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Décisions

CA Fort-de-France, ch. civ., 26 mars 2024, n° 23/00175

FORT-DE-FRANCE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

LA CAISSE DE CREDIT MUTUEL

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Ramage

Vice-président :

Mme Pelatan

Conseiller :

M. Plumenail

Avocats :

Me Marcet, Me Morton - SELARL SCP MORTON & ASSOCIES

Avocats :

Me Romer, Me Fusenig - SELARL DERUSSY-FUSENIG-MOLLET

CA Fort-de-France n° 23/00175

25 mars 2024

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 23 mai 2006, la société CRBTP SARL, représentée par son gérant M. [K] [M] [P], a souscrit auprès de la société Caisse de crédit mutuel de [Adresse 4] l'ouverture d'un compte courant.

Par acte daté du 19 juin 2014, l'établissement bancaire a consenti à la SARL CRBTP un prêt professionnel d'un montant de 250 000 euros, avec cautionnement du gérant M. [K] [M] [P] à hauteur de 300.000 euros, couvrant le paiement du principal, des intérêts, pénalités ou intérêts de retard pour une durée de 85 mois.

Le 22 juillet 2015, l'organisme bancaire a accordé à la SARL CRBTP une autorisation de découvert à hauteur de la somme de 150.000 euros. Par acte séparé daté du même jour, le gérant [K] [M] [P] s'est porté caution de ce découvert pour une durée de 28 mois à hauteur de 180.000 euros, couvrant le paiement du principal, des intérêts, pénalités ou intérêts de retard.

Par jugement en date du 23 juin 2016, le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre a prononcé la liquidation judiciaire de la société CRBTP.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 27 juillet 2016, la société Caisse de crédit mutuel de [Adresse 4] a déclaré sa créance pour une somme de 543.550,54 euros.

Par exploit d'huissier en date du 23 juin 2016, la société Caisse de crédit mutuel de [Adresse 4] a fait assigner M. [K] [M] [P] en paiement devant le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre en qualité de caution de la SARL CRBTP.

Selon jugement rendu contradictoirement le 9 mai 2019, le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre a :

"- reçu la dénégation d'écriture de Monsieur [P] [K],

- débouté la Caisse du Crédit Mutuel de sa demande d'expertise graphologique,

- dit que Monsieur [P] [K] n'est pas l'auteur des mentions manuscrites sur les actes de cautionnement du prêt professionnel de la SARL CRBTP et de l'autorisation de découvert du 22 juillet 2015,

- déclaré nul les engagements de caution de Monsieur [P] [K] au titre du prêt professionnel de la SARL CRBTP et de l'autorisation de découvert du 22 juillet 2015,

- débouté la Caisse du Crédit Mutuel de sa demande en paiement à l'encontre de Monsieur [P] [K],

- condamné la Caisse du Crédit Mutuel à régler à Monsieur [P] [K] la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la Caisse du Crédit Mutuel de sa demande au titre des frais irrépétibles,

- condamné la Caisse du Crédit Mutuel à supporter les entiers dépens,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire."

Par déclaration en date du 5 juin 2019, la société Caisse de crédit mutuel de [Adresse 4] a interjeté appel de ce jugement.

M. [K] [M] [P], intimé, a constitué avocat le 13 juin 2019.

Par arrêt rendu le 26 octobre 2020, la cour d'appel de Basse-Terre a statué comme suit :

"Infirme le jugement rendu le 9 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre en ce qu'il a :

- déclaré nul l'engagement de caution de M. [K] [P] au titre du prêt professionnel de la SARL CRBTP,

- débouté la CAISSE DU CREDIT MUTUEL de sa demande en paiement à l'encontre de M. [K] [P],

- condamné la CAISSE DU CREDIT MUTUEL à régler à M. [K] [P] la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la CAISSE DU CREDIT MUTUEL de sa demande au titre des frais irrépétibles,

- condamné la CAISSE DU CREDIT MUTUEL à supporter les entiers dépens.

Confirme le jugement rendu le 9 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre en ce qu'il a :

- reçu la dénégation d'écriture de M. [K] [P],

- dit que M. [K] [P] n'est pas l'auteur des mentions manuscrites sur les actes de cautionnement du prêt professionnel de la SARL CRBTP et de l'autorisation de découvert du 22 juillet 2015,

- déclaré nul l'engagement de caution de M. [K] [P] au titre de l'autorisation de découvert du 22 juillet 2015.

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et,

y ajoutant :

Rejette la demande formée à titre subsidiaire par la société CAISSE DU CREDIT MUTUEL de [Adresse 4] et tendant à voir "ordonner, conformément aux articles 184 et suivants du code de procédure civile, la comparution personne de M. [P] afin de le soumettre à un contrôle de son écriture et l'interroger sur les circonstances qui ont entouré ses engagements de cautions et les personnes qui ont pu intervenir dans la rédaction des mentions manuscrites" ;

Condamne M. [K] [M] [P], en sa qualité de caution de la société CRBTP, à payer à la société CAISSE DU CREDIT MUTUEL de [Adresse 4] la somme de 179 545,95 euros assortie des intérêts au taux conventionnel de 3,90% par an sur le capital restant dû d'un montant de 159 949,71 euros à compter du 17 août 2016, date du dernier décompte, et jusqu'au jour du règlement effectif ;

Condamne M. [K] [M] [P] à payer à la société CAISSE DU CREDIT MUTUEL de [Adresse 4] la somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamne M. [K] [M] [P] au paiement des dépens de première instance et d'appel."

La Cour de cassation a, par arrêt du 25 janvier 2023, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, statué comme suit :

"CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il reçoit la dénégation d'écriture de M. [P], dit que celui-ci n'est pas l'auteur des mentions manuscrites sur les actes de cautionnement, et rejette la demande subsidiaire formée par la société Caisse de crédit mutuel de [Adresse 4] d'ordonner la comparution personnelle de M. [P], l'arrêt rendu le 26 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France."

Le 18 avril 2023, la société Caisse de crédit mutuel de [Adresse 4] a procédé à une déclaration de saisine.

Celle-ci a été signifiée à l'intimé le 09 mai 2023.

Le 02 mai 2023, le conseil de l'appelante a été avisé par le greffe de la fixation de l'affaire à bref délai.

M. [P] a constitué avocat le 15 mai 2023.

Dans des conclusions en date du 30 mai 2023, la société Caisse de crédit mutuel de [Adresse 4] demande à la cour d'appel de :

"- RECEVOIR la société dénommée CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL [Adresse 4] en ses demandes, fins et conclusions ;

ET PAR SUITE,

- INFIRMER le jugement du tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre (1re chambre civile) en date du 9 mai 2019 (RG n°18/02849) en ce qu'il a :

- DÉCLARÉ nul les engagements de caution de Monsieur [P] [K] au titre du prêt professionnel de la SARL CRBTP et de l'autorisation de découvert du 22 juillet 2015 ;

- DÉBOUTÉ la Caisse du Crédit Mutuel de sa demande en paiement à l'encontre de Monsieur [P] [K] ;

- CONDAMNÉ la Caisse du Crédit Mutuel à régler à Monsieur [P] [K] la somme de 1 000€ au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- DÉBOUTÉ la Caisse du Crédit Mutuel de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

- CONDAMNÉ la Caisse du Crédit Mutuel à supporter les entiers dépens ;

ET, STATUANT À NOUVEAU,

- CONDAMNER M. [K] [M] [N] [P], en qualité de caution de la SARL CRBTP et au titre du contrat de crédit professionnel n°05340 201513 04 en date du 19 juin 2014, à verser à la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL [Adresse 4] la somme de

179 545,95 € (cent soixante-dix-neuf mille cinq-cent-quarante-cinq euros et quatre-vingt-quinze centimes), en principal, intérêts, assurance et indemnité conventionnelle dus au 16 août 2016, outre les intérêts au taux contractuel de 3,90 % sur la somme de 159 949,71 € (cent cinquante-neuf mille neuf cent quarante-neuf euros et soixante-et-onze centimes) à compter du 17 août 2016 et jusqu'à parfait paiement ;

- CONDAMNER M. [K] [M] [N] [P], en qualité de caution de la SARL CRBTP et au titre de l'autorisation de découvert en date du 22 juillet 2015 portant sur le compte n°05340 201513 01, à verser à la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL [Adresse 4] la somme de 180 000 € (cent quatre-vingt mille euros) ;

- ORDONNER la capitalisation des intérêts dus pour chacun de ces engagements ;

- CONDAMNER M. [K] [M] [N] [P] à verser à la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL [Adresse 4] la somme de 3 000 (Trois mille) € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure

civile ;

- CONDAMNER M. [K] [M] [N] [P] aux entiers dépens ;

ET, Y AJOUTANT,

- CONDAMNER M. [K] [M] [N] [P] à payer à la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL [Adresse 4] la somme de 5 000 (cinq mille) € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure

civile ;

- CONDAMNER M. [K] [M] [N] [P] aux entiers dépens d'appel."

La société Caisse de crédit mutuel de [Adresse 4] expose que la cour ne pourra que retenir l'existence d'une fraude qui interdit à la caution de se prévaloir des dispositions de l'article L. 341-2 du code de la consommation, dès lors qu'il est désormais judiciairement établi que l'intimé n'est pas le scripteur des mentions apposées sur les actes de cautionnement mais bien le signataire des actes litigieux. Elle précise que, quel qu'ait été le rédacteur de la mention de cautionnement de juillet 2015, les termes et conditions de l'engagement ont été lus, paraphés et signés par M. [P]. La banque fait valoir également que M. [P] ne pouvait ignorer qu'il lui incombait personnellement de reproduire la mention avant indication des dates, lieu et signature, de sorte que c'est en toute connaissance de cause et mauvaise foi que l'intimé a fait intervenir un ou des tiers auxquels il a donné mandat de rédaction. Elle ajoute que la caution avait la maîtrise et le contrôle des dettes sociales qu'elle garantissait puisqu'elle les avait souscrites en sa qualité de chef d'entreprise.

Par ailleurs, la société Caisse de crédit mutuel de [Adresse 4] expose que l'acte de cautionnement ne comportant pas la mention requise constitue un commencement de preuve par écrit susceptible d'être complété par des éléments extérieurs, en l'espèce les mandats donnés régulièrement par M. [P] aux scripteurs désignés pour rédiger les mentions obligatoires des actes de cautionnement, de sorte que les actes litigieux ne peuvent être annulés et doivent être validés. La banque fait valoir également que, tant au moment où elle a souscrit qu'au moment où elle a été appelée, la caution disposait d'un patrimoine lui permettant de faire face à ses engagements. Elle rappelle que le crédit et l'autorisation de découvert garantis par un cautionnement solidaire ont été consentis en juin 2014 et juillet 2015. La société Caisse de crédit mutuel de [Adresse 4] ajoute qu'elle détient une créance à hauteur de 179.545,95 euros au titre du prêt et une créance conventionnellement limitée à 180.000 euros au titre du solde débiteur du compte courant de l'entreprise.

M. [K]-[M] [P], qui n'a pas conclu dans le délai de deux mois en application de l'article 1037-1 du code de procédure civile, a visé ses conclusions d'intimé n° 2 en date du 27 janvier 2020, déposées dans la procédure originelle, aux termes desquels il demande à la cour de :

"Confirmer le jugement du 9 mai 2019 en ce qu'il a :

- reçu sa dénégation d'écriture,

- débouté la CAISSE DU CREDIT MUTUEL de sa demande d'expertise graphologique,

- dit que M. [K] [P] n'est pas l'auteur des mentions manuscrites sur les actes de cautionnement du prêt professionnel de la SARL CRBTP et de l'autorisation de découvert du 22 juillet 2015,

- déclaré nul les engagements de caution de M. [K] [P] au titre du prêt professionnel de la SARL CRBTP et de l'autorisation de découvert du 22 juillet 2015,

- débouté la CAISSE DU CREDIT MUTUEL de sa demande en paiement à l'encontre de M. [K] [P],

- condamné la CAISSE DU CREDIT MUTUEL à régler à M. [K] [P] la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la CAISSE DU CREDIT MUTUEL de sa demande au titre des frais irrépétibles,

- condamné la CAISSE DU CREDIT MUTUEL à supporter les entiers dépens,

- débouter la société CAISSE DU CREDIT MUTUEL de [Adresse 4] de toutes ses demandes, fins et conclusions à son encontre, lui donner acte de ce qu'il n'est pas opposé à la vérification d'écriture ou l'expertise graphologique, et de ce qu'il émet les protestations et réserves d'usage,

- constater que la demande de la société CAISSE DU CREDIT MUTUEL de [Adresse 4] de voir 'ordonner, conformément aux articles 184 et suivants du code de procédure civile, la comparution personne de M. [P] afin de le soumettre à un contrôle de son écriture et l'interroger sur les circonstances qui ont entouré ses engagements de cautions et les personnes qui ont pu intervenir dans la rédaction des mentions manuscrites' est une demande nouvelle formée en cause d'appel,

- la déclarer irrecevable,

condamner la société CAISSE DU CREDIT MUTUEL de [Adresse 4] à lui verser la somme de 6.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL D.F.M. représentée par Me FUSENIG."

M. [K] [M] [P] expose que les mentions manuscrites n'ayant pas été écrites par l'intimé, les actes de caution sont nuls et de nul effet.

Il fait valoir également que la banque affirme sans le démontrer que la caution aurait eu toute connaissance de son engagement, alors qu'elle n'a pas rédigé les mentions obligatoires et qu'elle n'a même pas bénéficié d'un rendez-vous pour signer ces actes de cautionnement, qui lui ont été adressés par voie postale, et comprendre la portée de ces derniers. M. [K] [M] [P] ajoute que la seule qualité de gérant et associé ne saurait suffire à attester que ce dernier avait toute connaissance de l'ampleur de l'engagement de caution.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, il sera fait expressément référence à la décision déférée à la cour et aux dernières conclusions déposées.

L'affaire a été plaidée le 26 janvier 2024. La décision a été mise en délibéré au 26 mars 2024.

MOTIFS

Sur la cassation partielle.

Selon l'article 623 du code de procédure civile, la cassation peut être totale ou partielle. Elle est partielle lorsqu'elle n'atteint que certains chefs dissociables des autres. L'article 624 précise que la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui le prononce. Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

Aux termes de l'article 625 alinéa 1er du code de procédure civile, sur les points qu'elle atteint, la cassation replace les parties dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant le jugement cassé.

Le dispositif de l'arrêt de cassation 25 janvier 2023 est un arrêt de cassation partielle précisant son objet limité aux chefs de l'arrêt de la cour d'appel ayant :

- infirmé le jugement rendu le 9 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre en ce qu'il a :

- déclaré nul l'engagement de caution de M. [K] [P] au titre du prêt professionnel de la SARL CRBTP,

- débouté la Caisse du Crédit Mutuel de sa demande en paiement à l'encontre de M. [K] [P],

- condamné la Caisse du Crédit Mutuel à régler à M. [K] [P] la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la Caisse du Crédit Mutuel de sa demande au titre des frais irrépétibles,

- condamné la Caisse du Crédit Mutuel à supporter les entiers dépens,

- confirmé le jugement du tribunal de grande instance devenu tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre en ce qu'il a déclaré nul l'engagement de caution de M. [K] [P] au titre de l'autorisation de découvert du 22 juillet 2015,

- statuant à nouveau, condamné M. [K] [M] [P], en sa qualité de caution de la société CRBTP, à payer à la société Caisse de crédit mutuel de [Adresse 4] la somme de 179 545,95 euros assortie des intérêts au taux conventionnel de 3,90% par an sur le capital restant dû d'un montant de 159 949,71 euros à compter du 17 août 2016, date du dernier décompte, et jusqu'au jour du règlement effectif, à payer à la société Caisse de crédit mutuel de [Adresse 4] la somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des dépens de première instance et d'appel.

Dès lors, la cour d'appel de renvoi doit statuer sur les chefs du jugement rendu le 09 mai 2019 par le tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre en ce qu'il a :

- déclaré nul les engagements de caution de M. [K] [P] au titre du prêt professionnel de la SARL CRBTP et de l'autorisation de découvert du 22 juillet 2015,

- débouté la Caisse du Crédit Mutuel de sa demande en paiement à l'encontre de M. [K] [P],

- condamné la Caisse du Crédit Mutuel à régler à M. [K] [P] la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la Caisse du Crédit Mutuel de sa demande au titre des frais irrépétibles,

- condamné la Caisse du Crédit Mutuel à supporter les entiers dépens.

Le jugement rendu le 09 mai 2019 par le tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre est donc devenu définitif en ce qu'il a :

- reçu la dénégation d'écriture de M. [K] [P],

- débouté la Caisse du Crédit Mutuel de sa demande d'expertise graphologique,

- dit que M. [K] [P] n'est pas l'auteur des mentions manuscrites sur les actes de cautionnement du prêt professionnel de la SARL CRBTP et de l'autorisation de découvert du 22 juillet 2015,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Dans ces conditions, il n'y a pas lieu pour la cour d'appel de renvoi de statuer sur les demandes des parties visant à voir confirmer ou infirmer ces chefs de jugement.

Sur les engagements de la caution.

Il est de jurisprudence constante qu'il résulte du principe fraus omnia corrumpit que la fraude commise par la caution dans la rédaction des mentions manuscrites légales, prescrites, à peine de nullité du cautionnement, par les articles L. 341-2 et L. 341-3, devenus L. 331-1, L. 343-2, L. 331-2 et L. 343-3, du code de la consommation interdit à cette dernière de se prévaloir de ces dispositions. La caution qui, dans le but d'échapper à son engagement, fait rédiger par un tiers la mention manuscrite prévue par la loi, en dépit de l'indication claire dans l'acte selon laquelle cette mention doit précéder sa signature, détourne sciemment le formalisme protecteur et commet une faute intentionnelle l'empêchant d'invoquer la nullité de son engagement (arrêt Cour de cassation, Com., 5 mai 2021, pourvoi n° 19-21.468).

Sur l'acte de cautionnement du prêt souscrit le 19 juin 2014.

Il résulte des pièces de la procédure que M. [P], gérant de la société CRBTP, a représenté cette dernière pour souscrire le prêt du 19 juin 2014, le contrat de crédit étant signé par M. [P], gérant représentant la société CRBTP, et qui a également paraphé les onze pages du contrat susvisé.

Il est également établi que M. [P] n'a pas remis en cause la validité de l'engagement de la société, l'obligation principale étant garantie par l'acte de cautionnement.

Comme l'a relevé la Cour de cassation dans son exposé des motifs, l'acte de cautionnement, comportant la mention apocryphe, est daté du même jour et est contenu dans le même instrumentum que le contrat de crédit garanti, lequel énonce précisément les conditions du cautionnement.

Comme l'a relevé à juste titre le premier juge, M. [K] [M] [P] n'est pas l'auteur de la mention manuscrite prévue par la loi sur l'acte de cautionnement du prêt professionnel de la SARL CRBTP.

En revanche, il n'est pas contesté par l'intimé qu'il a bien apposé sa signature à deux reprises, page 11 de l'acte de cautionnement en cause, juste après la mention dactylographiée relative à la durée et au montant de l'engagement de la caution et au bas de la mention manuscrite litigieuse.

La cour relève également que le paragraphe suivant "Par chaque caution, indiquez date, lieu et signature précédés de la mention manuscrite :" est situé juste après le titre "CAUTION" et placé de manière claire et distincte par rapport aux autres paragraphes.

Force est de constater que, malgré l'avertissement donné de manière claire et distincte sur les conditions d'engagement de la caution, M. [K] [P] a cru devoir faire rédiger ladite mention prévue par la loi par une tierce personne, au lieu d'y procéder lui-même, détournant ainsi sciemment le formalisme de protection dont il se prévaut désormais pour tenter de faire échec à la demande en paiement.

La cour en déduit que M. [P], pris en sa qualité de caution, a commis une faute intentionnelle, de sorte qu'il ne peut invoquer la nullité de son engagement.

Dès lors, en considération de cette faute intentionnelle commise par M. [P], ce dernier n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions d'ordre public énoncées par l'article L. 341-2 du code de la consommation, pour conclure à la nullité de l'acte de cautionnement.

En conséquence, l'acte de cautionnement du prêt souscrit le 19 juin 2014 par M. [P] sera déclaré valide.

Sur l'acte de cautionnement signé le 22 juillet 2015.

Il résulte des pièces de la procédure que M. [P], gérant de la société CRBTP, a représenté cette dernière pour souscrire le 22 juillet 2015 l'acte de cautionnement de l'autorisation de découvert accordée à hauteur de 150.000 euros par la banque et expirant le 30 octobre 2015, l'exemplaire constatant l'accord intervenu sur le montant et la durée du concours ayant été paraphé page 1 et signé page 2 par les parties contractantes.

Il est également établi que M. [P] n'a pas remis en cause la validité de l'engagement de la société CRBTP, l'autorisation de découvert accordée étant garantie par l'acte de cautionnement signé le 22 juillet 2015.

Comme l'a relevé à juste titre le premier juge, M. [K] [M] [P] n'est pas l'auteur de la mention manuscrite prévue par la loi sur l'acte de cautionnement de l'autorisation de découvert accordée par la banque à la SARL CRBTP et rédigée en page 4 de l'acte de cautionnement litigieux.

En revanche, il n'est pas contesté par l'intimé qu'il a bien apposé sa signature page 4 de l'acte litigieux, juste après la mention manuscrite relative à la durée et au montant de l'engagement de la caution et qu'il a paraphé les cinq pages de l'acte de cautionnement solidaire signé le 22 juillet 2015.

Or, la cour relève que, page 3 de l'acte de cautionnement, dans le paragraphe intitulé "LIMITE EN MONTANT ET EN DUREE DU CAUTIONNEMENT" est insérée la phrase "Ce montant et cette durée sont précisés par la Caution elle-même dans la mention manuscrite qui précède sa signature," et que, page 5 de l'acte de cautionnement, le sigle (*) situé en milieu de page est suivi de la mention dactylographiée "Préciser les nom et prénoms de chaque caution + signature précédée de la mention mauscrite par chaque caution: "En me portant caution....... préalablement..... (1)", cette mention dactylographiée, qui comporte 7 lignes, ayant été recopiée et complétée de façon manuscrite page 4 de l'acte de cautionnement signé le 22 juillet 2015.

Force est de constater que, malgré l'avertissement donné de manière claire et distincte pages 3 et 5 de l'acte litigieux sur les conditions d'engagement de la caution, M. [K] [P] a cru devoir faire rédiger ladite mention prévue par la loi par une tierce personne, au lieu d'y procéder lui-même, détournant ainsi sciemment le formalisme de protection dont il se prévaut désormais pour tenter de faire échec à la demande en paiement.

La cour en déduit que M. [P], pris en sa qualité de caution, a commis une faute intentionnelle, de sorte qu'il ne peut invoquer la nullité de son engagement.

Dès lors, en considération de cette faute intentionnelle commise par M. [P], ce dernier n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions d'ordre public énoncées par l'article L. 341-2 du code de la consommation, pour conclure à la nullité de l'acte de cautionnement.

En conséquence, l'acte de cautionnement souscrit par M. [P] sera déclaré valide.

Sur la demande en paiement.

La société Caisse de crédit mutuel de [Adresse 4] établit posséder à l'encontre de la société CRBTP une créance certaine, liquide et exigible d'un montant de 179.545,95 euros au titre du prêt professionnel souscrit le 19 juin 2014.

La cour relève que M. [K] [P] avait limité son engagement de caution à la somme de 300.000 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard.

En conséquence, M. [K] [M] [P], pris en qualité de caution de la société CRBTP, sera condamné à payer à la société Caisse de crédit mutuel de [Adresse 4], au titre du contrat de crédit professionnel

n°05340 201513 04 en date du 19 juin 2014, la somme de 179 545,95 euros en principal, intérêts, assurance et indemnité conventionnelle dus au 16 août 2016, outre les intérêts au taux contractuel de 3,90 % sur la somme de 159 949,71 euros à compter du 17 août 2016 et jusqu'à parfait paiement.

Par ailleurs, la société Caisse de crédit mutuel de [Adresse 4] établit posséder à l'encontre dela société CRBTP une créance certaine, liquide et exigible d'un montant de 349.932,77 euros au titre de l'autorisation de découvert du compte courant accordée le 22 juillet 2015.

La cour relève que M. [K] [M] [P] avait limité son engagement de caution à la somme de 180.000 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard.

En conséquence, M. [K] [M] [P], pris en qualité de caution de la SARL CRBTP, sera condamné à payer à la société Caisse de crédit mutuel de [Adresse 4], au titre de l'autorisation de découvert en date du 22 juillet 2015 portant sur le compte n°05340 201513 01, la somme de 180.000 euros.

Sur les demandes accessoires.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée en application de l'article 1154 du code civil devenu l'article 1343-2 du code civil.

Les dispositions du jugement déféré sur les dépens et les frais irrépétibles seront infirmées.

Il sera alloué à la société Caisse de crédit mutuel de [Adresse 4] la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel.

Sucombant, M. [K] [M] [P] sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire, sur renvoi après cassation partielle et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,

Vu l'arrêt rendu le 25 janvier 2023 par la Cour de cassation,

Dans les limites de sa saisine,

INFIRME le jugement rendu le 09 mai 2019 dans toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau dans la limite de sa saisine sur renvoi après cassation partielle,

DÉCLARE valide l'acte de cautionnement du prêt souscrit le 19 juin 2014 par M. [K] [M] [P] ;

DÉCLARE valide l'acte de cautionnement signé le 22 juillet 2015 par M. [K] [M] [P] ;

CONDAMNE M. [K] [M] [P], pris en qualité de caution de la société CRBTP, à payer à la société Caisse de crédit mutuel de [Adresse 4], au titre du contrat de crédit professionnel n°05340 201513 04 en date du 19 juin 2014, la somme de 179 545,95 euros en principal, intérêts, assurance et indemnité conventionnelle dus au 16 août 2016, outre les intérêts au taux contractuel de 3,90 % sur la somme de 159 949,71 euros à compter du 17 août 2016 et jusqu'à parfait paiement ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts ;

CONDAMNE M. [K] [M] [P], pris en qualité de caution de la SARL CRBTP, à payer à la société Caisse de crédit mutuel de [Adresse 4], au titre de l'autorisation de découvert en date du 22 juillet 2015 portant sur le compte n°05340 201513 01, la somme de 180.000 euros ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts ;

Y ajoutant,

DÉBOUTE les parties de leurs plus amples demandes ;

CONDAMNE M. [K] [M] [P] à payer à la société Caisse de crédit mutuel de [Adresse 4] la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [K] [M] [P] aux dépens de première instance et d'appel.

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