CA Paris, Pôle 5 - ch. 6, 29 octobre 2025, n° 24/01419
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 6
ARRET DU 29 OCTOBRE 2025
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/01419 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CIYYX
Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Octobre 2023 - tribunaljudiciaire de Paris 9ème chambre 3ème section - RG n° 22/06022
APPELANTE
S.C.I. ORYS 6
[Adresse 6]
[Localité 8]
N°SIREN : 752 555 565
agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cettequalité audit siège
Représentée par Me Sandrine FARRUGIA, avocat au barreau de Paris, toque : G0423
Ayant pour avocat plaidant Me Sébastien CROMBEZ, avocat au barreau de Versailles, toque : 461
INTIMÉE
S.C.O.P. S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE
[Adresse 4]
[Localité 7]
N°SIREN : 382 900 942
agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cettequalité audit siège
Représentée par Me Bertrand CHAMBREUIL du cabinet CHAMBREUIL, avocat au barreau de Paris, toque : B0230
Ayant pour avocat plaidant Me Emmanuelle LECRENAIS du cabinet CHAMBREUIL, avocat au barreau de Paris, toque : B0230
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Valérie CHAMP, présidente de chambre, entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Valérie CHAMP, présidente de chambre
Mme Laurence CHAINTRON, conseillère
Mme Anne BAMBERGER, conseillère
Greffière, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Valérie CHAMP, présidente de chambre et par Mélanie THOMAS, greffière, présent lors de la mise à disposition.
* * * * *
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par exploit d'huissier du 18 mai 2022, la SCI Orys 6 (la SCI) a assigné la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Ile-de-France (la banque) devant le tribunal judiciaire de Paris en indemnisation et en restitution de sommes déposées.
La SCI expose avoir ouvert un compte courant n° [XXXXXXXXXX01] et un compte « excédent Professionnels » n° [XXXXXXXXXX02] dans les livres de la banque et avoir transmis ses statuts faisant apparaître que le capital social était réparti entre une société américaine Hadaly LLC détenant 99 % des parts sociales et une société Orys détenant le solde, celle-ci ayant pour gérant M. [B], que par lettre du 16 décembre 2020, M. [V] a informé la banque de la démission de celui-ci et de l'intérim qu'il assumait en sa qualité de fondé de pouvoir de la SCI.
Se plaignant de ne plus avoir accès à l'espace "Direct écureuil" par suite d'une substitution du numéro de téléphone portable de M. [B] au numéro de contact originel dont il précisait qu'il était le sien, M. [V] a sollicité en vain qu'il soit remédié à cette difficulté.
Par jugement du 5 octobre 2023, le tribunal a rejeté les demandes de la SCI, constaté l'engagement de la banque à lui restituer l'intégralité des fonds disponibles sur les comptes ouverts à son nom, condamner la SCI aux dépens et à régler à la banque une somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Par déclaration remise au greffe de la cour le 5 janvier 2024, la SCI Orys 6 a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 7 mars 2025, la SCI demande à la cour, de :
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 5 octobre 2023, en ce qu'il a constaté l'engagement de la banque à restituer à la SCI Orys 6 l'intégralité des fonds disponibles sur les comptes ouverts à son nom,
- infirmer le jugement, en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes, condamnée aux dépens dont distraction à Maître Bertrand Chambreuil conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et à verser à la banque la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau,
- ordonner la communication par la banque de nouveaux identifiants à MM. [B] et [V], en leurs qualités respectives de gérant et de mandataire de la SCI Orys 6, afin de rétablir l'accès aux services bancaires en ligne permettant la consultation et le téléchargement des relevés d'opérations mensuels manquants, sous astreinte de 1000 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de un jour suivant la signification de la décision à intervenir,
- condamner la banque à rembourser à la SCI Orys 6 l'ensemble des sommes correspondant aux frais abusivement facturés depuis le mois de décembre 2020,
- condamner la banque à verser à la SCI Orys 6 une indemnité au titre du préjudice né du retard à exécuter une obligation pécuniaire, et ce jusqu'à la date de rétablissement effectif des accès aux comptes bancaires : pour mémoire, du 16/12/2020 au 30/12/2024 : 46 398 euros ;
- condamner la banque à verser à la SCI Orys 6 une indemnité au titre du préjudice résultant de l'écoulement du temps : 77 914 euros,
- condamner la banque à verser à la SCI Orys 6 une indemnité au titre du préjudice de trésorerie, à compter du 16/12/2020 et ce jusqu'à sa date de restitution effective le 30/12/2024 : 367 104 euros,
- condamner la banque à verser à la SCI Orys 6 une indemnité pour le préjudice subi au titre de la perte de chance de réaliser un investissement, et ce jusqu'à la date de restitution effective de sa trésorerie : pour mémoire, sur 5 trimestres à compter du mois de janvier 2021 : 77 000 euros,
- condamner la banque à verser à la SCI Orys 6 une indemnité de 40 000 euros au titre du préjudice moral subi par la société, son gérant et son mandataire ;
- condamner la banque à verser à la SCI Orys 6 la somme de 14 270 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 31 mars 2025, la banque demande à la cour, de :
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
- dire et juger irrecevable la demande visant à voir ordonner la restitution des sommes détenues dans les livres de la banque ;
- dire et juger sans objet la demande visant à voir ordonner la communication par la banque de nouveaux identifiants de connexion ;
- débouter la SCI Orys 6 de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
- condamner la SCI Orys 6 à lui payer la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Bertrand Chambreuil, avocat au Barreau de Paris dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux dernières conclusions écrites déposées en application de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 juin 2025 et l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoiries du 18 septembre 2025.
MOTIFS
Sur la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la suspension de l'accès aux comptes en ligne
La SCI soutient que la suspension de l'accès à ses comptes en ligne a été effectuée sans motif légitime, hors de tout cadre légal et lui a causé un préjudice considérable.
Elle avance que la banque par la violence de ses stratagèmes et provocations échafaudés, ainsi que par sa volonté de nuire à ses intérêts en s'appropriant et faisant fructifier les fonds litigieux, a commis une faute dolosive, justifiant la réparation intégrale des préjudices subis. Elle ajoute que le lien de causalité entre le comportement abusif de la banque et ceux-ci n'est pas contestable. Elle précise enfin que le devoir de vigilance avancé impliquant de toujours connaître son client est inepte, dès lors qu'elle connaît les représentant et mandataire des société Orys et Orys 6 depuis plus de trente-deux ans pour M. [V] et quarante ans pour M. [B], dont les comptes personnel et professionnel ont continué à fonctionner normalement.
La banque réplique que la SCI échoue à démontrer la moindre faute à son encontre, qu'elle a subordonné à juste titre la délivrance des codes d'accès aux comptes à la mise à jour des données concernant la société, faite en présence des personnes concernées pour lui permettre de vérifier leur capacité à agir, à la suite de la notification par M. [V] de la démission du gérant, que la procuration dont se prévalait celui-ci ne pouvait permettre de passer outre cette carence de la gérance, de sorte que dépourvu de tout pouvoir légal de représentation, elle ne pouvait lui délivrer en l'état de nouveaux codes d'accès. Elle rappelle ensuite les stipulations contractuelles relatives à la procuration et être tenue plus généralement d'un devoir général de vigilance tout au long de la relation bancaire qui lui impose de toujours connaître son client.
Aux termes de l'article L. 561-5, I, du code monétaire et financier, avant d'entrer en relation d'affaires avec leur client ou de l'assister dans la préparation ou la réalisation d'une transaction, les personnes mentionnées à l'article L. 561-2 :
1° Identifient leur client et, le cas échéant, le bénéficiaire effectif au sens de l'article L. 561-2-2 ;
2° Vérifient ces éléments d'identification sur présentation de tout document écrit à caractère probant.
Aux termes de l'article L. 561-5-1, alinéa 1 du même code, avant d'entrer en relation d'affaires, les personnes mentionnées à l'article L. 561-2 recueillent les informations relatives à l'objet et à la nature de cette relation et tout autre élément d'information pertinent. Elles actualisent ces informations pendant toute la durée de la relation d'affaires.
Aux termes de l'article L. 561-6 du même code, pendant toute la durée de la relation d'affaires et dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, ces personnes exercent, dans la limite de leurs droits et obligations, une vigilance constante et pratiquent un examen attentif des opérations effectuées en veillant à ce qu'elles soient cohérentes avec la connaissance actualisée qu'elles ont de leur relation d'affaires.
Aux termes de l'article R. 561-5-1 du même code, pour l'application du 2° du I de l'article L. 561-5, les personnes mentionnées à l'article L. 561-2 vérifient l'identité du client selon l'une des modalités suivantes :
1° En recourant :
a) A un moyen d'identification électronique certifié ou attesté par l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information conforme au niveau de garantie soit substantiel soit élevé fixé par l'article 8 du règlement (UE) n° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 sur l'identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur, ou
b) A un moyen d'identification électronique délivré dans le cadre d'un schéma notifié à la Commission européenne par un Etat membre de l'Union européenne dans les conditions prévues au paragraphe 1 de l'article 9 de ce règlement et dont le niveau de garantie correspond au niveau soit substantiel soit élevé fixé par l'article 8 du même règlement ;
2° En recourant à un moyen d'identification électronique présumé fiable au sens de l'article L. 102 du code des postes et des communications électroniques ;
3° Lorsque le client est une personne physique, physiquement présente aux fins de l'identification au moment de l'établissement de la relation d'affaires, par la présentation de l'original d'un document officiel en cours de validité comportant sa photographie et par la prise d'une copie de ce document ;
4° Lorsque le client est une personne morale, dont le représentant dûment habilité est physiquement présent aux fins de l'identification au moment de l'établissement de la relation d'affaires, par la communication de l'original ou de la copie de tout acte ou extrait de registre officiel datant de moins de trois mois ou extrait du Journal officiel, constatant la dénomination, la forme juridique, l'adresse du siège social et l'identité des associés et dirigeants sociaux mentionnés aux 1° et 2° de l'article R. 123-54 du code de commerce, des représentants légaux ou de leurs équivalents en droit étranger. La vérification de l'identité de la personne morale peut également être réalisée en obtenant une copie certifiée du document directement via les greffes des tribunaux de commerce ou un document équivalent en droit étranger.
Aux termes de l'article R. 561-11 du même code, lorsque les personnes mentionnées à l'article L. 561-2 ont de bonnes raisons de penser que l'identité de leur client et les éléments d'identification précédemment obtenus ne sont plus exacts ou pertinents, elles procèdent de nouveau à l'identification du client et à la vérification de son identité conformément aux articles R. 561-5 et R. 561-5-1 et, le cas échéant, à l'identification et à la vérification de l'identité de son bénéficiaire effectif conformément à l'article R. 561-7.
Aux termes de l'article R. 561-12 du même code, pour l'application de l'article L. 561-5-1, les personnes mentionnées à l'article L. 561-2 :
(')
2° Pendant toute la durée de la relation d'affaires, recueillent, mettent à jour et analysent les éléments d'information qui permettent de conserver une connaissance appropriée et actualisée de leur relation d'affaires.
Il est jugé qu'il appartient à une banque, tant lors de l'ouverture du compte bancaire d'une personne morale que, le cas échéant, en cours de fonctionnement à l'occasion du changement de mandataire, de vérifier la conformité des pouvoirs de ses représentants à la loi et aux statuts de cette personne morale (Com., 20 mars 2007, pourvoi n° 06-13.552, Bull. 2007, IV, n° 90 ; Com., 27 mai 2008, pourvoi n° 07-15.132, Bull. 2008, IV, n° 105).
Il en résulte qu'une banque, tenue d'une obligation de vigilance à l'égard de sa cliente en application des articles précités, est bien fondée à s'interroger et à vérifier l'étendue des autorisations de signature au sein d'une société, en particulier à vérifier les pouvoirs des représentants de celle-ci et le cas échéant, de faire régulariser les éléments de connaissance du client, sauf à engager sa responsabilité.
En l'espèce, les statuts de la SCI déposés le 6 juillet 2012 mentionnent comme premier gérant, M. [K] [B], né le [Date naissance 3] 1979 à [Localité 9], pour une durée indéterminée.
Or, par lettre à entête de la SCI Orys 6 datée du 16 décembre 2020, M. [V] a informé la banque de la démission de M. [B] de ses fonctions de gérant, a produit une lettre recommandée avec accusé de réception de celui-ci en ce sens, adressée à la SCI Orys 6, datée du 18 janvier 2015, a indiqué assumer depuis l'intérim en sa qualité de fondé de pouvoir, ne plus avoir accès à l'espace Direct Ecureuil de la SCI du fait de la substitution du numéro de téléphone de M. [B] au numéro de contact originel, qui était selon lui le sien et a sollicité qu'il soit remédié à cette anomalie.
Si M. [V] s'est ensuite prévalu d'un courriel de M. [B] daté du 15 avril 2021 rédigé dans les termes suivants « Par rapport aux lettres de démission de mon poste de gérant envoyées en 2015/2016, je voulais simplement me recentrer sur mes projets personnels ('). Après réflexion et vu que je n'ai jamais voulu vous causer d'embarras, ni à vous ni aux sociétés, je ne vois aucun inconvénient à poursuivre ma mission de gérant pour les sociétés Orys et Orys 6. », ce dernier document n'est pas de nature à remettre en cause le bien-fondé de la demande de vérification de l'identité du client en cours d'exécution de la relation d'affaires, dès lors que ces échanges traduisent une certaine confusion et étaient de nature à laisser penser à la banque que l'identité de sa cliente et les éléments d'identification précédemment obtenus n'étaient plus exacts ou pertinents.
S'agissant de la procuration dont se prévaut M. [V] pour invoquer une délégation de pouvoirs à son profit, outre le fait qu'elle est datée du 26 juin 2012, est signé par M. [B] et n'a été communiquée à la banque que le 23 décembre 2020, il convient de relever qu'il n'est pas justifié d'une information antérieure de la banque, dès lors que ce document ne comporte aucun cachet ou signature de celle-ci.
Or, il est stipulé à l'article 1. 4 de la convention de compte courant et de services bancaires mise à jour au 1er avril 2015, que « le client peut donner procuration à une ou plusieurs personnes appelées « mandataires » pour effectuer sur le compte, soit certaines opérations limitativement énumérées soit toutes opérations que le client peut lui-même effectuer, y compris la clôture du compte. La procuration peut être donnée à l'ouverture du compte ou ultérieurement. Les mandataires sur le compte doivent déposer un spécimen de leur signature et présenter une pièce d'identité officielle comportant une photographie récente.
La Caisse d'Epargne pourra refuser la procuration ou en demander la résiliation notamment si le mandataire est frappé d'interdiction bancaire ou judiciaire.
Elle peut également refuser toute procuration dont la complexité ne serait pas compatible avec ses contraintes de gestion. (souligné par nous) »
Il sera relevé que la portée relative de la procuration versées aux débats et les changements de position de MM. [V] et [B] entre les 13 décembre 2020 et 15 avril 2021 étaient de nature à accroître les interrogations de la banque sur le fonctionnement de sa cliente et sur son organe de représentation, de sorte que le conditionnement de la délivrance de nouveaux codes d'accès à une mise à jour des données de la société en présence des personnes, soutenant la représenter, sans se limiter à des vérifications par voie électronique, ne paraît pas abusive.
Il sera relevé que si la société fait longuement grief à la banque de ne pas s'être contentée d'une venue de M. [B] dans l'une de ses agences réunionnaises, il n'est pas justifié de son adresse à la date des faits, dès lors que M. [B] produit un seul relevé de compte daté du 8 mars 2024 mentionnant comme adresse [Adresse 5] et un courriel de la banque du 15 mai 2021 faisant état d'un pli non distribué à cette adresse, avec demande de vérification de ladite adresse. Il sera, en outre, observé que M. [V] ne soutient pas s'être déplacé pour permettre à la banque de procéder aux vérifications requises le concernant.
Il s'ensuit que la banque, tenue de connaître son client pendant toute la durée de la relation contractuelle, était bien fondée à vérifier l'identité des personnes habilitées à faire fonctionner le compte de la société et à bloquer, dans l'attente, l'accès à l'espace "Direct écureuil" sans que ce blocage puisse être qualifié de fautif.
Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a écarté toute faute de la banque.
Sur la demande visant à voir ordonner la restitution des sommes déposées
La SCI sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a constaté l'engagement de la banque à restituer à la SCI Orys 6 l'intégralité des fonds disponibles sur les comptes ouverts à son nom, mais n'énonce aucun moyen.
La banque réplique que cette demande est irrecevable en application de l'article 954 du code de procédure civile, dès lors qu'elle ne figurait qu'au dispositif de ses conclusions d'appelant sans être soutenue dans la discussion, elle soutient au fond que les conventions ont été résiliées et qu'un chèque de banque a été remis en main propres le 16 juillet 2024.
La banque produit la lettre recommandée avec accusé de réception du 5 avril 2024 adressée par la banque à la SCI Orys 6 que celle-ci lui a notifié la clôture à intervenir du compte courant n° [XXXXXXXXXX01] et de l'ensemble des produits et services associés, à l'issue d'un délai de 30 jours à compter de l'envoi et au plus tard le 14 mai 2024, ainsi que l'envoi par pli recommandé du 10 juin 2024 du chèque adressé à la SCI Orys 6 à son adresse déclarée [Adresse 6], à hauteur de 362 340,68 euros, retourné avec la mention « destinataire inconnu à cette adresse ». La SCI verse, quant à elle, aux débats un procès-verbal d'huissier du 16 juillet 2024 attestant de la remise par la directrice de l'agence bancaire sise à Paris à M. [V] de deux chèques libellés à l'ordre des sociétés Orys 6 et Orys respectivement de 362 340, 68 et 120 104,66 euros. La production des derniers relevés de compte du 30 mars 2023 au 10 juin 2024 par la banque et celle du relevé de compte de la SCI du 29 juin 2024 par celle-ci attestent que le compte courant comportait un solde créditeur de zéro euro.
Il convient, dès lors, de dire que la demande de restitution, ainsi que celle tendant à la communication de nouveaux identifiants, sont devenues sans objet et de les rejeter.
Sur la demande de remboursement des frais bancaires
La SCI expose solliciter le remboursement de tous les frais bancaires prélevés depuis le mois de décembre 2020, en l'absence de toute contrepartie et être recevable en sa demande néanmoins, dès lors que cette impossibilité de chiffrage résulte de la faute dolosive de la banque, qui l'a privée de tout accès à ses comptes et qui n'a toujours pas transmis les relevés de comptes mensuels des opérations, alors qu'une telle transmission a été ordonnée par le juge de la mise en état le 30 mars 2023.
La banque expose n'avoir pas prélevé le montant des frais bancaires avancés, que celui-ci s'élève à la seule somme de 457,80 euros constituée, d'une part, de frais mensuels correspondant à l'offre groupée de services SCI que la SCI a souscrite, d'autre part, à des frais d'actualisation du dossier administratif prélevés en 2021 et 2023, de sorte qu'en l'absence de toute faute, ils sont dus.
La banque produit les relevés du compte courant du 1er novembre 2020 au 10 juin 2024 mentionnant des frais relatifs à la cotisation de l'offre groupée de services SCI souscrite par la SCI et des frais de tenue de dossier administratif en 2021 et 2023 pour un montant total de 457,80 euros, lesquels correspondant aux services souscrits, sont dus à la banque, de sorte que la demande de remboursement sera rejetée.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Aux termes de l'article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. La SCI sera donc condamnée aux dépens dont distraction au profit de Maître Bertrand Chambreuil, avocat au Barreau de Paris, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. La SCI sera condamnée à payer à la banque une somme de 3 000 euros à ce titre.
PAR CES MOTIFS
CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 5 octobre 2023,
Y ajoutant,
DIT que la demande tendant à la restitution des sommes détenues dans les livres de la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Ile-de-France et celle tendant à la communication de nouveaux identifiants sont devenues sans objet et les rejette,
REJETTE la demande de remboursement des frais bancaires formée par la SCI Orys 6,
CONDAMNE la SCI Orys 6 aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de Maître Bertrand Chambreuil, avocat au Barreau de Paris dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SCI Orys 6 à payer à la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Ile de France la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
REJETTE toute autre demande.
* * * * *
La greffière La présidente
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 6
ARRET DU 29 OCTOBRE 2025
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/01419 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CIYYX
Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Octobre 2023 - tribunaljudiciaire de Paris 9ème chambre 3ème section - RG n° 22/06022
APPELANTE
S.C.I. ORYS 6
[Adresse 6]
[Localité 8]
N°SIREN : 752 555 565
agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cettequalité audit siège
Représentée par Me Sandrine FARRUGIA, avocat au barreau de Paris, toque : G0423
Ayant pour avocat plaidant Me Sébastien CROMBEZ, avocat au barreau de Versailles, toque : 461
INTIMÉE
S.C.O.P. S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE
[Adresse 4]
[Localité 7]
N°SIREN : 382 900 942
agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cettequalité audit siège
Représentée par Me Bertrand CHAMBREUIL du cabinet CHAMBREUIL, avocat au barreau de Paris, toque : B0230
Ayant pour avocat plaidant Me Emmanuelle LECRENAIS du cabinet CHAMBREUIL, avocat au barreau de Paris, toque : B0230
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Valérie CHAMP, présidente de chambre, entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Valérie CHAMP, présidente de chambre
Mme Laurence CHAINTRON, conseillère
Mme Anne BAMBERGER, conseillère
Greffière, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Valérie CHAMP, présidente de chambre et par Mélanie THOMAS, greffière, présent lors de la mise à disposition.
* * * * *
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par exploit d'huissier du 18 mai 2022, la SCI Orys 6 (la SCI) a assigné la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Ile-de-France (la banque) devant le tribunal judiciaire de Paris en indemnisation et en restitution de sommes déposées.
La SCI expose avoir ouvert un compte courant n° [XXXXXXXXXX01] et un compte « excédent Professionnels » n° [XXXXXXXXXX02] dans les livres de la banque et avoir transmis ses statuts faisant apparaître que le capital social était réparti entre une société américaine Hadaly LLC détenant 99 % des parts sociales et une société Orys détenant le solde, celle-ci ayant pour gérant M. [B], que par lettre du 16 décembre 2020, M. [V] a informé la banque de la démission de celui-ci et de l'intérim qu'il assumait en sa qualité de fondé de pouvoir de la SCI.
Se plaignant de ne plus avoir accès à l'espace "Direct écureuil" par suite d'une substitution du numéro de téléphone portable de M. [B] au numéro de contact originel dont il précisait qu'il était le sien, M. [V] a sollicité en vain qu'il soit remédié à cette difficulté.
Par jugement du 5 octobre 2023, le tribunal a rejeté les demandes de la SCI, constaté l'engagement de la banque à lui restituer l'intégralité des fonds disponibles sur les comptes ouverts à son nom, condamner la SCI aux dépens et à régler à la banque une somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Par déclaration remise au greffe de la cour le 5 janvier 2024, la SCI Orys 6 a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 7 mars 2025, la SCI demande à la cour, de :
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 5 octobre 2023, en ce qu'il a constaté l'engagement de la banque à restituer à la SCI Orys 6 l'intégralité des fonds disponibles sur les comptes ouverts à son nom,
- infirmer le jugement, en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes, condamnée aux dépens dont distraction à Maître Bertrand Chambreuil conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et à verser à la banque la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau,
- ordonner la communication par la banque de nouveaux identifiants à MM. [B] et [V], en leurs qualités respectives de gérant et de mandataire de la SCI Orys 6, afin de rétablir l'accès aux services bancaires en ligne permettant la consultation et le téléchargement des relevés d'opérations mensuels manquants, sous astreinte de 1000 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de un jour suivant la signification de la décision à intervenir,
- condamner la banque à rembourser à la SCI Orys 6 l'ensemble des sommes correspondant aux frais abusivement facturés depuis le mois de décembre 2020,
- condamner la banque à verser à la SCI Orys 6 une indemnité au titre du préjudice né du retard à exécuter une obligation pécuniaire, et ce jusqu'à la date de rétablissement effectif des accès aux comptes bancaires : pour mémoire, du 16/12/2020 au 30/12/2024 : 46 398 euros ;
- condamner la banque à verser à la SCI Orys 6 une indemnité au titre du préjudice résultant de l'écoulement du temps : 77 914 euros,
- condamner la banque à verser à la SCI Orys 6 une indemnité au titre du préjudice de trésorerie, à compter du 16/12/2020 et ce jusqu'à sa date de restitution effective le 30/12/2024 : 367 104 euros,
- condamner la banque à verser à la SCI Orys 6 une indemnité pour le préjudice subi au titre de la perte de chance de réaliser un investissement, et ce jusqu'à la date de restitution effective de sa trésorerie : pour mémoire, sur 5 trimestres à compter du mois de janvier 2021 : 77 000 euros,
- condamner la banque à verser à la SCI Orys 6 une indemnité de 40 000 euros au titre du préjudice moral subi par la société, son gérant et son mandataire ;
- condamner la banque à verser à la SCI Orys 6 la somme de 14 270 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 31 mars 2025, la banque demande à la cour, de :
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
- dire et juger irrecevable la demande visant à voir ordonner la restitution des sommes détenues dans les livres de la banque ;
- dire et juger sans objet la demande visant à voir ordonner la communication par la banque de nouveaux identifiants de connexion ;
- débouter la SCI Orys 6 de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
- condamner la SCI Orys 6 à lui payer la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Bertrand Chambreuil, avocat au Barreau de Paris dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux dernières conclusions écrites déposées en application de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 juin 2025 et l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoiries du 18 septembre 2025.
MOTIFS
Sur la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la suspension de l'accès aux comptes en ligne
La SCI soutient que la suspension de l'accès à ses comptes en ligne a été effectuée sans motif légitime, hors de tout cadre légal et lui a causé un préjudice considérable.
Elle avance que la banque par la violence de ses stratagèmes et provocations échafaudés, ainsi que par sa volonté de nuire à ses intérêts en s'appropriant et faisant fructifier les fonds litigieux, a commis une faute dolosive, justifiant la réparation intégrale des préjudices subis. Elle ajoute que le lien de causalité entre le comportement abusif de la banque et ceux-ci n'est pas contestable. Elle précise enfin que le devoir de vigilance avancé impliquant de toujours connaître son client est inepte, dès lors qu'elle connaît les représentant et mandataire des société Orys et Orys 6 depuis plus de trente-deux ans pour M. [V] et quarante ans pour M. [B], dont les comptes personnel et professionnel ont continué à fonctionner normalement.
La banque réplique que la SCI échoue à démontrer la moindre faute à son encontre, qu'elle a subordonné à juste titre la délivrance des codes d'accès aux comptes à la mise à jour des données concernant la société, faite en présence des personnes concernées pour lui permettre de vérifier leur capacité à agir, à la suite de la notification par M. [V] de la démission du gérant, que la procuration dont se prévalait celui-ci ne pouvait permettre de passer outre cette carence de la gérance, de sorte que dépourvu de tout pouvoir légal de représentation, elle ne pouvait lui délivrer en l'état de nouveaux codes d'accès. Elle rappelle ensuite les stipulations contractuelles relatives à la procuration et être tenue plus généralement d'un devoir général de vigilance tout au long de la relation bancaire qui lui impose de toujours connaître son client.
Aux termes de l'article L. 561-5, I, du code monétaire et financier, avant d'entrer en relation d'affaires avec leur client ou de l'assister dans la préparation ou la réalisation d'une transaction, les personnes mentionnées à l'article L. 561-2 :
1° Identifient leur client et, le cas échéant, le bénéficiaire effectif au sens de l'article L. 561-2-2 ;
2° Vérifient ces éléments d'identification sur présentation de tout document écrit à caractère probant.
Aux termes de l'article L. 561-5-1, alinéa 1 du même code, avant d'entrer en relation d'affaires, les personnes mentionnées à l'article L. 561-2 recueillent les informations relatives à l'objet et à la nature de cette relation et tout autre élément d'information pertinent. Elles actualisent ces informations pendant toute la durée de la relation d'affaires.
Aux termes de l'article L. 561-6 du même code, pendant toute la durée de la relation d'affaires et dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, ces personnes exercent, dans la limite de leurs droits et obligations, une vigilance constante et pratiquent un examen attentif des opérations effectuées en veillant à ce qu'elles soient cohérentes avec la connaissance actualisée qu'elles ont de leur relation d'affaires.
Aux termes de l'article R. 561-5-1 du même code, pour l'application du 2° du I de l'article L. 561-5, les personnes mentionnées à l'article L. 561-2 vérifient l'identité du client selon l'une des modalités suivantes :
1° En recourant :
a) A un moyen d'identification électronique certifié ou attesté par l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information conforme au niveau de garantie soit substantiel soit élevé fixé par l'article 8 du règlement (UE) n° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 sur l'identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur, ou
b) A un moyen d'identification électronique délivré dans le cadre d'un schéma notifié à la Commission européenne par un Etat membre de l'Union européenne dans les conditions prévues au paragraphe 1 de l'article 9 de ce règlement et dont le niveau de garantie correspond au niveau soit substantiel soit élevé fixé par l'article 8 du même règlement ;
2° En recourant à un moyen d'identification électronique présumé fiable au sens de l'article L. 102 du code des postes et des communications électroniques ;
3° Lorsque le client est une personne physique, physiquement présente aux fins de l'identification au moment de l'établissement de la relation d'affaires, par la présentation de l'original d'un document officiel en cours de validité comportant sa photographie et par la prise d'une copie de ce document ;
4° Lorsque le client est une personne morale, dont le représentant dûment habilité est physiquement présent aux fins de l'identification au moment de l'établissement de la relation d'affaires, par la communication de l'original ou de la copie de tout acte ou extrait de registre officiel datant de moins de trois mois ou extrait du Journal officiel, constatant la dénomination, la forme juridique, l'adresse du siège social et l'identité des associés et dirigeants sociaux mentionnés aux 1° et 2° de l'article R. 123-54 du code de commerce, des représentants légaux ou de leurs équivalents en droit étranger. La vérification de l'identité de la personne morale peut également être réalisée en obtenant une copie certifiée du document directement via les greffes des tribunaux de commerce ou un document équivalent en droit étranger.
Aux termes de l'article R. 561-11 du même code, lorsque les personnes mentionnées à l'article L. 561-2 ont de bonnes raisons de penser que l'identité de leur client et les éléments d'identification précédemment obtenus ne sont plus exacts ou pertinents, elles procèdent de nouveau à l'identification du client et à la vérification de son identité conformément aux articles R. 561-5 et R. 561-5-1 et, le cas échéant, à l'identification et à la vérification de l'identité de son bénéficiaire effectif conformément à l'article R. 561-7.
Aux termes de l'article R. 561-12 du même code, pour l'application de l'article L. 561-5-1, les personnes mentionnées à l'article L. 561-2 :
(')
2° Pendant toute la durée de la relation d'affaires, recueillent, mettent à jour et analysent les éléments d'information qui permettent de conserver une connaissance appropriée et actualisée de leur relation d'affaires.
Il est jugé qu'il appartient à une banque, tant lors de l'ouverture du compte bancaire d'une personne morale que, le cas échéant, en cours de fonctionnement à l'occasion du changement de mandataire, de vérifier la conformité des pouvoirs de ses représentants à la loi et aux statuts de cette personne morale (Com., 20 mars 2007, pourvoi n° 06-13.552, Bull. 2007, IV, n° 90 ; Com., 27 mai 2008, pourvoi n° 07-15.132, Bull. 2008, IV, n° 105).
Il en résulte qu'une banque, tenue d'une obligation de vigilance à l'égard de sa cliente en application des articles précités, est bien fondée à s'interroger et à vérifier l'étendue des autorisations de signature au sein d'une société, en particulier à vérifier les pouvoirs des représentants de celle-ci et le cas échéant, de faire régulariser les éléments de connaissance du client, sauf à engager sa responsabilité.
En l'espèce, les statuts de la SCI déposés le 6 juillet 2012 mentionnent comme premier gérant, M. [K] [B], né le [Date naissance 3] 1979 à [Localité 9], pour une durée indéterminée.
Or, par lettre à entête de la SCI Orys 6 datée du 16 décembre 2020, M. [V] a informé la banque de la démission de M. [B] de ses fonctions de gérant, a produit une lettre recommandée avec accusé de réception de celui-ci en ce sens, adressée à la SCI Orys 6, datée du 18 janvier 2015, a indiqué assumer depuis l'intérim en sa qualité de fondé de pouvoir, ne plus avoir accès à l'espace Direct Ecureuil de la SCI du fait de la substitution du numéro de téléphone de M. [B] au numéro de contact originel, qui était selon lui le sien et a sollicité qu'il soit remédié à cette anomalie.
Si M. [V] s'est ensuite prévalu d'un courriel de M. [B] daté du 15 avril 2021 rédigé dans les termes suivants « Par rapport aux lettres de démission de mon poste de gérant envoyées en 2015/2016, je voulais simplement me recentrer sur mes projets personnels ('). Après réflexion et vu que je n'ai jamais voulu vous causer d'embarras, ni à vous ni aux sociétés, je ne vois aucun inconvénient à poursuivre ma mission de gérant pour les sociétés Orys et Orys 6. », ce dernier document n'est pas de nature à remettre en cause le bien-fondé de la demande de vérification de l'identité du client en cours d'exécution de la relation d'affaires, dès lors que ces échanges traduisent une certaine confusion et étaient de nature à laisser penser à la banque que l'identité de sa cliente et les éléments d'identification précédemment obtenus n'étaient plus exacts ou pertinents.
S'agissant de la procuration dont se prévaut M. [V] pour invoquer une délégation de pouvoirs à son profit, outre le fait qu'elle est datée du 26 juin 2012, est signé par M. [B] et n'a été communiquée à la banque que le 23 décembre 2020, il convient de relever qu'il n'est pas justifié d'une information antérieure de la banque, dès lors que ce document ne comporte aucun cachet ou signature de celle-ci.
Or, il est stipulé à l'article 1. 4 de la convention de compte courant et de services bancaires mise à jour au 1er avril 2015, que « le client peut donner procuration à une ou plusieurs personnes appelées « mandataires » pour effectuer sur le compte, soit certaines opérations limitativement énumérées soit toutes opérations que le client peut lui-même effectuer, y compris la clôture du compte. La procuration peut être donnée à l'ouverture du compte ou ultérieurement. Les mandataires sur le compte doivent déposer un spécimen de leur signature et présenter une pièce d'identité officielle comportant une photographie récente.
La Caisse d'Epargne pourra refuser la procuration ou en demander la résiliation notamment si le mandataire est frappé d'interdiction bancaire ou judiciaire.
Elle peut également refuser toute procuration dont la complexité ne serait pas compatible avec ses contraintes de gestion. (souligné par nous) »
Il sera relevé que la portée relative de la procuration versées aux débats et les changements de position de MM. [V] et [B] entre les 13 décembre 2020 et 15 avril 2021 étaient de nature à accroître les interrogations de la banque sur le fonctionnement de sa cliente et sur son organe de représentation, de sorte que le conditionnement de la délivrance de nouveaux codes d'accès à une mise à jour des données de la société en présence des personnes, soutenant la représenter, sans se limiter à des vérifications par voie électronique, ne paraît pas abusive.
Il sera relevé que si la société fait longuement grief à la banque de ne pas s'être contentée d'une venue de M. [B] dans l'une de ses agences réunionnaises, il n'est pas justifié de son adresse à la date des faits, dès lors que M. [B] produit un seul relevé de compte daté du 8 mars 2024 mentionnant comme adresse [Adresse 5] et un courriel de la banque du 15 mai 2021 faisant état d'un pli non distribué à cette adresse, avec demande de vérification de ladite adresse. Il sera, en outre, observé que M. [V] ne soutient pas s'être déplacé pour permettre à la banque de procéder aux vérifications requises le concernant.
Il s'ensuit que la banque, tenue de connaître son client pendant toute la durée de la relation contractuelle, était bien fondée à vérifier l'identité des personnes habilitées à faire fonctionner le compte de la société et à bloquer, dans l'attente, l'accès à l'espace "Direct écureuil" sans que ce blocage puisse être qualifié de fautif.
Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a écarté toute faute de la banque.
Sur la demande visant à voir ordonner la restitution des sommes déposées
La SCI sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a constaté l'engagement de la banque à restituer à la SCI Orys 6 l'intégralité des fonds disponibles sur les comptes ouverts à son nom, mais n'énonce aucun moyen.
La banque réplique que cette demande est irrecevable en application de l'article 954 du code de procédure civile, dès lors qu'elle ne figurait qu'au dispositif de ses conclusions d'appelant sans être soutenue dans la discussion, elle soutient au fond que les conventions ont été résiliées et qu'un chèque de banque a été remis en main propres le 16 juillet 2024.
La banque produit la lettre recommandée avec accusé de réception du 5 avril 2024 adressée par la banque à la SCI Orys 6 que celle-ci lui a notifié la clôture à intervenir du compte courant n° [XXXXXXXXXX01] et de l'ensemble des produits et services associés, à l'issue d'un délai de 30 jours à compter de l'envoi et au plus tard le 14 mai 2024, ainsi que l'envoi par pli recommandé du 10 juin 2024 du chèque adressé à la SCI Orys 6 à son adresse déclarée [Adresse 6], à hauteur de 362 340,68 euros, retourné avec la mention « destinataire inconnu à cette adresse ». La SCI verse, quant à elle, aux débats un procès-verbal d'huissier du 16 juillet 2024 attestant de la remise par la directrice de l'agence bancaire sise à Paris à M. [V] de deux chèques libellés à l'ordre des sociétés Orys 6 et Orys respectivement de 362 340, 68 et 120 104,66 euros. La production des derniers relevés de compte du 30 mars 2023 au 10 juin 2024 par la banque et celle du relevé de compte de la SCI du 29 juin 2024 par celle-ci attestent que le compte courant comportait un solde créditeur de zéro euro.
Il convient, dès lors, de dire que la demande de restitution, ainsi que celle tendant à la communication de nouveaux identifiants, sont devenues sans objet et de les rejeter.
Sur la demande de remboursement des frais bancaires
La SCI expose solliciter le remboursement de tous les frais bancaires prélevés depuis le mois de décembre 2020, en l'absence de toute contrepartie et être recevable en sa demande néanmoins, dès lors que cette impossibilité de chiffrage résulte de la faute dolosive de la banque, qui l'a privée de tout accès à ses comptes et qui n'a toujours pas transmis les relevés de comptes mensuels des opérations, alors qu'une telle transmission a été ordonnée par le juge de la mise en état le 30 mars 2023.
La banque expose n'avoir pas prélevé le montant des frais bancaires avancés, que celui-ci s'élève à la seule somme de 457,80 euros constituée, d'une part, de frais mensuels correspondant à l'offre groupée de services SCI que la SCI a souscrite, d'autre part, à des frais d'actualisation du dossier administratif prélevés en 2021 et 2023, de sorte qu'en l'absence de toute faute, ils sont dus.
La banque produit les relevés du compte courant du 1er novembre 2020 au 10 juin 2024 mentionnant des frais relatifs à la cotisation de l'offre groupée de services SCI souscrite par la SCI et des frais de tenue de dossier administratif en 2021 et 2023 pour un montant total de 457,80 euros, lesquels correspondant aux services souscrits, sont dus à la banque, de sorte que la demande de remboursement sera rejetée.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Aux termes de l'article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. La SCI sera donc condamnée aux dépens dont distraction au profit de Maître Bertrand Chambreuil, avocat au Barreau de Paris, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. La SCI sera condamnée à payer à la banque une somme de 3 000 euros à ce titre.
PAR CES MOTIFS
CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 5 octobre 2023,
Y ajoutant,
DIT que la demande tendant à la restitution des sommes détenues dans les livres de la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Ile-de-France et celle tendant à la communication de nouveaux identifiants sont devenues sans objet et les rejette,
REJETTE la demande de remboursement des frais bancaires formée par la SCI Orys 6,
CONDAMNE la SCI Orys 6 aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de Maître Bertrand Chambreuil, avocat au Barreau de Paris dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SCI Orys 6 à payer à la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Ile de France la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
REJETTE toute autre demande.
* * * * *
La greffière La présidente