Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 4, 12 novembre 2024, n° 22/02147

PARIS

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Présidents :

Mme Guillaume, Mme Bodard-Hermant

Conseiller :

M. Pinoy

Avocat :

Me Mesle

Avocat :

Me Audard - SCP AUDARD-MOUGIN

CA Paris n° 22/02147

11 novembre 2024

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 20 juillet 2011, Mme [O] [W] s'est mariée à M. [Y] [I] au Liban. L'acte de mariage a été retranscrit à l'état civil français le 24 août 2011.

Par contrat de bail signé le 29 décembre 2011, M. [J] [S] et [C] [B] épouse [S], ont donné en location à Mme [O] [W] épouse [I] un logement situé [Adresse 5] (1er étage derrière ascenseur à côté de l'escalier montant) à [Localité 11], moyennant le paiement d'un loyer mensuel de 820 euros, outre 130 euros de provision sur charges.

Le même jour par acte séparé, M. [R] [W] s'est porté caution solidaire des engagements de Mme [O] [W] épouse [I] pour une durée de trois ans renouvelable deux fois pour la même durée, commençant à courir le 3 janvier 2012.

A la suite du décès de [C] [B] épouse [S], M. [L] [S] et Mme [D] [S] sont devenus propriétaires du bien mentionné ci-dessus, leur père, M. [J] [S], conservant l'usufruit de ce bien.

Un commandement de payer, établi conformément aux prescriptions de l'article 24 de la loi du 6 juillet 1989, a été signifié à Mme [O] [I] et M. [Y] [I] 1e 7 octobre 2020 obligeant ces derniers à verser la somme principale de 14 450,50 euros au titre des arriérés de loyers, outre les frais et débours.

Saisi par Mme [D] [S], M. [J] [S] et M. [L] [S] (les Consorts [S]) par acte d'huissier de justice délivré le 19 mai 2021, par jugement réputé contradictoire rendu le 9 novembre 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Montreuil-sous-Bois a :

- déclaré recevables les demandes de Mme [D] [S], M. [J] [S] et M. [L] [S] ;

- constaté la résiliation du bail conclu le 29 décembre 2011 entre 'Mme M. [S] G' et Mme [O] [W] épouse [I] et portant sur les locaux situés [Adresse 5] (1er étage, derrière ascenseur à côté de l'escalier qui monte) à [Localité 11], et ce à compter du 7 décembre 2020 ;

- ordonné en conséquence à M. [Y] [I] et Mme [O] [W] épouse [I] de libérer les lieux et de restituer les clés dans le délai de quinze jours à compter de la signification de la décision ;

- dit qu'à défaut pour M. [Y] [I] et Mme [O] [W] épouse [I] d'avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés dans ce délai, Mme [D] [S], M. [J] [S] et M. [L] [S] pourront faire procéder à leur expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de leur chef, y compris le cas échéant avec le concours de la force publique et d'un serrurier, à l'issue d'un délai de deux mois suivant la délivrance d'un commandement de quitter les lieux resté infructueux ;

- rappelé que le sort des meubles est régi par les articles L. 433-1 et suivants et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

- rejeté la demande de séquestration des meubles en garantie des sommes dues ;

- condamné solidairement M. [Y] [I], M. [O] [W] épouse [I] et M. [R] [W] à verser à Mme [D] [S], M. [J] [S] et M. [L] [S] la somme de 5 666,65 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au 3 janvier 2021 inclus, comprenant les loyers, charges et indemnités d'occupation jusqu'à l'échéance de janvier 2021 incluse ;

- condamné solidairement M. [Y] [I] et M. [O] [W] épouse [I] à verser à Mme [D] [S], M. [J] [S] et M. [L] [S] la somme de 8 178,80 euros au titre de l'arriéré locatif dû entre le 4 janvier 2021 et le 6 septembre 2021, comprenant les loyers, charges et indemnités d'occupation jusqu'à l'échéance de septembre 2021 incluse ;

- condamné solidairement M. [Y] [I] et M. [O] [W] épouse [I] à verser à Mme [D] [S], M. [J] [S] et M. [L] [S] une indemnité d'occupation journalière égale au montant du loyer quotidien, charges et taxes en sus, qui auraient été dus en l'absence de résiliation du bail à compter du 7 décembre 2020 et jusqu'à complète libération des lieux, sous déduction des versements intervenus depuis et des mensualités déjà comprises dans le décompte en date du 6 septembre 2021 ;

- condamné solidairement M. [Y] [I] et M. [O] [W] épouse [I] à verser à Mme [D] [S], M. [J] [S] et M. [L] [S] la somme de 1 219, 47 euros au titre de la clause pénale ;

- autorisé Mme [D] [S], M. [J] [S] et M. [L] [S] à conserver le dépôt de garantie versé à l'entrée des lieux ;

- condamné in solidum M. [Y] [I], M. [O] [W] épouse [I] et M. [R] [W] à payer à Mme [D] [S], M. [J] [S] et M. [L] [S] la somme de 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum M. [Y] [I], M. [O] [W] épouse [I] et M. [R] [W] aux dépens ;

- rappelé que le jugement est assorti de plein droit de l'exécution provisoire ;

- débouté Mme [D] [S], M. [J] [S] et M. [L] [S] du surplus de leurs demandes.

Par déclaration reçue au greffe le 27 janvier 2022, M. [R] [W] a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions déposées le 21 avril 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, M. [R] [W] demande à la cour de :

- infirmer la décision entreprise ;

- débouter les intimés de leurs demandes, fins et conclusions contraires ;

- prononcer la nullité de la caution ;

- lever totalement ou partiellement les obligations de la caution ;

- juger que la dette mise à sa charge ne peut aller au-delà de la résiliation du bail ;

- débouter les intimés de leur demande de condamnation au titre d'une dette locative celle-ci ne tenant pas compte des régularisations de charges ;

subsidiairement,

- octroyer les meilleurs délais de paiement de la dette ;

dans tous les cas,

- infirmer le jugement quant aux frais irrépétibles et dépens imputés à l'appelant, les supprimer ou les diminuer ;

- ne pas le condamner aux frais irrépétibles et dépens d'appel ;

- condamner l'indivision [S] à payer à Maître Caroline Mesle la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700-2° du code de procédure civile ;

- condamner les intimés aux entiers dépens.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 17 juin 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, Mme [D] [S], M. [J] [S] et M. [L] [S] demandent à la cour de :

- déclarer M. [R] [W] mal fondé en son appel ;

- l'en débouter ;

- les déclarer tant recevables que bien fondés en leurs écritures ;

en conséquence,

- confirmer en tous points le jugement en date du 9 novembre 2021 rendu par le juge des contentieux de la protection de Montreuil-sous-Bois notamment en ce qui concerne les condamnations prononcées à l'encontre de M. [R] [W] ;

y ajoutant, condamner M. [R] [W] au paiement d'une somme de 1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

M. [Y] [I] et Mme [O] [W] épouse [I] à qui la déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiées le 08 avril 2022, par procès-verbal de recherches, n'ont pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 septembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour observe que si M. [R] [W] entend faire appel de l'ensemble des chefs du jugement critiqués, les moyens qu'il développe dans ses conclusions ne tendent qu'à la critique de son engagement de caution et à sa condamnation à ce titre, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a jugé par ailleurs.

Sa critique porte sur le fait qu'un exemplaire de la caution ne lui aurait pas été remis et sur le commandement qui ne lui aurait pas été signifié dans le délai requis. Il estime en outre que les bailleurs ont participé à l'aggravation de la dette locative en délivrant le commandement de payer au bout de 14 mois d'impayés et en attendant encore 5 mois pour faire assigner. Il conteste devoir les indemnités d'occupation et les charges, faute de régularisations intervenues dans le délai.

Sur la nullité de la caution

Selon les avant-dernier et dernier alinéas de l'article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 applicable en l'espèce :

'Lorsque le cautionnement d'obligations résultant d'un contrat de location conclu en application du présent titre ne comporte aucune indication de durée ou lorsque la durée du cautionnement est stipulée indéterminée, la caution peut le résilier unilatéralement. La résiliation prend effet au terme du contrat de location, qu'il s'agisse du contrat initial ou d'un contrat reconduit ou renouvelé, au cours duquel le bailleur reçoit notification de la résiliation.

La personne qui se porte caution fait précéder sa signature de la reproduction manuscrite du montant du loyer et des conditions de sa révision tels qu'ils figurent au contrat de location, de la mention manuscrite exprimant de façon explicite et non équivoque la connaissance qu'elle a de la nature et de l'étendue de l'obligation qu'elle contracte et de la reproduction manuscrite de l'alinéa précédent. Le bailleur remet à la caution un exemplaire du contrat de location. Ces formalités sont prescrites à peine de nullité du cautionnement.'

Aux termes de ce texte, il n'existe pas d'obligation incombant au bailleur de remettre à la caution un exemplaire de son engagement. Par ailleurs, il résulte de l'acte même, qu'un exemplaire du bail lui a été remis conformément au texte.

Cet engagement figure en pièce 4 du bailleur.


La loi n° 94-624 du 21 juillet 1994 a également complété l'article 24 de la loi no 89-462 du 6 juillet 1989 par un alinéa prévoyant la signification du commandement de payer à la caution dans un délai de quinze jours à compter de la signification du commandement au locataire. À défaut, la caution ne peut être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard. En l'espèce, il n'est pas contesté que le commandement a été délivré aux locataires le 7 octobre 2020, sans être dénoncé à la caution, de sorte que M. [R] [W] ne peut être tenu des pénalités ou intérêts de retard.

Aucune nullité de l'acte de cautionnement n'est donc acquise, de sorte que le jugement doit être confirmé en ce qu'il est entré en voie de condamnation à l'encontre de l'appelant.


Sur le montant

Sur l'inertie alléguée du bailleur, la cour estime que les délais évoqués par M. [R] [W] sont des délais normaux, surtout comme c'est le cas en l'espèce, lorsque les impayés de loyers surviennent alors que la succession du bailleur vient de s'ouvrir. [C] [S] est décédée le 1er mai 2018 et les premiers impayés remontent en effet au mois de janvier 2018.

En outre, le délai dans la délivrance du commandement le 7 octobre 2020 alors que grâce aux nombreux versements de l'appelant, la dette de loyer s'est maintenue jusqu'au mois de mai 2020 en deçà de 10 000 euros, n'est pas fautif. Il ne sera pas retenu que le bailleur a participé à l'aggravation de la dette et ce d'autant que l'appelant s'en préoccupe lui-même dès le 11 octobre 2018 par un chèque de 2 000 euros remis au bailleur, suivi de beaucoup d'autres, dissuadant ainsi le bailleur d'entamer une procédure judiciaire.

Aux termes de son engagement, M. [R] [W] se porte caution 'des indemnités d'occupation éventuellement dues après la résiliation du bail ou le congé'. Il n'y a donc pas d'obstacle à la condamnation de l'appelant en raison de la nature de la dette.

La durée de son engagement est la suivante aux termes de cet acte : 'Cet engagement de caution sera valable par dérogation l'article 1740 du code civil, jusqu'à l'extinction des obligations du Locataire, sans pouvoir dépasser la durée du présent bail renouvelé deux fois pour la même durée.'

Cette durée a donc été correctement calculée par le bailleur qui a arrêté la dette au 3 janvier 2021 (durée du bail initial plus deux renouvellements).

Enfin les charges locatives ont aux termes du décompte bien fait l'objet chaque année de régularisations pour les années 2017 à 2020 (cf décompte en pièce 8 du bailleur, sous la rubrique 'solde charges').

Les sommes imputées par le juge initialement saisi à l'appelant sont en conséquence dues, de sorte que le jugement est confirmé en ce qu'il est critiqué.

Sur la demande de délais de paiement

Aux termes de l'article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues. La décision du bureau d'aide juridictionnelle accordant l'aide juridictionnelle totale ne permet pas à la cour d'apprécier la situation du débiteur qui verra sa demande en ce sens rejetée.

Parie perdante, M. [R] [W] sera condamné aux dépens d'appel. L'équité ne justifie pas de le condamner sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement étant confirmé en ce qu'il a jugé à ce titre.


PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt rendu par défaut et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 9 novembre 2021 en ses chefs critiqués,

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Rejette toute autre demande,

Dit que M. [R] [W] supportera la charge des dépens d'appel et dit qu'ils seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site