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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 5 juillet 2022, n° 21/02370

RENNES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Caisse d'Epargne et de Prévoyance Bretagne Pays de la Loire

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Contamine

Conseiller :

Mme Jeorger-Le Gac

Conseiller :

M. Garet

Avocat :

Me Naux - SELARL LRB

Avocat :

Me Merniz - SCP JOYEUX-GUEGUEN-CHAUMETTE

CA Rennes n° 21/02370

4 juillet 2022

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 29 août 2012, la société Loire construction rénovation (la société LCR) a souscrit auprès de la société Caisse d'épargne et de prévoyance Bretagne - Pays de la Loire (la Caisse d'Epargne) un contrat de prêt professionnel, n°822677, d'un montant principal de 19.500 euros, remboursable en 60 mensualités, au taux d'intérêt nominal annuel de 4,65%.

Par acte séparé du même jour (29 août 2012), M. [E], gérant de la société LCR, s'est porté caution solidaire au titre de ce prêt dans la limite de la somme de 25.350 euros, couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des intérêts de retard et pour une durée de 90 mois.

Le 5 juin 2013, la société LCR a cessé de régler les échéances du prêt.

Le 10 janvier 2014, la Caisse d'Epargne a mis en demeure M. [E] d'honorer son engagement de caution.

Le 13 février 2014, la Caisse d'Epargne a assigné M. [E] en paiement.

Par jugement du 8 mars 2021, le tribunal de commerce de Nantes a :

- Débouté la Caisse d'Epargne de toutes ses demandes,

- Condamné la Caisse d'Epargne aux entiers dépens.

La Caisse d'Epargne a interjeté appel le 15 avril 2021.

Les dernières conclusions de la Caisse d'Epargne sont en date du 30 novembre 2021. Les dernières conclusions de M. [E] sont en date du 8 février 2022.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 mai 2022.

PRÉTENTIONS ET MOYENS :

La Caisse d'Epargne demande à la cour de :

- Réformer le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau :

- Condamner M. [E] à payer à la Caisse d'Epargne la somme de 18.618,56 euros avec intérêts au taux contractuel majoré de 5 points à compter du 1er février 2014 au titre du prêt n°822677,

- Condamner M. [E] à payer à la Caisse d'Epargne la somme de 3.000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouter M. [E] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- Condamner M. [E] aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

M. [E] demande à la cour de :

- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la Caisse d'Epargne de toutes ses demandes,

- Condamner la Caisse d'Epargne à verser la somme de 3.000 euros à M. [E] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la Caisse d'Epargne aux dépens.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.

DISCUSSION :

M. [E] conteste avoir signé l'offre de prêt et l'engagement de caution versés aux débats. Il affirme qu'au jour de la souscription de ces actes, il se trouvait en Roumanie.

L'article 1324 du code civil, dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 1er octobre 2016 et applicable en l'espèce, dispose que dans le cas où une partie désavoue son écriture ou sa signature, la vérification en est ordonnée en justice.

Aux termes de l'article 287 du code de procédure civile, si l'une des parties dénie l'écriture qui lui est attribuée, le juge vérifie l'écrit contesté à moins qu'il ne puisse statuer sans en tenir compte.

Il résulte des dispositions de l'article 288 du code de procédure civile qu'il appartient au juge de procéder à la vérification d'écriture au vu des éléments dont il dispose après avoir, s'il y a lieu, enjoint aux parties de produire tout document à lui comparer et fait composer sous sa dictée, des échantillons d'écriture. Dans la détermination des pièces de comparaison, le juge peut retenir tous documents utiles provenant de l'une des parties, qu'ils aient été émis ou non à l'occasion de l'acte litigieux.

La cour dispose des pièces de comparaison suffisantes pour procéder elle-même à la vérification d'écriture.

Divers documents sont versés aux débats :

- Un titre de séjour délivré le 20 octobre 2010,

- Un acte d'ouverture de compte courant professionnel en date du 7 novembre 2011,

- Les statuts de la société LCR, signés le 14 janvier 2012,

- Les statuts de la société Construction rénovation ravalement 44 (la société CRR 44) signés le 26 juin 2012,

- Un questionnaire de santé rempli le 3 août 2012,

- Une fiche de renseignements en date du 3 août 2012,

- Un bulletin individuel de demande d'adhésion à l'assurance en date du 21 août 2012,

- L'acte de prêt n°822677, édité le 22 août 2012 et signé le 29 août 2012,

- Une demande de versement de fonds en date du 29 août 2012,

- L'engagement de caution litigieux, daté du 29 août 2012,

- Un procès-verbal de dépôt de plainte du 2 novembre 2015,

- Un bordereau d'opérations du 15 septembre 2018.

À la lecture de ces documents, il apparaît que, sur un période de 8 années, trois signatures et deux écritures différentes peuvent être attribuées à M. [E].

Il apparaît que, quand bien même la signature et l'écriture de M. [E] ont varié au cours du temps, celles apposées sur les actes de prêt et de caution sont de celles qu'il a utilisées pour la rédaction d'autres documents, tels que les statuts de la société LCR.

M. [E] affirme qu'il n'a pas signé les statuts de la société LCR. Il soutient que cette dernière est gérée en fait par M. et Mme [L]. Il a précisé, dans son dépôt de plainte avec constitution de partie civile, qu'il avait accepté d'être désigné gérant pour permettre à M. Et Mme [L], qui faisaient l'objet d'une interdiction de gérer, de créer une nouvelle société.

Il reconnaît avoir participé à une fraude rendant pour le moins malvenue toute contestation ultérieure.

M. [E] fait valoir que M. et Mme [L] auraient imité sa signature et son écriture afin de souscrire un prêt et un engagement de caution à son nom. Il se reconnait cependant gérant de droit, mais de paille.

M. [E] reconnaît comme la sienne figure sur l'acte d'ouverture du compte courant professionnel de la société LCR du 7 octobre 2011, le forfait libre convergence.

Le montant du prêt garanti a d'ailleurs été porté en crédit de ce compte le 30 août 2012.

Il en résulte que M. [E], qui a eu connaissance du déblocage des fonds du prêt n°822677 le 30 août 2012, aurait pu contester la souscription du prêt dès cette date, ce qu'il n'a pas fait.

M. [E] soutient qu'au jour de la souscription du prêt et du cautionnement discutés il était en Roumanie et qu'il n'a donc pu rédiger les mentions manuscrites et signer les actes qu'on lui impute.

Il produit des attestations sur l'honneur, des relevés de compte et un certificat de naissance délivré le 13 août 2012 par la mairie de la ville de [Localité 5] en Roumanie.

La signature figurant sur l'acte de caution litigieux différe sensiblement de celle figurant sur les documents produits par M. [E] sur lesquels figure incontestablement sa signature : son titre de séjour et le procès verbal de dépôt de plainte. Ces signatures sont identiques à celle que reconnait M. [E] sur le contrat d'ouverture de prêt et les statuts de la société Construction Renovation Ravalement 44.

Il apparait ainsi que la signature sur l'acte de cautionnement n'est pas celle de M. [E].

C'est cependant en toute connaissance de cause que M. [E] a délégué à des gérants de fait le soin de signer le contrat de prêt et l'engagement de caution y afférent. Il ne peut pas se pévaloir de cette fraude, qu'il a réalisée en toute connaissance de cause, pour échapper à ses obligations.

Le jugement sera infirmé.

M. [E] ne conteste pas les montants des sommes réclamées par la Caisse d'Epargne. Il sera condamné à les payer.

M. [E], partie succombante, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel. Les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.


PAR CES MOTIFS,

La cour :

- Infirme le jugement,

Statuant à nouveau :

- Condamne M. [E] à payer à la société Caisse d'épargne et de prévoyance Bretagne - Pays de la Loire la somme de 18.618,56 euros avec intérêts au taux contractuel majoré de 5 points à compter du 1er février 2014 au titre du cautionnement attaché au prêt n°822677,

- Rejette les autres demandes des parties,

- Condamne M. [E] aux dépens de première instance et d'appel.

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