CA Paris, Pôle 5 - ch. 5, 23 octobre 2025, n° 21/16771
PARIS
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRAN'AISE
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 5
ARRÊT DU 23 OCTOBRE 2025
(n° 200, 15 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 21/16771 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEL47
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Septembre 2021 - Tribunal de Commerce de Paris,1ère chambre - RG n° 2017034811
APPELANTE
Société QATAR INVESTMENTAND PROJECTS DEVELOPMENT HOLDING CO W.L.L. (QIPCO), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège
immatriculée auprès du département des licences commerciales
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Véronique de la Taille de la Selarl Recamier Avocats Associes, avocat au barreau de Paris, toque : K0148
Assistée de Me Yohanna Thillaye et Céline Gamblin, toutes deux de la LLP Pinsent Masons France, avocats au barreau de Paris, toque : R020
INTIMÉE
S.A. KRAEMER ET CIE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
immatriculée au R.C.S. de Paris sous le numéro 582 060 596
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Virginie Domain, avocat au barreau de Paris, toque : C2440
Assistée de Me Mauricia Courrégé du cabinet Courrégé Foreman, avocat au barreau de Paris, toque : C2616
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 26 Juin 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
- Mme Nathalie Renard, présidente de la chambre 5-5
- Mme Marilyn Ranoux-Julien, conseillère
- Mme Marie-Annick Prigent, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Nathalie Renard dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : M. Maxime Martinez
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Nathalie Renard, présidente de la chambre 5-5 et par Wendy PANG FOU, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire, présent lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DU LITIGE
Lors d'un salon d'art tenu à [Localité 10] entre les 14 et 23 septembre 2012, la société Kraemer et Cie (la société Kraemer), qui exerce une activité de commerce de mobiliers et objets d'art, a vendu à la société Qatar Investment and Project Development Holding Co W.L.L. (QIPCO), qui collectionne des mobiliers et objets d'art du XVIIIème siècle, un vase et un miroir aux prix respectifs de 2 800 000 euros et 100 000 euros. Les factures de ces objets indiquaient « époque du XVIIIème siècle ».
Le 1er juin 2016, la société QIPCO a fait analyser les deux objets pour vérifier leur datation. L'expert consulté a conclu, le 10 octobre 2016, qu'il était « peu probable » que les deux objets datent effectivement du XVIIIème siècle.
La société Kraemer a missionné un autre expert, qui a conclu, le 2 juin 2017, après examen réalisé sur photographies, à l'authenticité des objets.
Par jugement du 22 juillet 2016, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de sauvegarde concernant la société Kraemer.
Les 12 octobre 2016 et 27 novembre 2016, la société QIPCO a déclaré au passif de la société Kraemer une créance d'un montant de 2 900 000 euros.
Par acte du 14 juin 2017, la société QIPCO a assigné la société Kraemer devant le tribunal de commerce de Paris en nullité des ventes et restitution des prix.
Par ordonnances du 15 juin 2017, le juge-commissaire a sursis à statuer sur l'admission des créances, dans l'attente d'une décision au fond sur ce litige.
Par jugement du 5 octobre 2017, le tribunal de commerce de Paris a arrêté un plan de sauvegarde concernant la société Kraemer.
Le 6 août 2019, la société QIPCO a déposé une plainte pénale auprès du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris pour délits de tromperie, faux et usage de faux.
Par jugement du 14 septembre 2021, le tribunal de commerce de Paris a :
- Dit la société QIPCO recevable à agir en nullité de la vente par la société Kraemer du vase Céladon et du miroir à l'automne 2012 ;
- Débouté la société QIPCO de sa demande de désignation d'un expert judiciaire ;
- Écarté des débats les rapports de M. [B] et du laboratoire CEZA produits par la société QIPCO ;
- Débouté la société QIPCO de sa demande de nullité de la vente par la société Kraemer en septembre 2012 du vase en porcelaine de céladon, orné de bronzes ciselés et dorés d'époque XVIIIème siècle ;
- Débouté la société QIPCO de sa demande de nullité de la vente du miroir par la société Kraemer en septembre 2012 ;
- Débouté la société QIPCO de sa demande de dommages et intérêts pour faute délictuelle ;
- Condamné la société QIPCO a' payer la société Kraemer la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné la société QIPCO aux entiers dépens.
Par déclaration du 22 septembre 2021, la société QIPCO a interjeté appel de ce jugement en visant tous ses chefs de dispositif.
Par ordonnance du 7 avril 2022, le conseiller de la mise en état a :
- Ordonné un sursis à statuer jusqu'au dépôt du rapport définitif de l'expert commis par le juge d'instruction du tribunal judiciaire de Paris par ordonnance du 9 décembre 2021 ;
- Condamné la société Kraemer à payer à la société QIPCO la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'incident.
Le rapport d'expertise judiciaire pénale a été adressé le 5 décembre 2022.
Par ses dernières conclusions notifiées le 4 juin 2025, la société QIPCO demande, au visa des articles 1110 et suivants anciens du code civil, 1382 ancien du code civil, du décret du 3 mars 1981 sur la répression des fraudes en matière de transactions d''uvres d'art et d'objets de collection, des articles 232 et suivants et 263 du code de procédure civile et suivants, de :
- Déclarer parfaitement recevables les demandes de la société QIPCO à l'encontre de la société Kraemer ;
- Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 14 septembre 2021 en ce qu'il a :
* Débouté la société QIPCO de sa demande de désignation d'un expert judiciaire ;
* Écarté des débats les rapports de M. [B] et du laboratoire CEZA produits par la société QIPCO ;
* Débouté la société QIPCO de sa demande de nullité de la vente du vase ;
* Débouté la société QIPCO de sa demande de nullité de la vente du miroir ;
* Débouté la société QIPCO de sa demande de dommages et intérêts pour faute délictuelle ;
* Condamne' la société QIPCO a' payer la société Kraemer la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
* Condamne' la société QIPCO aux entiers dépens ;
Statuant à nouveau,
À titre principal,
Concernant le miroir,
- Nommer un expert judiciaire spécialisé en mobilier XVIIIème siècle et lui confier la mission suivante :
* Examiner le miroir en bronze ciselé acquis par la société QIPCO lors de la Biennale des Antiquaires qui s'est tenue du 14 au 23 septembre 2012 ;
* Se faire remettre et examiner :
le rapport analytique du laboratoire CARAA s'agissant du miroir, réalisé par M. [P] en date du 1er juin 2016 ;
les analyses scientifiques et stylistiques réalisées par M. [G] les 10 octobre 2016, 20 octobre 2016, 27 décembre 2019 et 7 novembre 2020 ;
l'avis de M. [D] du 26 février 2021 ;
le rapport d'expertise de M. [D] ;
les analyses effectuées par le MSMAP ;
le rapport de synthèse de MM. [D] et [G] de février 2022 ;
plus généralement tous documents et pièces nécessaires a' l'accomplissement de sa mission ;
* Déterminer, par une étude de la provenance et une analyse stylistique si des doutes réels et sérieux entachent le rattachement du miroir au XVIIIème siècle ;
* Donner son avis, en recourant au besoin à toute analyse utile ou recours à un sapiteur, sur la provenance, l'origine et l'ancienneté du miroir vendu à la société QIPCO en précisant tous doutes réels et sérieux pouvant exister sur sa datation au XVIIIème siècle ;
* Déterminer la valeur du miroir en se référant, si possible aux ventes publiques d''uvres de même nature ;
* Donner tous éléments lui paraissant utiles dans le cadre du présent litige ;
* Entendre les parties et répondre à leurs dires éventuels sur l'objet de sa mission ;
* Du tout déposer un rapport et conclure quant aux doutes réels et sérieux affectant l'authenticité du miroir ;
- Sursoir à statuer jusqu'au dépôt du rapport de l'expertise qui sera ordonnée sur la nullité de la vente conclue entre les sociétés QIPCO et Kraemer en ce qui concerne le « miroir en bronze ciselé doré et argent » attribué sans aucune réserve à « l'Époque du XVIIIème siècle » par la société Kraemer ;
Concernant le vase,
- Prononcer la nullité de la vente conclue entre les sociétés QIPCO et Kraemer en ce qui concerne le « vase en Céladon, orne' de bronzes ciselés et dorés » attribue' sans aucune réserve a' « l'Epoque du XVIIIème siècle » par la société' Kraemer ;
- En conséquence, ordonner la restitution par la société Kraemer du prix de vente du « vase en Céladon, orné de bronze ciselés et dorés » d'un montant de 2 800 000 euros à la société QIPCO produisant intérêts au taux légal à compter du jugement ;
À titre subsidiaire concernant le vase,
- Nommer un expert judiciaire spécialisé en mobilier du XVIIIème siècle et lui confier la mission suivante :
* Se faire remettre et examiner :
le rapport n°51030 du C2RMF datant du 9 juin 2022 ;
le rapport analytique du laboratoire CARAA s'agissant du vase, réalisé par M. [P] du 1er juin 2016 ;
les analyses scientifiques et stylistiques réalisées par M. [G] les 10 octobre 2016, 20 octobre 2016, 27 décembre 2019 et 7 novembre 2020 ;
l'avis de M. [D] en date du 26 février 2021 ;
le rapport d'expertise de M. [D] ;
les analyses effectuées par le MSMAP ;
le rapport de synthèse de M. [D] et [G] de février 2022 ;
plus généralement tous documents et pièces nécessaires à l'accomplissement de sa mission;
* Déterminer par une étude de la provenance et une analyse stylistique si des doutes réels et sérieux entachent le rattachement du vase en céladon au XVIIIème siècle ;
* Déterminer par une étude des spécificités techniques des productions anglaises du XIXème siècle, si le vase en porcelaine de céladon peut être authentifié comme une production XIXème ;
* Donner son avis, en recourant au besoin à toute analyse utile ou recours à un sapiteur, sur la provenance, l'origine et l'ancienneté du « miroir » vendu à la société QIPCO en précisant tous doutes réels et sérieux pouvant exister sur sa datation au XVIIIème siècle ;
* Déterminer la valeur du « miroir » en se référant, si possible aux ventes publiques d''uvres de même nature ;
* Donner tous éléments lui paraissant utiles dans le cadre du présent litige ;
* Entendre les parties et répondre à leurs dires éventuels sur l'objet de sa mission ;
* Du tout déposer un rapport et conclure quant aux doutes réels et sérieux affectant l'authenticité du « miroir » ;
En tout état de cause,
- Condamner la société Kraemer à payer la somme de 50 000 euros, sauf à parfaire, à la société QIPCO au titre de dommages et intérêts pour non-respect de son obligation de moyens renforcée quant à la détermination de l'authenticité des 'uvres ;
- Condamner la société Kraemer à payer la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société Kraemer aux entiers dépens.
Par ses dernières conclusions notifiées le 12 juin 2025, la société Kraemer demande, au visa des articles 6 §1 de la convention européenne des droits de l'homme, 9 et 16 du code de procédure civile, L. 622-17, L. 622-21 et L. 622-22 du code de commerce, et 1110 et suivants anciens du code civil, de :
- Dire et juger irrecevables les demandes de restitution du prix de vente de 2 800 000 euros pour le vase en céladon et de 100 000 euros pour le miroir rectangulaire et les demandes de condamnation pécuniaires ;
En toute hypothèse,
- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société QIPCO de l'ensemble de ses demandes ;
- La condamner à payer à la société Kraemer au titre de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 50 000 euros au titre de la procédure devant la cour s'ajoutant à celle de 50 000 euros au titre de la procédure devant le tribunal ;
- La condamner en tous les dépens tant de première instance que d'appel.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 26 juin 2025.
La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la recevabilité des demandes de la société QIPCO
La société Kraemer soulève l'irrecevabilité de la demande en restitution du prix et de la demande indemnitaire de la société QIPCO en vertu du principe d'interdiction des poursuites visé par l'article L. 622-21 du code de commerce. Elle ajoute que la société QIPCO n'a pas déclaré de créance indemnitaire qui est dès lors inopposable à la procédure collective.
La société QIPCO fait valoir que le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde a cessé de produire son effet interruptif depuis l'adoption du plan de sauvegarde, que la cause d'irrecevabilité a disparu au sens de l'article 126 du code de procédure civile, que sa créance est une créance de droit commun non soumise à la discipline collective, en ce que la créance de restitution, née d'un jugement de condamnation postérieur à l'adoption du plan de redressement, est une créance qui n'est pas antérieure et que la date de naissance de la créance indemnitaire est postérieure à l'ouverture de la procédure de sauvegarde.
L'article L. 622-21 du code de commerce, dans sa version antérieure à l'ordonnance n°2021-1193 du 15 septembre 2021, dispose :
« I.- Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :
1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;
2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
II.- Il arrête ou interdit également toute procédure d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture.
III.- Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence interrompus. »
Le principe de l'arrêt des poursuites est applicable à la procédure de sauvegarde.
Il empêche que le créancier d'un débiteur bénéficiant d'une procédure collective puisse le poursuivre en paiement de sommes d'argent, sauf si la créance est née régulièrement après l'ouverture de la procédure collective, pour les besoins du déroulement de celle-ci ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période.
Il est de jurisprudence constante que la créance de restitution née de l'annulation d'un contrat passé avant le jugement d'ouverture constitue une créance postérieure si l'annulation intervient après le jugement d'ouverture (Com. 5 décembre 1995, n° 93-21.172, Bull. n° 283 ; Com., 20 juin 2000, pourvoi n 97-11.422, Bull. n 129 ; Com. 12 octobre 2004, pourvoi n° 00-13.348 ; Civ. 3 , 28 mars 2007, pourvoi n° 05-21.679, Bull. 2007 n° 46).
Aux termes de l'article L. 622-22, alinéa 1, du code de commerce, « sous réserve des dispositions de l'article L. 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant. »
Il résulte des articles L. 622-7 et L. 622-17 du code de commerce que les créances nouvelles, nées après l'arrêté d'un plan de redressement du débiteur remis à la tête de ses biens, sont soumises au droit commun.
Par jugement du 22 juillet 2016, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de sauvegarde concernant la société Kraemer.
Les 12 octobre 2016 et 27 novembre 2016, la société QIPCO a déclaré au passif de la société Kraemer une créance d'un montant de 2 900 000 euros.
Par acte du 14 juin 2017, la société QIPCO a assigné la société Kraemer devant le tribunal de commerce de Paris en nullité des ventes.
Par ordonnances du 15 juin 2017, le juge-commissaire a sursis à statuer sur l'admission des créances, dans l'attente d'une décision au fond sur ce litige.
Par jugement du 5 octobre 2017, le tribunal de commerce de Paris a arrêté un plan de sauvegarde concernant la société Kraemer.
L'action en nullité des ventes des deux objets a été engagée postérieurement à l'ouverture de la procédure de sauvegarde.
La recevabilité de cette action, qui n'est pas visée par le principe de l'interdiction des poursuites posée par l'article L. 622-21 du code de commerce, n'est pas contestée.
La créance invoquée de restitution du prix, qui naît de l'annulation d'un contrat de vente passé avant le jugement d'ouverture, constitue une créance postérieure en ce que l'annulation est demandée après le jugement d'ouverture.
Les demandes en restitution du prix des ventes sont dès lors recevables.
La société QIPCO sollicite le paiement d'une somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de moyens renforcée relative à la détermination de l'authenticité des 'uvres.
Cette créance indemnitaire alléguée par la société QIPCO est fondée sur une faute délictuelle commise antérieurement à la vente des objets, constituée d'un manquement au devoir d'information par la dissimulation des altérations subies par le vase litigieux, donc née antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde.
Elle n'a pas fait l'objet d'une déclaration.
Il est en outre relevé que la décision arrêtant le plan de sauvegarde ne met pas fin à la suspension des poursuites individuelles.
Contrairement à ce que soutient la société QIPCO, cette créance n'est pas une créance de droit commun.
En conséquence, la demande de la société QIPCO en paiement de la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts est irrecevable.
Sur les rapports d'expertise
La société QIPCO considère que les motifs du tribunal pour écarter les expertises produites sont injustifiés en ce que M. [D] est reconnu par ses pairs, notamment par le Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France (C2RMF), et est inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel de Rennes. Elle fait valoir qu'il n'existe aucune contradiction entre les trois rapports qui concluent tous à l'existence de doutes, ce que confirme le C2RMF. Elle ajoute que le rapport du CEZA (laboratoire allemand) a été établi selon une technique scientifiquement rigoureuse (datation au plomb 210).
Elle relève que M. [F], expert mandaté par la société Kraemer, a réalisé une expertise sur la base de photographies uniquement, datées de l'époque de l'acquisition des objets par la société Kraemer (2007).
Elle prétend que les expertises qu'elle produit dressent une analyse stylistique et scientifique des objets, permettant d'apprécier l'authenticité des objets d'art, et de conclure à la présence de doutes sérieux quant à l'authenticité des objets litigieux, ce qui suffit à annuler la vente.
La société Kraemer fait valoir que les rapports de MM. [G], [D] et [H] se contredisent et sont contredits par le rapport du C2RMF, qui n'apporte aucun élément nouveau.
Les rapports de M. [B] et du laboratoire CEZA ayant été produits contradictoirement aux débats par la société QIPCO, il n'y a pas lieu de les écarter des débats.
Leur force probante sera appréciée souverainement par la cour.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur la nullité de la vente
La société QIPCI prétend que l'existence de doutes sur l'authenticité des objets est suffisante pour annuler les ventes sur le fondement de l'erreur.
La société Kraemer contexte l'existence sérieuse de doutes et s'oppose à l'annulation des ventes.
Aux termes de l'article 1109 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, « il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol. »
L'article 1110 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, dispose :
« L'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet.
Elle n'est point une cause de nullité lorsqu'elle ne tombe que sur la personne avec laquelle on a intention de contracter, à moins que la considération de cette personne ne soit la cause principale de la convention. »
L'article 1 du décret n° 81-255 du 3 mars 1981 sur la répression des fraudes en matière de transactions d''uvres d'art et d'objets de collection énonce :
« Les vendeurs habituels ou occasionnels d''uvres d'art ou d'objets de collection ou leurs mandataires, ainsi que les officiers publics ou ministériels et les personnes habilitées procédant à une vente publique aux enchères doivent, si l'acquéreur le demande, lui délivrer une facture, quittance, bordereau de vente ou extrait du procès-verbal de la vente publique contenant les spécifications qu'ils auront avancées quant à la nature, la composition, l'origine et l'ancienneté de la chose vendue. »
L'article suivant précise :
« La dénomination d'une 'uvre ou d'un objet, lorsqu'elle est uniquement et immédiatement suivie de la référence à une période historique, un siècle ou une époque, garantit l'acheteur que cette 'uvre ou objet a été effectivement produit au cours de la période de référence.
Lorsqu'une ou plusieurs parties de l''uvre ou objet sont de fabrication postérieure, l'acquéreur doit en être informé. »
Il n'y a point de consentement valable si celui-ci n'a été donné que par erreur.
L'authenticité d'une 'uvre d'art constitue une qualité substantielle de la chose lorsque cette 'uvre a été vendue en fonction de cette authenticité et présentée comme telle à l'acheteur.
En l'espèce, il n'est pas contesté que la société QIPCO collectionne des mobiliers et objets d'art du XVIIIème siècle et que les factures de vente du vase et du miroir litigieux indiquaient que ces objets étaient d'« époque du XVIIIème siècle ».
Il n'est pas non plus contesté que l'authenticité de ces objets, comme étant d'époque du XVIIIème siècle, constituait une qualité substantielle pour la société QIPCO, qui a contracté dans la conviction que les objets avaient été effectivement produits au cours du XVIIIème siècle.
Concernant le vase
Il résulte du procès-verbal du 9 novembre 2020 établi par l'Office central de lutte contre le trafic des biens culturels en exécution de la commission rogatoire délivrée le 8 janvier 2018 par le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Paris, et des pièces annexées, que le vase a été acheté le 14 décembre 2007 par un antiquaire pour une somme de 15 000 euros en tant que « grand vase monté bronze », puis revendu quelques jours après à un autre antiquaire pour la somme de 25 000 euros, et le 17 décembre 2007 à un autre antiquaire au prix de 50 000 euros.
Le vase pourrait être arrivé sur le sol français en 2007 en provenance du Brésil.
Fin janvier 2008, il a été acheté comme étant « un vase en porcelaine orné de bronze doré XVIIIème siècle » au prix de 130 000 euros, puis vendu à la société Kraemer sous la description « un vase en porcelaine orné de bronzes ciselés et dorés. Epoque du XVIIIème siècle » pour un montant de 180 000 euros.
La société Kraemer a vendu ce « vase en porcelaine de Céladon orné de bronzes ciselés et dorés. Epoque du XVIIIème siècle », en septembre 2012 à la société QIPCO au prix de 2 800 000 euros.
La traçabilité du vase avant le 14 décembre 2007 n'a pas pu être établie.
La société Kraemer a confié à la société Silv'or des travaux de « relavage, retouches dorure mercure, brunissage et patine » sur « un vase XVIII », ainsi qu'il résulte d'une facture du 28 février 2008.
Par lettre du 18 février 2020, la société Silv'or a précisé que « les bronzes de ce vase ont été relavés, qu'il s'agit d'une dorure au mercure et non à l'électrolyse », que « concernant l'arrière des bronzes, il ne s'agit pas d'une dorure, mais du bronze désoxydé qui effectivement ressemble à la couleur dorée, et que « les rosés (rouquins) observés sont caractéristiques d'une dorure ancienne au mercure. ». Elle a affirmé « ne pas avoir effectué d'usures mécaniques ni utilisé d'acide comme la tourmaline » et que « le doreur qui a effectué les retouches a fait en sorte de conserver autant que possible les usures naturelles et anciennes ».
Par lettre du 20 novembre 2020, la société Silv'or a ajouté que « les retouches de dorure effectuées représentaient moins de 30 % et n'ont pas servi à camoufler une reciselure des bronzes ».
Chacune des parties produisent des rapports d'expertise, avis et notes, dont les conclusions divergent.
Ces écrits émanent de professionnels reconnus dans leurs domaines respectifs et ayant en commun des compétences certaines en ce qui concerne les objets du XVIIIème siècle.
M. [G] est expert à la Chambre nationale des experts spécialisés, spécialiste en mobilier et objets d'art de 1650 à 1820.
Aux termes de son étude du 10 octobre 2016, de son analyse complémentaire du 27 décembre 2019, et de sa note complémentaire du 7 novembre 2020, M. [G] a conclu que la monture en bronze du vase était « une production du XIXème siècle, ayant subi après 2007 des altérations irréversibles pour l'intégrité de l''uvre ».
Il a retenu qu'il y avait eu « manifestement une volonté de vieillir les patines intérieures des bronzes, pour faire croire à une dorure plus ancienne », que le taux de pourcentage de plomb dans les bronzes était très élevé, que les traces de « buchages sur l'anse » n'avaient pas d'autres explications que celles d'une marque effacée, que la monture en bronze avait bien subi d'importantes interventions depuis 2007, et qu'une redorure des bronzes avait été réalisée après 2007.
M. [D] a participé à un programme de recherche du musée du [7] l'ayant conduit à analyser et expertiser des ornements de bronze pour en déterminer les caractéristiques techniques, la datation, l'évolution, et en particulier celles des dorures, ainsi qu'il résulte d'un écrit du 21 octobre 2021 de M. [L], conservateur en chef du Musée du [7].
Il dispense des formations techniques et pratiques dans les domaines de l'horlogerie et de la dorure du bronze au sein de l'Institut [8], selon une attestation de Mme [R] du 25 novembre 2021.
Il est inscrit sur la liste probatoire des experts de la cour d'appel de Rennes dans les rubriques d'objets d'art et de collection, de bijouterie, joaillerie, horlogerie, orfèvrerie, et de ferronnerie et bronzeries.
Aux termes de son rapport du 26 février 2021, M. [D], après avoir examiné la monture en bronze du vase, sa dorure, les vis de fixation, les pièces de fonderie, et détaillé la collerette, les anses, les têtes, le bol, le socle et les pampres de vigne, a conclu que le vase était « probablement une production réalisée entre 1820 et 1840 dans le style Louis XVI », qu'il était « peu probable de le rattacher aux productions dites « d'époque XVIIIème », mais plutôt de « style Louis XVI », que cette pièce avait « été intégralement redorée », et « qu'un vieillissement artificiel sous forme de patines et d'oxydations donnerait l'illusion de l'ancien à une personne non expérimentée », tout en ajoutant que son avis appelait « des études complémentaires plus poussées ».
Après avoir procédé à des analyses scientifiques complémentaires, M. [D] a établi en mars 2021 un dossier d'expertise de la monture en bronze doré du vase. Au regard notamment de la « patine d'oxydation visant à vieillir artificiellement les revers », des « techniques de dorure » qui « ne sont pas réellement concordantes avec celles du XVIIIème siècle », de « la technique de mise en couleur de l'or' incohérente avec la pratique du XVIIIème siècle » et correspondant « à une patine d'imitation récente », de l'examen de la dorure et de la monture du bronze, M. [D] a conclu que l'ensemble ne pouvait pas être rattaché « à une quelconque production de l'époque de Louis XVI ». Retenant « la redorure complète, les réparations des motifs, les usures et les patines artificielles, la dissimulation de parties d'assemblage, la présence de filetages tous concordants avec la jauge Whitworth, l'appartenance de certaines parties de la fonte à une coulée datant du XXème siècle », il a proposé la qualification de « Tabouret de céladon monté en bronze de style « revival » britannique, réparations et redorure. Epoque XXème siècle ».
Aux termes de leur rapport de synthèse établi en février 2022, MM. [D] et [G] ont émis des doutes sérieux quant à une qualification de l''uvre comme « époque du XVIIIème siècle ».
Ils ont retenu la teneur en plomb anormalement élevée, telle que constatée par les laboratoires CARAA et MSMAP, la présence du radioélément « Polonium 210 », l'existence d'une patine colorée artificielle, les fixations et la visserie du vase ayant subi de nombreuses modifications, la re-dorure de la monture et la re-ciselure d'éléments, la disparition d'un numéro 345 apparaissant sur des photographies prises en 2007, outre le processus de création, de conception et de montage.
L'étude de M. [A], expert en mobilier et objets d'art et membre de la Chambre nationale des experts spécialisés, annexée à ce rapport, a conclu que le vase apparaissait « comme un objet, dont on ne retrouve aucune trace dans les anciennes collections, ni les ventes aux enchères des collections des XVIIIème et XIXème siècle », précisant que « le seul élément intéressant identifié est le céladon Qing XIXe siècle de la vente Sotheby's 2015 », que « les objets du XVIIIème ne correspondent pas aux caractéristiques stylistiques du céladon monté acheté par QIPCO » et qu'à « ce jour, les recherches menées aussi dans les créations des maisons du XIXe siècle », n'ont « pas permis de trouver de répliques ou de copies de ce vase comme il est de coutume pour les chefs d''uvre du XVIIIème siècle. »
M. [H] est bronzier d'art et restaurateur d''uvres métalliques.
Aux termes de son rapport d'expertise rédigé en mars 2021, il a conclu que, « bien que l'analyse stylistique et l'observation des techniques de ciselure et de fonderie ne nous permettent pas de confirmer une période de production du « Vase », il nous semble que sa monture, les ornements et leurs volumes, l'aboutissement de sa ciselure ainsi que son dessin et son expressivité générale ne correspondent pas aux critères qualitatifs d'une production française haut de gamme et raffinée de la période de la fin du XVIIIème siècle.
L'ensemble des constats relatifs à l'état des surfaces, de la dorure, à la monture du « Vase » ainsi qu'aux restaurations visibles, nous amène à penser que celui-ci a subi au cours de son existence une ou plusieurs restaurations très invasives. »
Il a considéré que si « l'ensemble des éléments en bronze du « Vase » sont d'une très belle facture », il ne pouvait affirmer que « ces éléments en bronze ciselés ont été réalisés à la fin du XVIIIème siècle en France », précisant qu'il était « tout à fait envisageable qu'ils aient été produits plus tardivement au XIXème siècle en France, ou en Europe, en Angleterre notamment. »
A l'inverse, M. [F], missionné par la société Kraemer, a aux termes de plusieurs avis, affirmé l'authenticité du vase comme étant d'époque du XVIIIème siècle.
M. [F] est expert en objet d'art auprès de la Cour de cassation, de la cour d'appel de Paris et des cours administratives d'appel de Paris et de Versailles.
Dans son rapport d'expertise non judiciaire du 2 juin 2017, M. [F] a estimé « qu'en l'état actuel de ses investigations aucun fait ou indice ne permet de rattacher au XIXe siècle le décor ornemental du vase, objet de son étude. En revanche, la production du vase au cours des 20 dernières années du XVIIIème siècle, apparait vraisemblable et devrait logiquement être con'rmée par une analyse de I 'objet lui-même. »
Dans une note du 24 février 2020 « en réponse à l'analyse complémentaire d'un vase monté en céladon et bronze doré rédigée par M. [G] le 27 décembre 2019 », M. [F] a affirmé :
« Nous avons démontré que tous les arguments avancés par le demandeur pour disqualifier l'authenticité de ce grand vase en céladon et bronze doré, sont erronés.
Ce vase de la collection QIPCO est bien du XVIIIème siècle, circa 1780. La qualité du céladon, de sa monture ornementale en bronze doré et de ses dimensions, en font effectivement un objet exceptionnel. »
M. [F], n'ayant pas eu accès au vase litigieux, a précisé que son rapport de 2017 était basé « sur l'étude des deux rapports produits dans le cadre de la procédure de sauvegarde et des photographies réalisées par la galerie Kraemer lors de l'acquisition du vase avant tout démontage et nettoyage », et que sa note de 2020 avait été établie au regard du « raisonnement » de M. [G], « sa chronologie et les pièces apportées. »
Aux termes de son rapport établi le 14 juin 2021, intitulé « Réponses techniques aux trois nouveaux rapports déposés par QIPCO en avril 2021 », M. [F] a affirmé :
« Nous constatons que ces quatre rapports se contredisent entre eux sur de nombreux points techniques et qu'ils sont irrecevables dans la démonstration des preuves, tant scienti'ques que stylistiques comme nous le démontrons.
En l'état actuel de mes connaissances et de l'étude des quatre rapports versés par QIPCO, je maintiens mon avis d'expert : ce grand vase céladon est de la seconde moitié du XVIIIème siècle. »
M. [F] a confirmé son avis le 13 septembre 2023.
M. [E], expert judiciaire auprès de la cour d'appel de Paris, a, après examen des photos du vase, émis, le 30 novembre 2020, un avis d'authenticité 'd'un vase en porcelaine de chine émaillé Céladon vers 1750, à monture en bronze du XVIIIème siècle.'
Le rapport d'expertise judiciaire, établi dans le cadre de la procédure pénale, adressé le 5 décembre 2022 par M. [M], directeur du Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF), a conclu que :
« Les seuls éléments techniques datant sont les montures, le vase céladon ne permet en rien de statuer sur une quelconque attribution chronologique si ce n'est signaler qu'une restauration au vernis synthétique a eu lieu relativement récemment. La composition du métal constitutif des montures n'est pas incompatible avec une attribution 18° et aurait tendance à écarter une date postérieure au milieu du 19e siècle. lnversement, l'emploi probable d'un moule non rigide pour le surmoulage du faune nous placerait après le milieu du 19e siècle : une fabrication se situant autour du milieu du 19° siècle serait donc envisageable, probablement dans une unique phase chronologique (pas de pièces refaites). On aurait alors affaire à une production à l'économie pour certaines montures, donc loin de la commande unique: ces éléments ne sont pas incompatibles avec la proposition faite par [J] [D] d'une production anglaise du 19e siècle. Il serait intéressant de connaitre plus avant les spécificités techniques de ces productions, et en particulier de savoir si les quelques « bizarreries techniques '' mises en évidence ici (usage systématique de la cire et technique type « lasagnes ») lui sont propres. »
Le rapport pointe l'emploi du procédé de fonderie de la cire-perdue, du surmoulage, des réemplois (notamment en ce qui concerne les guirlandes).
Concernant la composition des métaux, « déterminée par PIXE sur l'accélérateur AGLAE), les résultats font apparaître que « toutes les pièces sont constituées d'un métal similaire, en l'occurrence un laiton à environ 22% en masse de zinc, 1 à 2% d'étain, et 1 à 4% de plomb, avec des cortèges d'impuretés similaires marqués principalement par le fer (autour de 0,5%), puis un trio constitué de nickel, l'arsenic, l'argent et l'antimoine (autour de 0,1%)' La partie rapportée après 2007 se distingue des autres par de plus fortes teneurs en zinc (28%) et des teneurs moindres en plomb et antimoine ».
Concernant la composition de la dorure, il est relevé « l'omniprésence du mercure, attestant sans nul doute d'une dorure au mercure ».
L'hypothèse d'un métal ayant moins de cent ans concernant les deux faunes a été écartée à la suite des résultats d'analyse.
Concernant le rapport de M. [D] de 2021, il est indiqué : « Les auteurs du présent rapport connaissent très bien [J] [D] à travers plusieurs collaborations scientifiques très fructueuses, et nous reconnaissons pleinement son expertise dans le domaine des bronzes dorés des 18-19e siècles. La qualité du rapport qu'il a produit ne fait que le confirmer, à l'appui également des analyses qu'il a fait réaliser par les laboratoires indépendants CARARE et MSMAP », précisant que « nos résultats sont en accord avec les trois analyses de métal réalisées sous le contrôle du MSMAP et les trois analyses par MEB-EDS pour la guirlande et le faune, et par LA-ICP-MS sur la partie supérieure du piédouche », et « de même pour les analyses du CDARAA ».
Il est approuvé « l'argumentaire » de M. [D] « en faveur d'un reconditionnement en profondeur de l'objet au cours du XXème siècle » au regard de « son interprétation des données d'analyse et d'examen montrant qu'il y a eu un important travail de réparations et de vieillissement artificiel (application d'un « jus marron » à l'intérieur de la plupart des montures pour « faire vieux »), de « ses observations de reprise en dorure après 2007 ' par des procédés en cours au XIXème siècle », et de « son analyse de la visserie qu'il associe à l'Angleterre de la deuxième moitié du XIXème siècle ou à une imitation très récente de cette période ».
Cette appréciation convergente de l'analyse de M. [D] n'est pas de nature à caractériser une partialité du C2RMF.
L'expertise a été réalisée par le C2RMF sur le vase démonté, les pièces ayant été examinées à l''il nu.
Si ce rapport du C2RMF s'éloigne de certains points des rapports de MM. [G] et [D], notamment concernant la datation au regard de la composition du métal constitutif des montures, il confirme les appréciations de M. [D] portant sur l'important travail de réparations et de vieillissement artificiel, la reprise de dorure après 2007, et d'analyse de la visserie.
Ce rapport apporte d'autres éléments concernant le recours massif à la technique de la fonte à la cire perdue pour la plupart des montures, le procédé du surmoulage du faune avec l'utilisation d'un moule non rigide, la limitation de la ciselure, qui ne permettraient pas de dater la fabrication du VXIIIème siècle.
Aux termes d'une analyse du 13 septembre 2023, M. [F] a critiqué certaines conclusions du CERMF, notamment relatives au surmoulage, et retenu que :
« - Les bronzes sont tous d'une composition similaire homogène provenant assurément du même atelier et d'une même coulée.
- Il ne s'agit donc pas d'un assemblage bricolé de bronzes épars d'origine diverses pour orner le céladon.
- Leur composition correspond à une production française de la seconde moitié du XVIIIème siècle et ne présente aucune incohérence par rapport aux travaux du Pr. [C] et du conservateur en chef au Louvre M. [L], sur le mobilier Boulle.
- Le céladon est bien du XVIIIème siècle.
- La dorure analysée par le C2RMF à l'amalgame de mercure est identique à une dorure du XVIIIème siècle.
- Le jus de patine est récent et réversible ».
Il a conclu que « tous ces éléments confirment que le vase de la collection QIPCO est authentique et réalisé au XVIIIème siècle ».
De l'ensemble de ces éléments, des divergences des avis méticuleux de tous ces spécialistes, certains ayant examiné visuellement le vase monté ou démonté, sur la datation du vase, au regard notamment des techniques de fabrication des bronzes, de l'analyse de la ciselure, de la dorure et de la visserie, il en résulte des doutes sérieux sur son appartenance à l'époque du XVIIIème siècle et sur l'importance du travail effectué après sa production, et l'impossibilité d'établir avec certitude cette authenticité.
L'authenticité du vase, comme étant d'époque du XVIIIème siècle, constituant une qualité substantielle pour la société QIPCO, celle-ci ne l'aurait pas acquis en connaissance d'un doute ou d'une incertitude sur cette authenticité.
En conséquence, son consentement ayant été vicié par l'erreur commise sur l'authenticité de l'appartenance de l'objet à l'époque du XVIIIème siècle, la vente du vase sera annulée, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une expertise judiciaire de cet objet.
Il y a lieu d'ordonner la restitution du prix de la vente du vase de 2 800 000 euros à la société Qatar par la société Kraemer, avec intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2021, date du jugement, conformément à la demande de la société Qatar.
Concernant le miroir
La société QIPCO sollicite l'organisation d'une expertise judiciaire à laquelle s'oppose la société Kraemer.
La société Kramer a vendu à la société QIPCO en septembre 2012 « un miroir en bronze ciselé, doré et argent. Epoque du XVIIIème siècle », au prix de 100 000 euros.
La société Kraemer produit sa facture d'achat du 5 mai 2011 établie par la société Christie's France mentionnant : « Miroir d'époque néoclassique probablement Tula, fin du XVIIIème siècle ».
Aux termes de son analyse réalisée le 28 octobre 2016 en comparaison avec un autre miroir « ovale et stylistiquement très proche, et acquis par le collectionneur auprès de la même galerie Kraemer, en septembre 2014, pour 80 000 euros, » M. [G] a conclu : « L'analyse comparative menée sur ce miroir rectangulaire en bronze ciselé, doré et argenté, complétée par l'analyse par prélèvement du laiton constituant l'objet, permet de situer la période de fabrication du miroir après 1850, plus vraisemblablement au XX° siècle. »
M. [G] a relevé que « le modèle rectangulaire est façonné grossièrement, sans 'nesse, à l'instar du travail de ciselure et d'argenture », que « la différence de patine des matériaux entre les deux modèles, suggère également une production du miroir rectangulaire beaucoup plus tardive que le XVIIIème siècle », et a retenu qu'au regard des résultats des analyses de bronze réalisées par prélèvements, il apparaît « très peu probable que le miroir rectangulaire puisse être qualifié comme une production du XVIIIème siècle. »
M. [F] est d'un avis contraire.
Aux termes de ses notes techniques des 18 janvier 2019 et 24 février 2020, il a relevé qu'un seul prélèvement avait été analysé et que les parties en argent n'avaient pas été identifiées. Il a contesté la pertinence de la comparaison opérée avec un autre cadre. Il a maintenu sa datation du dernier quart du XVIIIème siècle et comme étant issu de la région [Localité 6] en Russie.
Compte tenu de la divergence des avis de ces deux spécialistes, et de la nécessité de procéder à un examen et une analyse approfondie de l'objet, il convient d'ordonner une expertise judiciaire du miroir, qui sera confiée au C2MRF, afin de vérifier son authenticité.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Compte tenu de l'expertise ordonnée, les dépens seront réservés et il sera sursis à statuer sur les demandes au titre des frais irrépétibles fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
- Infirme le jugement du 14 septembre 2021 du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a écarté des débats les rapports de M. [B] et du laboratoire CEZA produits par la société Qatar Investment and Project Development Holding Co W.L.L., débouté la société Qatar Investment and Project Development Holding Co W.L.L. de sa demande de désignation d'un expert judiciaire en ce qui concerne le miroir, débouté la société QIPCO de sa demande de nullité de la vente par la société Kraemer et Cie en septembre 2012 du vase en porcelaine de céladon, orné de bronzes ciselés et dorés d'époque XVIIIème siècle, et débouté la société Qatar Investment and Project Development Holding Co W.L.L. de sa demande de dommages et intérêts pour faute délictuelle ;
- Confirme le jugement en ce que les demandes en restitution du prix des ventes ont été déclarées recevables ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
- Déclare irrecevable la demande de la société Qatar Investment and Project Development Holding Co W.L.L. en paiement de la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
- Prononce la nullité de la vente du vase en porcelaine de Céladon orné de bronzes ciselés et dorés ;
- Ordonne la restitution du prix de la vente du vase de 2 800 000 euros à la société Qatar Investment and Project Development Holding Co W.L.L. par la société Kraemer et Cie avec intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2021 ;
- Ordonne une expertise judiciaire du miroir afin de vérifier son authenticité ;
- Commet pour y procéder M. [M], directeur du Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF), [Adresse 9] [Localité 3], avec pour mission de :
* Examiner le « miroir en bronze ciselé, doré et argent » acquis par la société Qatar Investment and Project Development Holding Co W.L.L. auprès de la société Kraemer et Cie en septembre 2012 ;
* Se faire remettre les rapports et analyses établis à la demande des parties et tous documents et pièces nécessaires a' l'accomplissement de sa mission ;
* Procéder aux examens et analyses permettant d'établir la datation de ce miroir et son époque du XVIIIème siècle ;
* Etablir un rapport sur les examens et analyses effectués, en précisant les résultats obtenus concernant la datation de ce miroir ;
* Donner tous éléments lui paraissant utiles dans le cadre du présent litige ;
* Entendre les parties et répondre à leurs dires éventuels sur l'objet de sa mission ;
* Du tout déposer un rapport et conclure sur l'existence ou non de doutes réels et sérieux affectant l'authenticité du miroir ;
- Dit que l'expert devra préalablement accepter sa mission, et ce au plus tard le 14 novembre 2025 ;
- Dit que l'expert se fera communiquer tous les éléments nécessaires à sa mission ;
- Dit que l'expert devra, préalablement au dépôt de son rapport définitif, communiquer aux parties un pré-rapport et recueillir contradictoirement leurs observations ou réclamations dans le délai qu'il fixera, puis les joindre à son rapport en indiquant les réponses apportées;
- Rappelle qu'en application de l'article 276 du code de procédure civile, les parties devront dans leurs dernières observations ou réclamations reprendre sommairement le contenu de celles qu'elles ont présentées antérieurement et qu'à défaut, elles seront réputées abandonnées par les parties ;
- Fixe à 8 000 euros le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert que devra verser la société Qatar Investment and Project Development Holding Co W.L.L. entre les mains du régisseur d'avances et de recettes de la cour d'appel de Paris, et ce avant le 28 novembre 2025 ;
- Rappelle qu'à défaut de consignation dans le délai, la désignation de l'expert sera caduque, et toute conséquence sera tirée du refus ou de l'abstention de consigner ;
- Rappelle qu'il est de la mission de l'expert de concilier les parties ;
- Dit que l'expert déposera le rapport définitif de ses opérations au greffe de la cour dans les six mois de sa saisine par signification qui lui sera faite de la consignation ;
- Dit que l'expert en référera à la cour en cas de difficulté ;
- Désigne Madame Nathalie Renard chargée du suivi des opérations d'expertise ;
- Sursoit à statuer sur la nullité de la vente du miroir ;
- Sursoit à statuer sur les demandes au titre des frais irrépétibles fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
- Réserve les dépens ;
- Dit que l'affaire sera examinée à l'audience de mise en état du 4 décembre 2025 pour vérification du versement de la consignation.
La Greffière, La Présidente,
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 5
ARRÊT DU 23 OCTOBRE 2025
(n° 200, 15 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 21/16771 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEL47
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Septembre 2021 - Tribunal de Commerce de Paris,1ère chambre - RG n° 2017034811
APPELANTE
Société QATAR INVESTMENTAND PROJECTS DEVELOPMENT HOLDING CO W.L.L. (QIPCO), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège
immatriculée auprès du département des licences commerciales
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Véronique de la Taille de la Selarl Recamier Avocats Associes, avocat au barreau de Paris, toque : K0148
Assistée de Me Yohanna Thillaye et Céline Gamblin, toutes deux de la LLP Pinsent Masons France, avocats au barreau de Paris, toque : R020
INTIMÉE
S.A. KRAEMER ET CIE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
immatriculée au R.C.S. de Paris sous le numéro 582 060 596
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Virginie Domain, avocat au barreau de Paris, toque : C2440
Assistée de Me Mauricia Courrégé du cabinet Courrégé Foreman, avocat au barreau de Paris, toque : C2616
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 26 Juin 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
- Mme Nathalie Renard, présidente de la chambre 5-5
- Mme Marilyn Ranoux-Julien, conseillère
- Mme Marie-Annick Prigent, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Nathalie Renard dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : M. Maxime Martinez
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Nathalie Renard, présidente de la chambre 5-5 et par Wendy PANG FOU, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire, présent lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DU LITIGE
Lors d'un salon d'art tenu à [Localité 10] entre les 14 et 23 septembre 2012, la société Kraemer et Cie (la société Kraemer), qui exerce une activité de commerce de mobiliers et objets d'art, a vendu à la société Qatar Investment and Project Development Holding Co W.L.L. (QIPCO), qui collectionne des mobiliers et objets d'art du XVIIIème siècle, un vase et un miroir aux prix respectifs de 2 800 000 euros et 100 000 euros. Les factures de ces objets indiquaient « époque du XVIIIème siècle ».
Le 1er juin 2016, la société QIPCO a fait analyser les deux objets pour vérifier leur datation. L'expert consulté a conclu, le 10 octobre 2016, qu'il était « peu probable » que les deux objets datent effectivement du XVIIIème siècle.
La société Kraemer a missionné un autre expert, qui a conclu, le 2 juin 2017, après examen réalisé sur photographies, à l'authenticité des objets.
Par jugement du 22 juillet 2016, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de sauvegarde concernant la société Kraemer.
Les 12 octobre 2016 et 27 novembre 2016, la société QIPCO a déclaré au passif de la société Kraemer une créance d'un montant de 2 900 000 euros.
Par acte du 14 juin 2017, la société QIPCO a assigné la société Kraemer devant le tribunal de commerce de Paris en nullité des ventes et restitution des prix.
Par ordonnances du 15 juin 2017, le juge-commissaire a sursis à statuer sur l'admission des créances, dans l'attente d'une décision au fond sur ce litige.
Par jugement du 5 octobre 2017, le tribunal de commerce de Paris a arrêté un plan de sauvegarde concernant la société Kraemer.
Le 6 août 2019, la société QIPCO a déposé une plainte pénale auprès du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris pour délits de tromperie, faux et usage de faux.
Par jugement du 14 septembre 2021, le tribunal de commerce de Paris a :
- Dit la société QIPCO recevable à agir en nullité de la vente par la société Kraemer du vase Céladon et du miroir à l'automne 2012 ;
- Débouté la société QIPCO de sa demande de désignation d'un expert judiciaire ;
- Écarté des débats les rapports de M. [B] et du laboratoire CEZA produits par la société QIPCO ;
- Débouté la société QIPCO de sa demande de nullité de la vente par la société Kraemer en septembre 2012 du vase en porcelaine de céladon, orné de bronzes ciselés et dorés d'époque XVIIIème siècle ;
- Débouté la société QIPCO de sa demande de nullité de la vente du miroir par la société Kraemer en septembre 2012 ;
- Débouté la société QIPCO de sa demande de dommages et intérêts pour faute délictuelle ;
- Condamné la société QIPCO a' payer la société Kraemer la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné la société QIPCO aux entiers dépens.
Par déclaration du 22 septembre 2021, la société QIPCO a interjeté appel de ce jugement en visant tous ses chefs de dispositif.
Par ordonnance du 7 avril 2022, le conseiller de la mise en état a :
- Ordonné un sursis à statuer jusqu'au dépôt du rapport définitif de l'expert commis par le juge d'instruction du tribunal judiciaire de Paris par ordonnance du 9 décembre 2021 ;
- Condamné la société Kraemer à payer à la société QIPCO la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'incident.
Le rapport d'expertise judiciaire pénale a été adressé le 5 décembre 2022.
Par ses dernières conclusions notifiées le 4 juin 2025, la société QIPCO demande, au visa des articles 1110 et suivants anciens du code civil, 1382 ancien du code civil, du décret du 3 mars 1981 sur la répression des fraudes en matière de transactions d''uvres d'art et d'objets de collection, des articles 232 et suivants et 263 du code de procédure civile et suivants, de :
- Déclarer parfaitement recevables les demandes de la société QIPCO à l'encontre de la société Kraemer ;
- Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 14 septembre 2021 en ce qu'il a :
* Débouté la société QIPCO de sa demande de désignation d'un expert judiciaire ;
* Écarté des débats les rapports de M. [B] et du laboratoire CEZA produits par la société QIPCO ;
* Débouté la société QIPCO de sa demande de nullité de la vente du vase ;
* Débouté la société QIPCO de sa demande de nullité de la vente du miroir ;
* Débouté la société QIPCO de sa demande de dommages et intérêts pour faute délictuelle ;
* Condamne' la société QIPCO a' payer la société Kraemer la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
* Condamne' la société QIPCO aux entiers dépens ;
Statuant à nouveau,
À titre principal,
Concernant le miroir,
- Nommer un expert judiciaire spécialisé en mobilier XVIIIème siècle et lui confier la mission suivante :
* Examiner le miroir en bronze ciselé acquis par la société QIPCO lors de la Biennale des Antiquaires qui s'est tenue du 14 au 23 septembre 2012 ;
* Se faire remettre et examiner :
le rapport analytique du laboratoire CARAA s'agissant du miroir, réalisé par M. [P] en date du 1er juin 2016 ;
les analyses scientifiques et stylistiques réalisées par M. [G] les 10 octobre 2016, 20 octobre 2016, 27 décembre 2019 et 7 novembre 2020 ;
l'avis de M. [D] du 26 février 2021 ;
le rapport d'expertise de M. [D] ;
les analyses effectuées par le MSMAP ;
le rapport de synthèse de MM. [D] et [G] de février 2022 ;
plus généralement tous documents et pièces nécessaires a' l'accomplissement de sa mission ;
* Déterminer, par une étude de la provenance et une analyse stylistique si des doutes réels et sérieux entachent le rattachement du miroir au XVIIIème siècle ;
* Donner son avis, en recourant au besoin à toute analyse utile ou recours à un sapiteur, sur la provenance, l'origine et l'ancienneté du miroir vendu à la société QIPCO en précisant tous doutes réels et sérieux pouvant exister sur sa datation au XVIIIème siècle ;
* Déterminer la valeur du miroir en se référant, si possible aux ventes publiques d''uvres de même nature ;
* Donner tous éléments lui paraissant utiles dans le cadre du présent litige ;
* Entendre les parties et répondre à leurs dires éventuels sur l'objet de sa mission ;
* Du tout déposer un rapport et conclure quant aux doutes réels et sérieux affectant l'authenticité du miroir ;
- Sursoir à statuer jusqu'au dépôt du rapport de l'expertise qui sera ordonnée sur la nullité de la vente conclue entre les sociétés QIPCO et Kraemer en ce qui concerne le « miroir en bronze ciselé doré et argent » attribué sans aucune réserve à « l'Époque du XVIIIème siècle » par la société Kraemer ;
Concernant le vase,
- Prononcer la nullité de la vente conclue entre les sociétés QIPCO et Kraemer en ce qui concerne le « vase en Céladon, orne' de bronzes ciselés et dorés » attribue' sans aucune réserve a' « l'Epoque du XVIIIème siècle » par la société' Kraemer ;
- En conséquence, ordonner la restitution par la société Kraemer du prix de vente du « vase en Céladon, orné de bronze ciselés et dorés » d'un montant de 2 800 000 euros à la société QIPCO produisant intérêts au taux légal à compter du jugement ;
À titre subsidiaire concernant le vase,
- Nommer un expert judiciaire spécialisé en mobilier du XVIIIème siècle et lui confier la mission suivante :
* Se faire remettre et examiner :
le rapport n°51030 du C2RMF datant du 9 juin 2022 ;
le rapport analytique du laboratoire CARAA s'agissant du vase, réalisé par M. [P] du 1er juin 2016 ;
les analyses scientifiques et stylistiques réalisées par M. [G] les 10 octobre 2016, 20 octobre 2016, 27 décembre 2019 et 7 novembre 2020 ;
l'avis de M. [D] en date du 26 février 2021 ;
le rapport d'expertise de M. [D] ;
les analyses effectuées par le MSMAP ;
le rapport de synthèse de M. [D] et [G] de février 2022 ;
plus généralement tous documents et pièces nécessaires à l'accomplissement de sa mission;
* Déterminer par une étude de la provenance et une analyse stylistique si des doutes réels et sérieux entachent le rattachement du vase en céladon au XVIIIème siècle ;
* Déterminer par une étude des spécificités techniques des productions anglaises du XIXème siècle, si le vase en porcelaine de céladon peut être authentifié comme une production XIXème ;
* Donner son avis, en recourant au besoin à toute analyse utile ou recours à un sapiteur, sur la provenance, l'origine et l'ancienneté du « miroir » vendu à la société QIPCO en précisant tous doutes réels et sérieux pouvant exister sur sa datation au XVIIIème siècle ;
* Déterminer la valeur du « miroir » en se référant, si possible aux ventes publiques d''uvres de même nature ;
* Donner tous éléments lui paraissant utiles dans le cadre du présent litige ;
* Entendre les parties et répondre à leurs dires éventuels sur l'objet de sa mission ;
* Du tout déposer un rapport et conclure quant aux doutes réels et sérieux affectant l'authenticité du « miroir » ;
En tout état de cause,
- Condamner la société Kraemer à payer la somme de 50 000 euros, sauf à parfaire, à la société QIPCO au titre de dommages et intérêts pour non-respect de son obligation de moyens renforcée quant à la détermination de l'authenticité des 'uvres ;
- Condamner la société Kraemer à payer la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société Kraemer aux entiers dépens.
Par ses dernières conclusions notifiées le 12 juin 2025, la société Kraemer demande, au visa des articles 6 §1 de la convention européenne des droits de l'homme, 9 et 16 du code de procédure civile, L. 622-17, L. 622-21 et L. 622-22 du code de commerce, et 1110 et suivants anciens du code civil, de :
- Dire et juger irrecevables les demandes de restitution du prix de vente de 2 800 000 euros pour le vase en céladon et de 100 000 euros pour le miroir rectangulaire et les demandes de condamnation pécuniaires ;
En toute hypothèse,
- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société QIPCO de l'ensemble de ses demandes ;
- La condamner à payer à la société Kraemer au titre de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 50 000 euros au titre de la procédure devant la cour s'ajoutant à celle de 50 000 euros au titre de la procédure devant le tribunal ;
- La condamner en tous les dépens tant de première instance que d'appel.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 26 juin 2025.
La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la recevabilité des demandes de la société QIPCO
La société Kraemer soulève l'irrecevabilité de la demande en restitution du prix et de la demande indemnitaire de la société QIPCO en vertu du principe d'interdiction des poursuites visé par l'article L. 622-21 du code de commerce. Elle ajoute que la société QIPCO n'a pas déclaré de créance indemnitaire qui est dès lors inopposable à la procédure collective.
La société QIPCO fait valoir que le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde a cessé de produire son effet interruptif depuis l'adoption du plan de sauvegarde, que la cause d'irrecevabilité a disparu au sens de l'article 126 du code de procédure civile, que sa créance est une créance de droit commun non soumise à la discipline collective, en ce que la créance de restitution, née d'un jugement de condamnation postérieur à l'adoption du plan de redressement, est une créance qui n'est pas antérieure et que la date de naissance de la créance indemnitaire est postérieure à l'ouverture de la procédure de sauvegarde.
L'article L. 622-21 du code de commerce, dans sa version antérieure à l'ordonnance n°2021-1193 du 15 septembre 2021, dispose :
« I.- Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :
1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;
2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
II.- Il arrête ou interdit également toute procédure d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture.
III.- Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence interrompus. »
Le principe de l'arrêt des poursuites est applicable à la procédure de sauvegarde.
Il empêche que le créancier d'un débiteur bénéficiant d'une procédure collective puisse le poursuivre en paiement de sommes d'argent, sauf si la créance est née régulièrement après l'ouverture de la procédure collective, pour les besoins du déroulement de celle-ci ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période.
Il est de jurisprudence constante que la créance de restitution née de l'annulation d'un contrat passé avant le jugement d'ouverture constitue une créance postérieure si l'annulation intervient après le jugement d'ouverture (Com. 5 décembre 1995, n° 93-21.172, Bull. n° 283 ; Com., 20 juin 2000, pourvoi n 97-11.422, Bull. n 129 ; Com. 12 octobre 2004, pourvoi n° 00-13.348 ; Civ. 3 , 28 mars 2007, pourvoi n° 05-21.679, Bull. 2007 n° 46).
Aux termes de l'article L. 622-22, alinéa 1, du code de commerce, « sous réserve des dispositions de l'article L. 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant. »
Il résulte des articles L. 622-7 et L. 622-17 du code de commerce que les créances nouvelles, nées après l'arrêté d'un plan de redressement du débiteur remis à la tête de ses biens, sont soumises au droit commun.
Par jugement du 22 juillet 2016, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de sauvegarde concernant la société Kraemer.
Les 12 octobre 2016 et 27 novembre 2016, la société QIPCO a déclaré au passif de la société Kraemer une créance d'un montant de 2 900 000 euros.
Par acte du 14 juin 2017, la société QIPCO a assigné la société Kraemer devant le tribunal de commerce de Paris en nullité des ventes.
Par ordonnances du 15 juin 2017, le juge-commissaire a sursis à statuer sur l'admission des créances, dans l'attente d'une décision au fond sur ce litige.
Par jugement du 5 octobre 2017, le tribunal de commerce de Paris a arrêté un plan de sauvegarde concernant la société Kraemer.
L'action en nullité des ventes des deux objets a été engagée postérieurement à l'ouverture de la procédure de sauvegarde.
La recevabilité de cette action, qui n'est pas visée par le principe de l'interdiction des poursuites posée par l'article L. 622-21 du code de commerce, n'est pas contestée.
La créance invoquée de restitution du prix, qui naît de l'annulation d'un contrat de vente passé avant le jugement d'ouverture, constitue une créance postérieure en ce que l'annulation est demandée après le jugement d'ouverture.
Les demandes en restitution du prix des ventes sont dès lors recevables.
La société QIPCO sollicite le paiement d'une somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de moyens renforcée relative à la détermination de l'authenticité des 'uvres.
Cette créance indemnitaire alléguée par la société QIPCO est fondée sur une faute délictuelle commise antérieurement à la vente des objets, constituée d'un manquement au devoir d'information par la dissimulation des altérations subies par le vase litigieux, donc née antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde.
Elle n'a pas fait l'objet d'une déclaration.
Il est en outre relevé que la décision arrêtant le plan de sauvegarde ne met pas fin à la suspension des poursuites individuelles.
Contrairement à ce que soutient la société QIPCO, cette créance n'est pas une créance de droit commun.
En conséquence, la demande de la société QIPCO en paiement de la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts est irrecevable.
Sur les rapports d'expertise
La société QIPCO considère que les motifs du tribunal pour écarter les expertises produites sont injustifiés en ce que M. [D] est reconnu par ses pairs, notamment par le Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France (C2RMF), et est inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel de Rennes. Elle fait valoir qu'il n'existe aucune contradiction entre les trois rapports qui concluent tous à l'existence de doutes, ce que confirme le C2RMF. Elle ajoute que le rapport du CEZA (laboratoire allemand) a été établi selon une technique scientifiquement rigoureuse (datation au plomb 210).
Elle relève que M. [F], expert mandaté par la société Kraemer, a réalisé une expertise sur la base de photographies uniquement, datées de l'époque de l'acquisition des objets par la société Kraemer (2007).
Elle prétend que les expertises qu'elle produit dressent une analyse stylistique et scientifique des objets, permettant d'apprécier l'authenticité des objets d'art, et de conclure à la présence de doutes sérieux quant à l'authenticité des objets litigieux, ce qui suffit à annuler la vente.
La société Kraemer fait valoir que les rapports de MM. [G], [D] et [H] se contredisent et sont contredits par le rapport du C2RMF, qui n'apporte aucun élément nouveau.
Les rapports de M. [B] et du laboratoire CEZA ayant été produits contradictoirement aux débats par la société QIPCO, il n'y a pas lieu de les écarter des débats.
Leur force probante sera appréciée souverainement par la cour.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur la nullité de la vente
La société QIPCI prétend que l'existence de doutes sur l'authenticité des objets est suffisante pour annuler les ventes sur le fondement de l'erreur.
La société Kraemer contexte l'existence sérieuse de doutes et s'oppose à l'annulation des ventes.
Aux termes de l'article 1109 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, « il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol. »
L'article 1110 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, dispose :
« L'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet.
Elle n'est point une cause de nullité lorsqu'elle ne tombe que sur la personne avec laquelle on a intention de contracter, à moins que la considération de cette personne ne soit la cause principale de la convention. »
L'article 1 du décret n° 81-255 du 3 mars 1981 sur la répression des fraudes en matière de transactions d''uvres d'art et d'objets de collection énonce :
« Les vendeurs habituels ou occasionnels d''uvres d'art ou d'objets de collection ou leurs mandataires, ainsi que les officiers publics ou ministériels et les personnes habilitées procédant à une vente publique aux enchères doivent, si l'acquéreur le demande, lui délivrer une facture, quittance, bordereau de vente ou extrait du procès-verbal de la vente publique contenant les spécifications qu'ils auront avancées quant à la nature, la composition, l'origine et l'ancienneté de la chose vendue. »
L'article suivant précise :
« La dénomination d'une 'uvre ou d'un objet, lorsqu'elle est uniquement et immédiatement suivie de la référence à une période historique, un siècle ou une époque, garantit l'acheteur que cette 'uvre ou objet a été effectivement produit au cours de la période de référence.
Lorsqu'une ou plusieurs parties de l''uvre ou objet sont de fabrication postérieure, l'acquéreur doit en être informé. »
Il n'y a point de consentement valable si celui-ci n'a été donné que par erreur.
L'authenticité d'une 'uvre d'art constitue une qualité substantielle de la chose lorsque cette 'uvre a été vendue en fonction de cette authenticité et présentée comme telle à l'acheteur.
En l'espèce, il n'est pas contesté que la société QIPCO collectionne des mobiliers et objets d'art du XVIIIème siècle et que les factures de vente du vase et du miroir litigieux indiquaient que ces objets étaient d'« époque du XVIIIème siècle ».
Il n'est pas non plus contesté que l'authenticité de ces objets, comme étant d'époque du XVIIIème siècle, constituait une qualité substantielle pour la société QIPCO, qui a contracté dans la conviction que les objets avaient été effectivement produits au cours du XVIIIème siècle.
Concernant le vase
Il résulte du procès-verbal du 9 novembre 2020 établi par l'Office central de lutte contre le trafic des biens culturels en exécution de la commission rogatoire délivrée le 8 janvier 2018 par le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Paris, et des pièces annexées, que le vase a été acheté le 14 décembre 2007 par un antiquaire pour une somme de 15 000 euros en tant que « grand vase monté bronze », puis revendu quelques jours après à un autre antiquaire pour la somme de 25 000 euros, et le 17 décembre 2007 à un autre antiquaire au prix de 50 000 euros.
Le vase pourrait être arrivé sur le sol français en 2007 en provenance du Brésil.
Fin janvier 2008, il a été acheté comme étant « un vase en porcelaine orné de bronze doré XVIIIème siècle » au prix de 130 000 euros, puis vendu à la société Kraemer sous la description « un vase en porcelaine orné de bronzes ciselés et dorés. Epoque du XVIIIème siècle » pour un montant de 180 000 euros.
La société Kraemer a vendu ce « vase en porcelaine de Céladon orné de bronzes ciselés et dorés. Epoque du XVIIIème siècle », en septembre 2012 à la société QIPCO au prix de 2 800 000 euros.
La traçabilité du vase avant le 14 décembre 2007 n'a pas pu être établie.
La société Kraemer a confié à la société Silv'or des travaux de « relavage, retouches dorure mercure, brunissage et patine » sur « un vase XVIII », ainsi qu'il résulte d'une facture du 28 février 2008.
Par lettre du 18 février 2020, la société Silv'or a précisé que « les bronzes de ce vase ont été relavés, qu'il s'agit d'une dorure au mercure et non à l'électrolyse », que « concernant l'arrière des bronzes, il ne s'agit pas d'une dorure, mais du bronze désoxydé qui effectivement ressemble à la couleur dorée, et que « les rosés (rouquins) observés sont caractéristiques d'une dorure ancienne au mercure. ». Elle a affirmé « ne pas avoir effectué d'usures mécaniques ni utilisé d'acide comme la tourmaline » et que « le doreur qui a effectué les retouches a fait en sorte de conserver autant que possible les usures naturelles et anciennes ».
Par lettre du 20 novembre 2020, la société Silv'or a ajouté que « les retouches de dorure effectuées représentaient moins de 30 % et n'ont pas servi à camoufler une reciselure des bronzes ».
Chacune des parties produisent des rapports d'expertise, avis et notes, dont les conclusions divergent.
Ces écrits émanent de professionnels reconnus dans leurs domaines respectifs et ayant en commun des compétences certaines en ce qui concerne les objets du XVIIIème siècle.
M. [G] est expert à la Chambre nationale des experts spécialisés, spécialiste en mobilier et objets d'art de 1650 à 1820.
Aux termes de son étude du 10 octobre 2016, de son analyse complémentaire du 27 décembre 2019, et de sa note complémentaire du 7 novembre 2020, M. [G] a conclu que la monture en bronze du vase était « une production du XIXème siècle, ayant subi après 2007 des altérations irréversibles pour l'intégrité de l''uvre ».
Il a retenu qu'il y avait eu « manifestement une volonté de vieillir les patines intérieures des bronzes, pour faire croire à une dorure plus ancienne », que le taux de pourcentage de plomb dans les bronzes était très élevé, que les traces de « buchages sur l'anse » n'avaient pas d'autres explications que celles d'une marque effacée, que la monture en bronze avait bien subi d'importantes interventions depuis 2007, et qu'une redorure des bronzes avait été réalisée après 2007.
M. [D] a participé à un programme de recherche du musée du [7] l'ayant conduit à analyser et expertiser des ornements de bronze pour en déterminer les caractéristiques techniques, la datation, l'évolution, et en particulier celles des dorures, ainsi qu'il résulte d'un écrit du 21 octobre 2021 de M. [L], conservateur en chef du Musée du [7].
Il dispense des formations techniques et pratiques dans les domaines de l'horlogerie et de la dorure du bronze au sein de l'Institut [8], selon une attestation de Mme [R] du 25 novembre 2021.
Il est inscrit sur la liste probatoire des experts de la cour d'appel de Rennes dans les rubriques d'objets d'art et de collection, de bijouterie, joaillerie, horlogerie, orfèvrerie, et de ferronnerie et bronzeries.
Aux termes de son rapport du 26 février 2021, M. [D], après avoir examiné la monture en bronze du vase, sa dorure, les vis de fixation, les pièces de fonderie, et détaillé la collerette, les anses, les têtes, le bol, le socle et les pampres de vigne, a conclu que le vase était « probablement une production réalisée entre 1820 et 1840 dans le style Louis XVI », qu'il était « peu probable de le rattacher aux productions dites « d'époque XVIIIème », mais plutôt de « style Louis XVI », que cette pièce avait « été intégralement redorée », et « qu'un vieillissement artificiel sous forme de patines et d'oxydations donnerait l'illusion de l'ancien à une personne non expérimentée », tout en ajoutant que son avis appelait « des études complémentaires plus poussées ».
Après avoir procédé à des analyses scientifiques complémentaires, M. [D] a établi en mars 2021 un dossier d'expertise de la monture en bronze doré du vase. Au regard notamment de la « patine d'oxydation visant à vieillir artificiellement les revers », des « techniques de dorure » qui « ne sont pas réellement concordantes avec celles du XVIIIème siècle », de « la technique de mise en couleur de l'or' incohérente avec la pratique du XVIIIème siècle » et correspondant « à une patine d'imitation récente », de l'examen de la dorure et de la monture du bronze, M. [D] a conclu que l'ensemble ne pouvait pas être rattaché « à une quelconque production de l'époque de Louis XVI ». Retenant « la redorure complète, les réparations des motifs, les usures et les patines artificielles, la dissimulation de parties d'assemblage, la présence de filetages tous concordants avec la jauge Whitworth, l'appartenance de certaines parties de la fonte à une coulée datant du XXème siècle », il a proposé la qualification de « Tabouret de céladon monté en bronze de style « revival » britannique, réparations et redorure. Epoque XXème siècle ».
Aux termes de leur rapport de synthèse établi en février 2022, MM. [D] et [G] ont émis des doutes sérieux quant à une qualification de l''uvre comme « époque du XVIIIème siècle ».
Ils ont retenu la teneur en plomb anormalement élevée, telle que constatée par les laboratoires CARAA et MSMAP, la présence du radioélément « Polonium 210 », l'existence d'une patine colorée artificielle, les fixations et la visserie du vase ayant subi de nombreuses modifications, la re-dorure de la monture et la re-ciselure d'éléments, la disparition d'un numéro 345 apparaissant sur des photographies prises en 2007, outre le processus de création, de conception et de montage.
L'étude de M. [A], expert en mobilier et objets d'art et membre de la Chambre nationale des experts spécialisés, annexée à ce rapport, a conclu que le vase apparaissait « comme un objet, dont on ne retrouve aucune trace dans les anciennes collections, ni les ventes aux enchères des collections des XVIIIème et XIXème siècle », précisant que « le seul élément intéressant identifié est le céladon Qing XIXe siècle de la vente Sotheby's 2015 », que « les objets du XVIIIème ne correspondent pas aux caractéristiques stylistiques du céladon monté acheté par QIPCO » et qu'à « ce jour, les recherches menées aussi dans les créations des maisons du XIXe siècle », n'ont « pas permis de trouver de répliques ou de copies de ce vase comme il est de coutume pour les chefs d''uvre du XVIIIème siècle. »
M. [H] est bronzier d'art et restaurateur d''uvres métalliques.
Aux termes de son rapport d'expertise rédigé en mars 2021, il a conclu que, « bien que l'analyse stylistique et l'observation des techniques de ciselure et de fonderie ne nous permettent pas de confirmer une période de production du « Vase », il nous semble que sa monture, les ornements et leurs volumes, l'aboutissement de sa ciselure ainsi que son dessin et son expressivité générale ne correspondent pas aux critères qualitatifs d'une production française haut de gamme et raffinée de la période de la fin du XVIIIème siècle.
L'ensemble des constats relatifs à l'état des surfaces, de la dorure, à la monture du « Vase » ainsi qu'aux restaurations visibles, nous amène à penser que celui-ci a subi au cours de son existence une ou plusieurs restaurations très invasives. »
Il a considéré que si « l'ensemble des éléments en bronze du « Vase » sont d'une très belle facture », il ne pouvait affirmer que « ces éléments en bronze ciselés ont été réalisés à la fin du XVIIIème siècle en France », précisant qu'il était « tout à fait envisageable qu'ils aient été produits plus tardivement au XIXème siècle en France, ou en Europe, en Angleterre notamment. »
A l'inverse, M. [F], missionné par la société Kraemer, a aux termes de plusieurs avis, affirmé l'authenticité du vase comme étant d'époque du XVIIIème siècle.
M. [F] est expert en objet d'art auprès de la Cour de cassation, de la cour d'appel de Paris et des cours administratives d'appel de Paris et de Versailles.
Dans son rapport d'expertise non judiciaire du 2 juin 2017, M. [F] a estimé « qu'en l'état actuel de ses investigations aucun fait ou indice ne permet de rattacher au XIXe siècle le décor ornemental du vase, objet de son étude. En revanche, la production du vase au cours des 20 dernières années du XVIIIème siècle, apparait vraisemblable et devrait logiquement être con'rmée par une analyse de I 'objet lui-même. »
Dans une note du 24 février 2020 « en réponse à l'analyse complémentaire d'un vase monté en céladon et bronze doré rédigée par M. [G] le 27 décembre 2019 », M. [F] a affirmé :
« Nous avons démontré que tous les arguments avancés par le demandeur pour disqualifier l'authenticité de ce grand vase en céladon et bronze doré, sont erronés.
Ce vase de la collection QIPCO est bien du XVIIIème siècle, circa 1780. La qualité du céladon, de sa monture ornementale en bronze doré et de ses dimensions, en font effectivement un objet exceptionnel. »
M. [F], n'ayant pas eu accès au vase litigieux, a précisé que son rapport de 2017 était basé « sur l'étude des deux rapports produits dans le cadre de la procédure de sauvegarde et des photographies réalisées par la galerie Kraemer lors de l'acquisition du vase avant tout démontage et nettoyage », et que sa note de 2020 avait été établie au regard du « raisonnement » de M. [G], « sa chronologie et les pièces apportées. »
Aux termes de son rapport établi le 14 juin 2021, intitulé « Réponses techniques aux trois nouveaux rapports déposés par QIPCO en avril 2021 », M. [F] a affirmé :
« Nous constatons que ces quatre rapports se contredisent entre eux sur de nombreux points techniques et qu'ils sont irrecevables dans la démonstration des preuves, tant scienti'ques que stylistiques comme nous le démontrons.
En l'état actuel de mes connaissances et de l'étude des quatre rapports versés par QIPCO, je maintiens mon avis d'expert : ce grand vase céladon est de la seconde moitié du XVIIIème siècle. »
M. [F] a confirmé son avis le 13 septembre 2023.
M. [E], expert judiciaire auprès de la cour d'appel de Paris, a, après examen des photos du vase, émis, le 30 novembre 2020, un avis d'authenticité 'd'un vase en porcelaine de chine émaillé Céladon vers 1750, à monture en bronze du XVIIIème siècle.'
Le rapport d'expertise judiciaire, établi dans le cadre de la procédure pénale, adressé le 5 décembre 2022 par M. [M], directeur du Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF), a conclu que :
« Les seuls éléments techniques datant sont les montures, le vase céladon ne permet en rien de statuer sur une quelconque attribution chronologique si ce n'est signaler qu'une restauration au vernis synthétique a eu lieu relativement récemment. La composition du métal constitutif des montures n'est pas incompatible avec une attribution 18° et aurait tendance à écarter une date postérieure au milieu du 19e siècle. lnversement, l'emploi probable d'un moule non rigide pour le surmoulage du faune nous placerait après le milieu du 19e siècle : une fabrication se situant autour du milieu du 19° siècle serait donc envisageable, probablement dans une unique phase chronologique (pas de pièces refaites). On aurait alors affaire à une production à l'économie pour certaines montures, donc loin de la commande unique: ces éléments ne sont pas incompatibles avec la proposition faite par [J] [D] d'une production anglaise du 19e siècle. Il serait intéressant de connaitre plus avant les spécificités techniques de ces productions, et en particulier de savoir si les quelques « bizarreries techniques '' mises en évidence ici (usage systématique de la cire et technique type « lasagnes ») lui sont propres. »
Le rapport pointe l'emploi du procédé de fonderie de la cire-perdue, du surmoulage, des réemplois (notamment en ce qui concerne les guirlandes).
Concernant la composition des métaux, « déterminée par PIXE sur l'accélérateur AGLAE), les résultats font apparaître que « toutes les pièces sont constituées d'un métal similaire, en l'occurrence un laiton à environ 22% en masse de zinc, 1 à 2% d'étain, et 1 à 4% de plomb, avec des cortèges d'impuretés similaires marqués principalement par le fer (autour de 0,5%), puis un trio constitué de nickel, l'arsenic, l'argent et l'antimoine (autour de 0,1%)' La partie rapportée après 2007 se distingue des autres par de plus fortes teneurs en zinc (28%) et des teneurs moindres en plomb et antimoine ».
Concernant la composition de la dorure, il est relevé « l'omniprésence du mercure, attestant sans nul doute d'une dorure au mercure ».
L'hypothèse d'un métal ayant moins de cent ans concernant les deux faunes a été écartée à la suite des résultats d'analyse.
Concernant le rapport de M. [D] de 2021, il est indiqué : « Les auteurs du présent rapport connaissent très bien [J] [D] à travers plusieurs collaborations scientifiques très fructueuses, et nous reconnaissons pleinement son expertise dans le domaine des bronzes dorés des 18-19e siècles. La qualité du rapport qu'il a produit ne fait que le confirmer, à l'appui également des analyses qu'il a fait réaliser par les laboratoires indépendants CARARE et MSMAP », précisant que « nos résultats sont en accord avec les trois analyses de métal réalisées sous le contrôle du MSMAP et les trois analyses par MEB-EDS pour la guirlande et le faune, et par LA-ICP-MS sur la partie supérieure du piédouche », et « de même pour les analyses du CDARAA ».
Il est approuvé « l'argumentaire » de M. [D] « en faveur d'un reconditionnement en profondeur de l'objet au cours du XXème siècle » au regard de « son interprétation des données d'analyse et d'examen montrant qu'il y a eu un important travail de réparations et de vieillissement artificiel (application d'un « jus marron » à l'intérieur de la plupart des montures pour « faire vieux »), de « ses observations de reprise en dorure après 2007 ' par des procédés en cours au XIXème siècle », et de « son analyse de la visserie qu'il associe à l'Angleterre de la deuxième moitié du XIXème siècle ou à une imitation très récente de cette période ».
Cette appréciation convergente de l'analyse de M. [D] n'est pas de nature à caractériser une partialité du C2RMF.
L'expertise a été réalisée par le C2RMF sur le vase démonté, les pièces ayant été examinées à l''il nu.
Si ce rapport du C2RMF s'éloigne de certains points des rapports de MM. [G] et [D], notamment concernant la datation au regard de la composition du métal constitutif des montures, il confirme les appréciations de M. [D] portant sur l'important travail de réparations et de vieillissement artificiel, la reprise de dorure après 2007, et d'analyse de la visserie.
Ce rapport apporte d'autres éléments concernant le recours massif à la technique de la fonte à la cire perdue pour la plupart des montures, le procédé du surmoulage du faune avec l'utilisation d'un moule non rigide, la limitation de la ciselure, qui ne permettraient pas de dater la fabrication du VXIIIème siècle.
Aux termes d'une analyse du 13 septembre 2023, M. [F] a critiqué certaines conclusions du CERMF, notamment relatives au surmoulage, et retenu que :
« - Les bronzes sont tous d'une composition similaire homogène provenant assurément du même atelier et d'une même coulée.
- Il ne s'agit donc pas d'un assemblage bricolé de bronzes épars d'origine diverses pour orner le céladon.
- Leur composition correspond à une production française de la seconde moitié du XVIIIème siècle et ne présente aucune incohérence par rapport aux travaux du Pr. [C] et du conservateur en chef au Louvre M. [L], sur le mobilier Boulle.
- Le céladon est bien du XVIIIème siècle.
- La dorure analysée par le C2RMF à l'amalgame de mercure est identique à une dorure du XVIIIème siècle.
- Le jus de patine est récent et réversible ».
Il a conclu que « tous ces éléments confirment que le vase de la collection QIPCO est authentique et réalisé au XVIIIème siècle ».
De l'ensemble de ces éléments, des divergences des avis méticuleux de tous ces spécialistes, certains ayant examiné visuellement le vase monté ou démonté, sur la datation du vase, au regard notamment des techniques de fabrication des bronzes, de l'analyse de la ciselure, de la dorure et de la visserie, il en résulte des doutes sérieux sur son appartenance à l'époque du XVIIIème siècle et sur l'importance du travail effectué après sa production, et l'impossibilité d'établir avec certitude cette authenticité.
L'authenticité du vase, comme étant d'époque du XVIIIème siècle, constituant une qualité substantielle pour la société QIPCO, celle-ci ne l'aurait pas acquis en connaissance d'un doute ou d'une incertitude sur cette authenticité.
En conséquence, son consentement ayant été vicié par l'erreur commise sur l'authenticité de l'appartenance de l'objet à l'époque du XVIIIème siècle, la vente du vase sera annulée, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une expertise judiciaire de cet objet.
Il y a lieu d'ordonner la restitution du prix de la vente du vase de 2 800 000 euros à la société Qatar par la société Kraemer, avec intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2021, date du jugement, conformément à la demande de la société Qatar.
Concernant le miroir
La société QIPCO sollicite l'organisation d'une expertise judiciaire à laquelle s'oppose la société Kraemer.
La société Kramer a vendu à la société QIPCO en septembre 2012 « un miroir en bronze ciselé, doré et argent. Epoque du XVIIIème siècle », au prix de 100 000 euros.
La société Kraemer produit sa facture d'achat du 5 mai 2011 établie par la société Christie's France mentionnant : « Miroir d'époque néoclassique probablement Tula, fin du XVIIIème siècle ».
Aux termes de son analyse réalisée le 28 octobre 2016 en comparaison avec un autre miroir « ovale et stylistiquement très proche, et acquis par le collectionneur auprès de la même galerie Kraemer, en septembre 2014, pour 80 000 euros, » M. [G] a conclu : « L'analyse comparative menée sur ce miroir rectangulaire en bronze ciselé, doré et argenté, complétée par l'analyse par prélèvement du laiton constituant l'objet, permet de situer la période de fabrication du miroir après 1850, plus vraisemblablement au XX° siècle. »
M. [G] a relevé que « le modèle rectangulaire est façonné grossièrement, sans 'nesse, à l'instar du travail de ciselure et d'argenture », que « la différence de patine des matériaux entre les deux modèles, suggère également une production du miroir rectangulaire beaucoup plus tardive que le XVIIIème siècle », et a retenu qu'au regard des résultats des analyses de bronze réalisées par prélèvements, il apparaît « très peu probable que le miroir rectangulaire puisse être qualifié comme une production du XVIIIème siècle. »
M. [F] est d'un avis contraire.
Aux termes de ses notes techniques des 18 janvier 2019 et 24 février 2020, il a relevé qu'un seul prélèvement avait été analysé et que les parties en argent n'avaient pas été identifiées. Il a contesté la pertinence de la comparaison opérée avec un autre cadre. Il a maintenu sa datation du dernier quart du XVIIIème siècle et comme étant issu de la région [Localité 6] en Russie.
Compte tenu de la divergence des avis de ces deux spécialistes, et de la nécessité de procéder à un examen et une analyse approfondie de l'objet, il convient d'ordonner une expertise judiciaire du miroir, qui sera confiée au C2MRF, afin de vérifier son authenticité.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Compte tenu de l'expertise ordonnée, les dépens seront réservés et il sera sursis à statuer sur les demandes au titre des frais irrépétibles fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
- Infirme le jugement du 14 septembre 2021 du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a écarté des débats les rapports de M. [B] et du laboratoire CEZA produits par la société Qatar Investment and Project Development Holding Co W.L.L., débouté la société Qatar Investment and Project Development Holding Co W.L.L. de sa demande de désignation d'un expert judiciaire en ce qui concerne le miroir, débouté la société QIPCO de sa demande de nullité de la vente par la société Kraemer et Cie en septembre 2012 du vase en porcelaine de céladon, orné de bronzes ciselés et dorés d'époque XVIIIème siècle, et débouté la société Qatar Investment and Project Development Holding Co W.L.L. de sa demande de dommages et intérêts pour faute délictuelle ;
- Confirme le jugement en ce que les demandes en restitution du prix des ventes ont été déclarées recevables ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
- Déclare irrecevable la demande de la société Qatar Investment and Project Development Holding Co W.L.L. en paiement de la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
- Prononce la nullité de la vente du vase en porcelaine de Céladon orné de bronzes ciselés et dorés ;
- Ordonne la restitution du prix de la vente du vase de 2 800 000 euros à la société Qatar Investment and Project Development Holding Co W.L.L. par la société Kraemer et Cie avec intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2021 ;
- Ordonne une expertise judiciaire du miroir afin de vérifier son authenticité ;
- Commet pour y procéder M. [M], directeur du Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF), [Adresse 9] [Localité 3], avec pour mission de :
* Examiner le « miroir en bronze ciselé, doré et argent » acquis par la société Qatar Investment and Project Development Holding Co W.L.L. auprès de la société Kraemer et Cie en septembre 2012 ;
* Se faire remettre les rapports et analyses établis à la demande des parties et tous documents et pièces nécessaires a' l'accomplissement de sa mission ;
* Procéder aux examens et analyses permettant d'établir la datation de ce miroir et son époque du XVIIIème siècle ;
* Etablir un rapport sur les examens et analyses effectués, en précisant les résultats obtenus concernant la datation de ce miroir ;
* Donner tous éléments lui paraissant utiles dans le cadre du présent litige ;
* Entendre les parties et répondre à leurs dires éventuels sur l'objet de sa mission ;
* Du tout déposer un rapport et conclure sur l'existence ou non de doutes réels et sérieux affectant l'authenticité du miroir ;
- Dit que l'expert devra préalablement accepter sa mission, et ce au plus tard le 14 novembre 2025 ;
- Dit que l'expert se fera communiquer tous les éléments nécessaires à sa mission ;
- Dit que l'expert devra, préalablement au dépôt de son rapport définitif, communiquer aux parties un pré-rapport et recueillir contradictoirement leurs observations ou réclamations dans le délai qu'il fixera, puis les joindre à son rapport en indiquant les réponses apportées;
- Rappelle qu'en application de l'article 276 du code de procédure civile, les parties devront dans leurs dernières observations ou réclamations reprendre sommairement le contenu de celles qu'elles ont présentées antérieurement et qu'à défaut, elles seront réputées abandonnées par les parties ;
- Fixe à 8 000 euros le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert que devra verser la société Qatar Investment and Project Development Holding Co W.L.L. entre les mains du régisseur d'avances et de recettes de la cour d'appel de Paris, et ce avant le 28 novembre 2025 ;
- Rappelle qu'à défaut de consignation dans le délai, la désignation de l'expert sera caduque, et toute conséquence sera tirée du refus ou de l'abstention de consigner ;
- Rappelle qu'il est de la mission de l'expert de concilier les parties ;
- Dit que l'expert déposera le rapport définitif de ses opérations au greffe de la cour dans les six mois de sa saisine par signification qui lui sera faite de la consignation ;
- Dit que l'expert en référera à la cour en cas de difficulté ;
- Désigne Madame Nathalie Renard chargée du suivi des opérations d'expertise ;
- Sursoit à statuer sur la nullité de la vente du miroir ;
- Sursoit à statuer sur les demandes au titre des frais irrépétibles fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
- Réserve les dépens ;
- Dit que l'affaire sera examinée à l'audience de mise en état du 4 décembre 2025 pour vérification du versement de la consignation.
La Greffière, La Présidente,