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Cass. 3e civ., 6 novembre 2025, n° 23-21.442

COUR DE CASSATION

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Rejet

Cass. 3e civ. n° 23-21.442

5 novembre 2025

CIV. 3

CL

COUR DE CASSATION
______________________

Arrêt du 6 novembre 2025

Rejet

Mme TEILLER, présidente

Arrêt n° 516 FS-B

Pourvoi n° H 23-21.442

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 NOVEMBRE 2025

La société [Localité 7] immobilier, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° H 23-21.442 contre l'arrêt rendu le 11 juillet 2023 par la cour d'appel de Reims (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [D] [M],

2°/ à Mme [C] [Y], épouse [M],

tous deux domiciliés [Adresse 9] (Suisse),

3°/ à M. [I] [M], domicilié [Adresse 6] (Suisse)

4°/ à Mme [U] [O], notaire associée de la société à responsabilité limitée Elite notaire, domiciliée [Adresse 1],

5°/ à la société Elite notaire, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],

6°/ à la société Delépine, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2], chez M. et Mme [P] [V], [Localité 5],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Aldigé, conseillère référendaire, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de la société [Localité 7] immobilier, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de MM. [D] et [I] [M], Mme [C] [M], Mme [O] et de la société Elite notaire, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Delépine, et l'avis de Mme Compagnie, avocate générale, après débats en l'audience publique du 16 septembre 2025 où étaient présents Mme Teiller, présidente, Mme Aldigé, conseillère référendaire rapporteure, Mme Proust, conseillère doyenne, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, Mmes Pic, Oppelt, conseillers, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, et Mme Maréville, greffière de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des présidente et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 11 juillet 2023), par acte notarié du 12 novembre 2019, dressé par Mme [O], notaire associée au sein de la société Elite notaire, la société civile immobilière Delépine (la SCI) a acquis les lots n° 1, 21, 51, 52, 53 et 54, appartenant indivisément à MM. [D] et [I] [M] et Mme [C] [M] (les consorts [M]), ainsi que les lots n° 41, 55 et 56 appartenant à Mme [C] [M].

2. Les lots n° 21, 51, 52, 53 et 54 étaient donnés à bail commercial à la société [Localité 7] immobilier (la locataire) et les lots n° 41, 55 et 56 étaient donnés à bail commercial à une autre société.

3. La locataire, se prévalant de l'article L. 145-46-1 du code de commerce, a assigné les consorts [M], la SCI, le notaire et la société notariale, en annulation de la vente et en condamnation à paiement de dommages-intérêts.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La locataire fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en annulation de la vente des lots n° 1, 21, 51, 52, 53 et 54 et des tantièmes de parties communes conclue le 12 novembre 2019 entre les consorts [M] et la SCI, alors :

« 1°/ que le droit de préemption au bénéfice du locataire commercial prévu par les dispositions d'ordre public de l'article L. 145-46-1 du code de commerce doit trouver application toutes les fois que le propriétaire d'un local commercial ou artisanal envisage de le vendre ; qu'une exception à l'exercice de ce droit ce droit de préemption est seulement prévue en cas de cession unique de locaux commerciaux distincts ; qu'en l'espèce, pour débouter la société [Localité 7] immobilier de sa demande d'annulation de la vente des lots n° 1, 21, 51, 52, 53 et 54 de l'immeuble en copropriété situé [Adresse 3] à [Localité 8] au profit de la SCI Delépine, la cour d'appel a relevé que l'acte reçu le 12 novembre 2019 par Me [O] contenait une vente en deux articles : le premier article correspondant aux lots n° 1, 21, 51, 52, 53 et 54, loués à la société [Localité 7] immobilier, appartenant à M. [D] [M] pour moitié indivise en usufruit, à M. [I] [M] pour moitié indivise en nue-propriété et à Mme [C] [M] pour moitié indivise en pleine propriété et le second article portant sur les lots n° 41, 55 et 56 loués à Sarl « Venteoulocation.com » appartenant à Mme [M], pour la totalité et en pleine propriété, pour en déduire qu'il s'agissait d'une cession unique de locaux commerciaux distincts, faisant valablement exception au droit de préemption du locataire commercial ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que les locaux distincts vendus n'avaient pas les mêmes propriétaires - le propriétaire du lot n° 1 étant l'indivision [M] et le propriétaire du lot n° 2 étant Mme [C] [M] seule - et qu'il ne pouvait donc s'agir d'une cession unique de locaux commerciaux distincts faisant valablement échec au droit de préemption du locataire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 145-46-1 du code de commerce ;

2°/ que la fraude corrompt tout ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme l'y invitait pourtant la société [Localité 7] immobilier dans ses conclusions d'appel si la vente litigieuse n'avait pas été réalisée en vue de faire échec au droit de préemption légal et d'ordre public dont elle disposait dès lors que l'instrumentum unique était purement artificiel en l'absence d'identité des propriétaires vendeurs et n'avait été mis en place que pour tenter de bénéficier de l'exception prévue par L. 145-46-1 du code commerce afin de contourner son droit de préemption, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 145-46-1 et du principe fraus omnia corrumpit. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article L. 145-46-1, alinéa 1er, du code de commerce, lorsque le propriétaire d'un local à usage commercial ou artisanal envisage de vendre celui-ci, il en informe le locataire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ou remise en main propre contre récépissé ou émargement, cette notification valant offre de vente au preneur.

6. Selon le dernier alinéa du même texte, ces dispositions ne sont applicables ni à la cession globale d'un immeuble comprenant des locaux commerciaux ni à la cession unique de locaux commerciaux distincts.

7. Ne constitue pas une cession unique au sens de ce texte la cession par un acte de vente unique des locaux donnés à bail commercial et d'autres locaux appartenant respectivement à des propriétaires distincts. C'est donc à tort que la cour d'appel a retenu que la locataire n'était pas fondée à contester l'existence d'une cession unique au motif que les locaux n'appartenaient pas à un seul propriétaire.

8. Pour autant, l'arrêt n'encourt pas la censure dès lors que la cour d'appel a constaté que la vente par les consorts [M] n'avait pas porté seulement sur les lots n° 21, 51, 52, 53 et 54 mais également sur le lot n° 1 qui n'avait pas été donné à bail à la société [Localité 7] immobilier.

9. En effet, il est jugé que le locataire à bail commercial ne bénéficie pas d'un droit de préférence lorsque le local pris à bail ne constitue qu'une partie de l'immeuble vendu (3e Civ., 19 juin 2025, pourvoi n° 23-17.604, publié ; 3e Civ., 19 juin 2025, pourvoi n° 23-19.292, publié).

10. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société [Localité 7] immobilier aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le six novembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

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