse de [N] [P] sans justifier de leur envoi. Elle produit en revanche les lettres d'information datées du 10 mars 2021 et du 16 mars 2022 accompagnées de leurs accusés de réception.
Elle encourt donc jusqu'au 16 mars 2021, date de réception de la lettre d'information du 10 mars 2021, les sanctions du défaut d'information annuelle que sont la perte des pénalités et intérêts de retard et la déchéance du droit aux intérêts conventionnels, la caution restant néanmoins personnellement redevable des intérêts au taux légal à compter de la première mise en demeure dont elle a fait l'objet, par application des articles 1231-6 et 1344-1 du code civil. Les payements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.
Sur l'obligation de la caution :
a) Au titre du découvert en compte courant
La liste des opérations bancaires du compte courant no 08003763020 fait apparaître que le solde débiteur s'élevait le 2 juillet 2019 à 153 339,44 euros, hors intérêts débiteurs (pièce no 25 de l'intimée). Cette créance en principal excède le cautionnement à objet général donné le 28 septembre 2016 par [N] [P] dans la limite de 75 000 euros. Aussi le jugement sera-t-il confirmé en ce qu'il condamne [N] [P] au payement de cette dernière somme, laquelle portera toutefois intérêt au taux légal à partir du 29 mai 2019, date de réception de la mise en demeure adressée à la caution (pièce no 16 ter de l'intimée).
b) Au titre du prêt
À la date de déchéance du terme, le 3 juillet 2019, la société SH Distribution était débitrice des échéances impayées du 5 février 2019 au 5 juin 2019, d'intérêts de retard au taux contractuel majoré, du capital restant dû, et d'une pénalité d'exigibilité anticipée (pièce no 17 de l'intimée).
Il ressort du plan de remboursement (pièce no 7 de l'intimée) que jusqu'à la dernière échéance payée du 5 janvier 2019, la société SH Distribution s'est acquittée en intérêts de la somme de :
775,57 € (année 2017) + 1 933,81 € (année 2018) + 134,40 € (janvier 2019) = 2 843,78 euros.
Il s'ensuit que dans ses rapports avec la caution, la Caisse d'épargne reste créancière du capital restant dû à la date du 5 janvier 2019, à savoir 130 261,43 euros, diminuée de la somme de 2 843,78 euros, soit 127 417,65 euros.
[N] [P] n'étant tenu que dans les limites de son engagement du 1er août 2017, à savoir 30 000 euros et 15 % de l'encours du prêt, soit 19 112,65 euros, il sera condamné au payement de cette dernière somme, qui portera intérêt au taux légal à partir du 6 juillet 2019, date de réception de la mise en demeure du 3 juillet 2019 (pièce no 20 de l'intimée).
Aux termes de l'article 1343-2 du code civil, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise.
Les seules conditions apportées par ce texte pour que les intérêts échus des capitaux produisent des intérêts sont que la demande en ait été judiciairement formée et qu'il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière. Il sera donc fait droit à la demande de capitalisation présentée par la Caisse d'épargne.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Aux termes de l'article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'appelant en supportera donc la charge.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1o À l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2o Et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 .
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.
Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent.
La somme allouée au titre du secundo ne peut être inférieure à la part contributive de l'État majorée de 50 %.
Sur ce fondement, [N] [P] sera condamné à payer à la Caisse d'épargne la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, sans qu'il y ait lieu par ailleurs de réformer de ce chef la décision du tribunal.
LA COUR, PAR CES MOTIFS,
INFIRME PARTIELLEMENT le jugement en ce qu'il condamne [N] [P], solidairement avec [W] [J], à hauteur de 75 000 euros pour [N] [P] au titre du solde débiteur du compte courant, et sans intérêts ;
Statuant à nouveau dans cette limite, et y ajoutant,
CONDAMNE [N] [P], solidairement avec [W] [J], à hauteur de 75 000 euros pour [N] [P] au titre du solde débiteur du compte courant, outre intérêts au taux légal à partir du 29 mai 2019 ;
CONDAMNE [N] [P] à payer à la Caisse d'épargne et de prévoyance Grand Est Europe la somme de 19 112,65 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 2019, dans la limite de 30 000 euros ;
ORDONNE la capitalisation des intérêts dus depuis plus d'un an par application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;
CONFIRME toutes les autres dispositions non contraires ;
CONDAMNE [N] [P] à payer à la Caisse d'épargne et de prévoyance Grand Est Europe la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE [N] [P] aux dépens d'appel ;
REJETTE toute autre demande plus ample ou contraire.