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Décisions

CA Paris, Pôle 4 - ch. 7, 23 octobre 2025, n° 24/15256

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 24/15256

23 octobre 2025

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7

ARRÊT DU 23 OCTOBRE 2025

(n° , 16 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/15256 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJ7DH

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Août 2024 par le Tribunal Judiciaire de BOBIGNY - RG n° 23/00234

APPELANT

EPFIF - ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D'ILE DE FRANCE

[Adresse 5]

[Localité 7]

représenté par Me Frédéric LEVY de la SELAS DS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : T0700, représenté à l'audience par Me François DAUCHY, avocat au barreau de PARIS, toque : T07

INTIMÉE FORMANT APPEL INCIDENT :

SOCIÉTÉ LOCANOR

[Adresse 2]

[Localité 8]

représentée par Me Adra ZOUHAL, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 250 substituée à l'audience par Me Stanislas DE LA ROYERE, avocat au barreau d'AMIENS, toque : 37

INTIMÉE FORMANT APPEL INCIDENT :

DIRECTION DÉPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES - POLE ÉVALUATION DOMANIALE - COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 10]

représentée par Madame [E] [O], en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Juillet 2025, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Hervé LOCU, Président de Chambre et Monsieur David CADIN, magistrat honoraire juridictionnel, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Hervé LOCU, Président de Chambre

Madame Nathalie BRET, Conseillère

Monsier David CADIN, Magistrat honoraire juridictionnel

Greffier : Madame Dorothée RABITA, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Hervé LOCU, Président et par Dorothée RABITA, greffier présent lors de la mise à disposition.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE':

La société LOCANOR est occupante dans le périmètre de l'opération d'un immeuble sis [Adresse 4] et [Adresse 1] au [Localité 13] dans lequel elle exploite un fonds de commerce de location de véhicules automobiles sous l'enseigne AVIS.

Elle est titulaire d'un bail commercial renouvelé.

Par arrêté du 4 juin 2021, le Préfet de Seine-Saint-Denis a prescrit l'ouverture d'une enquête conjointe préalable à déclaration d'utilité publique, parcellaire et mise en compatibilité du plan local d'urbanisme de la commune du [Localité 13], ce en vue de la mise en 'uvre du projet d'aménagement du site dit [Adresse 14].

Par arrêté du 14 décembre 2021, le Préfet de Seine-Saint-Denis a déclaré d'utilité publique au profit de l'Etablissement public foncier d'lle-de-France (EPFIF) l'acquisition à l'amiable ou par voie d'expropriation des immeubles nécessaires à la réalisation du projet d'aménagement. Cet arrêté a emporté mise en compatibilité du plan local d'urbanisme de la commune du [Localité 13].

L'opération vise à requalifier un site en friche à l'entrée du [Localité 13] afin de le reconnecter à la ville. Elle prévoit des fonctions économiques et de services répondant aux besoins du territoire et des habitants.

Par arrêté n° 2023-2432 du 17 novembre 2023, le Préfet de Seine-Saint-Denis a déclaré cessibles les parcelles comprises dans le périmètre de la déclaration d'utilité publique.

Aux termes d'une ordonnance du 18 janvier 2024, le Tribunal judiciaire de Bobigny a déclaré expropriés les immeubles compris dans le périmètre de l'opération.

Par mémoire du 24 mars 2023, 1'EPFIF a fait connaître à la société LOCANOR le montant de ses offres indemnitaires consécutives à son éviction de l'immeuble.

En l'absence d'accord entre les parties, l'EPFIF a, par requête du 9 octobre 2023, saisi la juridiction aux fins de fixation desdites indemnités.

Le transport sur les lieux s'est tenu le 27 février 2024.

Par jugement contradictoire du 6 août 2024, le tribunal a':

FIXÉ à 1.303.849,20 euros (un million trois cent trois mille huit cent quarante-neuf euros et vingt centimes), l'indemnité totale d'éviction due par l'EPFIF à la société LOCANOR dans le cadre de l'opération d'expropriation des locaux d'activité situés sur les parcelles cadastrées Section A n°[Cadastre 3] sise [Adresse 16] et Section B n°[Cadastre 9] sise [Adresse 12] sur la commune du [Localité 13] (93),

PRÉCISÉ que la somme est ainsi composée :

1.182.272 euros, à titre d'indemnité principale,

117.077.20 euros, à titre d'indemnité de remploi,

3.000 euros, à titre d'indemnité de frais de déménagement,

1.500 euros, à titre d'indemnité pour frais administratifs divers,

DÉBOUTÉ la société LOCANOR de ses demandes au titre du trouble commercial et des frais de licenciement.

CONDAMNÉ l'EPFIF au paiement des dépens de la présente procédure.

L'EPFIF a interjeté appel de cette décision suivant déclaration (LRAR) du 20 août 2024, reçue au greffe de la chambre 4-7 (expropriations) le 21 août 2024 (article R 311-24 du code de l'expropriation).

Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures':

1/ Déposées au greffe le 7 novembre 2024 par l'EPFIF, appelant, avec communication de 6 pièces ( jugement du 6 août 2024, reportage photographique, bail commercial, jugement du TGI de Bobigny du 18 novembre 2018, demande de renouvellement de bail à compter du 1er juillet 2018, mémoire Locanor devant le juge des baux commerciaux), notifiées le 26 décembre 2024 (AR intimé le 02/01/2025, AR CG le 31/12/2024), aux termes desquelles il est demandé à la cour de':

JUGER l'EPFIF recevable et bien fondé en son appel ;

Y faisant droit, d'INFIRMER partiellement le jugement du Tribunal judiciaire de Bobigny du 6 août 2024 en ce qu'il a fixé la valeur du droit de bail à la somme de 1.182.272 euros;

Statuant à nouveau,

FIXER les indemnités à revenir à la société LOCANOR consécutivement à son éviction de l'immeuble situé au [Adresse 4] et [Adresse 1], édifié sur les parcelles cadastrées section A n° [Cadastre 3] et B n° [Cadastre 9] comme suit:

INDEMNITÉ PRINCIPALE

(Valeur du droit au bail - méthode dite du différentiel de loyers):

À titre principal : 43.250 euros x 6,5 = 282.880 euros

À titre subsidiaire: 29.318 euros x 6,5 = 190.567 euros

INDEMNITÉS ACCESSOIRES

Frais de remploi

A titre principal :

5% sur 23.000 euros = 1.150 euros

10% sur 259.880 euros = 25.988 euros

Total remploi : 27.138.00 euros

A titre subsidiaire :

5% sur 23.000 euros = 1.150 euros

10% sur 167.567 euros = 16.756.70 euros

Total remploi : 17.906.70 euros

CONFIRMER le jugement du tribunal de première instance en ce qu'il a fixé l'indemnité pour les frais de déménagement à 3.000 euros ;

CONFIRMER le jugement du tribunal de première instance en ce qu'il a fixé l'indemnité pour le trouble commercial à 0 euros ;

CONFIRMER le jugement du tribunal de première instance en ce qu'il a fixé l'indemnité pour les frais administratifs divers à 1.500 euros ;

CONFIRMER le jugement du tribunal de première instance en ce qu'il a rejeté les indemnités de licenciement.

2/ Déposées au greffe le 2 avril 2025 par la société LOCANOR, intimée et formant appel incident, avec communication de 4 pièces (I. extraits cadastraux, II. plaquette présentation [Adresse 11], III. Présentation projet opérateur, IV. tableau des annonces), notifiées le 28 avril 2025 (AR expropriant 2 mai 2025, AR CG 2 mai 2025), aux termes desquelles il est demandé à la cour de':

Sur le fond,

DÉBOUTER l'EPFIF Ile de France de son appel partiel dans la limite de celui-ci, comme étant mal fondé ;

JUGER recevable et bien fondé la SA LOCANOR en son appel limité';

FIXER les indemnités à revenir à la SA LOCANOR preneur, consécutivement à son éviction de l'immeuble situé au [Adresse 4] et [Adresse 1], édifié sur les parcelles cadastrées section A nº [Cadastre 3] et B n° [Cadastre 9] comme suit :

INDEMNITÉ PRINCIPALE

(Valeur du droit au bail - méthode dite du différentiel de loyers) :

À titre principal':1 273 216 euros

À titre subsidiaire': CONFIRMER 1 182 272 euros

INDEMNITÉS ACCESSOIRES

À titre principal, 126 171 euros

À titre subsidiaire, CONFIRMER 117.077,20 euros

Frais de déménagement : 3 000 euros

Mémoire attente de devis, induisant nouveau lieu d'implantation

Trouble commercial: mémoire chiffrage en cours

Frais administratifs divers: indemnité forfaitaire de 1.500,00 euros

Indemnités de licenciement: Sur présentation des justificatifs

CONDAMNER l'EPFIF Ile de France aux entiers dépens d'appel.

Débouter les autres parties de leurs fins, demandes, moyens et conclusions comme étant mal fondés.

3/ En ses conclusions récapitulatives, adressées au greffe le 24 mars 2025 par le commissaire du Gouvernement, intimé, formant appel incident, avec communication de 2 annexes (conclusions rectificatives du commissaire du Gouvernement en première instance, offres de location de grands terrains, source': www.bureaux-commerces.seloger.com), notifiées le 28 avril 2025 (AR expropriant 30/04/2025, AR exproprié 06/05/2025) aux termes desquelles il est demandé à la cour de':

INFIRMER partiellement le jugement de première instance

FIXER l'indemnité d'éviction à':

493 886 euros à titre principal

295 534 euros à titre subsidiaire

***

Sur la procédure

Ces conclusions, régulières en la forme, ont été déposées ou adressées dans les délais réglementaires, conformément à l'article R 311 - 26 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

Elles seront donc déclarées recevables ainsi que les pièces y annexées.

* Au soutien de leurs prétentions, les parties et le commissaire du Gouvernement ont par voie de conclusions développé les moyens suivants, étant précisé qu'ils sont d'accord sur':

Les principes du droit de l'expropriation détaillés par le premier juge au visa des articles 17 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, et L 321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique';

les dates retenues par la première instance :

1) Le 18 janvier 2024 pour la date d'appréciation de la consistance du fonds au visa des articles L 322-1 et L 222-2 du code de l'expropriation': celle de l'ordonnance d'expropriation';

2) Le 12 décembre 2022 pour la date d'appréciation de l'usage effectif du fonds de location de voiture, date de référence correspondant à la dernière modification du PLU, le tout au visa des articles L322-2 du code de l'expropriation et L 213-6 et L213-4 du code de l'urbanisme'( zone UAa zone urbaine centrale);

3) Le 6 août 2024, date du premier jugement, pour l'évaluation dudit fonds évincé';

- La consistance du bien, étant précisé qu'aucun changement n'a été constaté entre la première date susvisée et celle du transport sur les lieux le 27 février 2024 (composition et équipement, environnement, état d'entretien), le tout permettant de dégager les facteurs de moins -value ( état général très moyen, état moyen pour la façade extérieure, la toiture du hangar, le sol du garage ouvert et les box, la pièce du fond de propriété étant à l'abandon et en très mauvais état), d'une part, et les facteurs de plus-value, d'autre part (un très bon emplacement des locaux, une surface adaptée à l'activité, une configuration conforme à l'activité exercée, la présence d'un grand garage permettant d'entreposer un certain nombre de véhicules, et une bonne commercialité).

- La méthode d'évaluation, à savoir celle de la valeur du droit au bail, dite du différentiel de loyers, justement explicitée en détail par le premier juge, mais la divergence principale porte sur les surfaces à prendre en compte (surface bâtie de 525 m²) ou surface globale (bâtie + terrain = 1606 m²), ce point étant développé dans le cadre de l'exposé des moyens ci-dessous suivant le plan adopté par la juridiction de première instance.

I Sur l'indemnité principale selon la valeur du droit au bail

a) La détermination du loyer théorique' et b) la valeur du loyer annuel et actualisé du local d'activité dont la société LOCANOR est évincée, hors taxe et hors charges :

Le premier juge a écarté les 5 termes (plus 1 annonce de location de terrain) présentés par l'EPFIF en raison d'adresses inconnues et d'absences de référence (hypothèse de la surface de 525 m²), ou d'annonce non retrouvée sur internet ( hypothèse de la surface de 1 606 m²).

Il a également écarté les 10 termes de la société LOCANOR en raison de l'absence de références (8, 9 et 10) ou d'annonces non retrouvées via les liens fournis d'internet ( 3, 4 et 6), ou les deux à la fois ( 1, 2 et 7), le terme n°5, conforme aux caractéristiques de l'annonce étant écarté en raison d'une superficie supérieure à 525 m² (1 776 m²).

Il a retenu 3 des 7 termes portant sur des locaux d'activité (CG 1, 2 et 3 avec une valeur moyenne de 128 euros/m²) proposés par le commissaire du Gouvernement, les termes n°4 à 7 étant écartés, car n'étant pas situés sur la commune du [Localité 13]': tous ces termes concernent des surfaces bâties qui selon le juge de l'expropriation «'ne correspondent pas exactement au local loué composé d'une surface bâtie et d'un terrain nu'».

En l'absence de termes de comparaison pertinents relatifs au terrain, il a écarté «'la méthode par comparaison dite «'construction+terrain'» pour adopter celle de la méthode de comparaison globale dite du terrain intégré.'»

Il a alors appliqué en raison de l'importance du terrain et de l'utilisation totale de la superficie la valeur au m² retenue, soit 128 euros, mais à 1 606 m², soit un loyer théorique global de 205 568 euros.

***

L'EPFIF, appelant, conclut à l'infirmation du jugement en ce que le premier juge, après avoir retenu un loyer annuel valeur marché de 128 euros'/m², l'a appliquée non à la superficie bâtie (525 m²) mais à la surface cadastrale des parcelles n° A n° [Cadastre 3] pour 704 m² et B n°[Cadastre 9] pour 902 m² (total': 1 606 m²).

Il s'agit selon l'expropriant d'une erreur d'appréciation patente, car ayant retenu trois termes proposés par le commissaire du Gouvernement portant sur des locaux d'activité proches du site occupé par la société LOCANOR , entre 475 et 650 m² qui s'entendent terrain d'assiette intégré (valeur moyenne de 128 euros/m²), le premier juge ne pouvait appliquer cette valeur qu'à la seule superficie bâtie des locaux occupés par la société LOCANOR, terrain intégré, soit 525 m² composés de boxes en fond de parcelle (225 m² + hangar de 210 m²) et bâtiment en façade sur l'avenue (90m²).

Il rappelle que le bail n'opère aucune distinction entre la valeur locative du bâti et celle du terrain nu attenant, le loyer de 23 680 euros s'appliquant à l'ensemble sans différenciation, ainsi que le confirme le contentieux en cours relatif à la fixation d'un nouveau loyer indifférencié entre les constructions et le terrain à compter du 1er juillet 2018.

Il produit deux offres de location de terrains à vocation industrielle faisant ressortir un loyer de 33 euros/m².

Sur cette base, le loyer annuel serait de 52 998 euros HT et HC /an surface bâtie incluse (1606 m² x 33 euros).

***

La société LOCANOR, appelante incidente (sur un point': le coefficient de situation, à savoir 7 au lieu de 6,5), après avoir décrit les nombreux atouts de son bien (environnement, accessibilité, conformité à son activité, desserte), insiste -photographies à l'appui- sur la nécessité impérieuse de l'ensemble de la surface bâtie et non bâtie, pour le parking des véhicules, indispensable à l'activité exercée, à savoir celle de location de véhicules.

Elle précise que le loyer actuel s'élève à 23 680 euros et court depuis le 1er janvier 2006 avec un rappel historique des divers contentieux de fixation de loyer, et précise qu'une procédure judiciaire est toujours en cours (pièces n°1 à 4).

Elle considère que la surface nécessaire à l'activité exploitée par le commerce est de 1 606 m².

Elle demande à la cour de rejeter les termes proposés par l'EPFIF, car il s'agit d'annonces et non d'actes signés.

Elle fait état de ses anciennes propres recherches avec lien vers les annonces actuelles (moyenne 157 euros /m²).

Elle critique, en l'absence de termes pertinents relatifs au terrain, la méthode par comparaison dite «'construction + terrain'» qu'elle demande à la cour d'écarter et d'adopter la méthode de comparaison globale dite du terrain intégré.

Il convient pour elle de fixer le loyer théorique pour la location d'un local d'activité équivalent à celui dont elle est évincée à 205 568 euros'/an ( 1606 m² x 128 euros /m²), les 128 euros résultant des trois termes du commissaire du Gouvernement retenus par le premier juge ( CG1, CG 2 et CG 3).

****

Le commissaire du Gouvernement est appelant incident, car il critique le tribunal d'avoir déterminé l'indemnité principale en multipliant la valeur locative du bâti par la surface totale du terrain. Selon lui, l'erreur est donc manifeste. Il estime que la valeur locative estimée aurait dû être appliquée à la surface utile desdites constructions.

S'agissant des caractéristiques du bien, il rappelle les termes du procès-verbal de transport repris par le premier juge': état global très moyen des constructions à l'exception du bâtiment à usage de bureau, une très bonne implantation, une surface adaptée à l'activité commerciale de location de véhicules et une bonne commercialité.

Il propose de retenir comme surface utile 525 m², à titre principal, à mettre en perspective avec des valeurs locatives de locaux à usage d'activité.

A titre subsidiaire, 1 606 m², à mettre alors en perspective avec des valeurs locatives de terrains à usage industriel ou de stockage.

Il s'appuie sur la méthode de valorisation du bien retenue, celle du droit au bail, et ce, en l'absence des comptes de résultats propres à l'établissement en cause.

Il reprend le coût locatif moyen de ses trois références retenues par le premier juge situées au [Localité 13] (avec références complètes) qui s'élève à 128 euros /m²'/an, mais compte-tenu des facteurs de plus-value évoqués supra, il demande que cette valeur locative annuelle soit fixée à 150 euros/m² x 525 m²= 78 750 euros HT et HC.

Si la cour devait s'orienter vers son subsidiaire, il propose 6 termes de comparaison portant sur des valeurs locatives de grands terrains établies à partir du site internet www.seloger-bureaux-commerces.com, de son mémoire d'appel, il en retient une valeur locative moyenne de 35 euros/m² X 1606 m²= 56 210 euros HT et HC.

Il précise cependant que la méthode subsidiaire reste fragile dans la mesure où les références internet de location sont régulièrement mises à jour et qu'il n'est donc pas possible de retrouver les offres locatives antérieures à la date du jugement.

Il est d'accord sur le montant du loyer actuel de 23 680 euros.

***********

SUR CE,

S'agissant de la description des biens loués':

La cour constate que le bail commercial courant du 1er janvier 1997 au 31 décembre 2005 (pièce n°3 de l'expropriant, acte sous seing privé du 22 septembre 1997) rappelle que «'la S.A. LOCANOR exerce sur les lieux l'activité de commerce de l'automobile et de vente de ses accessoires, la réparation, l'entretien, la vente tant pour son compte personnel que pour le compte de tous tiers de tous véhicules automobiles neufs ou d'occasion'».

Il est précisé au paragraphe «'désignation'»':

«'Une propriété située au [Adresse 12], n°1 composée de':

Un bâtiment en façade sur l'avenue, divisé en une boutique, une arrière -boutique, une chambre et une cuisine';

Cour avec entrée de porte charretière à double battant';

Dans cette cour et derrière la maison sur rue, un grand hangar construit en briques avec charpente métallique d'une superficie de 200 mètres carrés environ':

Derrière ce hangar, un terrain en totalité à l'exception de la partie de terrain sur laquelle sont implantés des panneaux publicitaires, située à l'angle de l'avenue du 8 mai 1945 et de la sortie de l'autoroute.

Sur ce terrain figurent différents box situés en fond de propriété.

Le bail était consenti et accepté, moyennant un loyer annuel de 120 000 francs.

Par jugement du 18 novembre 2009 ( pièce n°4 de l'expropriant ), le tribunal de Bobigny a fixé le loyer annuel de renouvellement , hors taxes et hors charges, au 1er juillet 2006, à la somme de 23 680 euros, après avoir considéré que l'expropriation en 2003 d'un talus recouvert de végétation en bord de route (282 m² sur 1793 m², avec signature d'un avenant le 1er mars 2004 intégrant cette amputation) qui masquait les véhicules stockés sur les lieux loués, n'avait ni modifié ni affecté l'équilibre de la convention liant les parties.

Le mémoire en défense 2 de la SA LOCANOR sur demande de fixation de loyer de bail renouvelé du 27 juin 2018 en fonction uniquement de la variation de l'indice du coût de la construction pour l'audience du 24 janvier 2023 (pièce n°6 de l'expropriant) rappelle « la désignation des locaux (non modifiés depuis l'avenant du 1er mars 2009 et le rapport d'expertise en date du 17 juillet 2008 de Monsieur [Y] [L], expert judiciaire, mandaté à l'époque par le tribunal de Bobigny)':

Bureaux d'accueil du public de 74 m²';

Hangar de 203 m3';

Terrain de 1 301 m²,

Destination': tous commerces, et activité exercée': location de véhicule sans chauffeur.'»

Le procès-verbal de transport du 27 février 2024 donne notamment la description suivante :

«'Il s'agit d'un ensemble immobilier, sur un seul niveau, composé d'un bâtiment en façade, d'un hangar, d'un garage couvert et de box, où s'exerce une activité de location de voitures. Il précise qu'un portail se trouve sur une cour': à droite, le bâtiment abritant les bureaux de la société LOCANOR qui donne également sur la rue, et à l'avant de la propriété, les espaces de parking': un hangar (le jour du transport une dizaine de véhicules étaient stationnés dans cet espace), un garage ouvert clôturé avec station de lavage (le jour du transport y était stationnée une douzaine de véhicules). A l'avant de ce garage ouvert, en fond de propriété, se trouve un espace qui fait également office de garage ouvert (clôturé par une palissade et par un grillage), le jour du transport y étaient stationnés environ 17 véhicules. A la droite de cet espace, se trouvent 7 box où sont entreposés des véhicules (1 pièce est inutilisée).'»

La cour constate, nonobstant les différences contenues dans les pièces susvisées, que les parties et le commissaire du Gouvernement sont d'accord pour retenir une surface bâtie des locaux occupés par la société LOCANOR de 525 m² composés de boxes en fond de parcelle (225 m²), d'un hangar de 210 m² et d'un bâtiment en façade sur l'avenue de 90 m².

Ils sont également d'accord sur une surface de terrain global de 1 606 m².

S'agissant des termes de comparaison à prendre en considération.

A l'instar de l'expropriant et du commissaire du Gouvernement, la cour constate que le bail susvisé n'opère aucune distinction entre la valeur locative du bâti et celle du terrain nu attenant, le loyer de 23 680 euros s'appliquant à l'ensemble sans différenciation, ce que confirme le contentieux locatif précité.

En conséquence, la cour retiendra comme surface utile 525 m² qu'elle mettra en perspective avec des valeurs locatives de locaux à usage d'activité, étant de plus observé que tous les termes de comparaison portant sur des terrains à vocation industrielle (2 offres de location proposées par l'EPFIF, annonces proposées par la SA LOCANOR, tableau IV de ses pièces, et les 6 termes issus d'un site internet proposés avec réserve et prudence par le commissaire du Gouvernement) ne répondent pas aux critères de publications et de références exigées en la matière.

S'agissant des termes de comparaison à retenir en perspective avec des valeurs locatives de locaux à usage de bureaux et stockage, les parties s'accordent sur les trois références proposées par le commissaire du Gouvernement en appel, toutes situées au [Localité 13] ( CG 1, CG 2 et CG 3, à savoir le coût locatif moyen admis par le tribunal, à savoir 128 euros/m²/an.

La cour constate que l'expropriant l'applique à la surface bâtie de 525 m² alors que l'expropriée la rapporte à celle du terrain de 1 606m².

Cependant le commissaire du Gouvernement eu égard «'à la très bonne situation géographique du fonds, à l'adaptabilité des locaux pour le stockage, la livraison de véhicules à louer et des commodités indispensables pour ce type d'activité ( accès à l'autoroute, présence de 2 stations à carburants, route nationale'; aéroport du [Localité 13] à quelques mètres , aéroport de [15] à quelques minutes), considère qu'une valeur locative plus importante peut être retenue, à savoir 150 euros /m²/an'», ce qui au demeurant constitue la valeur la plus haute parmi ses trois références et qui plus est la plus proche en surface (575 m²).

S'appuyant sur l'ensembles des pièces versées aux débats, notamment les plans aériens de situation, les notes de présentation du secteur en pleine transformation et des nombreuses photographies environnementales, la cour adopte également cette valeur locative estimée à 150 euros/m²/an.

Le loyer théorique pour la location d'un local d'activité équivalent duquel la société LOCANOR est évincée s'élève donc à 78 750 euros (150 euros/m² x 525 m²).

La valeur du loyer annuel et actualisé du local d'activité dont la société est locataire est évincée, s'élève à 23 680 euros (l'historique en a été rappelé supra), montant non contesté par les parties et par le commissaire du Gouvernement'; il sera donc retenu pour la détermination de la valeur du droit au bail.

b) le différentiel de loyer (1), d) le coefficient de situation (2) et e) la valeur du droit au bail(3).

Le premier juge a retenu la somme de 23 680 euros HT et HC, montant non contesté ni par les parties ni par le commissaire du Gouvernement, au titre du loyer annuel

1- Le différentiel de loyer': le premier juge l'a estimé à 188 888 euros/an

( 205 568 - 23 680 euros).

2- La détermination du coefficient de situation': Le premier juge l'a fixé à 6,5.

3- La valeur du droit au bail': le premier juge l'a fixée à la somme de 1 182 272 euros

(181 888 x 6,5).

L'EPFIF propose l'alternative suivante'( base 525 m² ou base 1606 m²)':

A titre principal,

1 . Loyer annuel actuel': 23 680 euros'pour 525 m² bâti (45, 10 euros/m²/ an HT et HC terrain inclus);

2.valeur locative marché': 128 euros HT/m²'/an terrain inclus x 525 m² bâti, soit un loyer annuel de 67 200 euros HT et HC';

3. Différentiel': 45 520 euros';

4. Coefficient de situation': 6,5

Valeur droit au bail': 282 880 euros (43 250 x 6,5)';

B titre subsidiaire,

1 Loyer annuel': 23 680 euros pour 1 606 m² - valeur locative': 14, 74 euros /m²/an HT et HC.

2 . Valeur locative marché (terrains à vocation industrielle ) 33 euros /m²'/an x 1 606 m² = 52 998 euros HT et HC.

3. 29 318 euros';

4. Coefficient de situation': 6,5

5. Valeur du droit au bail': 190 567 euros (29 318 euros x 6,5).

La société LOCANOR retient un différentiel de 181 888 euros/an

(205 568 euros de loyer théorique - 23 680 euros de loyer réel).

S'agissant du coefficient de situation, elle considère, à l'instar du commissaire du Gouvernement que celui retenu par le premier juge (6,5) est insuffisant en raison de la très bonne situation du bien, du bail « tous commerces'», de la configuration parfaitement adaptée aux besoins de l'activité, de la notoriété de l'enseigne (Avis)de sa desserte par les transports en commun, de la proximité de l'aéroport et du parc des expositions)': elle demande qu'il soit fixé à 7.

A titre principal, elle entend que la valeur du droit au bail soit fixée à 1 273 213 euros.

A titre subsidiaire, à 1 182 272 euros (confirmation du jugement).

Le commissaire du Gouvernement, propose à titre principal, en tenant compte du bâti':

Surface utile'; 525 m²';

Loyer annuel': 23 680 euros, soit 45 euros du m²';

Valeur locative estimée': 150 euros /m² X 525 m² = 78 750 euros';

Différentiel de loyer': 78 750 euros ' 23 680 = 55 070 euros';

Coefficient de situation (au regard de l'ensemble des éléments positifs supra)': 8

Indemnité principale ': 8 x 55070 euros = 440 560 euros

A titre subsidiaire, en tenant du terrain d'assiette

Surface cadastrale': 1606 m²';

Loyer annuel': 23 680 euros, soit 45 euros /m²

Valeur locative estimée': 35 euros /m² x 1 606 = 56 210 euros';

Différentiel de loyers': 56 210 euros ' 23 680 euros = 35 530 euros

Coefficient de situation':8';

Indemnité principale': 32 530 x 8 = 260 240 euros.

SUR CE,

La cour fait sienne l'analyse juridique de l'expropriant et du commissaire du Gouvernement critiquant le jugement pour avoir déterminé l'indemnité principale en multipliant la valeur locative du bâti par la surface totale du terrain, étant rappelé que le bail susvisé n'opère aucune distinction entre la valeur locative du bâti et celle du terrain nu attenant, le loyer de 23 680 euros s'appliquant à l'ensemble sans différenciation, ce que confirme le contentieux précité.

Dans ces conditions, la cour retiendra comme différentiel de loyers la somme suivante':

78 750 euros - 23 680 euros = 55 070 euros';

Au regard de l'ensemble des nombreux facteurs positifs développés supra, la cour retiendra comme coefficient de situation ': 8.

L'indemnité principale s'élèvera donc à ': 8 x 55 070 euros = 440 560 euros

En conséquence, le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

II Sur les indemnités accessoires

a) L'indemnité de remploi

Le premier juge l'a fixée à 117 007, 20 euros en retenant une tranche de 5% jusqu'à 23 000 euros, puis 10 % sur le surplus, tranches auxquelles adhèrent les parties et le commissaire du Gouvernement.

L'EPFIF procède au même calcul mais sur ses deux bases susvisées.

La société LOCANOR également.

Le commissaire du Gouvernement de même, tant pour son principal que pour son subsidiaire.

SUR CE,

Le montant de l'indemnité de remploi sera calculé de la manière suivante':

5% jusqu'à 23 000 euros': 1 150 euros';

10 % sur le surplus'(440 560 euros - 23 000 euros = 417 560)': 41 756 euros';

Soit au total': 42 906 euros.

Le jugement déféré sera donc également infirmé sur ce point.

b) L'indemnité pour frais de déménagement

Le premier juge a retenu la somme de 3 000 euros, somme forfaitaire proposée par l'EPFIF en l'absence de chiffrage de la société LOCANOR.

L'EPFIF sollicite la confirmation du jugement entrepris.

La société LOCANOR demande 3 000 euros, à titre de provision, l'indemnité correspondante étant déterminée après établissement d'un devis.

Le commissaire du Gouvernement conclut à la confirmation de la décision attaquée.

SUR CE,

Justement appréciée à hauteur de 3 000 euros par le premier juge, cette indemnité -définitive- sera donc confirmée.

c) L'indemnité pour trouble commercial

Le premier juge en l'absence de chiffrage et de communication des bilans et liasses fiscales relatives à l'activité exploitée sur le site par la société LOCANOR l'a rejetée.

L'EPFIF demande la confirmation du jugement déféré.

La société LOCANOR indique que le chiffrage est en cours, car il ne peut être satisfait à la demande des bilans et liasses fiscales propres au site du [Localité 13].

Le commissaire du Gouvernement, faute de chiffres d'affaires relatifs au fonds évincé, propose une indemnité égale à trois mois de loyer'; soit 23 680 x 3/12 = 5 920 euros.

SUR CE,

Il s'est écoulé entre les deux instances plus d'un an et devant la cour l'expropriée ne démontre toujours pas l'existence de ce préjudice.

Cette demande indemnitaire sera rejetée et le jugement attaqué sera confirmé sur ce point, la cour ne pouvant de surcroit statuer ultra petita.

d) L'indemnité pour frais de licenciement

Le premier juge l'a rejetée en l'absence de chiffrage de la demande par la société

LOCANOR et de proposition de l'EPFIF.

L' EPFIF demande la confirmation de la décision attaquée.

La société LOCANOR prend acte des raisons invoquées par l'EPFIF.

Le commissaire du Gouvernement ne se prononce pas sur ce point.

SUR CE,

L'expropriée prenant acte de ces raisons sans la moindre production de documents y afférents, la cour confirmera donc le jugement entrepris.

e) L'indemnité pour frais administratifs divers

Le premier juge l'a fixée forfaitairement à 1 500 euros, offre de l'EPFIF, en l'absence de de production de justificatif par la société LOCANOR.

L'EPFIF sollicite la confirmation sur ce point également.

La société LOCANOR constate qu'il est proposé une indemnité provisionnelle de

1500 euros.

Le commissaire du Gouvernement conclut à la confirmation du jugement entrepris.

Cette demande indemnitaire, définitive, ayant été justement appréciée par la juridiction de première instance, sera confirmée.

III Sur l'indemnité totale d'éviction

Elle est égale à'487 966 euros, décomposée comme suit':

440 560 euros, à titre d'indemnité principale';

42 906 euros, à titre d'indemnité de remploi';

3 000 euros, à titre de frais de déménagement';

1 500 euros, à titre d'indemnité ^pour frais administratifs divers.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

IV. Sur les dépens

L'EPFIF a été condamné aux dépens de première instance conformément aux dispositions de l'article L 312-1 du code de l'expropriation.

La société LOCANOR demande de condamner l'EPFIF aux entiers dépens.

En appel, au regard de la solution du litige, chacun conservera la charge de ses dépens.

***

PAR CES MOTIFS'

LA COUR,

Statuant publiquement par arrêt contradictoire, par mise à disposition, et en dernier ressort,

Statuant dans la limite des appels,

Déclare recevables les conclusions des parties et du commissaire du Gouvernement ;

Infirme le jugement entrepris sur les indemnités principale et de remploi';

Le confirme pour le surplus';

Fixe en conséquence à 487 966 euros, l'indemnité totale d'éviction due par l'EPFIF à la société LOCANOR dans le cadre de l'opération d'expropriation des locaux d'activité situés sur les parcelles cadastrées section A n°[Cadastre 3] sise [Adresse 16] et section B n°[Cadastre 9] sise [Adresse 12] sur la commune du [Localité 13] (93), se décomposant comme suit':

440 560 euros, à titre d'indemnité principale';

42 906 euros, à titre d'indemnité de remploi';

3 000 euros, à titre de frais de déménagement';

1 500 euros, à titre d'indemnité pour frais administratifs divers';

Dit que chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens exposés en cause d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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