CA Paris, Pôle 5 - ch. 6, 29 octobre 2025, n° 23/14340
PARIS
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRAN'AISE
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 6
ARRÊT DU 29 OCTOBRE 2025
(n° , 13 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/14340 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIFAX
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Juillet 2023 - tribunal de commerce de Paris 4ème chambre - RG n° 2019007854
APPELANTE
S.A. SOCIETE GENERALE
[Adresse 2]
[Localité 5]
N° SIREN : 552 120 222
agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Isabelle VINCENT de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0371, substituée à l'audience par Me Stéphanie GOINARD de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de Paris
INTIMÉES
S.A.S. FINANCIERE BON
[Adresse 3]
[Localité 5]
N° SIREN : 537 733 206
agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
SELAFA MJA, représentée par Maître [N] [F], désignée en remplacement de la S.E.L.A.R.L. AXYME prise en la personne de Maître [N] [F], es-qualité de mandataire liquidateur de la S.A.S. FINANCIERE BON, désignée par jugement du tribunal de commerce de Paris du 12 octobre 2023
[Adresse 4]
[Localité 5]
N° SIREN : 440 672 509
SELAFA MJA, représentée par Maître [N] [F], désignée en remplacement de la S.E.L.A.R.L. AXYME prise en la personne de Maître [N] [F] es-qualité de mandataire liquidateur de la société FILAM, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 424 063 725 et dont le siège social est sis [Adresse 1], désignée par jugelent du tribunal de commerce de Paris du 6 mai 2021
[Adresse 4]
[Localité 5]
N° SIREN : 440 672 509
Représentées par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de Paris, toque : B0515
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 09 Septembre 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Vincent BRAUD, président de chambre
Mme Pascale SAPPEY-GUESDON, conseillère chargée du rapport
Mme Anne BAMBERGER, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Vincent BRAUD, président de chambre et par Mélanie THOMAS, greffier, présent lors de la mise à disposition.
* * * * *
PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 11 août 2023, la Société Générale a interjeté appel d'un jugement rendu le 6 juillet 2023 en ce que le tribunal de commerce de Paris saisi par voie d'assignation en date du 24 janvier 2019 délivrée à sa requête à la société Financière Bon et à la société Filam, a débouté la Société Générale de toutes ses demandes dirigées à l'encontre de la société Financière Bon, et l'a condamnée aux dépens.
La déclaration d'appel vise comme partie intimée la société Financière Bon et la Selarl Axyme, celle-ci pour avoir été désignée comme liquidateur judiciaire de la société Filam en la personne de Maître [N] [F] suivant jugement du 12 octobre 2023 du tribunal de commerce de Paris prononçant l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société Financière Bon. Le 22 janvier 2024, la société Fiancière Bon a constitué avocat. Le 29 janvier 2024, la SELARL Axyme a constitué avocat et est intervenue volontairement en qualité de liquidateur judiciaire dela société Financière Bon. Suite à la dissolution de la Selarl Axyme et au changement de structure professionnelle de Maître [F] poursuivant son activité au sein de la Selafa MJA, cette dernière été désignée en remplacement de la Selarl Axyme.
***
À l'issue de la procédure d'appel clôturée en dernier lieu, avant l'ouverture des débats, le 8 septembre 2025, les prétentions des parties s'exposent de la manière suivante.
Au dispositif de ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique le 8 septembre 2025, la Société Générale, appelante
présente en ces termes ses demandes à la cour :
'Vu l'article L. 313-12 et suivants du Code monétaire et financier,
Vu les articles L. 622-22 et L. 641-3 du Code de commerce,
Vu l'article 373 du Code de procédure civile,
Vu l'article 700 du Code de procédure civile,
Vu les autres pièces versées aux débats,
Il est demandé à la Cour de :
- RECEVOIR la SOCIETE GENERALE en son appel et l'y DECLARER bien fondée ;
En conséquence,
- INFIRMER le jugement du Tribunal de commerce du 6 juillet 2023 en ce qu'il a rejeté toutes les demandes de la SOCIETE GENERALE ;
- JUGER que la SOCIETE GENERALE rapporte la preuve de l'existence d'un comportement gravement répréhensible de la société FINANCIERE BON, justifiant le non-respect par elle du délai de préavis de 60 jours prescrit par l'article L. 313-12 du Code monétaire et financier ;
- JUGER que la clôture du compte bancaire courant portant le numéro 0225000025712518 prononcée par la SOCIETE GENERALE suivant courrier du 17 janvier 2017 est parfaitement valable ;
Et partant,
- CONSTATER la créance détenue par la SOCIETE GENERALE sur la société FINANCIERE BON à hauteur de la somme de 729.072,28 €, outre intérêts au taux contractuel à parfaire depuis le 8 octobre 2018 et jusqu'à parfait paiement ;
- FIXER la créance de la SOCIETE GENERALE au passif de la procédure collective de la société FINANCIERE BON à la somme de 729.072,28 €, outre mémoire, au titre de sa créance arrêtée au 12 octobre 2023, outre intérêts au taux contractuel jusqu'au 12 octobre 2023 et au taux légal depuis cette date et jusqu'à parfait paiement, pour mémoire et à parfaire ;
- REJETER l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la société FINANCIERE BON et de la SELAFA MJA, prise en la personne de Maître [N] [F], intervenant en remplacement de la SELARL AXYME, ès qualités de Mandataire judiciaire liquidateur ;
- CONDAMNER la SELAFA MJA, prise en la personne de Maître [N] [F], intervenant en remplacement de la SELARL AXYME, ès qualités de Mandataire judiciaire liquidateur de la société FINANCIERE BON, à payer à la SOCIETE GENERALE la somme de 4.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens, dont distraction est requise au profit de la SELAS FIDAL, prise en la personne de Maître Isabelle VINCENT en application des dispositions 699 du Code de procédure civile.'
Au dispositif de leurs conclusions communiquées par voie électronique le 9 février 2024, qui constituent leurs uniques écritures, la société par actions simplifiée Financière Bon et la SELARL Axyme en qualité de mandataire liquidateur des sociétés Financière Bon et Filam, intimées
présentent, en ces termes, leurs demandes à la cour :
'Vu les dispositions de l'article L. 313-12 du Code monétaire et financier,
Vu la jurisprudence citée,
Vu les observations qui précèdent,
IL EST DEMANDE A LA COUR D'APPEL DE PARIS DE BIEN VOULOIR :
CONFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 6 juillet 2023 en ce qu'il a rejeté toutes les demandes de la SOCIETE GENERALE ;
DEBOUTER la SOCIETE GENERALE de l'ensemble de ses demandes,
En tout état de cause :
Et Y AJOUTANT
CONDAMNER la SOCIETE GENERALE au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER la SOCIETE GENERALE aux entiers dépens de l'instance.'
Par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs conclusions précitées.
MOTIFS DE LA DECISION
1 - La Société Générale, appelante, expose que la société anonyme simplifiée Financière Bon a été constituée le 28 octobre 2011 et immatriculée au registre du commerce et des sociétés près le tribunal de commerce de Paris sous le numéro 537 733 206, avec : un capital social de 2 704 691,12 euros, un siège social au [Adresse 1], une activité d' 'Acquisition, gestion, cession, et prise de participations dans toutes sociétés, entreprises ou groupements ; fourniture de prestations de conseil et de services à toutes sociétés, entreprises ou groupement, dans tous les domaines et notamment en matière commerciale, financière, de management, d'organisation et de gestion'. Au moment de sa constitution la société Financière Bon avait comme Président : les sociétés Filam, JLC Management, et MSI, puis, selon l'extrait Kbis à jour au 7 novembre 2018, uniquement la société Filam. À la date des faits reprochés à la société Financière Bon, le Groupe était constitué, à sa tête, de la société Filam, puis d'une sous-holding - la société Financière Bon -ainsi que de cinq sociétés filles, des deux sociétés civiles Ma Puce et Elysées Immobilier, et de trois sociétés d'exploitation, exploitant des fonds de commerce de restaurant (Latin Franchise, Liberté Beaugrenelle, et PSO). La société Filam était alors présidée par M. [J], et présidait elle-même la société Financière Bon.
Suivant acte sous seing privé en date du 7 octobre 2011, la société Financière Bon a ouvert dans les livres de la Société Générale un compte bancaire courant portant le numéro 02250 00025712518. M. [J] président de la société Filam s'est porté caution des engagements de la société Financière Bon à hauteur de la somme de 650 000 euros et pour une durée de 10 ans.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 9 janvier 2017, la Société Générale a adressé à la société Financière Bon un courrier de préavis annonçant la clôture du compte bancaire n°02250 00025712518 sous huit jours, compte tenu du comportement gravement répréhensible de cette dernière, à savoir la pratique d'opérations susceptibles d'être qualifiées d'opérations de cavalerie bancaire. Ce courrier est demeuré sans réponse. Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 17 janvier 2017, la Société Générale a informé la société Financière Bon de ce qu'elle procédait à la clôture dudit compte, et la mettait en demeure de régler la somme de 717 974,17 euros correspondant à son solde débiteur. Ce second courrier est également demeuré sans réponse.
La même procédure a été conduite selon les mêmes formes, à l'égard de la société Filam, sans plus de succès.
2 - C'est dans ces circonstances que la Société Générale par acte d'huissier de justice daté du 24 janvier 2019 a fait assigner les sociétés Financière Bon et Filam devant le tribunal de commerce de Paris auquel il était demandé de les condamner au paiement des sommes correspondant aux soldes débiteurs de leurs comptes courants, soit la somme principale de 729 072,28 euros au titre du solde débiteur du compte de la société Financière Bon et la somme principale de 330 595,94 euros au titre du solde débiteur du compte de la société Filam, outre intérêts.
Suivant bordereau de cession de créance en date du 29 novembre 2019, la Société Générale a cédé la créance détenue à l'encontre de la société Filam au Fonds commun de titrisation Cédrus. À compter de cette date, la Société Générale n'avait donc plus de créance à l'encontre de la société Filam de sorte que ses demandes se sont dès lors limitées à celles formulées à l'encontre de la société Financière Bon.
Une action en paiement été concomitamment exercée à l'encontre de M. [U] [J] en sa qualité de caution solidaire de la société Financière Bon.
Par deux jugements rendus le même jour, 6 juillet 2023, le tribunal de commerce de Paris a,
- d'une part, a débouté la Société Générale de toutes ses prétentions et l'a condamnée aux dépens, tout en rejetant la demande de la société Financière Bon formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- et d'autre part, a débouté la Société Générale de toutes ses demandes à l'encontre de M. [J], considérant comme nulle la dénonciation du concours à durée indéterminée octroyé à la société Financière Bon.
3 - Par jugement du 12 octobre 2023, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Financière Bon et a désigné la Selarl Axyme, prise en la personne de Maître [N] [F], en qualité de liquidateur judiciaire, entre les mains duquel la Société Générale a déclaré sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Financière Bon, le 15 novembre 2023. La Selarl Axyme a fait l'objet d'une dissolution publiée au Bodacc en date du 29 mai 2025, Maître [N] [F] poursuivant son mandat de mandataire judiciaire des sociétés Financière Bon et Filam au sein de la Selafa MJA.
***
4 - Comme en première instance la Société Générale en cause d'appel, en référence aux dispositions de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier soutient qu'elle était bien fondée à s'affranchir du respect du préavis légal, devant le comportement gravement répréhensible de la société Financière Bon. Elle fait valoir que selon la doctrine, le comportement gravement répréhensible du bénéficiaire est le comportement qui présente un degré de gravité suffisant pour que la confiance du créditeur ne soit plus méritée. En l'espèce, la Société Générale a clôturé les comptes bancaires des sociétés Financière Bon et Filam après avoir constaté que ces dernières créditaient alternativement des comptes bancaires ouverts dans ses livres, soit en leur nom, soit au nom de la société Liberté Beaugrenelle, au moyen de l'émission croisée de chèques sans provision tirés sur celles-ci. En d'autres termes, les sociétés Financière Bon et Filam ont tenté, par le biais d'opérations bancaires, de camoufler leur incapacité à rembourser leurs soldes débiteurs. Cette pratique est susceptible de constituer un délit d'escroquerie par cavalerie bancaire puni de cinq ans d'emprisonnement et 375 000 euros d'amende. Il ne peut dès lors être contesté que le comportement des sociétés Financière Bon et Filam, lesquelles n'ont fourni aucune explication satisfaisante sur les conditions de fonctionnement de leurs comptes bancaires préalablement à leur clôture, constitue bien un comportement gravement répréhensible au sens de l'article L. 313-12 alinéa 2 du code monétaire et financier.
Le tribunal de commerce de Paris ayant considéré que la Société Générale ne rapportait pas la preuve de l'existence de ces comportements gravement répréhensibles, la Société Générale indique produire, en cause d'appel, les relevés de compte de la société Financière Bon, relatifs aux mois d'août 2016 à janvier 2017 : il en ressort que les comptes étaient principalement mouvementés par le jeu de remises et d'encaissements de chèques tantôt au débit tantôt au crédit, ce qui ne correspond pas à l'activité classique d'une société holding telle que la société Financière Bon. En outre, il résulte des relevés de comptes de la société Financière Bon, un accroissement fort des opérations, par chèques, au débit sur la période, à savoir, approximativement : 60 000 euros en août 2016, 300 000 euros en novembre 2016, 790 000 euros en décembre 2016, soit une multiplication par treize de ce type d'opérations en cinq mois. Enfin, pendant cette période, le nombre de chèques émis sans provision est de plus d'une centaine, trente-six d'entre eux pour le seul mois de décembre 2016. Ces opérations inhabituelles, s'agissant à tout le moins de leur quantum, justifiaient parfaitement les interrogations de la Société Générale et partant, les termes de son courrier du 9 janvier 2017. La cour jugera en conséquence que la Société Générale rapporte la preuve de l'existence d'un comportement gravement répréhensible de la société Financière Bon, justifiant le non-respect par elle du délai de préavis de soixante jours de l'alinéa 1er de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier.
La Société Générale ajoute que si, à bon droit, elle n'a pas respecté le préavis de soixante jours prescrit à l'alinéa 1er de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier, elle s'est néanmoins conformée aux exigences de la jurisprudence précisant au sujet des dispenses de préavis que l'établissement de crédit restait néanmoins tenu de notifier sa décision au client. En l'espèce, la Société Générale a notifié aux sociétés Financière Bon et Filam une mise en demeure les avertissant de la fermeture de leurs comptes bancaires sous huit jours à défaut d'explications de leur part sur les mouvements suspects constatés par la banque, puis leur a adressé une lettre de clôture de leurs comptes bancaires huit jours plus tard.
5 - La société Financière Bon représentée par son liquidateur judiciaire souligne que la Société Générale disposait d'une vision d'ensemble de la situation des sociétés du Groupe, les sociétés Filam, Latin Franchise et PSO ayant également ouvert des comptes dans ses livres. La société Financière Bon indique qu'elle disposait d'une autorisation de découvert tacite qui n'a cessé d'être augmentée pour finir par atteindre la somme de 525 184,45 euros ce qui s'avérait être en totale inadéquation avec ses capacités financières. Par ailleurs, à compter de l'année 2016, les sociétés du groupe ont rencontré des difficultés, conduisant à une restructuration de ce dernier et à l'ouverture de procédures collectives à l'égard de certaines entités (...) ce qui a impacté la société Filam, holding de tête, elle-même présidente de la société Financière Bon, et qui à terme conduira à la liquidation judiciaire de l'une et de l'autre.
Pour autant, sans que rien ne puisse à l'époque laisser présager une quelconque difficulté, par courrier en date du 9 janvier 2017, la Société Générale, au motif d'un prétendu fonctionnement frauduleux du compte bancaire, a notifié à la société Financière Bon la clôture sous huit jours dudit compte, puis par courrier du 17 janvier 2017 l'a mise en demeure de régler la somme de 717 974,17 euros correspondant au solde débiteur du compte - que la banque avait laissé se creuser - somme que la société Financière Bon n'a bien évidemment pas été en mesure d'acquitter dans un délai aussi court.
Le 'comportement gravement répréhensible' qu'elle invoque pour se dispenser du délai de soixante jours prévu par la loi, ne reçoit aucune définition précise, il ressort de la jurisprudence qu'il faille démontrer un comportement du bénéficiaire du crédit revêtant un degré de gravité suffisant pour altérer la relation de confiance ayant pu s'instaurer entre le banquier et son client. Une simple faute ne saurait constituer un tel comportement ; l'altération de confiance, qui doit être démontrée par l'établissement de crédit, peut résulter de mensonges ou tromperies, ou encore d'un manque de transparence entre les deux parties.
En l'espèce, le fonctionnement reproché à la société Financière Bon était ancien, normal et connu de la Société Générale. La société Financière Bon a bénéficié d'une autorisation tacite de découvert de la part de la banque. Aux termes du courrier de préavis du 9 janvier 2017 annonçant la clôture du compte, selon la Société Générale, sur la période du 28, 29 et 30 décembre 2016 et uniquement sur cette période, ont eu lieu sur le compte de la société Financière Bon des mouvements caractérisant un comportement gravement répréhensible - et donc présentant un degré de gravité suffisant pour altérer la relation de confiance ayant pu s'instaurer entre la banque et la société cliente. Ce comportement gravement répréhensible selon la Société Générale correspond au fait que le compte de la société Financière Bon était principalement mouvementé 'par le jeu de remises et d'encaissements de chèques tantôt au débit tantôt au crédit, ce qui ne correspond pas à l'activité classique de holding qu'est la société Financière Bon'. Pourtant, force est de constater que les pratiques qui sont reprochées à la société Financière Bon durant cette période étaient habituelles et connues de la banque et qu'aucune altération de la relation de confiance entre la banque et la société n'a pu ainsi avoir lieu. En effet, de tels mouvements n'ont jamais posé la moindre difficulté à la Société Générale, qui était parfaitement informée de ce mode de fonctionnement totalement habituel, ancien, et se caractérisant par l'émission de chèques entre les sociétés du groupe. À l'examen des grands livres de la société Financière Bon pour l'année 2015, la cour constatera un compte fournisseur Filam conséquent avec d'importantes remises de chèques, et l'examen du livre de banque Société Générale établit que la société Financière Bon émettait d'importants règlements vers les sociétés Latin Franchise, Liberté Beaugrenelle et en recevait de conséquents de la société Filam par le biais de ce compte. Aussi, la Société Générale indiquait dans plusieurs correspondances adressées à toutes les sociétés du groupe le 29 décembre 2016 - il s'agit précisément de la période qui poserait difficulté pour la Société Générale - à propos du rejet de vingt chèques dont six étaient intragroupes, qu'ils pouvaient être représentés et qu'il s'agissait là d'un simple incident technique. En outre, les nombreux échanges entre la Société Générale et la société Financière Bon au cours de l'année 2016 sont édifiants et ils montrent que la Société Générale avait non seulement connaissance du mode de fonctionnement des comptes de la société Financière Bon, mais qu'elle encourageait la société Financière Bon à procéder à de tels mouvements, afin d'éviter que son découvert ne soit trop important. En ce sens, la société Financière Bon produit aux débats un mail daté du 27 décembre 2016 de la banque à M. [J] - soit la veille du jour où la situation a commencé à devenir problématique pour la banque - qui ne fait aucune mention d'une quelconque crainte, peur ou difficulté de la Société Générale. Pourtant, ce mail fait clairement état des mouvements à venir au 28, 29 et 30 décembre. La Société Générale demande expressément quelles sont les remises de chèque qui vont avoir lieu le 27 décembre. De même, dans deux courriels datés du 26 octobre et du 30 novembre 2016, la Société Générale s'inquiète de l'importance du découvert des sociétés du groupe. Et c'est bien la banque qui indique à M. [J] que pour éviter de le dépasser, il est nécessaire que les chèques soient déposés rapidement afin qu'ils soient comptabilisés sur la journée de remise et ainsi éviter un dépassement trop important. Dès lors, la banque ne peut sérieusement reprocher à la société Financière Bon de tels mouvements, sur la période du 28 au 30 décembre 2016, et il est évident qu'aucune rupture de confiance ne peut être alléguée par la Société Générale.
En outre, la banque savait très précisément d'où venaient les chèques, ces derniers ne servant absolument pas à payer des fournisseurs, mais bien uniquement à permettre d'éviter que le découvert des sociétés du groupe ne soit trop important eu égard à la délégation de découvert qui avait été autorisé par le directeur de l'agence. Enfin, il suffit pour s'en convaincre de constater ces mouvements dans les comptes qui sont produits par la partie adverse, où l'on constate au cours des mois de juillet à décembre 2016 des encaissements et décaissements de chèques pour un même montant. La cour ne pourra que constater l'apparente contradiction entre l'argumentation soutenue par la Société Générale dans ses écritures, et sa lettre notifiant la rupture du concours bancaire.
Ensuite, pour tenter de se justifier, la Société Générale invoque le fait que les mouvements de fonds à l'origine de son choix de rompre son concours bancaire sont susceptibles de constituer l'infraction d'escroquerie par cavalerie bancaire punie de cinq ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende. De surcroît, elle indique que c'est l'accroissement fort des opérations par chèques sur la période d'août 2016 à décembre 2016, avec plus d'une centaine émis durant ce laps de temps, qui constitue ensemble des 'opérations inhabituelles, s'agissant à tout le moins de leur quantum' justifiant 'parfaitement les interrogations de la Société Générale et partant, les termes de son courrier du 9 janvier 2017'. Ces affirmations appellent plusieurs remarques. La première est qu'il est assez étonnant de voir désormais la Société Générale se baser sur des opérations courant sur plusieurs mois pour justifier de la rupture sans préavis du concours bancaire accordé à la société Financière Bon, alors que pour mémoire, la lettre du 9 janvier 2017 notifiant la rupture de ce concours indique que c'est sur la période du '28 décembre au 30 décembre 2016' que des opérations sur chèque ne paraissaient pas conformes à la pratique des affaires. En aucune façon cette lettre n'indique que depuis cinq mois, les pratiques de la société Financière Bon seraient douteuses et laisseraient présager de la constitution d'une possible infraction pénale. La Société Générale ne peut pas, au gré de l'avancement de la procédure, modifier son argumentation pour tordre la réalité du dossier. Elle doit conformément à la teneur de son courrier du 9 janvier 2017 démontrer que le comportement de la société Financière Bon sur la période du 28 au 30 décembre 2016 était tel qu'il a altéré la confiance que lui portait la banque, or, aujourd'hui, pour ce faire, elle affirme que la société avait en réalité exactement le même comportement depuis au moins cinq mois, et qu'elle en avait parfaitement connaissance. La seconde remarque est qu'une telle affirmation qui n'avait pas été soulevée en première instance, est en totale contradiction avec les échanges qu'a pu avoir M. [J], gérant des sociétés du groupe Filam dont fait partie la société Financière Bon, avec la Société Générale. En effet, la banque faisait un état des lieux réguliers des comptes des sociétés du groupe avec M. [J], notamment sur les rentrées et les sorties d'argent, et ce dès le mois de mai 2016. Or, la cour ne pourra que constater que dans tous ces échanges, à aucun moment la Société Générale n'a semblé inquiète des mouvements sur les comptes. C'est donc de parfaite mauvaise foi que la banque excipe désormais que c'est 'sur la base des relevés de compte de la société Financière Bon pour la période d'août à décembre 2016 que ledit fonctionnement n'était absolument pas admis et que son intensité s'était fortement accrue pendant cette période, alertant la Société Générale'.
Enfin, la cour ne pourra que constater que, contrairement à ce qui est soutenu par la partie adverse, la société Financière Bon a répondu au courrier de la Société Générale notifiant la rupture de son concours bancaire. La Société Générale soulève à plusieurs reprises le fait que la société Financière Bon n'aurait 'fourni aucune explication satisfaisante sur les conditions de fonctionnement de ses comptes bancaires préalablement à leur clôture' et, 'faute de réponse de la société Financière Bon à ce courrier de préavis et aux explications sollicitées', la Société Générale a prononcé la clôture de son compte bancaire. Or, en première instance, la concluante a versé aux débats un courrier en date du 16 janvier 2017, envoyé en lettre recommandée avec demande d'avis de réception ainsi que par mail à la direction commerciale de la Société Générale. Aux termes de ce courrier, la société Financière Bon répondait parfaitement à la banque en contestant vigoureusement tout fonctionnement anormal de ses comptes bancaires. Dans cette correspondance, il était rappelé que toutes les sociétés du groupe avaient ouvert un compte auprès de la Société Générale. Il était ensuite précisé les liens capitalistiques unissant les sociétés puisque la société Filam détient 50 % du capital et des droits de vote de la société Financière Bon, laquelle détient 50 % du capital et des droits de vote de la société Liberté Beaugrenelle. Les sociétés Filam, Financière Bon, Liberté Beaugrenelle et PSO ont par ailleurs conclu une convention de trésorerie, laquelle s'applique conformément aux dispositions légales et réglementaires. Ce faisant, la lettre précise qu'en application de cette convention, les sociétés Filam, Financière Bon, Liberté Beaugrenelle ont régulièrement enregistré des opérations sur chèque sur les comptes ouverts auprès de la Société Générale. À nouveau, la société Financière Bon rappelait qu'il s'agissait là d'un fonctionnement parfaitement normal, dont la Société Générale avait parfaitement connaissance, ces pratiques ayant eu cours pendant plus de cinq ans. En outre, démontrant la parfaite bonne foi de la société Financière Bon, il était rappelé à la Société Générale les difficultés auxquelles se trouvaient confrontées les sociétés du groupe, ainsi que les mesures de restructuration que la société tentait de mettre en place, notamment au travers de l'ouverture d'une procédure de conciliation. Ainsi, la société Financière Bon sollicitait de la Société Générale la mise en place de discussions aux fins d'évoquer la situation financière de la société et d'envisager les solutions permettant de résoudre ses difficultés. La Société Générale n'a fourni aucune réponse sur tous ces éléments.
En conclusion, la cour ne pourra que constater qu'aucune cause grave ne justifiait que soit dénoncé aussi brutalement le découvert consenti à la société Financière Bon, les opérations lui étant reprochées étant parfaitement connues de la banque sans qu'aucune difficulté n'ait jamais été soulevée par cette dernière. Par conséquent, aucun comportement gravement répréhensible ne peut être reproché à la société Financière Bon, laquelle a toujours été d'une parfaite transparence avec sa banque, sans qu'aucune forme de mensonge ou de tromperie ne puisse être mise à sa charge. Partant, aucune rupture de la relation de confiance entre elle et son banquier n'est justifiée, et les tentatives d'explication de la Société Générale, en parfaite contradiction avec les pièces qu'elle fournit, ne sauraient le démontrer. Il est donc demandé à la cour de constater que la banque ne peut se fonder sur la découverte inopinée d'un comportement gravement répréhensible pour s'abstraire du non-respect du délai de préavis de soixante jours imposé par l'article L. 313-12 du code monétaire et financier.
Compte tenu de ce qui précède, en l'absence de 'comportement gravement répréhensible' la Société Générale ne pouvait dénoncer son concours sans respecter le préavis minimal de soixante jours prévu par l'article L. 313-12 du code monétaire et financier, ce dont elle s'est abstenue. Or, ce texte dispose expressément que 'ce délai ne peut, sous peine de nullité de la rupture du concours, être inférieur à soixante jours'. La rupture du concours en l'espèce étant nulle, et le non-respect du délai de préavis emportant maintien du concours bancaire, par conséquent la créance de la Société Générale n'est pas exigible.
6 - La Société Générale, sur la prétendue absence de comportement gravement répréhensible invoquée par le liquidateur judiciaire de la société Financière Bon prétendant que le comportement de la société Financière Bon n'aurait pas pu entraîner une perte de confiance de la Société Générale vis à vis d'elle vu que le fonctionnement reproché à la société Financière Bon était 'ancien, normal et connu de la Société Générale', en particulier réplique que les tribunaux, entre autres situations, ont pu juger au visa de l'article L. 313-12 alinéa 1er du code monétaire et financier, que constitue un comportement gravement répréhensible la remise de chèques et d'effets de complaisance constitutifs d'une chaîne de cavalerie - Cass. com., 8 mars 2005, n°02-20.348.
La Société Générale rappelle qu'en l'espèce, suivant lettre recommandée avec accusé de réception adressée à la société Financière Bon le 9 janvier 2017, elle a alerté cette dernière au sujet d' 'opérations sur chèque dont le caractère ne (paraissait) pas conforme à une saine pratique des affaires' dès lors que sur la période du 28 décembre au 30 décembre 2016, 'des chèques pour un montant de 288 780,03 € ont été émis du compte de Financière Bon au profit des sociétés Filam et Liberté Beaugrenelle' et qu'ont été remis pour encaissement, 'des chèques pour un montant total de 232 882,10 €', et en conséquence, l'a enjointe à fournir sous huitaine des explications quant à ce 'comportement gravement répréhensible', faute de quoi elle serait tenue de rompre leurs relations commerciales. À défaut de réponse à ce courrier de préavis pourtant réceptionné par la société Financière Bon le 10 janvier suivant, la Société Générale n'a pu que prononcer la clôture du compte bancaire courant ouvert dans ses livres sous le numéro 02250 00025712518, suivant lettre recommandée avec accusé de réception du 17 janvier 2017. Ainsi, la Société Générale, qui n'a pas manqué de solliciter des explications auprès de sa cliente et de lui notifier la clôture du compte bancaire courant ouvert dans ses livres sous le numéro 02250 00025712518, a bien respecté les obligations mises à sa charge aux termes de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier. Partant, la clôture intervenue le 17 janvier 2017 est parfaitement valable et la Société Générale peut, à bon droit, se prévaloir tant de la déchéance du terme intervenue que de la clôture du compte courant.
Pour soutenir le contraire, la société Financière Bon a produit un courrier de réponse qu'elle aurait adressé à la Société Générale, le 16 janvier 2017, sans preuve ni de son envoi ni de sa réception.
En outre, la société Financière Bon a indiqué qu'il s'agissait d'un mode de fonctionnement habituel du compte courant et que la Société Générale y aurait mis fin en toute connaissance de cause. À cet effet, elle produit le Grand Livre de l'année 2015 mais s'est
abstenue de produire celui de l'année 2016, alors que c'est en janvier 2017 que le concours a été dénoncé, et ce, sur la base d'opérations intervenues au cours du mois de décembre 2016. En outre, il a été démontré, sur la base des relevés de compte de la société Financière Bon pour la période d'août à décembre 2016, que ce mode de fonctionnement n'était absolument pas admis par la banque et que son intensité s'était fortement accrue pendant cette période, alertant la Société Générale.
En cause d'appel, les intimés soutiennent que la Société Générale ne justifierait l'exception au délai de préavis de soixante jours qu'en invoquant des opérations sur chèques réalisées sur la seule période du 28 décembre 2016 au 30 décembre 2016, alors que ces comportements étaient habituels pour la société Financière Bon et auraient été connus de la Société Générale. La cour ne pourra que relever que si le courrier de mise en demeure ne vise que la période du 28 au 30 décembre 2016, c'est précisément parce que le nombre de mouvements litigieux a significativement augmenté sur cette période. Contrairement à ce que soutiennent les intimés, il ne s'agit pas pour la Société Générale de modifier son argumentation en cause d'appel, mais uniquement d'insister sur le fait que si ces mouvements existaient depuis le mois d'août 2016, ces opérations ont connu un fort accroissement sur la période du mois d'août au mois de décembre 2016, au cours duquel lesdites opérations ont été multipliées par treize par rapport au mois d'août 2016. Ce fort accroissement démontre précisément le caractère anormal du fonctionnement du compte bancaire, et ainsi le comportement gravement répréhensible justifiant qu'il ne soit pas fait application du délai de préavis de soixante jours.
Les intimés produisent également au soutien de leur argumentation des échanges de mails intervenus entre la société Financière Bon et la Société Générale aux termes desquels il est prétendu que la Société Générale aurait encouragé la société Financière Bon à procéder à de tels mouvements. Or la cour ne pourra que constater qu'aux termes desdits échanges - pièces adverses n°12, 13 et 14 - la Société Générale ne fait qu'alerter la société Financière Bon sur les niveaux de découverts existants pour chacune de ses filiales. En aucun cas la Société Générale n'a encouragé la société Financière Bon à commettre des faits constituant le délit de cavalerie bancaire, la Société Générale demandant uniquement que soient déposées des remises permettant de créditer les comptes bancaires débiteurs, les échanges intervenus par mails n'ayant d'autre objet que d'alerter le débiteur sur les niveaux de découverts trop important des comptes détenus dans ses livres. Contrairement à ce que soutiennent les intimés, ces échanges démontrent précisément les inquiétudes de la Société Générale relativement à la situation débitrice des comptes bancaires en cause. Dès lors, la Société Générale qui n'avait pas accepté un tel fonctionnement, n'avait d'autre choix, constatant des faits de cavalerie bancaire, que de rompre les relations contractuelles existant entre elle et la société Financière Bon.
La société Financière Bon a prétendu en outre que la Société Générale n'était pas fondée à lui réclamer le paiement de la créance qu'elle détient à son encontre dès lors que la rupture du concours bancaire prononcé par la Société Générale serait nulle pour ne pas avoir respecté le délai de soixante jours prescrit par l'article L. 313-12 du code monétaire et financier. La Société Générale ayant démontré le caractère gravement répréhensible du comportement de la société Financière Bon, elle n'avait pas à respecter le délai de soixante jours susvisé, et était fondée, en application de l'alinéa 2 de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier, à rompre le concours bancaire avec un délai de prévenance de huit jours. En conséquence, la cour ne pourra que constater le caractère exigible de la créance de la Société Générale.
Sur ce,
Selon l'article L. 313-12 du code monétaire et financier, 'Tout concours à durée indéterminée, autre qu'occasionnel, qu'un établissement de crédit ou une société de financement consent à une entreprise, ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite et à l'expiration d'un délai de préavis fixé lors de l'octroi du concours. Ce délai ne peut, sous peine de nullité de la rupture du concours, être inférieur à soixante jours. (') ;
L'établissement de crédit ou la société de financement n'est pas tenu de respecter un délai
de préavis, que l'ouverture de crédit soit à durée indéterminée ou déterminée, en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou au cas où la situation de ce dernier s'avérerait irrémédiablement compromise'.
La commission de faits susceptibles de revêtir une qualification pénale d'escroquerie caractérise incontestablement un 'comportement gravement répréhensible' au sens des dispositions précitées.
À hauteur d'appel la Société Générale produit pour preuve les éléments qui selon le tribunal faisaient défaut en première instance - relevés de compte de la société Financière Bon, pièce 19 - dont l'examen permet de considérer comme pertinente l'analyse qu'en fait la Société Générale écrivant : 'la Société Générale produit les relevés de compte de la société Financière Bon relatifs aux mois d'août 2016 à janvier 2017. La cour constatera que les comptes étaient principalement mouvementés par le jeu de remises et d'encaissements de chèques tantôt au débit tantôt au crédit, ce qui ne correspond pas à une activité classique de holding qu'est la société Financière Bon. En outre, il résulte des relevés de comptes de la société Financière Bon, un accroissement fort des opérations, par chèques, au débit sur la période, à savoir, approximativement : 60 000 euros en août 2016, 300 000 euros en novembre 2016, 790 000 euros en décembre 2016, soit une multiplication par 13 de ce type d'opérations en 5 mois. Enfin, pendant cette période, le nombre de chèques émis sans provision est de plus d'une centaine, 36 d'entre eux pour le seul mois de décembre 2016. Ces opérations inhabituelles, s'agissant à tout le moins de leur quantum, justifiaient parfaitement les interrogations de la Société Générale et partant, les termes de son courrier du 9 janvier 2017.'
Pour sa défense la société Financière Bon verse au débat la convention de trésorerie du 5 janvier 2011 - modifiée par avenant du 7 mai 2015 pour y ajouter une société Invest ZA - liant les sociétés du Groupe (toutes représentées par M. [U] [J]).
Il y a lieu de relever que cette convention encadrait strictement les opérations pouvant être réalisées ainsi que leur objet [avances de fonds mis à disposition par les filiales ou la société Filam utilisables par la 'société-mère' uniquement pour consentir des avances aux sociétés du groupe auquel elles appartiennent], qu'elle prévoyait leur comptabilisation, leur remboursement, et ce alors qu'en l'espèce la société Financière Bon ne justifie par aucune pièce que les opérations que la banque considère comme suspectes à la toute fin de l'année 2016 et telles qu'elle les décrit, auraient bien été effectuées aux fins contractuellement prévues, et dans le cadre de la convention. En outre et en tout état de cause, cette convention de trésorerie était inconnue de la banque, qui n'y était pas partie, et qui bien que teneur de comptes de plusieurs entités du groupe, et contrairement à ce que la société Financière Bon considère comme un élément capital, n'avait pas pour autant 'une vision globale' de la situation dont elle aurait dû ou pu déduire ce que la société Financière Bon prétend aujourd'hui, à savoir des flux bancaires selon elle parfaitement réguliers sur la période des quelques jours considérés.
Il sera fait observer que même à retenir que ces relations intragroupe consacrées pas les 'conventions de trésorerie' appliquées depuis plusieurs années pouvaient précédemment justifier des flux existant entre les sociétés concernées, c'est l'intensification de ces flux qui les a rendus suspects.
Partant, et contrairement à ce que soutient la société Financière Bon, la banque a pu, sans contradiction aucune, cibler dans son courrier du 9 janvier 2017 la période des quelques jours de fin décembre 2016, puisque c'est à cet instant que s'est trouvée suffisamment caractérisée l'existence d'un comportement gravement répréhensible tenant à des opérations de cavalerie bancaires.
Dans ces conditions, la production par la société Financière Bon du Grand Livre Global est sans grand emport, s'agissant d'un document portant sur l'activité de l'année 2015, soit une période clôturée un an avant celle qui a attiré l'attention de la banque pour les raisons indiquées ci-dessus.
En raison de ce 'comportement gravement répréhensible' pleinement caractérisé au sens de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier, la relation de confiance entre la banque et sa cliente a inévitablement été rompue dès lors que ce comportement a été avéré, c'est à dire fin décembre 2016. Il importe de relever que la banque a immédiatement réagi, par son courrier du 9 janvier 2017, dont les termes à cet égard sont sans équivoque.
Pour soutenir que la banque ne peut se prévaloir de ce 'comportement gravement répréhensible', la société Financière Bon considère que la confiance de la banque envers sa cliente n'était nullement affectée, la preuve en étant les termes des courriers du 29 décembre 2016 qui ne font aucune référence à des opérations douteuses. Or, il ressort de ces courriers, adressés à chacune des sociétés du groupe, que la Direction commerciale de la banque avait pour préoccupation immédiate d'appréhender une difficulté spécifique, relativement au traitement de chèques sans provision, qui par ailleurs n'avaient pas pu être traités en temps réel en raison d'un incident technique survenu quelques jours auparavant, le 23 décembre 2016. La société Financière Bon ne peut sérieusement reprocher à la banque de n'aborder dans ces courriers que ce seul sujet d'urgence, et au demeurant, on ne peut exclure que c'est cette série d'incidents concernant concommitamment plusieurs sociétés du groupe qui a constitué pour la banque une première alerte, la conduisant à un examen plus approfondi des comptes de la société Financière Bon notamment, dans les jours qui ont suivi, et au constat d'écritures pouvant constituer des opérations de cavalerie.
Le contenu des mails auxquels se réfère par ailleurs la société Financière Bon, contrairement à l'interprétation qu'elle en donne, ne révèle en rien un encouragement de la banque, ni même une tolérance, envers des opérations douteuses, mais traduit seulement que la banque s'inquiètait des remises qui interviendraient le jour même (27 décembre 2016) pour crédit des comptes des sociétés du groupe, le solde étant pour l'heure nettement négatif. Le même constat vaut s'agissant des autres mails, adressés à la société Financière Bon au cours des mois précédents, et dont il ne ressort rien d'autre que les inquiétudes de la banque, sollicitant réponse, sur les remises à créditer à venir.
Enfin, les parties s'opposent sur le point de savoir si la société Financière Bon a répondu au courrier du 9 janvier 2017. La société Financière Bon verse au débat une lettre censément explicative en tête de laquelle il est mentionné qu'elle fait l'objet d'un envoi recommandé avec accusé de réception et d'un envoi par courrier électronique mais ne produit ni cet email ni l'accusé de réception. En toute hypothèse, il est constant qu'il n'y pas eu de réponse de la Société Générale à ce courrier, et il apparaît surprenant que la société Financière Bon n'ait pas jugé utile de relancer la banque, au vu du contenu de la lettre qu'elle verse au débat et de l'enjeu de la situation.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la Société Générale était bien fondée en sa décision de prononcer la clôture du compte courant de la société Financière Bon au motif d'un comportement gravement répréhensible la dispensant de l'application d'un préavis de soixante jours, par application des dispositions de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier.
Le jugement déféré doit donc être infirmé en ce que le tribunal a débouté la Société Générale de ses prétentions, de ce chef.
La créance de la Société Générale étant dûment justifiée [selon décompte des sommes dues arrêté au 8 octobre 2018, puis suivant décompte des sommes dues joint à la déclaration de créance du 15 novembre 2023, arrêtées au 12 octobre 2023] il y a lieu, de fixer cette créance au passif de la liquidation de la société Financière Bon à titre chirographaire et à hauteur de la somme de 717 974,20 euros en principal, outre intérêts au taux légal courus depuis la clôture du compte le 17 janvier 2017, arrêtés au 12 octobre 2023, date d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, tel que cela ressort de la déclaration de créance du 15 novembre 2023.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
La Selafa MJA ès qualités, partie qui succombe, supportera la charge des dépens et ne peut prétendre à aucune somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Aucune considération d'équité n'impose de faire droit à la demande de la Société Générale formulée sur ce même fondement.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant dans les limites de l'appel,
INFIRME le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
FIXE la créance de la Société Générale au passif de la liquidation de la société Financière Bon à titre chirographaire et à hauteur de la somme de 717 974,20 euros en principal, outre intérêts au taux légal courus depuis la clôture du compte le 17 janvier 2017, arrêtés au 12 octobre 2023, date d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire ;
DIT que la société Financière Bon supportera la charge des entiers dépens de l'instance et que la somme issue de leur liquidation est fixée au passif de sa liquidation judiciaire ;
DÉBOUTE les parties de leur demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
* * * * *
Le greffier Le président
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 6
ARRÊT DU 29 OCTOBRE 2025
(n° , 13 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/14340 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIFAX
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Juillet 2023 - tribunal de commerce de Paris 4ème chambre - RG n° 2019007854
APPELANTE
S.A. SOCIETE GENERALE
[Adresse 2]
[Localité 5]
N° SIREN : 552 120 222
agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Isabelle VINCENT de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0371, substituée à l'audience par Me Stéphanie GOINARD de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de Paris
INTIMÉES
S.A.S. FINANCIERE BON
[Adresse 3]
[Localité 5]
N° SIREN : 537 733 206
agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
SELAFA MJA, représentée par Maître [N] [F], désignée en remplacement de la S.E.L.A.R.L. AXYME prise en la personne de Maître [N] [F], es-qualité de mandataire liquidateur de la S.A.S. FINANCIERE BON, désignée par jugement du tribunal de commerce de Paris du 12 octobre 2023
[Adresse 4]
[Localité 5]
N° SIREN : 440 672 509
SELAFA MJA, représentée par Maître [N] [F], désignée en remplacement de la S.E.L.A.R.L. AXYME prise en la personne de Maître [N] [F] es-qualité de mandataire liquidateur de la société FILAM, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 424 063 725 et dont le siège social est sis [Adresse 1], désignée par jugelent du tribunal de commerce de Paris du 6 mai 2021
[Adresse 4]
[Localité 5]
N° SIREN : 440 672 509
Représentées par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de Paris, toque : B0515
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 09 Septembre 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Vincent BRAUD, président de chambre
Mme Pascale SAPPEY-GUESDON, conseillère chargée du rapport
Mme Anne BAMBERGER, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Vincent BRAUD, président de chambre et par Mélanie THOMAS, greffier, présent lors de la mise à disposition.
* * * * *
PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 11 août 2023, la Société Générale a interjeté appel d'un jugement rendu le 6 juillet 2023 en ce que le tribunal de commerce de Paris saisi par voie d'assignation en date du 24 janvier 2019 délivrée à sa requête à la société Financière Bon et à la société Filam, a débouté la Société Générale de toutes ses demandes dirigées à l'encontre de la société Financière Bon, et l'a condamnée aux dépens.
La déclaration d'appel vise comme partie intimée la société Financière Bon et la Selarl Axyme, celle-ci pour avoir été désignée comme liquidateur judiciaire de la société Filam en la personne de Maître [N] [F] suivant jugement du 12 octobre 2023 du tribunal de commerce de Paris prononçant l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société Financière Bon. Le 22 janvier 2024, la société Fiancière Bon a constitué avocat. Le 29 janvier 2024, la SELARL Axyme a constitué avocat et est intervenue volontairement en qualité de liquidateur judiciaire dela société Financière Bon. Suite à la dissolution de la Selarl Axyme et au changement de structure professionnelle de Maître [F] poursuivant son activité au sein de la Selafa MJA, cette dernière été désignée en remplacement de la Selarl Axyme.
***
À l'issue de la procédure d'appel clôturée en dernier lieu, avant l'ouverture des débats, le 8 septembre 2025, les prétentions des parties s'exposent de la manière suivante.
Au dispositif de ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique le 8 septembre 2025, la Société Générale, appelante
présente en ces termes ses demandes à la cour :
'Vu l'article L. 313-12 et suivants du Code monétaire et financier,
Vu les articles L. 622-22 et L. 641-3 du Code de commerce,
Vu l'article 373 du Code de procédure civile,
Vu l'article 700 du Code de procédure civile,
Vu les autres pièces versées aux débats,
Il est demandé à la Cour de :
- RECEVOIR la SOCIETE GENERALE en son appel et l'y DECLARER bien fondée ;
En conséquence,
- INFIRMER le jugement du Tribunal de commerce du 6 juillet 2023 en ce qu'il a rejeté toutes les demandes de la SOCIETE GENERALE ;
- JUGER que la SOCIETE GENERALE rapporte la preuve de l'existence d'un comportement gravement répréhensible de la société FINANCIERE BON, justifiant le non-respect par elle du délai de préavis de 60 jours prescrit par l'article L. 313-12 du Code monétaire et financier ;
- JUGER que la clôture du compte bancaire courant portant le numéro 0225000025712518 prononcée par la SOCIETE GENERALE suivant courrier du 17 janvier 2017 est parfaitement valable ;
Et partant,
- CONSTATER la créance détenue par la SOCIETE GENERALE sur la société FINANCIERE BON à hauteur de la somme de 729.072,28 €, outre intérêts au taux contractuel à parfaire depuis le 8 octobre 2018 et jusqu'à parfait paiement ;
- FIXER la créance de la SOCIETE GENERALE au passif de la procédure collective de la société FINANCIERE BON à la somme de 729.072,28 €, outre mémoire, au titre de sa créance arrêtée au 12 octobre 2023, outre intérêts au taux contractuel jusqu'au 12 octobre 2023 et au taux légal depuis cette date et jusqu'à parfait paiement, pour mémoire et à parfaire ;
- REJETER l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la société FINANCIERE BON et de la SELAFA MJA, prise en la personne de Maître [N] [F], intervenant en remplacement de la SELARL AXYME, ès qualités de Mandataire judiciaire liquidateur ;
- CONDAMNER la SELAFA MJA, prise en la personne de Maître [N] [F], intervenant en remplacement de la SELARL AXYME, ès qualités de Mandataire judiciaire liquidateur de la société FINANCIERE BON, à payer à la SOCIETE GENERALE la somme de 4.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens, dont distraction est requise au profit de la SELAS FIDAL, prise en la personne de Maître Isabelle VINCENT en application des dispositions 699 du Code de procédure civile.'
Au dispositif de leurs conclusions communiquées par voie électronique le 9 février 2024, qui constituent leurs uniques écritures, la société par actions simplifiée Financière Bon et la SELARL Axyme en qualité de mandataire liquidateur des sociétés Financière Bon et Filam, intimées
présentent, en ces termes, leurs demandes à la cour :
'Vu les dispositions de l'article L. 313-12 du Code monétaire et financier,
Vu la jurisprudence citée,
Vu les observations qui précèdent,
IL EST DEMANDE A LA COUR D'APPEL DE PARIS DE BIEN VOULOIR :
CONFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 6 juillet 2023 en ce qu'il a rejeté toutes les demandes de la SOCIETE GENERALE ;
DEBOUTER la SOCIETE GENERALE de l'ensemble de ses demandes,
En tout état de cause :
Et Y AJOUTANT
CONDAMNER la SOCIETE GENERALE au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER la SOCIETE GENERALE aux entiers dépens de l'instance.'
Par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs conclusions précitées.
MOTIFS DE LA DECISION
1 - La Société Générale, appelante, expose que la société anonyme simplifiée Financière Bon a été constituée le 28 octobre 2011 et immatriculée au registre du commerce et des sociétés près le tribunal de commerce de Paris sous le numéro 537 733 206, avec : un capital social de 2 704 691,12 euros, un siège social au [Adresse 1], une activité d' 'Acquisition, gestion, cession, et prise de participations dans toutes sociétés, entreprises ou groupements ; fourniture de prestations de conseil et de services à toutes sociétés, entreprises ou groupement, dans tous les domaines et notamment en matière commerciale, financière, de management, d'organisation et de gestion'. Au moment de sa constitution la société Financière Bon avait comme Président : les sociétés Filam, JLC Management, et MSI, puis, selon l'extrait Kbis à jour au 7 novembre 2018, uniquement la société Filam. À la date des faits reprochés à la société Financière Bon, le Groupe était constitué, à sa tête, de la société Filam, puis d'une sous-holding - la société Financière Bon -ainsi que de cinq sociétés filles, des deux sociétés civiles Ma Puce et Elysées Immobilier, et de trois sociétés d'exploitation, exploitant des fonds de commerce de restaurant (Latin Franchise, Liberté Beaugrenelle, et PSO). La société Filam était alors présidée par M. [J], et présidait elle-même la société Financière Bon.
Suivant acte sous seing privé en date du 7 octobre 2011, la société Financière Bon a ouvert dans les livres de la Société Générale un compte bancaire courant portant le numéro 02250 00025712518. M. [J] président de la société Filam s'est porté caution des engagements de la société Financière Bon à hauteur de la somme de 650 000 euros et pour une durée de 10 ans.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 9 janvier 2017, la Société Générale a adressé à la société Financière Bon un courrier de préavis annonçant la clôture du compte bancaire n°02250 00025712518 sous huit jours, compte tenu du comportement gravement répréhensible de cette dernière, à savoir la pratique d'opérations susceptibles d'être qualifiées d'opérations de cavalerie bancaire. Ce courrier est demeuré sans réponse. Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 17 janvier 2017, la Société Générale a informé la société Financière Bon de ce qu'elle procédait à la clôture dudit compte, et la mettait en demeure de régler la somme de 717 974,17 euros correspondant à son solde débiteur. Ce second courrier est également demeuré sans réponse.
La même procédure a été conduite selon les mêmes formes, à l'égard de la société Filam, sans plus de succès.
2 - C'est dans ces circonstances que la Société Générale par acte d'huissier de justice daté du 24 janvier 2019 a fait assigner les sociétés Financière Bon et Filam devant le tribunal de commerce de Paris auquel il était demandé de les condamner au paiement des sommes correspondant aux soldes débiteurs de leurs comptes courants, soit la somme principale de 729 072,28 euros au titre du solde débiteur du compte de la société Financière Bon et la somme principale de 330 595,94 euros au titre du solde débiteur du compte de la société Filam, outre intérêts.
Suivant bordereau de cession de créance en date du 29 novembre 2019, la Société Générale a cédé la créance détenue à l'encontre de la société Filam au Fonds commun de titrisation Cédrus. À compter de cette date, la Société Générale n'avait donc plus de créance à l'encontre de la société Filam de sorte que ses demandes se sont dès lors limitées à celles formulées à l'encontre de la société Financière Bon.
Une action en paiement été concomitamment exercée à l'encontre de M. [U] [J] en sa qualité de caution solidaire de la société Financière Bon.
Par deux jugements rendus le même jour, 6 juillet 2023, le tribunal de commerce de Paris a,
- d'une part, a débouté la Société Générale de toutes ses prétentions et l'a condamnée aux dépens, tout en rejetant la demande de la société Financière Bon formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- et d'autre part, a débouté la Société Générale de toutes ses demandes à l'encontre de M. [J], considérant comme nulle la dénonciation du concours à durée indéterminée octroyé à la société Financière Bon.
3 - Par jugement du 12 octobre 2023, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Financière Bon et a désigné la Selarl Axyme, prise en la personne de Maître [N] [F], en qualité de liquidateur judiciaire, entre les mains duquel la Société Générale a déclaré sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Financière Bon, le 15 novembre 2023. La Selarl Axyme a fait l'objet d'une dissolution publiée au Bodacc en date du 29 mai 2025, Maître [N] [F] poursuivant son mandat de mandataire judiciaire des sociétés Financière Bon et Filam au sein de la Selafa MJA.
***
4 - Comme en première instance la Société Générale en cause d'appel, en référence aux dispositions de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier soutient qu'elle était bien fondée à s'affranchir du respect du préavis légal, devant le comportement gravement répréhensible de la société Financière Bon. Elle fait valoir que selon la doctrine, le comportement gravement répréhensible du bénéficiaire est le comportement qui présente un degré de gravité suffisant pour que la confiance du créditeur ne soit plus méritée. En l'espèce, la Société Générale a clôturé les comptes bancaires des sociétés Financière Bon et Filam après avoir constaté que ces dernières créditaient alternativement des comptes bancaires ouverts dans ses livres, soit en leur nom, soit au nom de la société Liberté Beaugrenelle, au moyen de l'émission croisée de chèques sans provision tirés sur celles-ci. En d'autres termes, les sociétés Financière Bon et Filam ont tenté, par le biais d'opérations bancaires, de camoufler leur incapacité à rembourser leurs soldes débiteurs. Cette pratique est susceptible de constituer un délit d'escroquerie par cavalerie bancaire puni de cinq ans d'emprisonnement et 375 000 euros d'amende. Il ne peut dès lors être contesté que le comportement des sociétés Financière Bon et Filam, lesquelles n'ont fourni aucune explication satisfaisante sur les conditions de fonctionnement de leurs comptes bancaires préalablement à leur clôture, constitue bien un comportement gravement répréhensible au sens de l'article L. 313-12 alinéa 2 du code monétaire et financier.
Le tribunal de commerce de Paris ayant considéré que la Société Générale ne rapportait pas la preuve de l'existence de ces comportements gravement répréhensibles, la Société Générale indique produire, en cause d'appel, les relevés de compte de la société Financière Bon, relatifs aux mois d'août 2016 à janvier 2017 : il en ressort que les comptes étaient principalement mouvementés par le jeu de remises et d'encaissements de chèques tantôt au débit tantôt au crédit, ce qui ne correspond pas à l'activité classique d'une société holding telle que la société Financière Bon. En outre, il résulte des relevés de comptes de la société Financière Bon, un accroissement fort des opérations, par chèques, au débit sur la période, à savoir, approximativement : 60 000 euros en août 2016, 300 000 euros en novembre 2016, 790 000 euros en décembre 2016, soit une multiplication par treize de ce type d'opérations en cinq mois. Enfin, pendant cette période, le nombre de chèques émis sans provision est de plus d'une centaine, trente-six d'entre eux pour le seul mois de décembre 2016. Ces opérations inhabituelles, s'agissant à tout le moins de leur quantum, justifiaient parfaitement les interrogations de la Société Générale et partant, les termes de son courrier du 9 janvier 2017. La cour jugera en conséquence que la Société Générale rapporte la preuve de l'existence d'un comportement gravement répréhensible de la société Financière Bon, justifiant le non-respect par elle du délai de préavis de soixante jours de l'alinéa 1er de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier.
La Société Générale ajoute que si, à bon droit, elle n'a pas respecté le préavis de soixante jours prescrit à l'alinéa 1er de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier, elle s'est néanmoins conformée aux exigences de la jurisprudence précisant au sujet des dispenses de préavis que l'établissement de crédit restait néanmoins tenu de notifier sa décision au client. En l'espèce, la Société Générale a notifié aux sociétés Financière Bon et Filam une mise en demeure les avertissant de la fermeture de leurs comptes bancaires sous huit jours à défaut d'explications de leur part sur les mouvements suspects constatés par la banque, puis leur a adressé une lettre de clôture de leurs comptes bancaires huit jours plus tard.
5 - La société Financière Bon représentée par son liquidateur judiciaire souligne que la Société Générale disposait d'une vision d'ensemble de la situation des sociétés du Groupe, les sociétés Filam, Latin Franchise et PSO ayant également ouvert des comptes dans ses livres. La société Financière Bon indique qu'elle disposait d'une autorisation de découvert tacite qui n'a cessé d'être augmentée pour finir par atteindre la somme de 525 184,45 euros ce qui s'avérait être en totale inadéquation avec ses capacités financières. Par ailleurs, à compter de l'année 2016, les sociétés du groupe ont rencontré des difficultés, conduisant à une restructuration de ce dernier et à l'ouverture de procédures collectives à l'égard de certaines entités (...) ce qui a impacté la société Filam, holding de tête, elle-même présidente de la société Financière Bon, et qui à terme conduira à la liquidation judiciaire de l'une et de l'autre.
Pour autant, sans que rien ne puisse à l'époque laisser présager une quelconque difficulté, par courrier en date du 9 janvier 2017, la Société Générale, au motif d'un prétendu fonctionnement frauduleux du compte bancaire, a notifié à la société Financière Bon la clôture sous huit jours dudit compte, puis par courrier du 17 janvier 2017 l'a mise en demeure de régler la somme de 717 974,17 euros correspondant au solde débiteur du compte - que la banque avait laissé se creuser - somme que la société Financière Bon n'a bien évidemment pas été en mesure d'acquitter dans un délai aussi court.
Le 'comportement gravement répréhensible' qu'elle invoque pour se dispenser du délai de soixante jours prévu par la loi, ne reçoit aucune définition précise, il ressort de la jurisprudence qu'il faille démontrer un comportement du bénéficiaire du crédit revêtant un degré de gravité suffisant pour altérer la relation de confiance ayant pu s'instaurer entre le banquier et son client. Une simple faute ne saurait constituer un tel comportement ; l'altération de confiance, qui doit être démontrée par l'établissement de crédit, peut résulter de mensonges ou tromperies, ou encore d'un manque de transparence entre les deux parties.
En l'espèce, le fonctionnement reproché à la société Financière Bon était ancien, normal et connu de la Société Générale. La société Financière Bon a bénéficié d'une autorisation tacite de découvert de la part de la banque. Aux termes du courrier de préavis du 9 janvier 2017 annonçant la clôture du compte, selon la Société Générale, sur la période du 28, 29 et 30 décembre 2016 et uniquement sur cette période, ont eu lieu sur le compte de la société Financière Bon des mouvements caractérisant un comportement gravement répréhensible - et donc présentant un degré de gravité suffisant pour altérer la relation de confiance ayant pu s'instaurer entre la banque et la société cliente. Ce comportement gravement répréhensible selon la Société Générale correspond au fait que le compte de la société Financière Bon était principalement mouvementé 'par le jeu de remises et d'encaissements de chèques tantôt au débit tantôt au crédit, ce qui ne correspond pas à l'activité classique de holding qu'est la société Financière Bon'. Pourtant, force est de constater que les pratiques qui sont reprochées à la société Financière Bon durant cette période étaient habituelles et connues de la banque et qu'aucune altération de la relation de confiance entre la banque et la société n'a pu ainsi avoir lieu. En effet, de tels mouvements n'ont jamais posé la moindre difficulté à la Société Générale, qui était parfaitement informée de ce mode de fonctionnement totalement habituel, ancien, et se caractérisant par l'émission de chèques entre les sociétés du groupe. À l'examen des grands livres de la société Financière Bon pour l'année 2015, la cour constatera un compte fournisseur Filam conséquent avec d'importantes remises de chèques, et l'examen du livre de banque Société Générale établit que la société Financière Bon émettait d'importants règlements vers les sociétés Latin Franchise, Liberté Beaugrenelle et en recevait de conséquents de la société Filam par le biais de ce compte. Aussi, la Société Générale indiquait dans plusieurs correspondances adressées à toutes les sociétés du groupe le 29 décembre 2016 - il s'agit précisément de la période qui poserait difficulté pour la Société Générale - à propos du rejet de vingt chèques dont six étaient intragroupes, qu'ils pouvaient être représentés et qu'il s'agissait là d'un simple incident technique. En outre, les nombreux échanges entre la Société Générale et la société Financière Bon au cours de l'année 2016 sont édifiants et ils montrent que la Société Générale avait non seulement connaissance du mode de fonctionnement des comptes de la société Financière Bon, mais qu'elle encourageait la société Financière Bon à procéder à de tels mouvements, afin d'éviter que son découvert ne soit trop important. En ce sens, la société Financière Bon produit aux débats un mail daté du 27 décembre 2016 de la banque à M. [J] - soit la veille du jour où la situation a commencé à devenir problématique pour la banque - qui ne fait aucune mention d'une quelconque crainte, peur ou difficulté de la Société Générale. Pourtant, ce mail fait clairement état des mouvements à venir au 28, 29 et 30 décembre. La Société Générale demande expressément quelles sont les remises de chèque qui vont avoir lieu le 27 décembre. De même, dans deux courriels datés du 26 octobre et du 30 novembre 2016, la Société Générale s'inquiète de l'importance du découvert des sociétés du groupe. Et c'est bien la banque qui indique à M. [J] que pour éviter de le dépasser, il est nécessaire que les chèques soient déposés rapidement afin qu'ils soient comptabilisés sur la journée de remise et ainsi éviter un dépassement trop important. Dès lors, la banque ne peut sérieusement reprocher à la société Financière Bon de tels mouvements, sur la période du 28 au 30 décembre 2016, et il est évident qu'aucune rupture de confiance ne peut être alléguée par la Société Générale.
En outre, la banque savait très précisément d'où venaient les chèques, ces derniers ne servant absolument pas à payer des fournisseurs, mais bien uniquement à permettre d'éviter que le découvert des sociétés du groupe ne soit trop important eu égard à la délégation de découvert qui avait été autorisé par le directeur de l'agence. Enfin, il suffit pour s'en convaincre de constater ces mouvements dans les comptes qui sont produits par la partie adverse, où l'on constate au cours des mois de juillet à décembre 2016 des encaissements et décaissements de chèques pour un même montant. La cour ne pourra que constater l'apparente contradiction entre l'argumentation soutenue par la Société Générale dans ses écritures, et sa lettre notifiant la rupture du concours bancaire.
Ensuite, pour tenter de se justifier, la Société Générale invoque le fait que les mouvements de fonds à l'origine de son choix de rompre son concours bancaire sont susceptibles de constituer l'infraction d'escroquerie par cavalerie bancaire punie de cinq ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende. De surcroît, elle indique que c'est l'accroissement fort des opérations par chèques sur la période d'août 2016 à décembre 2016, avec plus d'une centaine émis durant ce laps de temps, qui constitue ensemble des 'opérations inhabituelles, s'agissant à tout le moins de leur quantum' justifiant 'parfaitement les interrogations de la Société Générale et partant, les termes de son courrier du 9 janvier 2017'. Ces affirmations appellent plusieurs remarques. La première est qu'il est assez étonnant de voir désormais la Société Générale se baser sur des opérations courant sur plusieurs mois pour justifier de la rupture sans préavis du concours bancaire accordé à la société Financière Bon, alors que pour mémoire, la lettre du 9 janvier 2017 notifiant la rupture de ce concours indique que c'est sur la période du '28 décembre au 30 décembre 2016' que des opérations sur chèque ne paraissaient pas conformes à la pratique des affaires. En aucune façon cette lettre n'indique que depuis cinq mois, les pratiques de la société Financière Bon seraient douteuses et laisseraient présager de la constitution d'une possible infraction pénale. La Société Générale ne peut pas, au gré de l'avancement de la procédure, modifier son argumentation pour tordre la réalité du dossier. Elle doit conformément à la teneur de son courrier du 9 janvier 2017 démontrer que le comportement de la société Financière Bon sur la période du 28 au 30 décembre 2016 était tel qu'il a altéré la confiance que lui portait la banque, or, aujourd'hui, pour ce faire, elle affirme que la société avait en réalité exactement le même comportement depuis au moins cinq mois, et qu'elle en avait parfaitement connaissance. La seconde remarque est qu'une telle affirmation qui n'avait pas été soulevée en première instance, est en totale contradiction avec les échanges qu'a pu avoir M. [J], gérant des sociétés du groupe Filam dont fait partie la société Financière Bon, avec la Société Générale. En effet, la banque faisait un état des lieux réguliers des comptes des sociétés du groupe avec M. [J], notamment sur les rentrées et les sorties d'argent, et ce dès le mois de mai 2016. Or, la cour ne pourra que constater que dans tous ces échanges, à aucun moment la Société Générale n'a semblé inquiète des mouvements sur les comptes. C'est donc de parfaite mauvaise foi que la banque excipe désormais que c'est 'sur la base des relevés de compte de la société Financière Bon pour la période d'août à décembre 2016 que ledit fonctionnement n'était absolument pas admis et que son intensité s'était fortement accrue pendant cette période, alertant la Société Générale'.
Enfin, la cour ne pourra que constater que, contrairement à ce qui est soutenu par la partie adverse, la société Financière Bon a répondu au courrier de la Société Générale notifiant la rupture de son concours bancaire. La Société Générale soulève à plusieurs reprises le fait que la société Financière Bon n'aurait 'fourni aucune explication satisfaisante sur les conditions de fonctionnement de ses comptes bancaires préalablement à leur clôture' et, 'faute de réponse de la société Financière Bon à ce courrier de préavis et aux explications sollicitées', la Société Générale a prononcé la clôture de son compte bancaire. Or, en première instance, la concluante a versé aux débats un courrier en date du 16 janvier 2017, envoyé en lettre recommandée avec demande d'avis de réception ainsi que par mail à la direction commerciale de la Société Générale. Aux termes de ce courrier, la société Financière Bon répondait parfaitement à la banque en contestant vigoureusement tout fonctionnement anormal de ses comptes bancaires. Dans cette correspondance, il était rappelé que toutes les sociétés du groupe avaient ouvert un compte auprès de la Société Générale. Il était ensuite précisé les liens capitalistiques unissant les sociétés puisque la société Filam détient 50 % du capital et des droits de vote de la société Financière Bon, laquelle détient 50 % du capital et des droits de vote de la société Liberté Beaugrenelle. Les sociétés Filam, Financière Bon, Liberté Beaugrenelle et PSO ont par ailleurs conclu une convention de trésorerie, laquelle s'applique conformément aux dispositions légales et réglementaires. Ce faisant, la lettre précise qu'en application de cette convention, les sociétés Filam, Financière Bon, Liberté Beaugrenelle ont régulièrement enregistré des opérations sur chèque sur les comptes ouverts auprès de la Société Générale. À nouveau, la société Financière Bon rappelait qu'il s'agissait là d'un fonctionnement parfaitement normal, dont la Société Générale avait parfaitement connaissance, ces pratiques ayant eu cours pendant plus de cinq ans. En outre, démontrant la parfaite bonne foi de la société Financière Bon, il était rappelé à la Société Générale les difficultés auxquelles se trouvaient confrontées les sociétés du groupe, ainsi que les mesures de restructuration que la société tentait de mettre en place, notamment au travers de l'ouverture d'une procédure de conciliation. Ainsi, la société Financière Bon sollicitait de la Société Générale la mise en place de discussions aux fins d'évoquer la situation financière de la société et d'envisager les solutions permettant de résoudre ses difficultés. La Société Générale n'a fourni aucune réponse sur tous ces éléments.
En conclusion, la cour ne pourra que constater qu'aucune cause grave ne justifiait que soit dénoncé aussi brutalement le découvert consenti à la société Financière Bon, les opérations lui étant reprochées étant parfaitement connues de la banque sans qu'aucune difficulté n'ait jamais été soulevée par cette dernière. Par conséquent, aucun comportement gravement répréhensible ne peut être reproché à la société Financière Bon, laquelle a toujours été d'une parfaite transparence avec sa banque, sans qu'aucune forme de mensonge ou de tromperie ne puisse être mise à sa charge. Partant, aucune rupture de la relation de confiance entre elle et son banquier n'est justifiée, et les tentatives d'explication de la Société Générale, en parfaite contradiction avec les pièces qu'elle fournit, ne sauraient le démontrer. Il est donc demandé à la cour de constater que la banque ne peut se fonder sur la découverte inopinée d'un comportement gravement répréhensible pour s'abstraire du non-respect du délai de préavis de soixante jours imposé par l'article L. 313-12 du code monétaire et financier.
Compte tenu de ce qui précède, en l'absence de 'comportement gravement répréhensible' la Société Générale ne pouvait dénoncer son concours sans respecter le préavis minimal de soixante jours prévu par l'article L. 313-12 du code monétaire et financier, ce dont elle s'est abstenue. Or, ce texte dispose expressément que 'ce délai ne peut, sous peine de nullité de la rupture du concours, être inférieur à soixante jours'. La rupture du concours en l'espèce étant nulle, et le non-respect du délai de préavis emportant maintien du concours bancaire, par conséquent la créance de la Société Générale n'est pas exigible.
6 - La Société Générale, sur la prétendue absence de comportement gravement répréhensible invoquée par le liquidateur judiciaire de la société Financière Bon prétendant que le comportement de la société Financière Bon n'aurait pas pu entraîner une perte de confiance de la Société Générale vis à vis d'elle vu que le fonctionnement reproché à la société Financière Bon était 'ancien, normal et connu de la Société Générale', en particulier réplique que les tribunaux, entre autres situations, ont pu juger au visa de l'article L. 313-12 alinéa 1er du code monétaire et financier, que constitue un comportement gravement répréhensible la remise de chèques et d'effets de complaisance constitutifs d'une chaîne de cavalerie - Cass. com., 8 mars 2005, n°02-20.348.
La Société Générale rappelle qu'en l'espèce, suivant lettre recommandée avec accusé de réception adressée à la société Financière Bon le 9 janvier 2017, elle a alerté cette dernière au sujet d' 'opérations sur chèque dont le caractère ne (paraissait) pas conforme à une saine pratique des affaires' dès lors que sur la période du 28 décembre au 30 décembre 2016, 'des chèques pour un montant de 288 780,03 € ont été émis du compte de Financière Bon au profit des sociétés Filam et Liberté Beaugrenelle' et qu'ont été remis pour encaissement, 'des chèques pour un montant total de 232 882,10 €', et en conséquence, l'a enjointe à fournir sous huitaine des explications quant à ce 'comportement gravement répréhensible', faute de quoi elle serait tenue de rompre leurs relations commerciales. À défaut de réponse à ce courrier de préavis pourtant réceptionné par la société Financière Bon le 10 janvier suivant, la Société Générale n'a pu que prononcer la clôture du compte bancaire courant ouvert dans ses livres sous le numéro 02250 00025712518, suivant lettre recommandée avec accusé de réception du 17 janvier 2017. Ainsi, la Société Générale, qui n'a pas manqué de solliciter des explications auprès de sa cliente et de lui notifier la clôture du compte bancaire courant ouvert dans ses livres sous le numéro 02250 00025712518, a bien respecté les obligations mises à sa charge aux termes de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier. Partant, la clôture intervenue le 17 janvier 2017 est parfaitement valable et la Société Générale peut, à bon droit, se prévaloir tant de la déchéance du terme intervenue que de la clôture du compte courant.
Pour soutenir le contraire, la société Financière Bon a produit un courrier de réponse qu'elle aurait adressé à la Société Générale, le 16 janvier 2017, sans preuve ni de son envoi ni de sa réception.
En outre, la société Financière Bon a indiqué qu'il s'agissait d'un mode de fonctionnement habituel du compte courant et que la Société Générale y aurait mis fin en toute connaissance de cause. À cet effet, elle produit le Grand Livre de l'année 2015 mais s'est
abstenue de produire celui de l'année 2016, alors que c'est en janvier 2017 que le concours a été dénoncé, et ce, sur la base d'opérations intervenues au cours du mois de décembre 2016. En outre, il a été démontré, sur la base des relevés de compte de la société Financière Bon pour la période d'août à décembre 2016, que ce mode de fonctionnement n'était absolument pas admis par la banque et que son intensité s'était fortement accrue pendant cette période, alertant la Société Générale.
En cause d'appel, les intimés soutiennent que la Société Générale ne justifierait l'exception au délai de préavis de soixante jours qu'en invoquant des opérations sur chèques réalisées sur la seule période du 28 décembre 2016 au 30 décembre 2016, alors que ces comportements étaient habituels pour la société Financière Bon et auraient été connus de la Société Générale. La cour ne pourra que relever que si le courrier de mise en demeure ne vise que la période du 28 au 30 décembre 2016, c'est précisément parce que le nombre de mouvements litigieux a significativement augmenté sur cette période. Contrairement à ce que soutiennent les intimés, il ne s'agit pas pour la Société Générale de modifier son argumentation en cause d'appel, mais uniquement d'insister sur le fait que si ces mouvements existaient depuis le mois d'août 2016, ces opérations ont connu un fort accroissement sur la période du mois d'août au mois de décembre 2016, au cours duquel lesdites opérations ont été multipliées par treize par rapport au mois d'août 2016. Ce fort accroissement démontre précisément le caractère anormal du fonctionnement du compte bancaire, et ainsi le comportement gravement répréhensible justifiant qu'il ne soit pas fait application du délai de préavis de soixante jours.
Les intimés produisent également au soutien de leur argumentation des échanges de mails intervenus entre la société Financière Bon et la Société Générale aux termes desquels il est prétendu que la Société Générale aurait encouragé la société Financière Bon à procéder à de tels mouvements. Or la cour ne pourra que constater qu'aux termes desdits échanges - pièces adverses n°12, 13 et 14 - la Société Générale ne fait qu'alerter la société Financière Bon sur les niveaux de découverts existants pour chacune de ses filiales. En aucun cas la Société Générale n'a encouragé la société Financière Bon à commettre des faits constituant le délit de cavalerie bancaire, la Société Générale demandant uniquement que soient déposées des remises permettant de créditer les comptes bancaires débiteurs, les échanges intervenus par mails n'ayant d'autre objet que d'alerter le débiteur sur les niveaux de découverts trop important des comptes détenus dans ses livres. Contrairement à ce que soutiennent les intimés, ces échanges démontrent précisément les inquiétudes de la Société Générale relativement à la situation débitrice des comptes bancaires en cause. Dès lors, la Société Générale qui n'avait pas accepté un tel fonctionnement, n'avait d'autre choix, constatant des faits de cavalerie bancaire, que de rompre les relations contractuelles existant entre elle et la société Financière Bon.
La société Financière Bon a prétendu en outre que la Société Générale n'était pas fondée à lui réclamer le paiement de la créance qu'elle détient à son encontre dès lors que la rupture du concours bancaire prononcé par la Société Générale serait nulle pour ne pas avoir respecté le délai de soixante jours prescrit par l'article L. 313-12 du code monétaire et financier. La Société Générale ayant démontré le caractère gravement répréhensible du comportement de la société Financière Bon, elle n'avait pas à respecter le délai de soixante jours susvisé, et était fondée, en application de l'alinéa 2 de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier, à rompre le concours bancaire avec un délai de prévenance de huit jours. En conséquence, la cour ne pourra que constater le caractère exigible de la créance de la Société Générale.
Sur ce,
Selon l'article L. 313-12 du code monétaire et financier, 'Tout concours à durée indéterminée, autre qu'occasionnel, qu'un établissement de crédit ou une société de financement consent à une entreprise, ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite et à l'expiration d'un délai de préavis fixé lors de l'octroi du concours. Ce délai ne peut, sous peine de nullité de la rupture du concours, être inférieur à soixante jours. (') ;
L'établissement de crédit ou la société de financement n'est pas tenu de respecter un délai
de préavis, que l'ouverture de crédit soit à durée indéterminée ou déterminée, en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou au cas où la situation de ce dernier s'avérerait irrémédiablement compromise'.
La commission de faits susceptibles de revêtir une qualification pénale d'escroquerie caractérise incontestablement un 'comportement gravement répréhensible' au sens des dispositions précitées.
À hauteur d'appel la Société Générale produit pour preuve les éléments qui selon le tribunal faisaient défaut en première instance - relevés de compte de la société Financière Bon, pièce 19 - dont l'examen permet de considérer comme pertinente l'analyse qu'en fait la Société Générale écrivant : 'la Société Générale produit les relevés de compte de la société Financière Bon relatifs aux mois d'août 2016 à janvier 2017. La cour constatera que les comptes étaient principalement mouvementés par le jeu de remises et d'encaissements de chèques tantôt au débit tantôt au crédit, ce qui ne correspond pas à une activité classique de holding qu'est la société Financière Bon. En outre, il résulte des relevés de comptes de la société Financière Bon, un accroissement fort des opérations, par chèques, au débit sur la période, à savoir, approximativement : 60 000 euros en août 2016, 300 000 euros en novembre 2016, 790 000 euros en décembre 2016, soit une multiplication par 13 de ce type d'opérations en 5 mois. Enfin, pendant cette période, le nombre de chèques émis sans provision est de plus d'une centaine, 36 d'entre eux pour le seul mois de décembre 2016. Ces opérations inhabituelles, s'agissant à tout le moins de leur quantum, justifiaient parfaitement les interrogations de la Société Générale et partant, les termes de son courrier du 9 janvier 2017.'
Pour sa défense la société Financière Bon verse au débat la convention de trésorerie du 5 janvier 2011 - modifiée par avenant du 7 mai 2015 pour y ajouter une société Invest ZA - liant les sociétés du Groupe (toutes représentées par M. [U] [J]).
Il y a lieu de relever que cette convention encadrait strictement les opérations pouvant être réalisées ainsi que leur objet [avances de fonds mis à disposition par les filiales ou la société Filam utilisables par la 'société-mère' uniquement pour consentir des avances aux sociétés du groupe auquel elles appartiennent], qu'elle prévoyait leur comptabilisation, leur remboursement, et ce alors qu'en l'espèce la société Financière Bon ne justifie par aucune pièce que les opérations que la banque considère comme suspectes à la toute fin de l'année 2016 et telles qu'elle les décrit, auraient bien été effectuées aux fins contractuellement prévues, et dans le cadre de la convention. En outre et en tout état de cause, cette convention de trésorerie était inconnue de la banque, qui n'y était pas partie, et qui bien que teneur de comptes de plusieurs entités du groupe, et contrairement à ce que la société Financière Bon considère comme un élément capital, n'avait pas pour autant 'une vision globale' de la situation dont elle aurait dû ou pu déduire ce que la société Financière Bon prétend aujourd'hui, à savoir des flux bancaires selon elle parfaitement réguliers sur la période des quelques jours considérés.
Il sera fait observer que même à retenir que ces relations intragroupe consacrées pas les 'conventions de trésorerie' appliquées depuis plusieurs années pouvaient précédemment justifier des flux existant entre les sociétés concernées, c'est l'intensification de ces flux qui les a rendus suspects.
Partant, et contrairement à ce que soutient la société Financière Bon, la banque a pu, sans contradiction aucune, cibler dans son courrier du 9 janvier 2017 la période des quelques jours de fin décembre 2016, puisque c'est à cet instant que s'est trouvée suffisamment caractérisée l'existence d'un comportement gravement répréhensible tenant à des opérations de cavalerie bancaires.
Dans ces conditions, la production par la société Financière Bon du Grand Livre Global est sans grand emport, s'agissant d'un document portant sur l'activité de l'année 2015, soit une période clôturée un an avant celle qui a attiré l'attention de la banque pour les raisons indiquées ci-dessus.
En raison de ce 'comportement gravement répréhensible' pleinement caractérisé au sens de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier, la relation de confiance entre la banque et sa cliente a inévitablement été rompue dès lors que ce comportement a été avéré, c'est à dire fin décembre 2016. Il importe de relever que la banque a immédiatement réagi, par son courrier du 9 janvier 2017, dont les termes à cet égard sont sans équivoque.
Pour soutenir que la banque ne peut se prévaloir de ce 'comportement gravement répréhensible', la société Financière Bon considère que la confiance de la banque envers sa cliente n'était nullement affectée, la preuve en étant les termes des courriers du 29 décembre 2016 qui ne font aucune référence à des opérations douteuses. Or, il ressort de ces courriers, adressés à chacune des sociétés du groupe, que la Direction commerciale de la banque avait pour préoccupation immédiate d'appréhender une difficulté spécifique, relativement au traitement de chèques sans provision, qui par ailleurs n'avaient pas pu être traités en temps réel en raison d'un incident technique survenu quelques jours auparavant, le 23 décembre 2016. La société Financière Bon ne peut sérieusement reprocher à la banque de n'aborder dans ces courriers que ce seul sujet d'urgence, et au demeurant, on ne peut exclure que c'est cette série d'incidents concernant concommitamment plusieurs sociétés du groupe qui a constitué pour la banque une première alerte, la conduisant à un examen plus approfondi des comptes de la société Financière Bon notamment, dans les jours qui ont suivi, et au constat d'écritures pouvant constituer des opérations de cavalerie.
Le contenu des mails auxquels se réfère par ailleurs la société Financière Bon, contrairement à l'interprétation qu'elle en donne, ne révèle en rien un encouragement de la banque, ni même une tolérance, envers des opérations douteuses, mais traduit seulement que la banque s'inquiètait des remises qui interviendraient le jour même (27 décembre 2016) pour crédit des comptes des sociétés du groupe, le solde étant pour l'heure nettement négatif. Le même constat vaut s'agissant des autres mails, adressés à la société Financière Bon au cours des mois précédents, et dont il ne ressort rien d'autre que les inquiétudes de la banque, sollicitant réponse, sur les remises à créditer à venir.
Enfin, les parties s'opposent sur le point de savoir si la société Financière Bon a répondu au courrier du 9 janvier 2017. La société Financière Bon verse au débat une lettre censément explicative en tête de laquelle il est mentionné qu'elle fait l'objet d'un envoi recommandé avec accusé de réception et d'un envoi par courrier électronique mais ne produit ni cet email ni l'accusé de réception. En toute hypothèse, il est constant qu'il n'y pas eu de réponse de la Société Générale à ce courrier, et il apparaît surprenant que la société Financière Bon n'ait pas jugé utile de relancer la banque, au vu du contenu de la lettre qu'elle verse au débat et de l'enjeu de la situation.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la Société Générale était bien fondée en sa décision de prononcer la clôture du compte courant de la société Financière Bon au motif d'un comportement gravement répréhensible la dispensant de l'application d'un préavis de soixante jours, par application des dispositions de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier.
Le jugement déféré doit donc être infirmé en ce que le tribunal a débouté la Société Générale de ses prétentions, de ce chef.
La créance de la Société Générale étant dûment justifiée [selon décompte des sommes dues arrêté au 8 octobre 2018, puis suivant décompte des sommes dues joint à la déclaration de créance du 15 novembre 2023, arrêtées au 12 octobre 2023] il y a lieu, de fixer cette créance au passif de la liquidation de la société Financière Bon à titre chirographaire et à hauteur de la somme de 717 974,20 euros en principal, outre intérêts au taux légal courus depuis la clôture du compte le 17 janvier 2017, arrêtés au 12 octobre 2023, date d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, tel que cela ressort de la déclaration de créance du 15 novembre 2023.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
La Selafa MJA ès qualités, partie qui succombe, supportera la charge des dépens et ne peut prétendre à aucune somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Aucune considération d'équité n'impose de faire droit à la demande de la Société Générale formulée sur ce même fondement.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant dans les limites de l'appel,
INFIRME le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
FIXE la créance de la Société Générale au passif de la liquidation de la société Financière Bon à titre chirographaire et à hauteur de la somme de 717 974,20 euros en principal, outre intérêts au taux légal courus depuis la clôture du compte le 17 janvier 2017, arrêtés au 12 octobre 2023, date d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire ;
DIT que la société Financière Bon supportera la charge des entiers dépens de l'instance et que la somme issue de leur liquidation est fixée au passif de sa liquidation judiciaire ;
DÉBOUTE les parties de leur demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
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Le greffier Le président