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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-8, 7 septembre 2022, n° 20/12383

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

S.C.I. SOFRED

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Coulange

Conseiller :

Mme Robin-Karrer

Conseiller :

M. Patriarche

Avocat :

Me Bitan

Avocat :

Me Monchauzou

CA Aix-en-Provence n° 20/12383

6 septembre 2022

Par acte sous seing privé en date du 21 août 2015, la SCI SOFRED a donné à bail à Madame [H] un appartement, situé [Adresse 6] à [Localité 9], moyennant un loyer mensuel de 575 € et 120 € de provisions sur charges.

Par acte du 21 août 2015, Monsieur [G] se serait porté caution des engagements de la locataire.

En raison de défaillances de Madame [H] dans le paiement des loyers, la SCI SOFRED lui a fait délivrer, par acte d'huissier en date du 22 février 2018, un commandement de payer visant la clause résolutoire. Ce commandement de payer était dénoncé à Monsieur [G], par acte d'huissier en date du 26 février 2018.

Ce commandement étant resté sans effet, la SCI SOFRED a engagé une procédure de référé devant le tribunal d'instance de MARSEILLE, en vue de faire constater la résiliation du bail, ordonner l'expulsion de la locataire et obtenir sa condamnation solidaire avec la caution au paiement à titre provisionnel des loyers dus.

Par ordonnance en date du 11 octobre 2018, le juge des référés près le tribunal d'instance de MARSEILLE a fait droit aux demandes de la SCI SOFRED, constaté la résiliation du bail, ordonné l'expulsion de la locataire et condamné solidairement Madame [H] et Monsieur [G] à payer la somme provisionnelle de 2 619,70 €, assortie du paiement d'une indemnité d'occupation d'un montant de 695 € jusqu'à libération parfaite des lieux, outre la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Par acte d'huissier en date du 23 octobre 2018, cette ordonnance était signifiée à Monsieur [G].

Un commandement de payer aux fins de saisie vente a ensuite été signifié aux débiteurs le 13 décembre 2018 pour une somme, en principal et intérêts, de 7 055,39 € comprenant, outre la condamnation prononcée en référé les indemnités d'occupation de juin à décembre 2018. Une procédure de saisie rémunération était initiée par l'huissier instrumentaire à l'encontre de Monsieur [G] sur les condamnations mises à sa charge par l'ordonnance de référé.

Monsieur [G] a alors, par acte d'huissier en date du 12 novembre 2019, assigné Madame [H] et la SCI SOFRED devant le tribunal d'instance de MARSEILLE aux fins de juger l'acte de cautionnement inexistant car il n'aurait été ni rédigé ni signé de sa main, de juger qu'il ne s'est pas porté caution pour Madame [H] et de rejeter l'ensemble des demandes formulées à son encontre au titre du paiement des charges et loyers dus ou restant à devoir par Madame [H]. Il demandait également la condamnation de la SCI SOFRED au paiement de la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et que soit ordonnée l'exécution provisoire de la décision.

Par jugement rendu le 18 novembre 2020, le tribunal judicaire de MARSEILLE a déclaré régulier, et devant produire son plein et entier effet, l'acte de caution en date du 21 août 2015, établi par Monsieur [G], rejeté toutes les autres demandes et condamné le requérant à verser à la SCI SOFRED la somme de 600 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre sa condamnation aux dépens de l'instance.

Par déclaration au greffe en date du 11 décembre 2020, Monsieur [G] a interjeté appel de ce jugement afin qu'il soit réformé en toutes ses dispositions. Il demande à la Cour de dire que l'acte de cautionnement fondant sa condamnation solidaire est nul et, qu'en tout état de cause, il ne l'a ni rédigé ni signé, de dire qu'il ne s'est pas porté caution pour Madame [H] et de débouter la SCI SOFRED de l'ensemble des demandes formulées à son encontre au titre du paiement des charges et loyers dus ou restant à devoir par Madame [H]. A titre subsidiaire, il sollicite que soient ordonnées toutes mesures utiles aux fins de procéder à la vérification d'écriture, au besoin en ordonnant une expertise judiciaire et que la SCI SOFRED soit condamnée à payer la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre sa condamnation aux dépens.

A l'appui de son recours, il fait valoir :

- que la Cour pourra valablement apprécier la validité de l'acte de cautionnement contesté, sur laquelle l'ordonnance du 11 octobre 2018 a déjà statué, dans la mesure où il s'agit d'une ordonnance de référé qui est donc dépourvue de l'autorité de chose jugée au principal.

- qu'il n'a ni rédigé ni signé l'acte de cautionnement produit par la SCI SOFRED et ne s'est donc jamais engagé à garantir les dettes de Madame [H].

- que l'acte de cautionnement est, en tout état de cause, nul puisque le nom de la débitrice cautionnée n'y figure pas.

La SCI SOFRED conclut à la confirmation du jugement entrepris et au débouté de Monsieur [G] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions. Elle sollicite en outre la condamnation de Monsieur [G] à lui verser la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre sa condamnation aux dépens.

Elle soutient :

- que le défaut de mention du nom de la débitrice cautionnée dans le paragraphe manuscrit de l'acte de caution ne suffit pas à entacher l'acte de nullité dans la mesure où le paragraphe dactylographié figurant en haut de l'acte y fait référence.

- que Monsieur [G] était bien présent lors de la signature du bail et qu'il s'est, à cette occasion, engagé à cautionner les dettes de Madame [H] en signant le contrat de cautionnement.

- que Monsieur [G] n'a jamais réagi aux lettres de la SCI SOFRED, aux significations du commandement de payer ou de l'ordonnance de référé et n'a contesté la réalité de son engagement de caution que lorsque des mesures d'exécution ont été engagées à son encontre.

Madame [H], régulièrement assignée, en date du 18 janvier 2021, n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 mai 2022.


MOTIFS DE LA DECISION

Attendu que, par acte sous seing privé en date du 21 août 2015, la SCI SOFRED a donné à bail à Madame [H] un appartement, situé [Adresse 6] à [Localité 9], moyennant un loyer mensuel de 575 € et 120 € de provisions sur charges ;

Que, par acte du 21 août 2015, Monsieur [G] se portait caution des engagements de la locataire;


Attendu qu'en raison de défaillances de Madame [H] dans le paiement des loyers, la SCI SOFRED lui a fait délivrer, par acte d'huissier en date du 22 février 2018, un commandement de payer visant la clause résolutoire ; que ce commandement de payer était dénoncé à Monsieur [G], par acte d'huissier en date du 26 février 2018 ;


Attendu que ce commandement de payer est resté sans effet ;

Attendu que sur le fondement des dispositions de l'article 1199 du Code civil, le contrat ne crée d'obligations qu'entre les parties ; que les tiers ne peuvent ni demander l'exécution du contrat ni se voir contraints de l'exécuter ;

Attendu qu'aux termes des dispositions de l'article 1353 du même code, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; que réciproquement, celui qui s'en prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ;


Attendu qu'en vertu des dispositions de l'article 287 du Code de procédure civile, si l'une des parties dénie l'écriture qui lui est attribuée, le juge vérifie l'écrit contesté ;

Qu'en vertu des dispositions de l'article 288 du même code, il appartient au juge de procéder à la vérification d'écriture au vu des éléments dont il dispose après avoir, s'il y a lieu, enjoint les parties de produire tous documents à lui comparer ;


Attendu que Monsieur [G] produit au dossier un document, qu'il dit écrit de sa main, reproduisant l'acte de caution contesté ;


Attendu que l'écriture et la signature qui y figurent présentent de grandes similitudes avec l'écriture et la signature de l'acte de caution du 21 août 2015 ;

Qu'il n'est, dès lors, pas nécessaire de procéder à une mesure d'expertise ;

Qu'il convient, compte tenu des éléments en possession de la Cour qui, opérant la vérification d'écritures, est en mesure de constater que Monsieur [G] a bien rédigé et signé le contrat de cautionnement, en date du 21 août 2015 ;


Attendu qu'aux termes de l'ancien article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989, applicable au moment de la conclusion du contrat de cautionnement, la personne qui se porte caution fait précéder sa signature de la reproduction manuscrite du montant des loyers et des conditions de sa révision, de la mention manuscrite exprimant la connaissance qu'elle a de la nature et de l'étendue de l'obligation qu'elle contracte ; que ces formalités sont prescrites à peine de nullité du cautionnement;


Attendu que l'acte de caution du 21 août 2015 comporte un paragraphe dactylographié en haut de page destiné à servir de modèle à la rédaction de la mention manuscrite ; que ce paragraphe dactylographié identifie Madame [H] en qualité de débitrice cautionnée ;


Attendu, cependant, que le paragraphe manuscrit par lequel la caution déclare renoncer au bénéfice de division comporte un blanc en lieu et place du nom de la débitrice cautionnée ;

Que, dès lors que l'acte de cautionnement ne respecte pas les conditions de validité prescrites par la loi, il est entaché de nullité ;

Attendu que l'éventuelle mauvaise foi de Monsieur [G] qui n'a jamais réagi aux lettres de la SCI SOFRED, aux significations du commandement de payer ou de l'ordonnance de référé et n'a contesté la réalité de son engagement de caution que lorsque les mesures d'exécution ont été engagées à son encontre n'est pas de nature à faire obstacle à cette nullité ;

Qu'il résulte de ce qui précède que Monsieur [G] ne pouvait être condamné solidairement au paiement des charges et loyers dus ou restant à devoir à la SCI SOFRED par Madame [H] ;


Attendu qu'il sera alloué à Monsieur [G], qui a dû engager des frais irrépétibles pour défendre ses intérêts en justice, la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;


Attendu que la SCI SOFRED, qui succombe, supportera les dépens de première instance et d'appel;


PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut par mise à disposition au greffe, en dernier ressort,

INFIRME le jugement rendu le 18 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de MARSEILLE ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT l'acte de cautionnement, fondant la condamnation solidaire de Monsieur [G] par l'ordonnance de référé du 11 octobre 2018, nul ;

DEBOUTE la SCI SOFRED de l'ensemble des demandes formulées à l'encontre de Monsieur [G] au titre du paiement des charges et loyers dus ou restant à devoir par Madame [H] ;

CONDAMNE la SCI SOFRED à payer à Monsieur [G] la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

LA CONDAMNE aux dépens de première instance et d'appel.

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