CA Rennes, 8e ch prud'homale, 22 octobre 2025, n° 24/02924
RENNES
Arrêt
Autre
8ème Ch Prud'homale
ARRÊT N°268
N° RG 24/02924 et 24/03074 joints
N° Portalis DBVL-V-B7I-UZEN
M. [G] [J]
- Syndicat UNION DEPARTEMENTALE CGT D'ILLE ET VILAINE
- FÉDÉRATION NATIONALE DES INDUSTRIES CHIMIQUES
C/
- S.A.S. TOTALENERGIES PROXI NORD OUEST
- Société TOTALENERGIES SE
Sur appel du jugement du C.P.H. de [Localité 13] du 28/03/2024
RG : F 18/00812
Jonction et infirmation partielle
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Copie certifiée conforme délivrée
le:
à:
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 22 OCTOBRE 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Nadège BOSSARD, Présidente,
Madame Anne-Laure DELACOUR, Conseillère,
Madame Anne-Cécile MERIC, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 22 Octobre 2025
En présence de Madame [C] [L], médiatrice judiciaire,
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 22 Octobre 2025, date à laquelle a été prorogé le délibéré initialement fixé au 15 Octobre précédent, par mise à disposition au greffe comme les parties en ont été avisées
****
APPELANTS :
- Monsieur [G] [J]
né le 07 Novembre 1959 à [Localité 12] (54)
demeurant [Adresse 11]
[Localité 6]
Comparant à l'audience, ayant Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Avocat au Barreau de RENNES, pour postulant et représenté à l'audience par Me Bénédicte-Claude FLEURY-MARIAGE, Avocat au Barreau de RENNES
- Le Syndicat UNION DEPARTEMENTALE CGT D'ILLE ET VILAINE pris en la personne de son Secrétaire en exercice et ayant son siège :
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par M. [K] [F], Défenseur syndical CGT 35, suivant pouvoir
- La FÉDÉRATION NATIONALE DES INDUSTRIES CHIMIQUES prise en la personne de son Secrétaire en exercice et ayant son siège :
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représentée par M. [K] [F], Défenseur syndical CGT 35, suivant pouvoir
.../...
INTIMÉES :
- La S.A.S. TOTALENERGIES PROXI NORD OUEST anciennement dénommée COMPAGNIE PETROLIERE DE L'OUEST exerçant sous le nom commercial CPO prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Camille SUDRON substituant à l'audience Me Marie VERRANDO de la SELARL LX RENNES-ANGERS, Avocats postulants du Barreau de RENNES et par Me Maud FAUCHON, Avocat plaidant du Barreau de PARIS
La Société TOTALENERGIES SE Société Européenne (anciennement dénommée TOTAL SA) prise en la personne de ses représentants légaux et ayant son siège social :
[Adresse 10]
[Localité 7]
Représentée par Me Camille SUDRON substituant à l'audience Me Marie VERRANDO de la SELARL LX RENNES-ANGERS, Avocats postulants du Barreau de RENNES et par Me Maud FAUCHON, Avocat plaidant du Barreau de PARIS
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M. [G] [J] a été engagé par la société Sonedic, filiale du groupe Total, selon contrat de travail à durée indéterminée à compter du 26 août 1991 en qualité de district manager.
Le 1er septembre 2000, le contrat de travail de M. [J] a été transféré à une autre filiale du groupe Total, la société Ocegest puis à la société Proseca.
A compter du 1er janvier 2005, M. [J] a exercé les fonctions Responsable Zone Bretagne, coefficient 460, à temps complet et a été affecté à l'agence de [Localité 9]. Son contrat de travail prévoyait une clause de non-concurrence sur la Bretagne, l'Orne et la Mayenne.
En 2005, M. [J] a été promu Directeur d'agence des Côtes d'Armor au sein de la société Combustible de l'Ouest devenue CPO.
A compter du 1er février 2015, il a été placé à la Direction d'une double agence, l'agence Armorbihan, au sein de la société CPO, filiale de Total Marketing France, elle-même filiale de Total SA.
Le 29 mars 2016, M. [J] a été destinataire d'une convocation à un entretien préalable à sanction disciplinaire fixé au 15 avril 2016 pour entrave aux fonctions syndicales de la section syndicale CFDT le 10 mars 2016.
Le 31 mars 2016, a été adressée à M. [J] une mise en garde, qu'il a contesté par courrier du 26 mai 2016.
Le 10 mai 2016, M. [J] a reçu un avertissement pour entrave à l'exercice syndical, ce qu'il a contesté.
Par avenant du 28 mars 2017, M. [J] a été affecté à un poste de coordinateur commerce et logistique au sein de la société CPO, statut cadre, coefficient 460, avec reprise d'ancienneté au 26 aôut 1991, une rémunération fixe de 6 554,61 euros brut et une rémunération variable annuelle comprise entre 5 600 euros par an et trois mois de salaire bruts et dans le cadre d'un forfait jours.
La société CPO est devenue la société Total Energies Proxi Nord Ouest.
Elle emploie plus de dix salariés.
La convention collective applicable est celle du négoce et de la distribution combustible du 20 décembre 1985.
M. [J] a été placé en arrêt de travail à compter du 22 juin 2017.
Par courrier recommandé du 27 novembre 2017, M. [J] a fait part de son mal être au travail et d'une dégradation de ses conditions de travail à M. [CO], directeur général et président du CHSCT de CPO ainsi qu'à M. [Z], directeur des ressources humaines CPO.
Il a également dénoncé le fait que son épouse ait été 'importunée' par le directeur des ressources humaines, ayant conduit à un malaise, suite à un appel téléphonique avec ce dernier. Il a également dénoncé que le directeur commercial M. [Y] aurait antidaté des devis pour bénéficier de crédits d'impôts.
Copie de ce courrier a été adressée au comité d'éthique, à Mme [V], gestionnaire de carrière Total SA et au CHSCT de la société.
Par courrier du 5 décembre 2017, M. [J] a été convoqué à un entretien le 07 décembre 2017 afin qu'il apporte tout élément de preuve pouvant corroborer ses dires.
A la suite d'une visite le 12 décembre 2017, le médecin du travail a mis en place un suivi renforcé et a fixé une nouvelle visite au 15 janvier 2018. Le médecin du travail n'a pas rendu d'avis d'inaptitude et a proposé à M. [J] de rencontrer son médecin traitant.
Le 22 décembre 2017, le comité d'éthique n'a donné aucune suite à l'alerte émise par M. [J] relative à des faits de harcèlement.
Par courrier recommandé du 11 janvier 2018, M. [J] a été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle sanction pouvant aller jusqu'à la mesure de licenciement le 18 janvier 2018.
Le même jour, M. [J] a rencontré le médecin du travail qui l'a orienté vers son médecin traitant sans rendre d'avis d'inaptitude à son poste de travail. Une nouvelle visite de suivi renforcée a été fixée au 14 février 2018.
Le 15 janvier 2018, M. [J] a contesté la convocation à l'entretien préalable par courrier recommandé et a sollicité la mise en place d'une enquête en alertant le CHSCT.
Le 18 janvier 2018, M. [J] a été reçu en entretien préalable, entretien au cours duquel divers manquements lui ont été reprochés, à savoir notamment un management fautif, l'autorisation de dépassements de temps de travail des chauffeurs en violation du droit du travail, des accusations mensongères et dénigrantes à l'encontre de M. [Y]. Il a contesté les manquements opposés.
Le 22 janvier 2018, l'enquête diligentée par le CHSCT et l'entreprise a conclu à l'absence de dégradation des conditions de travail de M. [J].
Le 07 février 2018, date d'envoi de la lettre de licenciement, la société CPO a notifié à M. [J] son licenciement pour cause réelle et sérieuse. Il a été dispensé de travailler durant son préavis.
Le 1er octobre 2018, M. [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Nantes aux fins de :
A titre principal
- enjoindre à la société Total Energies Proxi Nord Ouest, anciennement dénommée C.P.O., de communiquer à M. [J] les documents suivants sous astreinte de 100 € par jour de retard et par document à compter du jour du prononcé de la décision l'ordonnant :
- l'ensemble des pièces afférentes aux sanctions disciplinaires du 31 mars 2016 et 10 mai 2016,
- la charte de prévention du harcèlement moral au sein de la société CPO,
- l'intégralité des éléments relatifs à la consultation du CHSCT de la société C.P.O. sur la nomination de la commission d'enquête (convocation de l'institution, accusé de réception des convocations de chacun de ses membres, procès-verbal de consultation pour la nomination des enquêteurs) ainsi que l'intégralité des annexes des procès-verbaux,
- l'intégralité des éléments relatifs à la consultation du CHSCT de la société CPO sur la présentation du résultat de l'enquête et les mesures de prévention mises en oeuvre a posteriori (convocation de l'institution, accusé de réception des convocations de chacun de ses membres, procès-verbal de consultation, copie du registre des procès-verbaux, ainsi que l'intégralité des annexes des procès-verbaux,
- enjoindre à la société Total énergie SE, anciennement dénommée Total SA, de communiquer sous astreinte de 100 € par jour de retard et par document à compter du jour du prononcé de la décision à intervenir :
- l'ensemble des procès-verbaux des institutions représentatives du personnel du groupe Total s'agissant des consultations obligatoires annuelles des années 2015 à 2018 (convocations des membres, accusés de réception des convocations afférents, procès-verbaux de consultation, copie du registre des procès-verbaux ainsi que l'intégralité des annexes afférentes aux consultations obligatoires),
- les statuts du comité d'éthique Total SA,
- la charte de prévention du harcèlement moral au sein du groupe Total SA
- le compte rendu d'audit éthique mis en oeuvre par lui courant mai/ juin 2018,
- l'intégralité des éléments concernant les consultations des institutions représentatives du personnel et notamment copie du registre des procès-verbaux ayant trait aux plans Auckland et Ambitions (ou quel que soit son nom en région) sur l'intégralité des filiales concernées, à savoir : Total SA, Compagnie pétrolière de l'Ouest, DMS, Caldeo, CPE, Charvet La Mure, Bianco, et Alvea,
- Justifier du devenir des salariés coordinateurs commerce et logistique, par la production du registre du personnel, à la date du présent jugement, de chaque filiale concernée. Il s'agit des personnes suivantes : [W] [O], [I] [B], [A] [T], [U] [S] et [N] [E],
- Se déclarer compétent pour liquider les astreintes,
- constater l'existence d'une situation de co-emploi entre la société C.P.O. (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest) et la société Total SA (devenue Total Energies SE),
- annuler le licenciement de M. [J],
- En conséquence, condamner la société C.P.O. (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest) et la société Total SA (devenue Total Energies SE) in solidum, à défaut la société C.P.O (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest), à payer à M. [J] les sommes suivantes:
- A titre d'indemnité pour licenciement nul : 305 000 €
- Rappel sur indemnité de licenciement : 44 118.19 €
- Rappel de salaire sur préavis : 5 614,35 €
- Congés payés y afférents : 561,43 €
- A titre de dommages et intérêts pour manquement à la prévention du harcèlement : 20 000 €
A titre subsidiaire
- dire et juger sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [J]
- Dire et juger que le courrier du 1er février 2018 s'analyse juridiquement en une sanction ;
- dire et juger que cette sanction est irrégulière car les faits objets desdites sanctions sont prescrits ;
- Dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la sanction irrégulière : 8 500 euros ;
- En conséquence, condamner la société C.P.O. (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest) et la société Total SA (devenue Total Energies SE) in solidum, à défaut la société C.P.O (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest), à payer à M. [J] les sommes suivantes :
- Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 230 000 €
- Rappel sur indemnité de licenciement : 44 118.19 €
- Rappel de salaire sur préavis : 5 614,35 €
- Congés payés y afférents : 561,43 €
En tout état de cause
- condamner la société C.P.O. (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest) et la société Total SA (devenue Total Energies SE) in solidum, à défaut la société C.P.O (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest), à payer à M. [J] les sommes suivantes :
- Dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail : 25 000 €
- Dommages et intérêts pour préjudice moral : 25 000 €
- Dommages et intérêts pour licenciement vexatoire : 15 000 €
- Dommages et intérêts pour dégradation des conditions d'emploi : 50 000 €
- Dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement : 8 426,06 €
- dire et juger que le salaire mensuel de reconstitué de M. [J] est de 8.426,06 €
- annuler les sanctions disciplinaires irrégulières infligées à M. [J],
- En conséquence, condamner la société C.P.O. (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest) et la société Total SA (devenue Total Energies SE) in solidum, à défaut la société C.P.O (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest), à lui payer :
- Dommages et intérêts pour infliction de sanctions disciplinaires irrégulières : 17 000 €
- constater l'inopposabilité de la convention de forfait en jours appliquée,
- En conséquence, condamner la société C.P.O. (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest) et la société Total SA (devenue Total Energies SE) in solidum, à défaut la société C.P.O (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest), à payer à M. [J] les sommes suivantes:
- Sur le rappel d'heures supplémentaires : 15 554 €
- Congés payés sur rappel d'heures supplémentaires : 1 555,40 €
- Sur l'indemnisation pour manquement aux temps de repos légaux : 20 000 €
- Sur l'indemnisation forfaitaire du travail dissimulé : 50 736 €
- Contrepartie financière au temps de trajet inhabituel : 32 999,80 €
- Congés payés sur contrepartie au repos : 3 299,98 €
- constater que les objectifs de M. [J] lui sont inopposables, qu'en tout état de cause, ils n'ont pas été fixés
- En conséquence, condamner la société C.P.O. (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest) et la société Total SA (devenue Total Energies SE) in solidum,
à défaut la société C.P.O (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest), à payer à M. [J] les sommes suivantes :
- à titre de rappel de primes sur année 2018 : 14 063,83 €
- à titre de rappel de primes sur année 2017 : 11 463,83 €
- à titre de rappel de primes sur année 2016 : 10 763,83 €
- ordonner le remboursement des allocations chômage à France travail : 50 736 €
- avec exécution provisoire de la décision à intervenir, à défaut, ordonner pour le surplus des condamnations situées en dehors de l'exécution provisoire de droit, la consignation des sommes correspondantes par les sociétés défenderesses au près du Pôle de gestion des Consignations situé à [Localité 13]
- condamner les sociétés CPO (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest) et Total SA (devenue Total Energies SE) in solidum, à défaut la société CPO (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest), aux entiers dépens,
- Article 700 du code de procédure civile : 7 500 euros
Par décision du 19 décembre 2018, le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Nantes a rejeté la demande de communication de pièces.
Appel a été interjeté de cette ordonnance.
Le 12 mars 2019, l'Union départementale de la CGT d'Ille et Vilaine, est intervenue volontairement à l'instance prud'homale.
Le 4 octobre 2019, la Fédération nationale des industries chimiques CGT est également intervenue volontairement à la procédure.
Selon jugement partiel du 5 mars 2020, le conseil de prud'hommes de Nantes a :
- débouté M. [J] de ses demandes formées in limine litis,
- déclaré irrecevable l'intervention volontaire de l'UD CGT 35 et de la Fédération nationale des industries chimiques CGT (FNIC CGT),
- rejeté les pièces et conclusions déposées par M.[F] au soutien de l'UD CGT 35 et de la FNIC CGT contre la SAS Compagnie pétrolière de l'ouest (CPO) et de la SA Total,
- renvoyé l'affaire sur les autres demandes à l'audience du 17 septembre 2020 à 9h30 devant le conseil de prud'hommes de Nantes,
- condamné l'UD CGT 35 et la Fédération nationale des industries chimiques CGT aux dépens.
Les syndicats UD CGT 35 et FNIC CGT ont interjeté appel de cette décision ainsi que M. [J] également appelant.
Par jugement du 7 octobre 2021 (RG 18 00812), le conseil de prud'hommes de Nantes a ordonné un sursis à statuer sur les autres demandes dans l'attente de l'issue de l'instance pendante devant la cour d'appel de Rennes.
Par un arrêt du 14 octobre 2022, la cour d'appel de céans, statuant sur l'appel interjeté contre le jugement du 5 mars 2020, a :
- ordonné la jonction des instances d'appel ;
- déclaré recevable l'action de l'Union départementale des syndicats CGT et de la Fédération Nationale des Industries Chimiques ;
- annulé le jugement partiel du conseil de prud'hommes de Nantes du 5 mars 2020 ;
- remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les a renvoyées devant le conseil de prud'hommes de Nantes.
L'affaire a fait l'objet d'une nouvelle convocation en bureau de jugement et a été plaidée le 19 juin 2023. Le conseil de prud'hommes de Nantes a rouvert les débats à l'audience du 25 janvier 2024.
Par jugement en date du 28 mars 2024, le conseil de prud'hommes de Nantes a :
- déclaré recevable l'intervention volontaire de l'Union départementale des syndicats CGT d'Ille et Vilaine et de la Fédération Nationale des Industries Chimiques CGT,
- débouté M. [J], l'Union départementale des syndicats CGT d'Ille et Vilaine et de la Fédération nationale des industries chimiques CGT de toutes leurs demandes de communication de pièces,
- dit que la situation de co-emploi n'est pas établie,
- débouté M. [J], l'Union Départementale des syndicats CGT d'Ille et Vilaine et de la Fédération nationale des industries chimiques CGT de toutes prétentions s'y rapportant,
- En conséquence, mis hors de cause la S.A. Total Energies SE, anciennement dénommée Total SA,
- constaté qu'il n'existe pas de faits matériellement constitués de harcèlement moral subis par M. [J], constaté, par conséquent, que la S.A.S. Total Energies Proxi Nord Ouest, anciennement Compagnie pétrolière de l'ouest (C.P.O), n'a pas contrevenu à ses obligations de sécurité dans l'exercice du contrat de travail de M. [J] et l'a débouté de toutes ses demandes et prétentions fondées à ce titre,
- dit que M. [J] ne remplit pas les critères requis pour se voir attribuer le statut de lanceur d'alerte et le déboute de sa demande d'annulation du licenciement et des prétentions et conséquences qui s'y rapportent,
- dit que M. [J] n'apporte pas d'éléments probants permettant de faire valoir une quelconque prescription rendant caduques les griefs portés dans la lettre de licenciement à son encontre, et le déboute de ses demandes, fondées à ce titre,
- dit que le licenciement de M. [J] n'est pas entaché d'irrégularité, qu'il repose bien sur une cause réelle et le déboute de toutes ses demandes découlant de la rupture du contrat de travail,
- débouté M. [J] de ses demandes concernant l'inopposabilité du forfait jour et de ses conséquences, notamment en matière d'heures supplémentaires, temps de travail, sécurité et travail dissimulé,
- débouté M. [J] de sa demande de compensation financière de ses déplacements,
- dit que l'origine professionnelle des problèmes de santé de M. [J] n'est corroborée par aucune pièce permettant de les lier à ses déplacements quotidiens et le déboute de l'ensemble de ses prétentions à ce titre.
- débouté M. [J] de ses demandes de rappels de primes sur objectifs,
- débouté M. [J] de l'ensemble de ses autres demandes,
- débouté la Fédération nationale des industries chimiques CGT et l'Union départementale CGT d'Ille et Vilaine de l'intégralité de leurs demandes,
- condamné M. [J] à verser à la S.A.S. Total Energies Proxi Nord Ouest, anciennement Compagnie Pétrolière de l'ouest (C.P.O), la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [J] à verser à la S.A. Total Energies SE, anciennement dénommée Total SA, la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la Fédération Nationale des Industries Chimiques CGT à verser à la S.A.S. Total Energies Proxi Nord Ouest, anciennement Compagnie Pétrolière de L'ouest (C.P.O), la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la Fédération nationale des industries chimiques CGT à verser à la S.A. Total Energies SE, anciennement dénommée Total SA, la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné l'Union Départementale CGT d'Ille et Vilaine à verser à la S.A.S. Total Energies Proxi Nord Ouest, anciennement dénommée Compagnie Pétrolière de l'Ouest (C.P.O), la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné l'Union Départementale CGT d'Ille et Vilaine à verser à la S.A. Total Energies SE, anciennement dénommée Total SA, la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné M. [J] aux entiers dépens
M. [J] a interjeté appel le 17 mai 2024 portant le numéro RG n°24/2924.
Le syndicat Union départementale CGT d'Ille et Vilaine et la Fédération nationale des industries chimiques ont interjeté appel le 14 mai 2024, appel portant le numéro RG 24/3074.
Selon ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 07 août 2024, M. [J] appelant dans le dossier RG n°24/2924 et intimé dans le dossier RG n°24/3074 sollicite :
- Annuler, à défaut infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nantes, section encadrement, le 28 mars 2024
- enjoindre à la société Total Energies Proxi Nord Ouest, anciennement dénommée C.P.O., de communiquer sous astreinte :
- l'intégralité des éléments relatifs à la consultation du CHSCT de la société C.P.O. sur la nomination de la commission d'enquête (convocation de l'institution, accusé de réception des convocations de chacun de ses membres, procès-verbal de consultation pour la nomination des enquêteurs) ainsi que l'intégralité des annexes des procès-verbaux
- l'intégralité des éléments relatifs à la consultation du CHSCT de la société CPO sur la présentation du résultat de l'enquête et les mesures de prévention mises en oeuvre a posteriori (convocation de l'institution, accusé de réception des convocations de chacun de ses membres, procès-verbal de consultation, copie du registre des procès-verbaux, ainsi que l'intégralité des annexes des procès-verbaux
- enjoindre à la société Total energie SE, anciennement dénommée Total SA, de communiquer sous astreinte :
- l'ensemble des procès-verbaux des institutions représentatives du personnel du groupe Total s'agissant des consultations obligatoires annuelles des années 2015 à 2018 (convocations des membres, accusés de réception des convocations afférents, procès-verbaux de consultation, copie du registre des procès-verbaux ainsi que l'intégralité des annexes afférentes aux consultations obligatoires),
- les statuts du Comité d'éthique Total SA,
- le compte rendu d'audit éthique mis en oeuvre par lui courant mai/ juin 2018,
- l'intégralité des éléments concernant les consultations des institutions représentatives du personnel et notamment copie du registre des procès-verbaux ayant trait aux plans Auckland et Ambitions (ou quel que soit son nom en région) sur l'intégralité des filiales concernées, à savoir : Total SA, Compagnie pétrolière de l'Ouest, DMS, Caldeo, CPE, Charvet La Mure, Bianco, et Alvea,
- les justificatifs du devenir des salariés coordinateurs commerce et logistique, par la production du registre du personnel, à la date du présent jugement, de chaque filiale concernée. Il s'agit des personnes suivantes : [W] [O], [I] [B], [A] [T], [U] [S] et [N] [E],
A titre principal
- constater l'existence d'une situation de co-emploi entre la société C.P.O. (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest) et la société Total SA (devenue Total Energies SE),
A défaut
- constater que la société Total SA (devenue Total Energies SE) compte-tenu des faits de l'espèce engage sa responsabilité dans les circonstances du licenciement de M. [J] et sera tenue in solidum des condamnations prononcées,
- annuler le licenciement de M. [J],
- En conséquence, condamner la société C.P.O. (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest) et la société Total SA (devenue Total Energies SE) in solidum, à défaut la société C.P.O (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest), à payer à M. [J] les sommes suivantes :
- A titre d'indemnité pour licenciement nul : 305 000 €
- Rappel sur indemnité de licenciement : 44 118.19 €
- Rappel de salaire sur préavis : 5 614,35 €
- Congés payés y afférents : 561,43 €
- A titre de dommages et intérêts pour manquement à la prévention du harcèlement : 20 000 €
A titre subsidiaire
- dire et juger sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [J]
- dire et juger que le courrier du 1er février 2018 s'analyse juridiquement en une sanction ;
- dire et juger que cette sanction est irrégulière car les faits objets desdites sanctions sont prescrits ;
- octroyer la somme de 8 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par M. [J] par l'infliction de cette sanction irrégulière (1 mois de salaire) ;
- En conséquence, condamner la société C.P.O. (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest) et la société Total SA (devenue Total Energies SE) in solidum, à défaut la société C.P.O (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest), à payer à M. [J] les sommes suivantes :
- Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 155 882 €
- Rappel sur indemnité de licenciement : 30 523.19 €
- Rappel de salaire sur préavis : 5 614,35 €
- Congés payés y afférents : 561,43 €
En toute occurrence
- condamner la société C.P.O. (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest) et la société Total SA (devenue Total Energies SE) in solidum, à défaut la société C.P.O (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest), à payer à M. [J] les sommes suivantes :
- dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail : 25 000 €
- dommages et intérêts pour préjudice moral : 25 000 €
- dommages et intérêts pour licenciement vexatoire : 15 000 €
- dommages et intérêts pour dégradation des conditions d'emploi : 50 000 €
- dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement : 8 426,06 €
- dire et juger que le salaire mensuel reconstitué de M. [J] est de 8 426,06 €
- annuler les sanctions disciplinaires irrégulières infligées à M. [J],
- En conséquence, condamner la société C.P.O. (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest) et la société Total SA (devenue Total Energies SE) in solidum, à défaut la société C.P.O (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest), à lui payer :
- Dommages et intérêts pour infliction de sanctions disciplinaires irrégulières :17 000 €
- constater l'inopposabilité de la convention de forfait en jours appliquée,
- En conséquence, condamner la société C.P.O. (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest) et la société Total SA (devenue Total Energies SE) in solidum, à défaut la société C.P.O (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest), à payer à M. [J] les sommes suivantes :
- sur le rappel d'heures supplémentaires : 15 554 €,
- congés payés sur rappel d'heures supplémentaires : 1 555,40 €,
- sur l'indemnisation pour manquement aux temps de repos légaux : 20.000 €,
- sur l'indemnisation forfaitaire du travail dissimulé : 50 736 €,
- contrepartie financière au temps de trajet inhabituel : 32 999,80 €,
- congés payés sur contrepartie au repos : 3 299,98 €,
- constater que les objectifs de M. [J] lui sont inopposables, qu'en tout état de cause, ils n'ont pas été fixés,
- en conséquence, condamner la société C.P.O. (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest) et la société Total SA (devenue Total Energies SE) in solidum,
à défaut la société C.P.O (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest), à payer à M. [J] les sommes suivantes :
- A titre de rappel de primes sur année 2018 : 14 063, 83 €,
- Y additant à titre de congés payés : 1 406,38 €,
- A titre de rappel de primes sur année 2017: 11 463,83 €,
- Y additant à titre de congés payés : 1 146,38 €,
- A titre de rappel de primes sur année 2016 :10 763,83 €,
- Y additant à titre de congés payés : 1 076,38 €,
- ordonner le remboursement des allocations chômage à France Travail : 50 736 € - condamner les sociétés CPO (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest) et Total SA (devenue Total Energies SE) in solidum, à défaut la société C.P.O (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest), aux entiers dépens,
- assortir toutes les condamnations à caractère salarial de l'intérêt au taux légal à compter de la date de sa saisine ainsi que sur les sommes à caractère indemnitaire à compter de la date du jugement à intervenir ;
- infirmer le jugement intervenu et condamner les sociétés CPO (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest) et TOTAL SA (devenue Total Energies SE) in solidum, à défaut la société C.P.O (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest), à payer à M. [J] au titre de l'article 700 du CPC de première instance: 3 500 €
- condamner les sociétés CPO (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest) et Total SA (devenue Total Energies SE) in solidum, à défaut la société C.P.O (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest), à payer à M.[J] au titre de l'article 700 du code de procédure civile : 3.500 €
Selon leurs dernières conclusions notifiées par courrier recommandé le 06 août 2024, l'Union départementale des syndicats CGT d'Ille et Vilaine et la Fédération nationale des industries chimiques CGT, intimés dans l'appel RG n° 24/2924 et appelantes dans le dossier RG n° 24/3074, sollicitent de :
A titre principal
- annuler le jugement du conseil de prud'hommes de Nantes rendu le 28 mars 2024
Statuant à nouveau, infirmer le jugement prud'homal querellé
- juger recevables les organisations syndicales ouvrières intervenantes, recevabilité actée par arrêt définitif de la cour d'appel de Rennes rendu le 14 octobre 2022
- juger bien fondées les interventions volontaires de l'Union départementale des syndicats CGT d'Ille et Vilaine et de la Fédération nationale des industries chiiques CGT
- condamner les deux sociétés Total - CPO à verser à l'Union départementale CGT d'Ille et Vilaine et à la FNIC CGT la somme de 3 000 euros à chacun des syndicats en réparation du préjudice subi par l'intérêt collectif de la profession,
- ordonner la publication du dispositif de l'arrêt à intervenir, dans le quotidien 'Presse océan', toutes éditions du département de la Loire Atlantique aux frais de la société TotalEnergies Proxi Nord Ouest (ex CPO) ainsi que sur les pages d'accueil des sites internet et intranet et aux portes de cette société, durant trois mois, et ce sous astreinte de 300 € par jour à l'issue d'un délai de retard de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt, le juge d'appel se réservant la liquidation de l'astreinte,
- ordonner la publication du dispositif de l'arrêt à intervenir, dans le quotidien 'Le Parisien' toutes éditions du département des Hauts de Seine aux frais de la société TotalEnergies SE (ex Total SA) ainsi que sur les pages d'accueil des sites internet et intranet et aux portes de cette société, durant trois mois, et ce sous astreinte de 300 € par jour à l'issue d'un délai de retard de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt, le juge d'appel se réservant la liquidation de l'astreinte,
- condamner les sociétés Total Energies SE et Total Energies Proxi Nord Ouest à verser, chacune, la somme de 1 000 euros à l'Union départementale des syndicats CGT d'Ille et Vilaine, au titre de ses frais exposés et la même somme à la FNIC CGT,
- les condamner à l'intérêt légal, aux dépens et aux frais d'exécution.
Selon leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 07 novembre 2024 et par courrier recommandé à la fédération nationale des industries chimiques CGT et à l'union départementale des syndicats CGT d'Ille et Vilaine, les sociétés Total Energies Proxi Nord Ouest et Total Energies SE intimées des dossiers RG n° 24/2924 et n° 24/3074, sollicitent :
- recevoir les sociétés Total Energies Proxi Nord Ouest et Total Energies SE en leurs écritures, les dire bien fondées et y faisant droit,
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nantes du 28 mars 2024 en toutes ses dispositions
Ce faisant :
In limine litis, sur la demande de nullité du jugement
- juger que le jugement n'est pas nul
Sur les demandes de M. [J]
Sur la demande de communication de pièces, formée à titre principal
- juger M. [J] irrecevable en ses demandes auprès de la société Total Energies SE de communication de :
- l'ensemble des procès-verbaux des institutions représentatives du personnel du groupe Total s'agissant des consultations obligatoires annuelles des années 2015 à 2018 (convocations des membres, accusés de réception des convocations afférentes, procès verbaux de consultation ainsi que l'intégralité des annexes afférentes aux consultations obligatoires),
- l'intégralité des éléments concernant les consultations des institutions représentatives du personnel ayant trait aux plans Auckland et Ambitions (ou quel que soit son nom en région) sur l'intégralité des filiales concernées, à savoir : Total SA, Compagnie Pétrolière de l'Ouest, DMS, Caldeo, CPE, Charvet La Mure Bianco, Alvea (convocation des membres, accusé de réception de la convocation afférente, procès-verbal de consultation ainsi que l'intégralité des annexes afférentes à la consultation obligatoire),
- juger M. [J] mal fondé en ses demandes de communication de pièces auprès des sociétés TotalEnergies Proxi Nord Ouest et Total Energies SE,
- Le débouter de ses demandes de communication de pièces,
Sur la situation de co-emploi avancée par M. [J]
- juger que la société Total Energies SE n'a aucun lien juridique avec M. [J] et qu'elle n'est pas co-employeur de M. [J] avec la société TotalEnergies Proxi Nord Ouest,
- mettre hors de cause la société Total Energies SE,
- débouter M. [J] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions à l'encontre des sociétés TotalEnergies Proxi Nord Ouest et Total Energies SE.
Sur la prétendue nullité du licenciement pour faits de harcèlement moral
- juger que la société Total Energies Proxi Nord Ouest n'a commis aucun acte de harcèlement moral à l'encontre de M. [J] et que ce dernier ne présente aucun élément le laissant supposer
- juger que M. [J] n'a jamais eu le statut de lanceur d'alerte,
- Débouter M. [J] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions à l'encontre des sociétés TotalEnergies Proxi Nord Ouest et Total Energies SE
Sur le prétendu licenciement sans cause réelle et sérieuse
- juger que les griefs de licenciement ne sont pas prescrits
- juger que les demandes d'annulation des sanctions disciplinaires sont prescrites
- débouter M. [J] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions à l'encontre des sociétés TotalEnergies Proxi Nord Ouest et Total Energies SE
Sur la prétendue inopposabilité de la convention de forfait jours et ses conséquences, notamment d'heures supplémentaires
- juger que la convention de forfait jours est valable,
- juger que M. [J] ne présente pas d'éléments à l'appui de sa thèse des heures supplémentaires,
- juger que sa demande au titre des heures supplémentaires correspondant à la période allant du 1er janvier au 30 septembre 2015 est donc prescrite,
Sur le prétendu rappel de contrepartie financière ou en repos consécutive à un temps de trajet en dehors de l'horaire collectif et anormalement long et les prétendues indemnités liés à un manquement aux obligations de sécurité de l'employeur
- débouter M. [J] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions à l'encontre des sociétés TotalEnergies Proxi Nord Ouest et Total Energies SE
Sur l'inopposabilité des objectifs assignés et ses conséquences
- débouter M. [J] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions à l'encontre des sociétés TotalEnergies Proxi Nord Ouest et Total Energies SE
Sur le surplus, les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
- débouter M. [J] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions à l'encontre des sociétés Total Energies Proxi Nord Ouest et Total Energies SE
- condamner M. [J] à verser à chacune des sociétés intimées (TotalEnergies Proxi Nord Ouest et Total Energies SE) la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens avec distraction au profit de l'avocat soussigné aux offres de droit.
Sur les demandes des syndicats
- juger que la société Total Energies SE n'a aucun lien juridique avec M. [J] et qu'elle n'est pas co-employeur de M. [J] avec la société TotalEnergies Proxi Nord Ouest
- juger l'absence de manquement/de faute commis par la société TotalEnergies Proxi Nord Ouest à l'encontre de M. [J] ni à l'encontre des institutions représentatives du personnel
- juger que M. [J] n'a jamais eu le statut de lanceur d'alerte
- juger l'absence de violation des intérêts collectifs et que l'Union départementale CGT d'Ille et Vilaine et la Fédération nationale des industries chimiques CGT ne démontrent aucune violation des intérêts collectifs de la profession
- Juger que l'Union départementale CGT d'Ille et Vilaine et la Fédération nationale des industries chimiques CGT ne démontrent aucun préjudice et aucun préjudice distinct du préjudice personnel allégué par M. [J]
En conséquence :
- mettre en tout état de cause hors de cause la société Total Energies SE
- débouter les syndicats de l'ensemble de leurs demandes fins et conclusions à l'encontre des sociétés TotalEnergies Proxi Nord Ouest et Total Energies SE
- condamner l'Union départementale CGT d'Ille et Vilaine et la Fédération nationale des industries chimiques CGT à verser à chacune des sociétés intimées (TotalEnergies Proxi Nord Ouest et Total Energies SE) la somme de 1 000 € chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens avec distraction au profit de l'avocat soussigné aux offres de droit.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 05 juin 2025.
Par application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties à leurs dernières conclusions sus-visées.
MOTIFS :
Sur la jonction des procédures :
Il est de l'intérêt d'une bonne administration de la justice de joindre les deux procédures d'appel enrôlées sous les numéros 24/2924 et 24/3074 sous le numéro 24/2924.
Sur la demande de nullité du jugement :
En vertu de l'article 6§1 de la convention européenne des droits de l'homme, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice.
Sur la motivation du jugement :
Selon l'article 455 du code de procédure civile, le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date. Le jugement doit être motivé.
Il énonce la décision sous forme de dispositif.
Concernant l'absence de motivation du jugement invoquée par M. [J] et les syndicats au soutien de la demande de nullité de celui-ci, le conseil de prud'hommes a exposé les motifs de droit et de fait de sa décision relative à la demande de communication de pièces en ces termes : '- que le bureau de conciliation et d'orientation a rendu une ordonnance de rejet en date du 7 décembre 2018
- que les pièces sollicitées par les demandeurs n'apporteraient rien aux débats, le dossier étant suffisamment complet ;
- que les demandes de communication de pièces ne sont pas motivées et que le lien entre ces pièces et les demandes formulées ne ressort pas des débats ;
- que les débats ont été clos à l'audience et que l'apport de pièces postérieures n'est donc pas possible en l'état.
En conséquence, le Conseil de Prud'hommes dit que les débats sont clos, qu'il n'y a pas lieu d'ordonner la communication de pièces supplémentaires et déboute monsieur [G] [J] de cette demande.'
Il ne peut pas plus être reproché au bureau de conciliation d'avoir décidé seul de clore les débats, l'office de mettre en état l'affaire et de clôturer l'instruction de celle-ci lui appartenant.
Sur le co-emploi, le conseil de prud'hommes a rappelé la règle de droit en ces termes : 'Le co-emploi juridique correspond à une situation dans laquelle un salarié est sous la subordination de plusieurs employeurs, malgré l'existence d'un contrat de travail n'en désignant qu'un.
Dans ce cas, le mécanisme du co-emploi permet de reconnaître l'existence d'un contrat avec 1'autre employeur.
Dans le cas d'espèce étudié ici, c'est le co-emploi sociétaire qui est recherché. Il désigne la situation d'un groupe où la société mère contrôle ses filiales, de telle sorte que celles-ci n'ont aucune marge de manoeuvre dans leur gestion économique et sociale. Dès lors, les salariés de la filiale peuvent être considérés comme étant aussi les salariés de la société mère, sans avoir à caractériser l'existence d'un lien de subordination.
Les conditions du co-emploi nécessitent :
- une triple confusion d'intérêts :
* appartenance à un même groupe et absence d'autonomie capitalistique de la filiale,
* confusion d'activité caractérisée par une interdépendance d'activités ou par la dépendance économique de la filiale à l'égard de la société mère,
* une confusion de direction entre les deux sociétés.
- une perte d'autonomie d'action caractérisée par :
* une immixtion de la société mère dans la gestion économique et sociale de sa filiale,
* une perte totale d'autonomie d'action de la filiale.
Les conséquences du co-emploi entraînent :
- la responsabilité in solidum des sociétés,
- une extension des conséquences d'un licenciement économique à l'ensemble du groupe,
- la nullité du licenciement'
Il a ensuite analysé les faits et pièces en ces termes : 'Le Conseil de Prud'hommes relève, au vu des pièces versées aux débats :
- que monsieur [G] [J] ne démontre pas l'existence d'un lien de subordination entre les sociétés CPO et Total SA et qu'au contraire, il apparaît que CPO n'est pas une filiale directe de Total SA, mais de Total Marketing France ;
- que monsieur [G] [J] ne démontre pas la perte d'autonomie de CPO par l'immixtion permanente de Total SA ;
- que les activités de Total SA et de CPO sont différentes, qu'elles relèvent de deux conventions collectives et de deux champs d'activités différents et qu'ainsi, monsieur [G] [J] ne démontre pas une situation de co-emploi.
- qu'il n'existe aucun contrat de travail, écrit ou non, permettant de démontrer le co-emploi.
En conséquence, le conseil de prud'hommes dit que la situation de co-emploi n'est pas établie et déboute monsieur [G] [J] ainsi que les différents intervenants volontaires à l'instance, de toutes prétentions s'y rapportant.
En conséquence, le Conseil de Prud'hommes met hors de cause la société Total SA.'
Le conseil de prud'hommes a également exposé en pages 17 et 18 de son jugement les motifs de sa décision relative au licenciement en des termes propres caractérisant une analyse des pièces produites, en ces termes :
'- En matière de prescription, l'article L. 1332-4 du Code du travail dispose que toute sanction disciplinaire doit intervenir dans les deux mois qui suivent les faits ou la connaissance des faits la justifiant.
Il apparait en l'espèce que la connaissance des faits concernant la mission de Directeur d'Agence de monsieur [G] [J] est avérée le 06. décembre 2017 par un courriel issu de monsieur [H].
Toujours pour cette période, la violation des règles du temps de travail des chauffeurs livreurs a été dissimulée et révélée ensuite, avec une connaissance avérée de l'entreprise le 09 décembre 2017, ce qui écarte la prescription de ces faits selon l'article L. 1332-2 du Code du travail.
Pour ce qui concerne le courrier de dénonciation du 27 novembre 2017, la convocation à entretien préalable à licenciement a été remise en main propre le 11 janvier 2018, soit moins de deux mois après le courrier en question, ce qui est conforme aux dispositions de l'article L. 1332-4 précité.
- Concernant le courrier de l'entreprise en date du 1er février 2018, il apparaît, à la lecture des pièces versées aux débats, que celui-ci ne constitue qu'une réponse simple à un courrier en date du 27 novembre 2017, qu'aucune mesure disciplinaire n'y est contenue et que celui-ci se borne à répondre point par point aux allégations de monsieur [G] [J].
Il ne peut en être conclu que le pouvoir de direction aurait été épuisé par celui-ci.
- S'agissant de la procédure de licenciement, il apparaît que cette dernière est conforme aux dispositions légales, la signature, qualifiée de manquante par monsieur [G] [J], n'étant pas requise à la lecture de l'article R. 123 2-1 du Code du travail. Au surplus, ce courrier a été remis en main propre et monsieur [G] [J] s'est rendu à l'entretien préalable à licenciement le 18 janvier 2018 à 14 heures sans dífficulté. Il ne justifie matériellement d'aucun préjudice subi.
- Sur l'existence d'une cause' étrangère aux limites fixées par la lettre de licenciement, monsieur [G] [J] n'apporte aucun élément probant au soutien de ses allégations. Le Conseil rappelle que la lettre de licenciement fixe les limites du litige et qu'aucun élément en amont du contentieux n'a été évoqué par monsieur [G] [J]. Au contraire et de surcroît, il apparaît clairement que celui-ci a accepté le nouveau poste de coordinateur logistique proposé le 1er mai 2017 par avenant, et avec un enthousiasme sans équivoque possible, pour une prise de poste le 05 mai 2017. Il apparaît enfin, qu'aucun élément n'est apporté par monsieur [G] [J] permettant d'identifier un motif économique au licenciement.
- Sur l'insuffisance de motivations du licenciement alléguée par monsieur [G] [J],
il apparaît que celles-ci ont été exprimées lors de l'entretien préalable, puis reprises dans la lettre de licenciement, ainsi que par courrier de l'employeur en réponse aux demandes de précisions de monsieur [G] [J].
- S'agissant des griefs contenus dans la lettre de licenciement, les dépassements d'horaire des chauffeurs ne sont pas contestés par monsieur [G] [J]. Les arguments visant à minimiser les conséquences de ceux-ci en matière de risque ne le dégagent pas de ses responsabilités. Les éléments tendant à démontrer que la pratique est plus large dans l'entreprise ne sont étayés par aucune pièce probante.
Concernant le management fautif auquel il se serait livré : ce dernier n'est pas contré par monsieur [G] [J] qui n'apporte aucun élément probant au soutien de ses arguments.
Il en est de même concernant le courrier de dénonciation du 27 novembre 2017 qui peut, en l'état, être qualifié de calomnieux par la société CPO puisqu'i1 n'est appuyé par aucun élément matériel probant.
En conséquence, au vu de tous ces éléments, le conseil de prud'hommes :
- Dit que monsieur [G] [J] n'apporte pas d'éléments probants permettant de faire valoir une quelconque prescription rendant caduques les griefs portés dans la lettre de licenciement à son encontre.
Le Conseil déboute donc monsieur [G] [J] de ses demandes à ce titre.
- Dit que l'échange de courrier entre monsieur [G] [J] et la société CPO entre le 27 novembre 2017 et le 1er février 2018 ne permet pas de conclure que le pouvoir disciplinaire de la société CPO aurait été éteint par le contenu du courrier en réponse, celui-ci ne pouvant être qualifié de sanction disciplinaire. En conséquence, l'absence de cause réelle et sérieuse motivée par une double sanction sur des mêmes faits ne peut prospérer.
Le Conseil déboute donc monsieur [G] [J] de sa demande à ce titre.
- Dit que la procédure de licenciement n'est entachée d'aucune irrégularité, qu'il ne convient donc pas de prononcer à ce titre une absence de cause réelle et sérieuse à ce licenciement. En conséquence, déboute monsieur [G] [J] de ses demandes et prétentions indemnitaires à ce titre.
- Dit que l'absence de cause réelle et sérieuse ne peut être retenue en raison d'une cause étrangère, rien dans les pièces ne permettant de le conclure. En conséquence, le Conseil déboute monsieur [G] [J] de ses demandes et prétentions à ce titre.
- Dit que l'insuffisance de motivations n'est pas avérée et que l'absence de cause réelle et sérieuse sur ce fondement ne peut prospérer. Le Conseil déboute monsieur [G] [J] de ses demandes et prétentions à ce titre.
- Dit que les éléments apportés par monsieur [G] [J] au soutien de ses allégations sur les trois griefs reprochés dans la lettre de licenciement ne sont pas probants. En conséquence, le conseil dit et juge le licenciement fondé sur un motif réel et sérieux et déboute monsieur [G] [J] et les syndicats intervenants volontaires de toutes leurs demandes à ces titres et des conséquences de droits qui s'y rattachent.'
Concernant la motivation relative au forfait jours, le conseil de prud'hommes a motivé sa décision en droit et en fait en ces termes : 'Le Conseil relève au regard de ces éléments et des pièces versées aux débats que
- monsieur [G] [J] a signé un avenant à son contrat de travail qui signifiait son autonomie et l'application d'une convention de forfait jours,
- qu'un accord collectif prévoyait le forfait jours dans l'entreprise,
- qu'aucun élément probant n'est versé aux débats par monsieur [G] [J] pour justifier des heures supplémentaires qu'il aurait réalisées.
En conséquence, le Conseil de Prud'hommes dit que les conditions légales et conventionnelles de réalisation du forfait jours dans l'entreprise sont réunies et déboute monsieur [G] [J] de ses demandes concernant 1'inopposabi1ité du forfait jours et de ses conséquences, notamment en matière d'heures supplémentaires, temps de travail, devoir de sécurité de l'employeur, ainsi que sur ses demandes concernant le travail dissimulé.'
Les motifs de la décision dont la nullité est sollicitée sont suffisamment précis pour permettre aux parties de les contester en appel. S'ils ne répondent pas à l'intégralité des moyens soulevés, cette absence de réponse à l'ensemble des moyens ne s'analyse pas en un défaut de motivation.
L'allégation de déni de justice par volonté de ne pas juger est infondée, le conseil de prud'hommes ayant statué sur les demandes qui étaient formulées devant lui et exposé les motifs fondant sa décision.
- sur la contestation de l'impartialité de la composition de jugement :
S'agissant de l'impartialité contestée de la présidente de la composition de jugement ayant prononcé le jugement dont appel, l'impartialité objective fait obstacle à ce qu'un même juge statue successivement sur de mêmes faits.
En l'espèce, Mme [R], conseillère prud'hommes, a statué dans la composition de jugement du 5 mars 2020 qui a débouté M. [J] de ses demandes formées in limine litis visant à déclarer irrecevables les pièces et conclusions des sociétés CPO et Total, à constater une attitude dilatoire de celles-ci, à écarter des débats toutes conclusions et pièces non débattues contradictoirement et à condamner in solidum les défenderesses à des indemnités pour attitude dilatoire, déclaré irrecevable l'intervention volontaire de l'UD CGT 35 et de la Fédération nationale des industries chimiques CGT (FNIC CGT), rejeté les pièces et conclusions déposées par M. [F] au soutien de l'UD CGT 35 et de la FNIC CGT contre la SAS Compagnie pétrolière de l'ouest (CPO) et de la SA Total, renvoyé l'affaire sur les autres demandes à l'audience du 17 septembre 2020 à 9h30 pour plaidoirie sur les demandes formées par M. [J] et a condamné l'UD CGT 35 et la Fédération nationale des industries chimiques CGT aux dépens.
La composition de jugement du 28 mars 2024 présidée par Mme [R] a :
- déclaré recevable l'intervention volontaire de l'Union départementale des syndicats CGT d'Ille et Vilaine et de la Fédération Nationale des Industries Chimiques CGT,
- débouté M. [J], l'Union départementale des syndicats CGT d'Ille et Vilaine et de la Fédération nationale des industries chimiques CGT de toutes leurs demandes de communication de pièces,
- dit que la situation de co-emploi n'est pas établie,
- débouté M. [J], l'Union Départementale des syndicats CGT d'Ille et Vilaine et de la Fédération nationale des industries chimiques CGT de toutes prétentions s'y rapportant,
- En conséquence, mis hors de cause la S.A. Total Energies SE, anciennement dénommée Total SA,
- constaté qu'il n'existe pas de faits matériellement constitués de harcèlement moral subis par M. [J], constaté, par conséquent, que la S.A.S. Total Energies Proxi Nord Ouest, anciennement Compagnie pétrolière de l'ouest (C.P.O), n'a pas contrevenu à ses obligations de sécurité dans l'exercice du contrat de travail de M. [J] et l'a débouté de toutes ses demandes et prétentions fondées à ce titre,
- dit que M. [J] ne remplit pas les critères requis pour se voir attribuer le statut de lanceur d'alerte et le déboute de sa demande d'annulation du licenciement et des prétentions et conséquences qui s'y rapportent,
- dit que M. [J] n'apporte pas d'éléments probants permettant de faire valoir une quelconque prescription rendant caduques les griefs portés dans la lettre de licenciement à son encontre, et le déboute de ses demandes, fondées à ce titre,
- dit que le licenciement de M. [J] n'est pas entaché d'irrégularité, qu'il repose bien sur une cause réelle et le déboute de toutes ses demandes découlant de la rupture du contrat de travail,
- débouté M. [J] de ses demandes concernant l'inopposabilité du forfait jour et de ses conséquences, notamment en matière d'heures supplémentaires, temps de travail, sécurité et travail dissimulé,
- débouté M. [J] de sa demande de compensation financière de ses déplacements,
- dit que l'origine professionnelle des problèmes de santé de M. [J] n'est corroborée par aucune pièce permettant de les lier à ses déplacements quotidiens et le déboute de l'ensemble de ses prétentions à ce titre.
- débouté M. [J] de ses demandes de rappels de primes sur objectifs,
- débouté M. [J] de l'ensemble de ses autres demandes,
débouté la Fédération nationale des industries chimiques CGT et l'Union départementale CGT d'Ille et Vilaine de l'intégralité de leurs demandes,
- condamné M. [J] à verser à la S.A.S. Total Energies Proxi Nord Ouest, anciennement Compagnie Pétrolière de l'ouest (C.P.O), la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [J] à verser à la S.A. Total Energies SE, anciennement dénommée Total SA, la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la Fédération Nationale des Industries Chimiques CGT à verser à la S.A.S. Total Energies Proxi Nord Ouest, anciennement Compagnie Pétrolière de L'ouest (C.P.O), la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la Fédération nationale des industries chimiques CGT à verser à la S.A. Total Energies SE, anciennement dénommée Total SA, la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné l'Union Départementale CGT d'Ille et Vilaine à verser à la S.A.S. Total Energies Proxi Nord Ouest, anciennement dénommée Compagnie Pétrolière de l'Ouest (C.P.O), la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné l'Union Départementale CGT d'Ille et Vilaine à verser à la S.A. Total Energies SE, anciennement dénommée Total SA, la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [J] aux entiers dépens.
Il en résulte que la conseillère ayant statué dans les deux compositions de jugement n'avait statué, s'agissant des demandes actuellement en litige, que sur la recevabilité de l'intervention des deux syndicats dans le cadre du premier jugement ultérieurement annulé mais pas sur le fond de l'affaire.
Dès lors, le jugement critiqué ne succombe pas au grief d'impartialité.
- sur la réouverture des débats par courrier du greffe :
Selon l'article 444 du code de procédure civile, le président peut ordonner la réouverture des débats. Il doit le faire chaque fois que les parties n'ont pas été à même de s'expliquer contradictoirement sur les éclaircissements de droit ou de fait qui leur avaient été demandés.
En cas de changement survenu dans la composition de la juridiction, il y a lieu de reprendre les débats.
L'article 446 du même code précise que ce qui est prescrit par les articles 432 (alinéa 2), 433,434,435 et 444 (alinéa 2) doit être observé à peine de nullité.
Toutefois, aucune nullité ne pourra être ultérieurement soulevée pour inobservation de ces dispositions si elle n'a pas été invoquée avant la clôture des débats. La nullité ne peut pas être relevée d'office.
En l'espèce, la décision de réouverture des débats contestée est intervenue au cours de l'examen de la cause par le conseil de prud'hommes après reprise d'instance consécutive à la décision de sursis à statuer décidée le 7 octobre 2021. Cette décision dont les parties ont été informées par courrier du greffe avait pour motif la modification de la composition de jugement du conseil à raison de l'indisponibilité de conseillers prud'hommes.
Elle n'a pas été contestée lors des débats ni avant leur clôture dès lors elle ne peut plus être invoquée.
La demande de nullité du jugement est en conséquence rejetée.
Sur la situation de co-emploi :
Hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre que s'il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière.
M. [J] entend voir la société Total répondre des engagements de ses anciennes filiales Sonedic, Ocegest, Proseca, Sofiquem et Combustibes de l'ouest pour lequelles M. [J] a travaillé et a vu son contrat de travail transféré de l'une à l'autre sans avenant ni consentement de sa part.
M. [J] établit avoir reçu le 27 novembre 2000 en qualité de directeur de la société [P] délégation de pouvoirs de M. [D], représentant de la SARL Ocegest gérante de la SNC [P].
Il a également reçu en sa qualité de directeur de la société Tropique, délégation de pouvoirs de M. [D], représentant de la SARL Ocegest gérante de la SNC Tropique.
Un même type de délégation lui a été accordé pour l'exercice des fonctions de directeur des SNC Hemeraude et Brièrres, elles-mêmes gérées par la SARL Ocegest.
Ces pièces ne permettent pas de caractériser les liens existant entre ces sociétés et la société Total SA.
La relation contractuelle avec la société Sofiquem a quant à elle fait l'objet d'un contrat de travail signé par les deux parties le 29 novembre 2004 aux termes duquel M. [J] était engagé en qualité de responsable de zone centre Bretagne à compter du 1er janvier 2005.
Toutefois, dès décembre 2005, M. [J] était salarié de la société CPO comme cela résulte de son bulletin de paie.
Il résulte d'une part de l'attestation d'inscription en compte de la société CPO et du rapport de gestion de la société Total Marketing France que la société CPO est une filiale de la société Total Marketing France. La société Total SA, holding du groupe Total, a des dirigeants distincts de ceux de sa filiale qui ont seuls exercé dans le cadre de la relation contractuelle avec M. [J] le pouvoir de direction et de sanction à son égard. La société CPO dispose également de son directeur des ressources humaines, d'un responsable comptabilité, d'un responsable gestion risque clients, d'un responsable administratif et d'un responsable juridique propres comme mentionné sur l'organigramme de la société CPO et elle appartient à une unité économique et sociale distincte de celle à laquelle est rattachée la holding Total SA.
Le fait qu'une mission transversale ait été confiée à M. [J] en 2017 en qualité de coordinateur commerce et logistique, poste créé dans chacune des filiales de Total Marketing France, le conduisait certes à échanger avec les autres coordinateurs des autres filiales, toutefois, il n'agissait que pour le compte de la société CPO.
Le plan Aukcland propose une harmonisation des organisations entre les filiales avec des organigrammes cibles et des fiches de poste sans dépasser la nécessaire coordination de l'organisation au sein d'un groupe.
La gestion de la formation au niveau de la société mère relève de la même manière de l'harmonisation des méthodes et des procédures au sein d'un groupe capitalistique et de la mise en commun de fonctions supports afin d'en réduire les coûts.
La gestion au niveau du groupe des droits de prévoyance et frais de santé des salariés des filiales et du plan d'épargne visent les mêmes objectifs.
L'engagement et la condamnation de la société Total Sa par le tribunal de Créteil le 6 novembre 2020 à payer une prime aux salariés d'une filiale autre que la société CPO en sus de ceux de la société mère ne vaut pas immixtion de la société Total SA dans la gestion de la société CPO.
Quant aux relations entre les filiales du groupe Total et les organisations syndicales et institutions représentatives du personnel, elles ne sont pas de nature à caractériser l'immixtion alléguée.
S'il n'est pas contestable qu'il existe entre la société Total Sa et ses filiales et sous filiales une coordination de l'organisation et des actions économiques, il n'est pas caractérisé d'immixtion permanente de la société Total SA dans la gestion économique et sociale de la société CPO, qui aurait conduit à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière.
M. [J] ne démontre pas plus qu'il aurait reçu des instructions de la société Total Sa, que celle-ci en aurait contrôlé la bonne exécution et aurait exercé à son égard un pouvoir de sanction. Le fait qu'il exerce les fonctions de coordinateur commerce logistique maintenait son action dans le cadre de l'activité de la société CPO, seule une harmonisation au niveau national était mise en oeuvre.
La demande de constatation de l'existence d'un co-emploi entre les sociétés CPO et Total SA et de condamnation in solidum des sociétés est en conséquence rejetée.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la demande de communication de pièces :
Selon l'article 142 du code de procédure civile, les demandes de production des éléments de preuve détenus par les parties sont faites, et leur production a lieu, conformément aux dispositions des articles 138 et 139.
En vertu de l'article 138, elle peut demander au juge saisi de l'affaire d'ordonner la délivrance d'une expédition ou la production de l'acte ou de la pièce.
L'article 139 prévoit que le juge, s'il estime cette demande fondée, ordonne la délivrance ou la production de l'acte ou de la pièce, en original, en copie ou en extrait selon le cas, dans les conditions et sous les garanties qu'il fixe, au besoin à peine d'astreinte.
En l'espèce, les pièces sollicitées consistent dans l'ensemble des pièces afférentes aux sanctions disciplinaires du 31 mars 2016 et 10 mai 2016, la charte de prévention du harcèlement moral au sein de la société CPO, l'intégralité des éléments relatifs à la consultation du CHSCT de la société CPO sur la nomination de la commission d'enquête (convocation de l'institution, accusé de réception des convocations de chacun de ses membres, procès-verbal de consultation pour la nomination des enquêteurs) ainsi que l'intégralité des annexes des procès-verbaux, l'intégralité des éléments relatifs à la consultation du CHSCT et de la société CPO sur la présentation du résultat de l'enquête et les mesures de prévention mises en oeuvre a posteriori (convocation de l'institution, accusé de réception des convocations de chacun de ces membres, procès-verbal de consultation, ainsi que l'intégralité des annexes des procès verbaux.
Elles ne sont pas indispensables à la caractérisation du harcèlement moral invoqué par M. [J] ni à celle d'un co-emploi au regard des 215 pièces communiquées par celui-ci et des 75 pièces distinctes communiquées par les deux sociétés et les 11 pièces communiquées par les deux syndicats qui permettent à la cour d'apprécier les demandes dont elle est saisie avec une pleine connaissance du litige.
La demande est en conséquence rejetée.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la demande d'annulation de deux sanctions :
Selon l'article L.1331-1 du code du travail, en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.
L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.
Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
L'article L.1333-2 dispose que le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.
Selon l'article L.1332-1 aucune sanction ne peut être prise à l'encontre du salarié sans que celui-ci soit informé, dans le même temps et par écrit des griefs retenus contre lui.
L'action aux fins d'annulation d'une sanction est soumise au délai de prescription applicable à l'exécution du contrat de travail.
Selon l'article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.
Le premier alinéa n'est toutefois pas applicable aux actions en réparation d'un dommage corporel causé à l'occasion de l'exécution du contrat de travail, aux actions en paiement ou en répétition du salaire et aux actions exercées en application des articles L. 1132-1, L. 1152-1 et L. 1153-1. Elles ne font obstacle ni aux délais de prescription plus courts prévus par le présent code et notamment ceux prévus aux articles L. 1233-67, L. 1234-20, L. 1235-7 et L. 1237-14, ni à l'application du dernier alinéa de l'article L. 1134-5.
Le courrier de mise en garde du 31 mars 2016 pour absence de réponse à un courrier recommandé reçu à l'agence de Vannes le 1er décembre 2015 a été notifié à M. [J] plus de deux ans avant qu'il ne saisisse le conseil de prud'hommes le 1er octobre 2018 d'une demande d'annulation de cette sanction. M. [J] est dès lors prescrit en son action.
L'avertissement du 10 mai 2016 pour entrave à la distribution de tracts syndicaux en ces termes « l'entreprise, ainsi que le groupe TOTAL ont engagé plusieurs dossiers et un climat dépourvu de sérénité en raison d'agissements, même isolées ne peut que nuire à l'issue positive recherchée » est contesté en justice par M. [J] plus de deux ans après sa notification de sorte que M. [J] est prescrit en son action tendant à l'annulation de la sanction et à l'allocation de dommages-intérêts.
Il sera ajouté au jugement de ce chef, le conseil ayant omis de statuer.
Sur la nullité du licenciement pour avoir dénoncé un harcèlement moral :
Selon l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi, ou refusé de subir, les agissements définis à l'alinéa précédent ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
L'article L.1152-3 prévoit que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.
Le salarié qui dénonce des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, peu important qu'il n'ait pas qualifié lesdits faits de harcèlement moral lors de leur dénonciation, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce et non de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis.
La preuve de la mauvaise foi incombe à l'employeur.
La lettre de licenciement datée du 7 février 2018 fait grief à M. [J] d'avoir commis une succession de faits fautifs à savoir un management fautif à l'encontre de salariés placés sous sa subordination consistant en un comportement 'insultant, inapproprié avec des menaces de licenciement, des salariés ressortant en pleurs de votre bureau', l'autorisation de dépassement de la durée légale du travail par des chauffeurs de l'entreprise constituant une violation de l'obligation de sécurité de l'employeur, la formulation d'accusations mensongères à l'encontre de M. [Y], directeur commercial, lui imputant d'avoir antidaté des devis de chaudières, d'avoir sous facturé des interventions à domicile et d'avoir insulté des collaborateurs.
La lettre se poursuit en ces termes :
' vous vous êtes ainsi notamment permis d'affirmer par écrit, dans votre courrier, que vous subiriez des pressions, des humiliations, des propos vexatoires de la part de M. [Y], que vous auriez été relégué dans un bureau inadapté, privé de vos droits informatiques, etc, ce qui est dénigrant.
Ce même 27 novembre 2017, vous avez mis en copie le CHSCT du groupe Total de votre courrier intitulé 'lettre de dénonciation de mes conditions de travail' alors que ce CHSCT n'est pas compétent), le comité éthique du groupe et la gestionnaire de carrière de Monsieur [Y] qui n'est pas concernée.
Nous vous avons alors reçu au même titre que Monsieur [Y] en décembre 2017 pour vous entendre par rapport à ces déclarations mais vous vous êtes montré incapable de soutenir vos allégations tandis que Monsieur [Y] les a contestées au soutien d'explication et de pièces.
Vos imputations sont alors apparues bien dénigrantes et mensongères. Nous vous avons donc convoqué à un entretien préalable aux fins de licenciement le 11 janvier dernier.
Au lieu de modifier votre attitude, vous avez délibérément persisté avec mauvaise foi dans des accusations mensongères et ce, dans 3 courriers du 15 janvier 2018 intervenus après la remise de la lettre de convocation à entretien préalable.
Dans un premier courrier du 15 janvier dernier, vous avez sollicité du CHSCT qu'il exerce un droit d'alerte aux fins d'ouverture d'une enquête en indiquant dans le corps de votre courrier 'la concomitance d'une dénonciation de harcèlement 'alors que vous n'aviez évoqué qu'une prétendue dégradation de vos conditions de travail et que vous n'avez pas employé l'expression de dénonciation de harcèlement moral.
Dans un deuxième courrier de même date que vous avez destiné au groupe Total, vous avez indiqué que vous êtiez convoqué à un entretien préalable en réaction à la 'dénonciation du harcèlement moral' alors que vous n'aviez pas dénoncé de harcèlement moral à l'entreprise.
Dans un troisième courrier de cette date, vous avez imputé des propos et des attitudes inventées et vous avez été jusqu'à écrire que vous vous seriez placé en lanceur d'alerte (alors que ce ne peut être le cas et que cela n'a pas été le cas) et vous indiquez avoir dénoncé des faits constitutifs de harcèlement alors que une fois de plus, vous n'avez pas dénoncé du harcèlement moral mais des conditions de travail.
A toutes fins, personne n'a reconnu à votre encontre d'actes de harcèlement moral.
En conséquence, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute sérieuse.'
Il résulte de ces énonciations de la lettre de licenciement que l'employeur reproche au salarié d'avoir dénoncé des faits ayant entraîné une dégradation de ses conditions de travail sans les qualifier de harcèlement moral.
Toutefois, le 27 novembre 2017 M. [J] dénonçait par lettre recommandée avec avis de réception adressée à son employeur non seulement une mise à l'écart, des humiliations et réprimandes allant crescendo, des pressions pour accepter une rupture conventionnelle de son contrat de travail, et exprimait être 'à bout : je viens au siège la boule au ventre muni de mon vaporisateur de Trinitine dans ma poche en permanence, afin de pouvoir contrer un éventuel infarctus. J'appréhende tout contact avec mon responsable hiérarchique. Le simple signal sonore des mails provoque chez moi un stress aiguë, je refais le fil de mes journées lors de mes trois heures de voiture journalières et ai manqué d'avoir à plusieurs reprises un accident, j'ai depuis les derniers mois perdu du poids, (en dépit de ce que peut en dire [M] [Y] qui l'a, à plusieurs reprises, traité de 'gros'), perdu l'envie d'échanger avec les pairs de peur de leur causer problème et me retrouve devenir l'ombre de moi-même'.
Il ajoutait expressément ' ne plus supporter l'attitude harcelante et méprisante de [M] [Y]'. Ainsi, contrairement à ce qu'écrit l'employeur, la lettre du 27 novembre que vise la lettre de licenciement dénonçait expressément une situation de harcèlement moral et en décrivait sur 8 pages les éléments caractéristiques.
Pour que le licenciement visant la dénonciation de ce harcèlement n'encourt pas la nullité, il appartient dès lors à la société CPO de démontrer que la dénonciation ainsi faite l'a été de mauvaise foi.
Or, la société CPO ne développe aucun moyen dans ses conclusions relatif à la preuve d'une telle mauvaise foi.
Ses conclusions contestent certes l'existence même d'un harcèlement moral, toutefois, la caractérisation ou non d'une situation de harcèlement moral est insuffisante à démontrer la mauvaise foi du salarié'.
En l'absence en l'espèce, de preuve de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits dénoncés, le grief de licenciement tiré de la dénonciation de faits de harcèlement moral rend le licenciement de M. [J] nul.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur le harcèlement moral et la dégradation des conditions de travail :
Selon l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En vertu de l'article L.1154-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
M. [J] invoque une dégradation de ses conditions d'emploi à compter de l'année 2017 lorsqu'un plan de restructuration déployé au sein du groupe Total dans le cadre duquel il a été décidé de l'affecter sur une mission temporaire de 18 mois et de le placer sciemment en difficulté professionnelle dans le but, de l'amener à accepter la rupture de son contrat de travail.
Il souligne avoir avant cette mission temporaire subi deux sanctions disciplinaires dénoncées en vain.
Il invoque :
- une dégradation matérielle de ses conditions de travail lors de son arrivée au siège : pas de droit informatique, bureau isolé en travaux et calfeutré par des bâches plastiques, dans un bâtiment en travaux
- une affectation dans ce nouveau poste de coordinateur d'un plan dont il ignorait tout, sans fiche de mission ou feuille de route
- une différence de traitement avec ses collègues coordinateurs qui ont eu accès à la documentation et sont sous la subordination du Directeur Général de leur filiale
- une perte d'indépendance de communication avec des tiers : n'est plus autorisé à échanger directement avec le CODIR
- une infantilisation, absence de validation de ses actions et vexations : contrôle de sa tenue de ce poste où il n'avait pas d'instruction claires, corrigé au rouge, soumis à des revues hebdomadaires qui étaient soit humiliantes soit régulièrement annulées sans raison
- une privation d'information relativement à son nouveau poste et n'a plus bénéficié de soutien logistique et social, absence de directives claires
- une pression et chantage à l'acceptation de la rupture conventionnelle de son contrat de travail
- une sensation que sa mise en danger organisée par son employeur qui est entré en contact avec son épouse
- la privation de son poste de coordinateur en janvier 2018
- l'absence de traitement correct de son alerte au regard de sa mise en cause en l'accusant de mensonge, du changement de supérieur hiérarchique avec un retrait de mission et l'édition d'une nouvelle mission le jour de l'engagement de la procédure de licenciement
- un retard de l'enquête alors qu'il était déjà en cours de procédure de licenciement
- l'absence d'impartialité de l'enquête et d'égalité des armes faute de compte-rendu d'audition ni de présentation au CHSCT
- une première alerte au cours de l'été 2017 car pris pour la première fois de sa carrière d'un malaise
- à compter de septembre 2017 importantes crises d'angoisse mais refusera toujours l'arrêt de travail preuve de son investissement.
M. [J] établit s'être vu proposé un avenant pour une mission de 18 mois de coordination 'commerce et logistique' dans un contexte où d'une part lui avaient été notifiées au cours des années précédentes deux sanctions, une mise en garde le 31 mars 2016 et un avertissement le 10 mai 2016, où d'autre part une réorganisation était en cours au sein de la société laquelle prévoyait la fusion de l'agence Armobihan dirigée par M. [J] avec d'autres agences bretonnes.
S'agissant de l'isolement allégué dans un bureau inadapté, le salarié produit un cliché photographique non daté d'un bureau en travaux dont il précise qu'il était contigu à celui qui lui était affecté. Le courrier de l'inspecteur du travail en date du 27 novembre 2012 dont le nom du destinataire et des témoins sont anonymisés est antérieur de cinq années aux faits invoqués de sorte qu'il n'a pas de force probante s'agissant des faits invoqués. Le courriel du 23 juin 2017 mentionne que M. [J] dispose d'un bureau doté des outils informatiques indispensables à l'exercice de sa mission. A cette date, les difficultés évoquées par M. [J] avaient donc pris fin.
M. [J] établit par la communication d'échanges de courriels avec son supérieur M. [Y] qu'il n'avait pas été associé au groupe de travail composé des autres coordinateurs commerce et logistique le privant des informations dont disposaient ses collègues chargés d'une mission similaire à savoir le contenu et les enjeux du poste, sa transversalité entre les différents services du groupe.
Les échanges de courriels entre M. [J] et M. [Y] révèlent qu'à la suite de la réunion du 20 juin 2017 au cours de laquelle il a été informé du contenu de sa mission, M. [J] a modifié le support de présentation qu'il avait préparé et adressé à M. [Y] pour l'adapter aux informations qu'il avait reçues sur sa mission lors de cette réunion et l'a adressé à M. [Y] afin qu'il formule ses observations ou le valide avant la présentation de ce support lors de la réunion prévue à [Localité 14] le 23 juin. Ce dernier n'a pas répondu à la demande de M. [J] ce qui a provoqué chez celui-ci une crise d'angoisse avec douleurs cardiothoraciques conduisant à son arrêt de travail du 22 au 23 juin 2017. Le 23 juin 2017, le salarié a écrit à son supérieur : « J'ai éprouvé de nombreuses difficultés à obtenir des informations sur ce qui est attendu de moi en ce que je ne disposais que d'éléments distillés au compte-goutte. Je souhaite être à la hauteur du défi proposé, mais sollicite, uniquement, un peu d'égard et d'accompagnement.
Au lieu de cela, je déplore des reproches, remarques négatives, manque de communication et de transmission des informations qui me sont aujourd'hui nécessaires pour exercer correctement mes nouvelles fonctions. »
Ce dernier a admis que M. [J] avait manqué d'accompagnement en ces termes ' la période est chargée et tu n'es pas le seul qui manque de temps ou d'accompagnement, je fais le maximum pour satisfaire tout le monde.'
M. [J] établit ainsi avoir été mis en difficulté lors de sa prise de poste par une rétention d'information et une absence de soutien et d'accompagnement de son supérieur hiérarchique.
L'organigramme extrait du plan Auckland Total mentionne que le coordinateur commerce logistique réfère directement au directeur général. Or, tel n'est pas le cas pour M. [J] qui est contraint par M. [Y] de lui référer avant d'échanger avec les membres du CODIR. La différence de traitement invoqué par M. [J] à ce titre est ainsi établie.
M. [J] établit également par la production d'extrait de son agenda Google que les réunions hebdomadaires avec M. [Y] étaient annulées par ce dernier et qu'il en a été de même avec les collaborateurs de la société avec lesquels il devait échanger sur sa mission. Ces éléments caractérisent l'isolement qu'il dénonce subir.
Les échanges de courriels de septembre 2017 entre M. [J] et M. [Y] comprennent des remarques et reproches formulés par M. [Y] en termes directs sur la qualité du travail de M. [J]. Ainsi, concernant les fiches de situation rédigées par M. [J], comportant selon M. [Y] 'des choses fausses', ce dernier écrit à M. [J] ' 'essaie d'aller plus à fond sur les sujets : trop souvent je t'entends dire 'je ne sais pas' ' je ne suis pas au courant'. S'agissant de la renégociation d'un bail et d'une commande de calendrier alors que M. [J] était directeur d'agence ' belle boulette de commande de calendrier : nous avons les chauffeurs de [Localité 15] qui râlent car ils n'ont reçu que 800 calendriers''' afin d'éviter un scandale, nous devons relancer en urgence une commande pour 8000 calendriers, cela nous coûtera 800 euros de plus!!!! quand je te parle de rigueur !!!'. M. [J] affecté par ces remarques a écrit à son supérieur : 'concernant ton mail de réprimandes, je déplore à nouveau le ton agressif employé à mon encontre. J'avais déjà eu l'occasion en juin dernier de demander qu'un dialogue apaisé s'instaure et que ma personne soit respectée. Je te remercie à l'avenir d'être vigilant sur ce point.'
M. [J] communique un projet de compte rendu de réunion qu'il a rédigé et qui a été corrigé à l'encre rouge par M. [Y] lequel a rayé des paragraphes avec lesquels il était en désaccord.
Ces éléments caractérisent des remarques vexatoires.
S'il n'est pas contesté qu'un échange téléphonique est intervenue entre l'épouse de M. [J] et un membre du service des ressources humaines, il n'est pas établi que l'initiative de cet appel incombe à la société.
Il résulte en outre du cliché photographique communiqué et des coupures de la presse locale produites que la médaille du travail a été remise à M. [J] le 17 octobre 2017 au sein de l'hôtel Radisson en comité plus restreint que lors des années précédentes où les cérémonies réunissant alors tous les salariés et étaient relatées dans la presse locale.
Le 27 novembre 2017, M. [J] a dénoncé par lettre recommandée avec avis de réception adressée au directeur général de CPO, au directeur des ressources humaines, au comité d'éthique de Total, à la gestionnaire de carrière de Total SA et au CHSCT de Total ' ne plus supporter l'attitude harcelante et méprisante de [M] [Y]'. M. [J] a alors été convoqué par le directeur général et le directeur des ressources humaines à un entretien afin qu'il 'apporte tout élément de preuve pouvant corroborer (se)s affirmations'.
Le 5 décembre 2017, M. [J] a été rattaché à la direction générale par note d'affectation signée du président de la société. Dans le cadre de ce rattachement, une nouvelle mission a été confiée M. [J] comme cela résulte du courriel que lui a adressé le président de la société CPO le 2 janvier 2018. Dans le cadre de cette mission dite 'objectif Co2", le président de la société ne l'a pas autorisé à contacter les salariés de l'agence écrivant ' je ne vois pas l'utilité de contacter les salariés des agences' et l'a relancé dès le 4 janvier sur le document de restitution que M. [J] avait établi au cours de la dernière semaine de décembre.
En parallèle, M. [J] n'a plus été convié à la réunion des coordinateurs dont la date a été fixée le 6 février 2018.
Le comité d'éthique saisi par M. [J] lui a répondu par courriel le 11 janvier 2018 que 'nous avons bien compris que vous avez personnellement mal vécu le changement de fonction suite à la réorganisation. En revanche, nous considérons que ni le ton ni le contenu des éléments fournis ne démontrent de faits constitutifs de harcèlement moral à votre égard de la part de votre hiérarchie'.
M. [J] a répondu pour exprimer sa déception à réception de cette conclusion et souligné ne pas être surpris de son positionnement dans la mesure où le comité d'éthique a relayé la possibilité d'une rupture amiable de son contrat de travail et qu'il était déjà convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement dont il estimait qu'il n'était pas étranger à sa dénonciation d'un harcèlement moral.
S'agissant de l'incitation à accepter une rupture conventionnelle, elle est établie non seulement par le courriel de M. [J] adressé à la société et dénonçant qu'une telle proposition lui ait été rappelée par le comité d'éthique mais également par la société elle-même dans un courriel postérieur mentionnant un montant d'indemnisation.
M. [J] souligne qu'une enquête n'a été mise en oeuvre par le CHSCT que le 22 janvier 2018 alors qu'il l'avait saisi le 27 novembre 2017.
S'il en conteste la régularité au regard selon lui du principe de neutralité et d'égalité des armes par absence de procès-verbaux d'audition et absence de restitution devant le CHSCT, il convient de rappeler que l'enquête n'est régie par aucune disposition légale et réglementaire et ne vaut dans le débat judiciaire qu'à titre de preuve simple susceptible d'être corroborée ou combattue par tout autre mode de preuve.
Au regard des éléments débattus, pris dans leur ensemble, les éléments de faits établis laissent supposer l'existence d'une situation de harcèlement moral.
Il incombe à l'employeur d'apporter une justification objective étrangère à tout harcèlement moral à ses décisions et agissements.
La société CPO souligne que les avertissements évoqués par M. [J] comme contexte des faits qu'il reproche à son employeur n'ont pas été contestés dans le délai de deux années de sorte que M. [J] est prescrit à en contester le bien fondé. Cette prescription est acquise.
S'agissant du caractère temporaire de la mission confiée à M. [J], l'employeur expose qu'il s'agissait d'un poste pérenne qui s'inscrivait dans le cadre de son contrat de travail à durée indéterminée et que M. [J] s'est vu confier un premier projet puis un second. Toutefois, l'employeur ne s'explique pas sur le devenir du poste de M. [J] dans le cadre de la réorganisation mise en oeuvre au niveau de la société et ce alors qu'il indique lui-même dans les pièces produites que l'agence dont M. [J] était directeur était la moins rentable. Il n'explicite pas plus dans quelle mesure la mission confiée au salarié était pérenne.
La société CPO communique l'avis de son responsable hygiène sécurité environnement qualité de l'entreprise lequel sollicité par le directeur général de la société sur la conformité du bureau affecté au siège à M. [J] considère que bien que la fenêtre ne s'ouvre que partiellement en raison d'une contrainte architecturale, elle permet la ventilation et l'aération de la pièce mais de manière très limitée, que la présence d'une armoire électrique dans le bureau est occultée par deux portes coulissantes et que la signalisation est conforme à la réglementation. Il est précisé que deux autres bureaux du rez'de-chaussée présentent la même contrainte d'ouverture de la fenêtre.
La société CPO fait observer s'agissant des réunions des coordinateurs commerce et logistique au niveau national qu'elle a répondu à M. [J] qu'elle n'était pas informée de l'existence de réunions antérieures à la désignation le 1er mai 2017 de M. [J] pour exercer cette mission au sein de CPO. Elle n'apporte pas d'autre élément de justification.
Si l'employeur ne démontre pas avoir accordé à M. [J] l'accès au logiciel Auckland qu'il sollicitait, il résulte de l'échange de courriels du 30 mai 2017 que le salarié s'est vu proposer l'accès à deux autres logiciels intitulés Adv et Aslog.
La société n'apporte pas de justification objective au rattachement de M. [J] au directeur commercial alors que les autres coordinateurs du groupe étaient directement rattachés à leur directeur général. Il ne s'explique pas plus sur la perte de l'accès direct aux membres du Codir.
L'employeur ne démontre pas plus que M. [Y] aurait dû prendre le relais de M. [J] sur les missions qui lui étaient confiées au motif que celui-ci aurait refusé la mission Zoople, ce qui ne résulte pas des pièces. S'agissant des documents que M. [Y] a corrigés, il n'est pas précisé par l'employeur dans quelle mesure ces documents étaient insuffisants. Le document final n'est pas communiqué de sorte que la nécessité d'une correction susceptible de justifier cette intervention n'est pas rapportée.
Elle considère que la mission Objectif Co2 confiée à M. [J] en novembre 2017 ne s'est pas substituée à sa précédente mission mais s'y est ajoutée.
Elle ne s'explique pas sur la concomitance de l'attribution de cette mission et la saisine par le salarié du comité d'éthique ni sur l'absence de formation et d'accompagnement du salarié dans ses nouvelles missions et ce alors que l'employeur soutient que les travaux de M. [J] ne donnaient pas satisfaction.
S'agissant de l'annulation de la convocation de M. [J] aux réunions des coordinateurs, la société produit la convocation reçue par M. [J] le 29 janvier 2018 par courriel pour la réunion du 6 février 2018.
Elle expose par ailleurs que l'annulation d'une réunion interne à la société CPO concernait l'ensemble des salariés initialement convoqués et non seulement M. [J].
Pour autant, elle ne s'explique pas sur le déroulé de la remise des médailles du travail à M. [J] et l'absence de cérémonie publique même si celle-ci a eu lieu dans un hôtel prestigieux de [Localité 13].
C'est par ailleurs de manière inopérante que l'employeur souligne que M. [J] n'a jamais été placé en arrêt de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle, n'a rien dénoncé à la médecine du travail ou à l'inspecteur du travail.
La société CPO n'apporte pas à chacun des agissements établis de justifications objectives étrangères à un harcèlement moral.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, la cour a dès lors la conviction que M. [J] a subi une situation de harcèlement moral.
Le préjudice par lui subi qui s'est manifesté par une dégradation de son état de santé ayant rendu nécessaire la prescription d'anxiolitiques sera réparé par l'allocation de la somme de 3 000 euros.
Le jugement ayant rejeté cette demande sera infirmé de ce chef.
Sur le manquement à l'obligation de sécurité par absence de prévention du harcèlement moral :
Selon l'article L.4121-2 du code du travail, l'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :
1° Eviter les risques ;
2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source ;
4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l'article L. 1142-2-1.
La seule circonstance que l'employeur a pris toutes les mesures immédiates propres à faire cesser le harcèlement moral et qu'il l'a fait cesser effectivement, circonstance nécessaire, n'est pas suffisante. Il importe également qu'il ait pris toutes les mesures de prévention visées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et notamment qu'il ait préalablement mis en 'uvre des actions d'information et de formation « propres à prévenir la survenance de faits de harcèlement moral.
Il résulte par ailleurs du document unique d'évaluation des risques professionnels, communiqué par M. [J] que la société CPO a procédé à un diagnostic des risques psycho-soiaux en 2007 et 2008 pour chaque catégorie d'emploi et notamment pour celle des 'assistant et manager sédentaire' à laquelle peut être rattaché M. [J]. Le DUER mentionne le déploiement d'un management participatif, la proximité des chefs d'équipe, la diffusion des informations relatives au rôle du CHSCT, des modalités de saisine de celui-ci en cas de mal-être au travail, la formation du personnel sur la gestion du stress, la sensibilisation de l'encadrement aux risques psycho-sociaux lors d'un séminaire de 2010 et la formation du management à la gestion du stress au travail en 2014.
En revanche, elle ne vise aucune mesure relative à l'accompagnement au changement.
La société CPO justifie avoir saisi le médecin du travail à réception de la lettre du 27 novembre 2017 aux termes de laquelle M. [J] dénonçait une situation de harcèlement moral par dégradation de ses conditions de travail à l'origine d'une altération de son état de santé. Elle a également saisi le CHSCT afin que soit diligenté une enquête mais celle-ci n'a été décidé qu'un mois et demi après le courrier de M. [J] et la société n'a pas attendu les conclusions de celle-ci pour prononcer le licenciement de M. [J].
En agissant de la sorte à savoir en négligeant la dénonciation par M. [J] de la situation de harcèlement moral qu'il dénonçait, la société CPO a manqué à son obligation de sécurité.
Le préjudice moral subi de ce fait par M. [J] qui a vu perdurer la dégradation de ses conditions de travail et consécutivement de son état de santé sera réparé par l'allocation de la somme de 2 000 euros.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur l'irrégularité de la procédure de licenciement :
Selon l'article L. 1235-2 du code du travail, dans sa rédaction à compter du 1er janvier 2018, applicable au litige, les motifs énoncés dans la lettre de licenciement prévue aux articles L. 1232-6, L. 1233-16 et L. 1233-42 peuvent, après la notification de celle-ci, être précisés par l'employeur, soit à son initiative soit à la demande du salarié, dans des délais et conditions fixés par décret en Conseil d'Etat.
La lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l'employeur, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs de licenciement.
A défaut pour le salarié d'avoir formé auprès de l'employeur une demande en application de l'alinéa premier, l'irrégularité que constitue une insuffisance de motivation de la lettre de licenciement ne prive pas, à elle seule, le licenciement de cause réelle et sérieuse et ouvre droit à une indemnité qui ne peut excéder un mois de salaire.
En l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, le préjudice résultant du vice de motivation de la lettre de rupture est réparé par l'indemnité allouée conformément aux dispositions de l'article L. 1235-3.
Lorsqu'une irrégularité a été commise au cours de la procédure, notamment si le licenciement d'un salarié intervient sans que la procédure requise aux articles L. 1232-2, L. 1232-3, L. 1232-4, L. 1233-11, L. 1233-12 et L. 1233-13 ait été observée ou sans que la procédure conventionnelle ou statutaire de consultation préalable au licenciement ait été respectée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.
Lorsqu'un salarié victime d'un licenciement nul ne réclame pas sa réintégration, le principe de la réparation intégrale du préjudice impose que l'irrégularité de la procédure de licenciement soit réparée par le juge, soit par une indemnité distincte, soit par une somme comprise dans l'évaluation globale du préjudice résultant de la nullité du licenciement. (Soc, 23 janvier 2008 n°06-42919)
Sont soulevées, en l'espèce, l'absence de signature de la lettre de convocation et l'absence de présentation des griefs lors de l'entretien préalable.
La lettre de convocation à entretien préalable adressée à M. [J] mentionne le nom de M. [X] [CO] comme autorité à l'origine de la convocation mais ne comporte pas la signature manuscrite de M. [CO]. Il n'est pas contesté que M. [CO] est le directeur général de la société CPO et qu'il a conduit l'entretien préalable assisté du directeur des ressources humaines. Néanmoins, l'absence de signature de la lettre de convocation à entretien préalable constitue une irrégularité de forme qui causait un préjudice à M. [J] en ce qu'il ne pouvait s'assurer que la décision de convocation avait été prise par M. [CO] avant que celui-ci ne ratifie cette décision par la conduite de l'entretien préalable et la notification de la décision de licenciement.
La circonstance que le grief énoncé dans la lettre de licenciement n'a pas été indiqué au salarié lors de l'entretien préalable caractérise une irrégularité de forme qui n'empêche pas le juge de décider que ce grief peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Au demeurant, il résulte du compte rendu de l'entretien préalable versé aux débats que la nature des faits reprochés à M. [J] lui a été exposé lors de l'entretien. La date et la précision des faits ne l'a pas été notamment concernant le management fautif de sorte que M. [J] n'a pas été mis en mesure de s'expliquer.
Ces deux irrégularités ont porté préjudice à M. [J] en ce qu'elles ont rendu difficile l'exercice par celui-ci de sa défense.
Le préjudice subi de ce chef par M. [J] sera réparé par l'allocation de la somme de 2 000 euros.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail:
Le contrat de travail s'exécute de bonne foi.
Au soutien de sa demande indemnitaire, M. [J] invoque sept manquements de son employeur :
- une modification de son contrat de travail pour une mission temporaire ;
- un chantage et une dégradation de ses conditions d'emploi pour qu'il accepte une rupture conventionnelle ;
- sa soumission à une pression anormale, à compter de son arrivée à [Localité 13]
- une tentative d'instrumentalisation de son épouse gravement malade qui fera un malaise et sera hospitalisée à la suite d'une discussion avec le directeur des ressources humaines ;
- l'instrumentalisation des institutions représentatives du personnel en leur fournissant un dossier « à charge » au moment de la réunion extraordinaire du 22 janvier 2018 ;
- le retrait de sa mission de coordinateur commerce et logistiques dès le 11 janvier 2018 ;
- le retrait de façon inopinée de ses droits informatiques, en arrêtant de le convier aux réunions et en l'isolant.
S'agissant de la modification de son contrat de travail pour une mission temporaire, elle a été conclue par avenant, et sa mise en oeuvre ayant participé du harcèlement moral subi, le préjudice subi par M. [J] de ce chef a déjà été indemnisé.
Il en est de même pour le chantage et la dégradation de ses conditions d'emploi pour qu'il accepte une rupture conventionnelle et pour la soumission à une pression anormale déjà invoqués dans le cadre de la demande indemnitaire pour harcèlement moral.
Concernant une tentative d'instrumentalisation de son épouse gravement malade lors d'un échange téléphonique avec le directeur des ressources humaines, la preuve n'en est pas rapportée par les pièces communiquées par chacune des parties qui demeurent au stade de l'allégation.
Sur l'instrumentalisation des institutions représentatives du personnel en leur fournissant un dossier « à charge » au moment de la réunion extraordinaire du 22 janvier 2018, le procès-verbal de cette réunion n'étant pas communiqué et aucune attestation à ce propos n'étant versée aux débats, la preuve de cette allégation n'est pas rapportée.
S'agissant du retrait de sa mission de coordinateur commerce et logistiques dès le 11 janvier 2018, de son isolement et de l'annulation de ses invitations aux réunions, ces faits ont été invoqués dans le cadre de la demande indemnitaire relative au harcèlement moral de sorte que le préjudice y attaché a déjà été indemnisé.
Enfin, concernant le retrait de façon inopinée de ses droits informatiques, il n'est pas caractérisé.
La demande indemnitaire pour exécution déloyale du contrat de travail est en conséquence rejetée.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la demande de dommages-intérêts pour circonstances vexatoires de la rupture:
Le salarié peut obtenir réparation du préjudice distinct né de circonstances brutales et vexatoire de la rupture du contrat de travail.
Si M. [J] fait grief à son employeur de l'avoir contraint à 'restituer ses outils sur un parking de supermarché comme un paria', il ne communique aucune attestation ou courriers de nature à établir la réalité de ces circonstances.
Quant au fait d'avoir été dispensé d'exécuter son préavis, il ne revêt pas de caractère vexatoire.
Le préjudice invoqué n'étant pas caractérisé, la demande indemnitaire formulée à ce titre est rejetée.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la nullité de la convention de forfait jours
L'avenant du 23 mars 2017 conclu entre la société CPO et M. [J] stipule en son article 4 que 'en application de l'accord d'entreprise concernant l'aménagement et la réduction du temps de travail en date du 25 novembre 2014, eu égard aux responsabilités inhérentes à la fonction de Monsieur [G] [J], le temps de travail de M. [G] [J] est réparti sur une base annuelle calculée en forfait jours'.
Cette clause ne fixe pas le nombre de jours compris dans ce forfait. Elle est dès lors irrégulière et encourt la nullité.
En conséquence, la durée du travail de M. [J] est soumise au droit commun et celui-ci est en droit de solliciter le paiement d'heures supplémentaires accomplies au delà de 35 heures par semaine.
Sur les heures supplémentaires :
- sur la prescription de la demande antérieure au 1er octobre 2015 :
Selon l'article L. 3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
En l'espèce, le contrat de travail de M. [J] a pris fin le 7 mai 2018 à l'issue du préavis. Il a par ailleurs saisi le conseil de prud'hommes le 1er octobre 2018 de sorte que M. [J] est recevable à solliciter le paiement d'heures supplémentaires soit du 1er octobre 2015 au 1er octobre 2018 soit su 7 mai 2015 au 7 mai 2018.
Il est donc prescrit en sa demande antérieure au 7 mai 2015.
Il sera ajouté au jugement de ce chef.
- sur le bien fondé de la demande :
L'article L. 3171-2 prévoit que lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.
Le comité social et économique peut consulter ces documents.
Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
En l'espèce, M. [J] sollicite le paiement de 228 heures supplémentaires au cours des trois dernières années.
Il produit un décompte mentionnant les heures voire les minutes travaillées au delà de 35 heures par semaine et communique des courriels au soutien de ses demandes.
Si le décompte ne précise pas systématiquement le détail des heures de travail accomplies, il ne s'agit pas d'incohérences.
Quant au fait d'avoir récupéré les heures de travail supplémentaires réalisées notamment lors des salons, il incombe à l'employeur de l'établir. Or, il ne communique aucune pièce en ce sens.
Il n'est pas plus établi que les courriels adressés par M. [J] l'auraient été de manière différée.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, la cour a la conviction que M. [J] a réalisé des heures supplémentaires non payées sur la période non prescrite du 7 mai 2015 au 6 décembre 2017 mais dans une moindre mesure que celle sollicitée.
La société CPO est condamnée à payer à M. [J] la somme de 15 450 euros outre 1 545 euros de congés payés afférents.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur l'indemnité compensatrice de temps de trajet :
Selon l'article L. 3121-4 du code du travail, 'le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif.
Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos soit sous forme financière. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l'horaire de travail n'entraîne aucune perte de salaire.'
En l'espèce, l'avenant au contrat de travail nommant M. [J] aux fonctions de coordinateur commerce logistique stipulait que 'M. [J] pourra conserver son lieu de résidence actuel'.
Il en résulte qu'il effectuait chaque jour un déplacement entre son lieu de résidence et le siège de la société CPO situé à [Localité 13].
Contrairement à ce que soutient M. [J], l'avenant au contrat de travail ne mentionnant nullement le caractère temporaire de ses nouvelles fonctions, son lieu habituel de travail était situé à [Localité 13] de sorte qu'il ne peut pas prétendre à une contrepartie pour temps anormal de trajet.
Sa demande est rejetée.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les dommages-intérêts pour manquement fautif au droit au repos :
Selon l'article L.3121-18 du code du travail, la durée quotidienne de travail effectif par salarié ne peut excéder dix heures, sauf :
1° En cas de dérogation accordée par l'inspecteur du travail dans des conditions déterminées par décret ;
2° En cas d'urgence, dans des conditions déterminées par décret ;
3° Dans les cas prévus à l'article L. 3121-19.
L'article L. 3121-20 prévoit qu'au cours d'une même semaine, la durée maximale hebdomadaire de travail est de quarante-huit heures.
La preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'employeur.
En vertu des dispositions d'ordre public de l'article L.3131-1 du code du travail, tout salarié bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de onze heures consécutives, sauf dans les cas prévus aux articles L. 3131-2 et L. 3131-3 ou en cas d'urgence, dans des conditions déterminées par décret.
L'article L.3131-2 prévoit qu'une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut déroger à la durée minimale de repos quotidien prévue à l'article L. 3131-1, dans des conditions déterminées par décret, notamment pour des activités caractérisées par la nécessité d'assurer une continuité du service ou par des périodes d'intervention fractionnées.
Selon l'article L.3131-3 du même code, à défaut d'accord, en cas de surcroît exceptionnel d'activité, il peut être dérogé à la durée minimale de repos quotidien dans des conditions définies par décret.
En l'espèce, M. [J] invoque le non respect du droit au repos quotidien et hebdomadaire et de l'amplitude maximale de travail lors des semaines au cours desquelles il a réalisé les heures supplémentaires mentionnées dans le décompte qu'il communique.
Alors que le décompte produit par le salarié mentionne des journées de travail avec 8 heures supplémentaires quotidiennes ce qui laisse supposer la réalisation de quinze heures de travail par jour et donc un repos de neuf heures inférieur au onze heures prévues par l'article L. 3131-1 du code du travail.
L'employeur se limite à contester le non respect du temps de repos sans démontrer qu'il a mis son salarié en mesure d'exercer ce droit à repos et en a vérifié la bonne mise en oeuvre.
Le préjudice subi étant inhérent à la privation du droit à repos, il sera indemnisé par l'allocation de la somme de 1 000 euros.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur la demande de dommages-intérêts pour travail dissimulé :
Selon l'article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.
Le fait que la DIRECCTE ait sollicité des explications de la part de la société CPO sur des dépassements d'horaires de ses agents intervenant au domicile des clients ne concerne pas l'activité de M. [J].
En revanche, il établit en communiquant un extrait du logiciel Meta avoir travaillé 226 jours au lieu de 217 jours au cours de l'année 2016 soit 9 jours supplémentaires et 221 jours en 2018 au lieu de 214 jours soit 7 jours supplémentaires. Bien que mentionnés dans le logiciel de traitement des données de ressources humaines de l'employeur, ce dernier ne justifie pas avoir payé les jours travaillés au delà du forfait jours. Les bulletins de paie des années concernées ne mentionnent ni prise de congés à ce titre ni paiement de ces jours travaillés et non payés.
L'employeur n'apporte aucune explication sur ce point.
Or, en instituant un système de contrôle des jours travaillés déterminant le nombre de jours travaillés sans tirer aucune conséquence de cette constatation en terme de salaire ou de repos compensateur, l'employeur dissimule volontairement les heures ainsi travaillées. La réitération au cours de trois années de ce système au seul bénéfice de l'employeur et au préjudice tant du salarié que des caisses de sécurité sociale caractérise une intention de dissimulation.
La société CPO est en conséquence condamnée à payer à M. [J] la somme de 50 736 euros.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur la demande de rappel de primes des années 2016, 2017 et 2018 :
L'avenant au contrat de travail de M. [J] signé le 28 mars 2017 n'a pas modifié les conditions de classification et de rémunération de M. [J] lesquelles étaient définies par le contrat de travail du 29 novembre 2004 lequel stipulait que s'ajoutera au salaire fixe 'une prime annuelle d'objectifs dont le montant sera au minimum de 5 600 euros et ne pourra être supérieure à 3 mois de votre rémunération brute mensuelle ; ces objectifs seront déterminés après discussions en fonction de la conjoncture économique et des résultats que vous aurez réalisés précédemment. Vous devrez mettre en oeuvre toutes vos capacités pour que vos objectifs soient atteints et si possible dépassés.'
Si cette clause prévoit des discussions entre le salarié et l'employeur, elle ne prévoit pas pour autant une détermination d'un commun accord. Dès lors, il convient de considérer que la rémunération variable relevait du pouvoir de l'employeur.
Lorsque la rémunération variable dépend d'objectifs définis unilatéralement par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, à défaut de fixation de ces objectifs, la rémunération variable doit être payée intégralement (Soc. 10 juillet 2013, n 12-17.921, 28 septembre 2016, n 15-10.736, 15 décembre 2021, n 20-11.934, 27 octobre 2022, n 21-23.332) au salarié « qui devait dès lors percevoir le montant maximum prévu pour la part variable. » (Soc. 30 juin 2021, n 19-25.519).
- pour l'année 2016 :
Concernant l'année 2016, M. [J] ne conteste pas que les objectifs lui aient été notifiés mais conteste l'appréciation faite par son supérieur hiérarchique de l'atteinte de ces objectifs.
Le compte-rendu de l'évaluation annuel de l'année 2015 mentionne sept objectifs pour l'année 2016 outre un objectif de développement des compétences techniques, managériales, comportementales et en langue.
L'objectif HSE a été jugé partiellement atteint en raison d'une sinistralité en hausse alors que l'objectif fixait une baisse, l'objectif 4 a également été jugé partiellement atteint en raison d'un ratio logistique en hausse. L'objectif 5 a été atteint à 93% pour son premier item, à 97% pour le 2ème et a été réalisé s'agissant des chaudières.
La prime versée à M. [J] pour cette année 2016 s'élevait à 8 900 euros. Le maximum était fixé à 19 663 euros. L'employeur a ainsi alloué au salarié moins de 50% de la rémunération variable maximale.
Les seuls éléments mentionnés dans l'évaluation annuelle ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation par l'employeur du taux d'atteinte des objectifs et du montant de la prime versée.
La demande formulée pour l'année 2016 est en conséquence rejetée.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
- pour l'année 2017 :
L'écrit d'entretien d'évaluation annuelle de l'année 2016 mentionne des objectifs au titre de l'année 2017 lesquels sont relatifs à la fonction de directeur d'agence de M. [J]. Or, il a quitté ces fonctions pour devenir coordinateur commerce logistique le 28 mars 2017 et aucun nouvel objectif ne lui a été notifié.
En l'absence de notification d'objectifs en relation avec la fonction exercée, le salarié a droit à l'intégralité de la rémunération variable.
La société CPO est en conséquence condamnée à lui payer la somme de 10 763,83 euros sollicitée et de 1 076,38 euros de congés payés.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
- pour l'année 2018 :
La partie variable de la rémunération versée au salarié en contrepartie de son activité, s'acquérant au fur et à mesure de l'année, le salarié peut alors prétendre à son versement prorata temporis.
Les objectifs de M. [J] ne lui ont pas été notifiés pour l'année 2018 et son contrat de travail a été rompu avec effet au 7 mai 2017.
Il a donc droit à l'intégralité de la rémunération variable au prorata de son temps de présence au sein de la société soit du 1er janvier au 7 mai 2017. Il a droit à la somme de 6 760 euros. Or, il a perçu la somme de 5 600 euros de sorte que lui reste due la somme de 1 160 euros bruts.
La société CPO est condamnée à lui payer la somme de 1 160 euros brut de solde de prime 2018 outre la somme de 116 euros de congés payés afférents.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur la demande de solde d'indemnité conventionnelle de licenciement :
Selon l'article 7 du chapitre VI de la convention collective du négoce de combustibles, 'Sauf cas de faute grave du salarié, une indemnité de licenciement distincte du préavis, telle que définie ci-dessus, sera accordée aux salariés licenciés ayant au moins deux ans de présence dans l'entreprise et dans les conditions suivantes d'ancienneté relevées à la fin du contrat :
- jusqu'à 5 ans de présence : 3/10 de mois par année, pro rata temporis ;
- pour la tranche de 5 à 10 ans de présence : 4/10 de mois par année, pro rata temporis ;
- pour la tranche de 10 à 15 ans de présence : 6/10 de mois par année, pro rata temporis ;
- pour la tranche au-delà de 15 ans de présence : 7/10 de mois par année, pro rata temporis.
Un supplément forfaitaire d'indemnité égal à 2/10 de mois sera accordé aux salariés ayant entre deux et cinq ans de présence.
Un supplément forfaitaire d'indemnité égal à 1/10 de mois, et non cumulable avec le précédent, sera accordé aux salariés ayant entre cinq et dix ans de présence.
Exemples :
1° Licenciement après trente mois d'ancienneté :
- salaire : 10 000 F ;
- indemnités : 7,5/10 + 2/10 (forfaitaires) ;
- total : 9,5/10 x 10 000 F = 9 500 F.
2° Licenciement après sept ans d'ancienneté :
- salaire : 10 000 F ;
- indemnités : 5 fois 3/10 pour la première tranche, 4/10 pour la tranche de six ans, 4/10 pour la tranche de sept ans, soit 23/10 + 1/10 forfaitaire ;
- total : 24/10 x 10 000 F = 24 000 F.
Toutefois, l'indemnité de licenciement ci-dessus prévue ne pourra dépasser quinze mois de salaire total.
En cas de licenciement économique un supplément d'indemnité sera versé sous réserve d'une ancienneté de deux ans et selon l'âge de l'intéressé à la date de fin du contrat :
- indemnité supplémentaire de deux mois, de 50 à 52 ans ;
- indemnité supplémentaire de trois mois, de 53 à 55 ans ;
- indemnité supplémentaire de un mois, de 56 à 59 ans.
Le salaire pris en considération pour le calcul de cette indemnité sera le douzième de la rémunération brute globale des douze derniers mois ou le tiers des trois derniers mois selon le cas le plus avantageux pour le salarié, primes calculées pro rata temporis.
Pour établir cette moyenne, il sera tenu compte de tous les éléments constitutifs du salaire, à l'exception des indemnités ayant le caractère d'un remboursement de frais.'
Au regard des primes dues à M. [J], le salaire à prendre en compte pour le calcul de l'indemnité conventionnelle de licenciement était au regard du salaire plus favorable des douze derniers mois de 8 426,06 euros, primes incluses et proratisées de sorte que l'indemnité conventionnelle due s'élevait dans la limite de la demande à la somme de 123 582,19 euros.
M. [J] ayant perçu la somme de 79 464 euros, il lui reste dû la somme de 44 118,19 euros.
La société CPO est en conséquence condamnée à payer cette somme à M. [J].
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur la demande de solde d'indemnité compensatrice de préavis :
Selon l'article L1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit :
1° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus inférieure à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession ;
2° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus comprise entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d'un mois ;
3° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois.
Toutefois, les dispositions des 2° et 3° ne sont applicables que si la loi, la convention ou l'accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis ou une condition d'ancienneté de services plus favorable pour le salarié.
La convention collective prévoit un préavis de trois mois pour les cadres.
L'indemnité due au salarié pendant la durée du préavis est égale au salaire brut que le salarié aurait reçu s'il avait travaillé pendant la durée du délai-congé.
Le droit aux primes étant acquis au fur et à mesure de l'exécution du contrat de travail, M. [J] aurait reçu un salaire de 8 426,06 euros s'il avait travaillé pendant le préavis. Il a donc droit à une indemnité compensatrice calculée sur cette base.
L'indemnité due s'élève donc à la somme de 25 278,18 euros. M. [J] ayant reçu la somme de 19 663,83 euros, il lui reste dû la somme de 5614,35 euros bruts outre 561,43 euros de congés payés afférents.
La société CPO est condamnée à payer cette somme à M. [J].
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur l'indemnité pour licenciement nul :
Selon l'article L. 1235-3-1 du code du travail, L'article L. 1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à :
1° La violation d'une liberté fondamentale ;
2° Des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L. 1152-3 et L. 1153-4 ;
3° Un licenciement discriminatoire dans les conditions mentionnées aux articles L. 1132-4 et L. 1134-4 ;
4° Un licenciement consécutif à une action en justice en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans les conditions mentionnées à l'article L. 1144-3, ou à une dénonciation de crimes et délits ;
5° Un licenciement d'un salarié protégé mentionné aux articles L. 2411-1 et L. 2412-1 en raison de l'exercice de son mandat ;
6° Un licenciement d'un salarié en méconnaissance des protections mentionnées aux articles L. 1225-71 et L. 1226-13.
L'indemnité est due sans préjudice du paiement du salaire, lorsqu'il est dû en application des dispositions de l'article L. 1225-71 et du statut protecteur dont bénéficient certains salariés en application du chapitre Ier du Titre Ier du livre IV de la deuxième partie du code du travail, qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité et, le cas échéant, sans préjudice de l'indemnité de licenciement légale, conventionnelle ou contractuelle.
L'article L.1152-3 prévoit que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.
L'article L1152-2 vise le fait de relater de bonne foi des faits de harcèlement moral.
M. [J] dont le licenciement est nul pour avoir été prononcé à raison de la dénonciation de bonne foi de faits de harcèlement moral a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à six mois de salaire.
Au regard de son ancienneté de 26 années, de son âge lors de son licenciement à savoir 58 ans, de sa capacité à retrouver un emploi, de son niveau de rémunération de 8 426 euros bruts, le préjudice par lui subi du fait de son licenciement nul sera réparé par l'allocation de la somme de 160 000 euros.
La société CPO est condamnée à lui payer cette somme.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur le remboursement des allocations servies par Pôle emploi devenu France Travail :
Selon l'article L.1235-4 d code du travail, dans sa rédaction applicable au jour du licenciement, dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.
Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
En vertu de ces dispositions, la société CPO est condamnée à rembourser à France Travail les allocations servies à M. [J] dans la limite de six mois.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur la demande de rectification des documents de fin de contrat sous astreinte:
Il y a lieu de condamner la société CPO devenue Total énergies proxi nord ouest à remettre à M. [J] un bulletin de salaire rectificatif et une attestation destinée à France travail conformes au présent arrêt.
Les circonstances de la cause ne justifient pas le prononcé d'une astreinte. Cette demande est rejetée.
Sur la demande indemnitaire des syndicats Union départementale CGT Ille-et-Vilaine et la Fédération nationale des industries chimiques :
Selon l'article L. 2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice.
Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.
Le syndicat Union départementale CGT Ille-et-Vilaine et la Fédération nationale des industries chimiques sollicitent des dommages-intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession au motif d'un co-emploi et du non-respect de la législation relative à l'entrave des instances représentatives, d'un non-respect de la législation relative à la protection des lanceurs d'alerte et d'un non-respect de la législation relative au harcèlement.
- sur le co-emploi et le non-respect de la législation relative à l'entrave des instances représentatives :
La cour a écarté l'existence d'un co-emploi la preuve n'étant pas rapportée que la société Total soit allée au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés et ait opéré une confusion d'intérêts, d'activité et de direction par une immixtion dans la gestion économique et sociale de la société CPO lors de la mise en place dans chaque filiale simultanément du plan 'Auckland'.
Le fait que ce plan consiste en une restructuration économique non soumise aux procédures afférentes obligatoires notamment de consultation des institutions représentatives du personnel n'a pas de lien direct avec l'instance engagée par M. [J] et n'est en outre pas démontrée par les pièces produites même si elles font état d'une dénonciation de ce plan par les institutions représentatives du personnel.
- sur la modification d'un contrat de travail à durée indéterminée de travail de M. [J] pour lui confier une mission temporaire :
L'avenant du 28 mars 2017 ne mentionne pas de durée limitée aux fonctions de coordinateur commerce logistique confiées à M. [J] de sorte qu'il ne résulte pas de cette modification du contrat de travail une atteinte à l'intérêt collectif des salariés en la matière.
- sur le non-respect de la législation relative à la protection des lanceurs d'alerte :
Si M. [J] en dénonçant auprès de ses supérieurs hiérarchiques des pratiques de son supérieur hiérarchique direct qu'il estimait frauduleuse pouvait se prévaloir de la protection du lanceur d'alerte afin de voir examiner la nullité de son licenciement, il convient de constater que la société CPO a pris en compte son alerte et a procédé à une vérification des faits dénoncés pour en conclure à l'absence d'infraction.
Dès lors, n'est pas caractérisée d'atteinte à l'intérêt collectif de la profession à ce titre.
- sur le non-respect de la législation relative au harcèlement :
Le harcèlement moral subi par M. [J] et la carence de l'employeur dans la prévention du harcèlement moral en ce qu'ils ont un impact sur le mode de gestion du personnel porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession et justifie d'allouer à chacun des syndicats la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts.
Sur la demande de publication du présent arrêt :
La violation à l'intérêt collectif de la profession telle que retenue par la cour ne justifie pas que soit ordonnée la publication sollicitée de la présente décision.
Cette demande est rejetée.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Le jugement sera infirmé de ces chefs.
La société Total énergies proxi nord ouest anciennement dénommée CPO est condamnée aux dépens de première instance et d'appel et au paiement à M. [J] de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à chacun des syndicats la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Les autres demandes sont rejetées.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt prononcé par mise à disposition au greffe,
Ordonne la jonction des procédures 24/2924 et 24/3074 sous le numéro 24/2924,
Rejette la demande d'annulation du jugement,
Infirme le jugement sauf en ce qu'il a rejeté la demande de communication de pièces, la demande de co-emploi, la demande de condamnation de la société Total SA devenue Total énergies SE, la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, la demande d'indemnité compensatrice de trajet et la demande de rappel de primes et congés payés afférents pour l'année 2016,
Le confirme de ces chefs,
statuant à nouveau et y ajoutant,
Rejette la demande d'annulation de la mise en garde du 31 mars 2016 et de l'avertissement du 10 mai 2016,
Juge que le licenciement de M. [J] est nul,
Condamne la société Total énergies proxi nord ouest anciennement dénommée CPO à payer à M. [J] les sommes de :
- 3 000 euros à titre de dommage-intérêts pour harcèlement moral et dégradation des conditions de travail du salarié,
- 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité,
- 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement,
- 15 450 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,
- 1 545 euros à titre de congés payés afférents,
- 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement fautif au droit au repos,
- 50 736 euros à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé,
- 10 763,83 euros à titre de rappel de prime de rémunération variable de l'année 2017
- 1 076,38 euros à titre de congés payés afférents,
- 1 160 euros à titre de rappel de prime de rémunération variable de l'année 2018,
- 116 euros à titre de congés payés afférents,
- 44 118,19 euros de rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 5 614,35 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis,
- 561,43 euros à titre de congés payés afférents,
- 160 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul,
Dit que les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la notification de la demande à l'employeur par convocation devant le bureau de conciliation et les créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt,
Condamne la société Total énergies proxi nord ouest anciennement dénommée CPO à remettre à M. [J] un bulletin de salaire rectificatif et une attestation destinée à France travail conforme au présent arrêt,
Rejette la demande d'astreinte,
Condamne la société Total énergies proxi nord ouest anciennement dénommée CPO à rembourser à France Travail les allocations servies à M. [J] dans la limite de six mois,
Condamne la société Total énergies proxi nord ouest anciennement dénommée CPO à payer la somme de 1 000 euros au syndicat Union départementale CGT d'Ille et Vilaine et la somme de 1 000 euros à la Fédération nationale des industries chimiques en réparation du préjudice collectif de la profession,
Rejette la demande de publication,
Condamne la société Total énergies proxi nord ouest anciennement dénommée CPO à payer la somme de 3 000 euros à M. [J] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Total énergies proxi nord ouest anciennement dénommée CPO à payer la somme de 1 000 euros au syndicat Union départementale CGT d'Ille et Vilaine et la somme de 1 000 euros à la Fédération nationale des industries chimiques sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Total énergies proxi nord ouest anciennement dénommée CPO aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.
ARRÊT N°268
N° RG 24/02924 et 24/03074 joints
N° Portalis DBVL-V-B7I-UZEN
M. [G] [J]
- Syndicat UNION DEPARTEMENTALE CGT D'ILLE ET VILAINE
- FÉDÉRATION NATIONALE DES INDUSTRIES CHIMIQUES
C/
- S.A.S. TOTALENERGIES PROXI NORD OUEST
- Société TOTALENERGIES SE
Sur appel du jugement du C.P.H. de [Localité 13] du 28/03/2024
RG : F 18/00812
Jonction et infirmation partielle
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Copie certifiée conforme délivrée
le:
à:
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 22 OCTOBRE 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Nadège BOSSARD, Présidente,
Madame Anne-Laure DELACOUR, Conseillère,
Madame Anne-Cécile MERIC, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 22 Octobre 2025
En présence de Madame [C] [L], médiatrice judiciaire,
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 22 Octobre 2025, date à laquelle a été prorogé le délibéré initialement fixé au 15 Octobre précédent, par mise à disposition au greffe comme les parties en ont été avisées
****
APPELANTS :
- Monsieur [G] [J]
né le 07 Novembre 1959 à [Localité 12] (54)
demeurant [Adresse 11]
[Localité 6]
Comparant à l'audience, ayant Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Avocat au Barreau de RENNES, pour postulant et représenté à l'audience par Me Bénédicte-Claude FLEURY-MARIAGE, Avocat au Barreau de RENNES
- Le Syndicat UNION DEPARTEMENTALE CGT D'ILLE ET VILAINE pris en la personne de son Secrétaire en exercice et ayant son siège :
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par M. [K] [F], Défenseur syndical CGT 35, suivant pouvoir
- La FÉDÉRATION NATIONALE DES INDUSTRIES CHIMIQUES prise en la personne de son Secrétaire en exercice et ayant son siège :
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représentée par M. [K] [F], Défenseur syndical CGT 35, suivant pouvoir
.../...
INTIMÉES :
- La S.A.S. TOTALENERGIES PROXI NORD OUEST anciennement dénommée COMPAGNIE PETROLIERE DE L'OUEST exerçant sous le nom commercial CPO prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Camille SUDRON substituant à l'audience Me Marie VERRANDO de la SELARL LX RENNES-ANGERS, Avocats postulants du Barreau de RENNES et par Me Maud FAUCHON, Avocat plaidant du Barreau de PARIS
La Société TOTALENERGIES SE Société Européenne (anciennement dénommée TOTAL SA) prise en la personne de ses représentants légaux et ayant son siège social :
[Adresse 10]
[Localité 7]
Représentée par Me Camille SUDRON substituant à l'audience Me Marie VERRANDO de la SELARL LX RENNES-ANGERS, Avocats postulants du Barreau de RENNES et par Me Maud FAUCHON, Avocat plaidant du Barreau de PARIS
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M. [G] [J] a été engagé par la société Sonedic, filiale du groupe Total, selon contrat de travail à durée indéterminée à compter du 26 août 1991 en qualité de district manager.
Le 1er septembre 2000, le contrat de travail de M. [J] a été transféré à une autre filiale du groupe Total, la société Ocegest puis à la société Proseca.
A compter du 1er janvier 2005, M. [J] a exercé les fonctions Responsable Zone Bretagne, coefficient 460, à temps complet et a été affecté à l'agence de [Localité 9]. Son contrat de travail prévoyait une clause de non-concurrence sur la Bretagne, l'Orne et la Mayenne.
En 2005, M. [J] a été promu Directeur d'agence des Côtes d'Armor au sein de la société Combustible de l'Ouest devenue CPO.
A compter du 1er février 2015, il a été placé à la Direction d'une double agence, l'agence Armorbihan, au sein de la société CPO, filiale de Total Marketing France, elle-même filiale de Total SA.
Le 29 mars 2016, M. [J] a été destinataire d'une convocation à un entretien préalable à sanction disciplinaire fixé au 15 avril 2016 pour entrave aux fonctions syndicales de la section syndicale CFDT le 10 mars 2016.
Le 31 mars 2016, a été adressée à M. [J] une mise en garde, qu'il a contesté par courrier du 26 mai 2016.
Le 10 mai 2016, M. [J] a reçu un avertissement pour entrave à l'exercice syndical, ce qu'il a contesté.
Par avenant du 28 mars 2017, M. [J] a été affecté à un poste de coordinateur commerce et logistique au sein de la société CPO, statut cadre, coefficient 460, avec reprise d'ancienneté au 26 aôut 1991, une rémunération fixe de 6 554,61 euros brut et une rémunération variable annuelle comprise entre 5 600 euros par an et trois mois de salaire bruts et dans le cadre d'un forfait jours.
La société CPO est devenue la société Total Energies Proxi Nord Ouest.
Elle emploie plus de dix salariés.
La convention collective applicable est celle du négoce et de la distribution combustible du 20 décembre 1985.
M. [J] a été placé en arrêt de travail à compter du 22 juin 2017.
Par courrier recommandé du 27 novembre 2017, M. [J] a fait part de son mal être au travail et d'une dégradation de ses conditions de travail à M. [CO], directeur général et président du CHSCT de CPO ainsi qu'à M. [Z], directeur des ressources humaines CPO.
Il a également dénoncé le fait que son épouse ait été 'importunée' par le directeur des ressources humaines, ayant conduit à un malaise, suite à un appel téléphonique avec ce dernier. Il a également dénoncé que le directeur commercial M. [Y] aurait antidaté des devis pour bénéficier de crédits d'impôts.
Copie de ce courrier a été adressée au comité d'éthique, à Mme [V], gestionnaire de carrière Total SA et au CHSCT de la société.
Par courrier du 5 décembre 2017, M. [J] a été convoqué à un entretien le 07 décembre 2017 afin qu'il apporte tout élément de preuve pouvant corroborer ses dires.
A la suite d'une visite le 12 décembre 2017, le médecin du travail a mis en place un suivi renforcé et a fixé une nouvelle visite au 15 janvier 2018. Le médecin du travail n'a pas rendu d'avis d'inaptitude et a proposé à M. [J] de rencontrer son médecin traitant.
Le 22 décembre 2017, le comité d'éthique n'a donné aucune suite à l'alerte émise par M. [J] relative à des faits de harcèlement.
Par courrier recommandé du 11 janvier 2018, M. [J] a été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle sanction pouvant aller jusqu'à la mesure de licenciement le 18 janvier 2018.
Le même jour, M. [J] a rencontré le médecin du travail qui l'a orienté vers son médecin traitant sans rendre d'avis d'inaptitude à son poste de travail. Une nouvelle visite de suivi renforcée a été fixée au 14 février 2018.
Le 15 janvier 2018, M. [J] a contesté la convocation à l'entretien préalable par courrier recommandé et a sollicité la mise en place d'une enquête en alertant le CHSCT.
Le 18 janvier 2018, M. [J] a été reçu en entretien préalable, entretien au cours duquel divers manquements lui ont été reprochés, à savoir notamment un management fautif, l'autorisation de dépassements de temps de travail des chauffeurs en violation du droit du travail, des accusations mensongères et dénigrantes à l'encontre de M. [Y]. Il a contesté les manquements opposés.
Le 22 janvier 2018, l'enquête diligentée par le CHSCT et l'entreprise a conclu à l'absence de dégradation des conditions de travail de M. [J].
Le 07 février 2018, date d'envoi de la lettre de licenciement, la société CPO a notifié à M. [J] son licenciement pour cause réelle et sérieuse. Il a été dispensé de travailler durant son préavis.
Le 1er octobre 2018, M. [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Nantes aux fins de :
A titre principal
- enjoindre à la société Total Energies Proxi Nord Ouest, anciennement dénommée C.P.O., de communiquer à M. [J] les documents suivants sous astreinte de 100 € par jour de retard et par document à compter du jour du prononcé de la décision l'ordonnant :
- l'ensemble des pièces afférentes aux sanctions disciplinaires du 31 mars 2016 et 10 mai 2016,
- la charte de prévention du harcèlement moral au sein de la société CPO,
- l'intégralité des éléments relatifs à la consultation du CHSCT de la société C.P.O. sur la nomination de la commission d'enquête (convocation de l'institution, accusé de réception des convocations de chacun de ses membres, procès-verbal de consultation pour la nomination des enquêteurs) ainsi que l'intégralité des annexes des procès-verbaux,
- l'intégralité des éléments relatifs à la consultation du CHSCT de la société CPO sur la présentation du résultat de l'enquête et les mesures de prévention mises en oeuvre a posteriori (convocation de l'institution, accusé de réception des convocations de chacun de ses membres, procès-verbal de consultation, copie du registre des procès-verbaux, ainsi que l'intégralité des annexes des procès-verbaux,
- enjoindre à la société Total énergie SE, anciennement dénommée Total SA, de communiquer sous astreinte de 100 € par jour de retard et par document à compter du jour du prononcé de la décision à intervenir :
- l'ensemble des procès-verbaux des institutions représentatives du personnel du groupe Total s'agissant des consultations obligatoires annuelles des années 2015 à 2018 (convocations des membres, accusés de réception des convocations afférents, procès-verbaux de consultation, copie du registre des procès-verbaux ainsi que l'intégralité des annexes afférentes aux consultations obligatoires),
- les statuts du comité d'éthique Total SA,
- la charte de prévention du harcèlement moral au sein du groupe Total SA
- le compte rendu d'audit éthique mis en oeuvre par lui courant mai/ juin 2018,
- l'intégralité des éléments concernant les consultations des institutions représentatives du personnel et notamment copie du registre des procès-verbaux ayant trait aux plans Auckland et Ambitions (ou quel que soit son nom en région) sur l'intégralité des filiales concernées, à savoir : Total SA, Compagnie pétrolière de l'Ouest, DMS, Caldeo, CPE, Charvet La Mure, Bianco, et Alvea,
- Justifier du devenir des salariés coordinateurs commerce et logistique, par la production du registre du personnel, à la date du présent jugement, de chaque filiale concernée. Il s'agit des personnes suivantes : [W] [O], [I] [B], [A] [T], [U] [S] et [N] [E],
- Se déclarer compétent pour liquider les astreintes,
- constater l'existence d'une situation de co-emploi entre la société C.P.O. (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest) et la société Total SA (devenue Total Energies SE),
- annuler le licenciement de M. [J],
- En conséquence, condamner la société C.P.O. (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest) et la société Total SA (devenue Total Energies SE) in solidum, à défaut la société C.P.O (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest), à payer à M. [J] les sommes suivantes:
- A titre d'indemnité pour licenciement nul : 305 000 €
- Rappel sur indemnité de licenciement : 44 118.19 €
- Rappel de salaire sur préavis : 5 614,35 €
- Congés payés y afférents : 561,43 €
- A titre de dommages et intérêts pour manquement à la prévention du harcèlement : 20 000 €
A titre subsidiaire
- dire et juger sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [J]
- Dire et juger que le courrier du 1er février 2018 s'analyse juridiquement en une sanction ;
- dire et juger que cette sanction est irrégulière car les faits objets desdites sanctions sont prescrits ;
- Dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la sanction irrégulière : 8 500 euros ;
- En conséquence, condamner la société C.P.O. (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest) et la société Total SA (devenue Total Energies SE) in solidum, à défaut la société C.P.O (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest), à payer à M. [J] les sommes suivantes :
- Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 230 000 €
- Rappel sur indemnité de licenciement : 44 118.19 €
- Rappel de salaire sur préavis : 5 614,35 €
- Congés payés y afférents : 561,43 €
En tout état de cause
- condamner la société C.P.O. (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest) et la société Total SA (devenue Total Energies SE) in solidum, à défaut la société C.P.O (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest), à payer à M. [J] les sommes suivantes :
- Dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail : 25 000 €
- Dommages et intérêts pour préjudice moral : 25 000 €
- Dommages et intérêts pour licenciement vexatoire : 15 000 €
- Dommages et intérêts pour dégradation des conditions d'emploi : 50 000 €
- Dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement : 8 426,06 €
- dire et juger que le salaire mensuel de reconstitué de M. [J] est de 8.426,06 €
- annuler les sanctions disciplinaires irrégulières infligées à M. [J],
- En conséquence, condamner la société C.P.O. (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest) et la société Total SA (devenue Total Energies SE) in solidum, à défaut la société C.P.O (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest), à lui payer :
- Dommages et intérêts pour infliction de sanctions disciplinaires irrégulières : 17 000 €
- constater l'inopposabilité de la convention de forfait en jours appliquée,
- En conséquence, condamner la société C.P.O. (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest) et la société Total SA (devenue Total Energies SE) in solidum, à défaut la société C.P.O (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest), à payer à M. [J] les sommes suivantes:
- Sur le rappel d'heures supplémentaires : 15 554 €
- Congés payés sur rappel d'heures supplémentaires : 1 555,40 €
- Sur l'indemnisation pour manquement aux temps de repos légaux : 20 000 €
- Sur l'indemnisation forfaitaire du travail dissimulé : 50 736 €
- Contrepartie financière au temps de trajet inhabituel : 32 999,80 €
- Congés payés sur contrepartie au repos : 3 299,98 €
- constater que les objectifs de M. [J] lui sont inopposables, qu'en tout état de cause, ils n'ont pas été fixés
- En conséquence, condamner la société C.P.O. (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest) et la société Total SA (devenue Total Energies SE) in solidum,
à défaut la société C.P.O (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest), à payer à M. [J] les sommes suivantes :
- à titre de rappel de primes sur année 2018 : 14 063,83 €
- à titre de rappel de primes sur année 2017 : 11 463,83 €
- à titre de rappel de primes sur année 2016 : 10 763,83 €
- ordonner le remboursement des allocations chômage à France travail : 50 736 €
- avec exécution provisoire de la décision à intervenir, à défaut, ordonner pour le surplus des condamnations situées en dehors de l'exécution provisoire de droit, la consignation des sommes correspondantes par les sociétés défenderesses au près du Pôle de gestion des Consignations situé à [Localité 13]
- condamner les sociétés CPO (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest) et Total SA (devenue Total Energies SE) in solidum, à défaut la société CPO (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest), aux entiers dépens,
- Article 700 du code de procédure civile : 7 500 euros
Par décision du 19 décembre 2018, le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Nantes a rejeté la demande de communication de pièces.
Appel a été interjeté de cette ordonnance.
Le 12 mars 2019, l'Union départementale de la CGT d'Ille et Vilaine, est intervenue volontairement à l'instance prud'homale.
Le 4 octobre 2019, la Fédération nationale des industries chimiques CGT est également intervenue volontairement à la procédure.
Selon jugement partiel du 5 mars 2020, le conseil de prud'hommes de Nantes a :
- débouté M. [J] de ses demandes formées in limine litis,
- déclaré irrecevable l'intervention volontaire de l'UD CGT 35 et de la Fédération nationale des industries chimiques CGT (FNIC CGT),
- rejeté les pièces et conclusions déposées par M.[F] au soutien de l'UD CGT 35 et de la FNIC CGT contre la SAS Compagnie pétrolière de l'ouest (CPO) et de la SA Total,
- renvoyé l'affaire sur les autres demandes à l'audience du 17 septembre 2020 à 9h30 devant le conseil de prud'hommes de Nantes,
- condamné l'UD CGT 35 et la Fédération nationale des industries chimiques CGT aux dépens.
Les syndicats UD CGT 35 et FNIC CGT ont interjeté appel de cette décision ainsi que M. [J] également appelant.
Par jugement du 7 octobre 2021 (RG 18 00812), le conseil de prud'hommes de Nantes a ordonné un sursis à statuer sur les autres demandes dans l'attente de l'issue de l'instance pendante devant la cour d'appel de Rennes.
Par un arrêt du 14 octobre 2022, la cour d'appel de céans, statuant sur l'appel interjeté contre le jugement du 5 mars 2020, a :
- ordonné la jonction des instances d'appel ;
- déclaré recevable l'action de l'Union départementale des syndicats CGT et de la Fédération Nationale des Industries Chimiques ;
- annulé le jugement partiel du conseil de prud'hommes de Nantes du 5 mars 2020 ;
- remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les a renvoyées devant le conseil de prud'hommes de Nantes.
L'affaire a fait l'objet d'une nouvelle convocation en bureau de jugement et a été plaidée le 19 juin 2023. Le conseil de prud'hommes de Nantes a rouvert les débats à l'audience du 25 janvier 2024.
Par jugement en date du 28 mars 2024, le conseil de prud'hommes de Nantes a :
- déclaré recevable l'intervention volontaire de l'Union départementale des syndicats CGT d'Ille et Vilaine et de la Fédération Nationale des Industries Chimiques CGT,
- débouté M. [J], l'Union départementale des syndicats CGT d'Ille et Vilaine et de la Fédération nationale des industries chimiques CGT de toutes leurs demandes de communication de pièces,
- dit que la situation de co-emploi n'est pas établie,
- débouté M. [J], l'Union Départementale des syndicats CGT d'Ille et Vilaine et de la Fédération nationale des industries chimiques CGT de toutes prétentions s'y rapportant,
- En conséquence, mis hors de cause la S.A. Total Energies SE, anciennement dénommée Total SA,
- constaté qu'il n'existe pas de faits matériellement constitués de harcèlement moral subis par M. [J], constaté, par conséquent, que la S.A.S. Total Energies Proxi Nord Ouest, anciennement Compagnie pétrolière de l'ouest (C.P.O), n'a pas contrevenu à ses obligations de sécurité dans l'exercice du contrat de travail de M. [J] et l'a débouté de toutes ses demandes et prétentions fondées à ce titre,
- dit que M. [J] ne remplit pas les critères requis pour se voir attribuer le statut de lanceur d'alerte et le déboute de sa demande d'annulation du licenciement et des prétentions et conséquences qui s'y rapportent,
- dit que M. [J] n'apporte pas d'éléments probants permettant de faire valoir une quelconque prescription rendant caduques les griefs portés dans la lettre de licenciement à son encontre, et le déboute de ses demandes, fondées à ce titre,
- dit que le licenciement de M. [J] n'est pas entaché d'irrégularité, qu'il repose bien sur une cause réelle et le déboute de toutes ses demandes découlant de la rupture du contrat de travail,
- débouté M. [J] de ses demandes concernant l'inopposabilité du forfait jour et de ses conséquences, notamment en matière d'heures supplémentaires, temps de travail, sécurité et travail dissimulé,
- débouté M. [J] de sa demande de compensation financière de ses déplacements,
- dit que l'origine professionnelle des problèmes de santé de M. [J] n'est corroborée par aucune pièce permettant de les lier à ses déplacements quotidiens et le déboute de l'ensemble de ses prétentions à ce titre.
- débouté M. [J] de ses demandes de rappels de primes sur objectifs,
- débouté M. [J] de l'ensemble de ses autres demandes,
- débouté la Fédération nationale des industries chimiques CGT et l'Union départementale CGT d'Ille et Vilaine de l'intégralité de leurs demandes,
- condamné M. [J] à verser à la S.A.S. Total Energies Proxi Nord Ouest, anciennement Compagnie Pétrolière de l'ouest (C.P.O), la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [J] à verser à la S.A. Total Energies SE, anciennement dénommée Total SA, la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la Fédération Nationale des Industries Chimiques CGT à verser à la S.A.S. Total Energies Proxi Nord Ouest, anciennement Compagnie Pétrolière de L'ouest (C.P.O), la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la Fédération nationale des industries chimiques CGT à verser à la S.A. Total Energies SE, anciennement dénommée Total SA, la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné l'Union Départementale CGT d'Ille et Vilaine à verser à la S.A.S. Total Energies Proxi Nord Ouest, anciennement dénommée Compagnie Pétrolière de l'Ouest (C.P.O), la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné l'Union Départementale CGT d'Ille et Vilaine à verser à la S.A. Total Energies SE, anciennement dénommée Total SA, la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné M. [J] aux entiers dépens
M. [J] a interjeté appel le 17 mai 2024 portant le numéro RG n°24/2924.
Le syndicat Union départementale CGT d'Ille et Vilaine et la Fédération nationale des industries chimiques ont interjeté appel le 14 mai 2024, appel portant le numéro RG 24/3074.
Selon ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 07 août 2024, M. [J] appelant dans le dossier RG n°24/2924 et intimé dans le dossier RG n°24/3074 sollicite :
- Annuler, à défaut infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nantes, section encadrement, le 28 mars 2024
- enjoindre à la société Total Energies Proxi Nord Ouest, anciennement dénommée C.P.O., de communiquer sous astreinte :
- l'intégralité des éléments relatifs à la consultation du CHSCT de la société C.P.O. sur la nomination de la commission d'enquête (convocation de l'institution, accusé de réception des convocations de chacun de ses membres, procès-verbal de consultation pour la nomination des enquêteurs) ainsi que l'intégralité des annexes des procès-verbaux
- l'intégralité des éléments relatifs à la consultation du CHSCT de la société CPO sur la présentation du résultat de l'enquête et les mesures de prévention mises en oeuvre a posteriori (convocation de l'institution, accusé de réception des convocations de chacun de ses membres, procès-verbal de consultation, copie du registre des procès-verbaux, ainsi que l'intégralité des annexes des procès-verbaux
- enjoindre à la société Total energie SE, anciennement dénommée Total SA, de communiquer sous astreinte :
- l'ensemble des procès-verbaux des institutions représentatives du personnel du groupe Total s'agissant des consultations obligatoires annuelles des années 2015 à 2018 (convocations des membres, accusés de réception des convocations afférents, procès-verbaux de consultation, copie du registre des procès-verbaux ainsi que l'intégralité des annexes afférentes aux consultations obligatoires),
- les statuts du Comité d'éthique Total SA,
- le compte rendu d'audit éthique mis en oeuvre par lui courant mai/ juin 2018,
- l'intégralité des éléments concernant les consultations des institutions représentatives du personnel et notamment copie du registre des procès-verbaux ayant trait aux plans Auckland et Ambitions (ou quel que soit son nom en région) sur l'intégralité des filiales concernées, à savoir : Total SA, Compagnie pétrolière de l'Ouest, DMS, Caldeo, CPE, Charvet La Mure, Bianco, et Alvea,
- les justificatifs du devenir des salariés coordinateurs commerce et logistique, par la production du registre du personnel, à la date du présent jugement, de chaque filiale concernée. Il s'agit des personnes suivantes : [W] [O], [I] [B], [A] [T], [U] [S] et [N] [E],
A titre principal
- constater l'existence d'une situation de co-emploi entre la société C.P.O. (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest) et la société Total SA (devenue Total Energies SE),
A défaut
- constater que la société Total SA (devenue Total Energies SE) compte-tenu des faits de l'espèce engage sa responsabilité dans les circonstances du licenciement de M. [J] et sera tenue in solidum des condamnations prononcées,
- annuler le licenciement de M. [J],
- En conséquence, condamner la société C.P.O. (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest) et la société Total SA (devenue Total Energies SE) in solidum, à défaut la société C.P.O (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest), à payer à M. [J] les sommes suivantes :
- A titre d'indemnité pour licenciement nul : 305 000 €
- Rappel sur indemnité de licenciement : 44 118.19 €
- Rappel de salaire sur préavis : 5 614,35 €
- Congés payés y afférents : 561,43 €
- A titre de dommages et intérêts pour manquement à la prévention du harcèlement : 20 000 €
A titre subsidiaire
- dire et juger sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [J]
- dire et juger que le courrier du 1er février 2018 s'analyse juridiquement en une sanction ;
- dire et juger que cette sanction est irrégulière car les faits objets desdites sanctions sont prescrits ;
- octroyer la somme de 8 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par M. [J] par l'infliction de cette sanction irrégulière (1 mois de salaire) ;
- En conséquence, condamner la société C.P.O. (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest) et la société Total SA (devenue Total Energies SE) in solidum, à défaut la société C.P.O (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest), à payer à M. [J] les sommes suivantes :
- Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 155 882 €
- Rappel sur indemnité de licenciement : 30 523.19 €
- Rappel de salaire sur préavis : 5 614,35 €
- Congés payés y afférents : 561,43 €
En toute occurrence
- condamner la société C.P.O. (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest) et la société Total SA (devenue Total Energies SE) in solidum, à défaut la société C.P.O (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest), à payer à M. [J] les sommes suivantes :
- dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail : 25 000 €
- dommages et intérêts pour préjudice moral : 25 000 €
- dommages et intérêts pour licenciement vexatoire : 15 000 €
- dommages et intérêts pour dégradation des conditions d'emploi : 50 000 €
- dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement : 8 426,06 €
- dire et juger que le salaire mensuel reconstitué de M. [J] est de 8 426,06 €
- annuler les sanctions disciplinaires irrégulières infligées à M. [J],
- En conséquence, condamner la société C.P.O. (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest) et la société Total SA (devenue Total Energies SE) in solidum, à défaut la société C.P.O (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest), à lui payer :
- Dommages et intérêts pour infliction de sanctions disciplinaires irrégulières :17 000 €
- constater l'inopposabilité de la convention de forfait en jours appliquée,
- En conséquence, condamner la société C.P.O. (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest) et la société Total SA (devenue Total Energies SE) in solidum, à défaut la société C.P.O (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest), à payer à M. [J] les sommes suivantes :
- sur le rappel d'heures supplémentaires : 15 554 €,
- congés payés sur rappel d'heures supplémentaires : 1 555,40 €,
- sur l'indemnisation pour manquement aux temps de repos légaux : 20.000 €,
- sur l'indemnisation forfaitaire du travail dissimulé : 50 736 €,
- contrepartie financière au temps de trajet inhabituel : 32 999,80 €,
- congés payés sur contrepartie au repos : 3 299,98 €,
- constater que les objectifs de M. [J] lui sont inopposables, qu'en tout état de cause, ils n'ont pas été fixés,
- en conséquence, condamner la société C.P.O. (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest) et la société Total SA (devenue Total Energies SE) in solidum,
à défaut la société C.P.O (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest), à payer à M. [J] les sommes suivantes :
- A titre de rappel de primes sur année 2018 : 14 063, 83 €,
- Y additant à titre de congés payés : 1 406,38 €,
- A titre de rappel de primes sur année 2017: 11 463,83 €,
- Y additant à titre de congés payés : 1 146,38 €,
- A titre de rappel de primes sur année 2016 :10 763,83 €,
- Y additant à titre de congés payés : 1 076,38 €,
- ordonner le remboursement des allocations chômage à France Travail : 50 736 € - condamner les sociétés CPO (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest) et Total SA (devenue Total Energies SE) in solidum, à défaut la société C.P.O (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest), aux entiers dépens,
- assortir toutes les condamnations à caractère salarial de l'intérêt au taux légal à compter de la date de sa saisine ainsi que sur les sommes à caractère indemnitaire à compter de la date du jugement à intervenir ;
- infirmer le jugement intervenu et condamner les sociétés CPO (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest) et TOTAL SA (devenue Total Energies SE) in solidum, à défaut la société C.P.O (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest), à payer à M. [J] au titre de l'article 700 du CPC de première instance: 3 500 €
- condamner les sociétés CPO (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest) et Total SA (devenue Total Energies SE) in solidum, à défaut la société C.P.O (devenue société Total Energies Proxi Nord Ouest), à payer à M.[J] au titre de l'article 700 du code de procédure civile : 3.500 €
Selon leurs dernières conclusions notifiées par courrier recommandé le 06 août 2024, l'Union départementale des syndicats CGT d'Ille et Vilaine et la Fédération nationale des industries chimiques CGT, intimés dans l'appel RG n° 24/2924 et appelantes dans le dossier RG n° 24/3074, sollicitent de :
A titre principal
- annuler le jugement du conseil de prud'hommes de Nantes rendu le 28 mars 2024
Statuant à nouveau, infirmer le jugement prud'homal querellé
- juger recevables les organisations syndicales ouvrières intervenantes, recevabilité actée par arrêt définitif de la cour d'appel de Rennes rendu le 14 octobre 2022
- juger bien fondées les interventions volontaires de l'Union départementale des syndicats CGT d'Ille et Vilaine et de la Fédération nationale des industries chiiques CGT
- condamner les deux sociétés Total - CPO à verser à l'Union départementale CGT d'Ille et Vilaine et à la FNIC CGT la somme de 3 000 euros à chacun des syndicats en réparation du préjudice subi par l'intérêt collectif de la profession,
- ordonner la publication du dispositif de l'arrêt à intervenir, dans le quotidien 'Presse océan', toutes éditions du département de la Loire Atlantique aux frais de la société TotalEnergies Proxi Nord Ouest (ex CPO) ainsi que sur les pages d'accueil des sites internet et intranet et aux portes de cette société, durant trois mois, et ce sous astreinte de 300 € par jour à l'issue d'un délai de retard de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt, le juge d'appel se réservant la liquidation de l'astreinte,
- ordonner la publication du dispositif de l'arrêt à intervenir, dans le quotidien 'Le Parisien' toutes éditions du département des Hauts de Seine aux frais de la société TotalEnergies SE (ex Total SA) ainsi que sur les pages d'accueil des sites internet et intranet et aux portes de cette société, durant trois mois, et ce sous astreinte de 300 € par jour à l'issue d'un délai de retard de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt, le juge d'appel se réservant la liquidation de l'astreinte,
- condamner les sociétés Total Energies SE et Total Energies Proxi Nord Ouest à verser, chacune, la somme de 1 000 euros à l'Union départementale des syndicats CGT d'Ille et Vilaine, au titre de ses frais exposés et la même somme à la FNIC CGT,
- les condamner à l'intérêt légal, aux dépens et aux frais d'exécution.
Selon leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 07 novembre 2024 et par courrier recommandé à la fédération nationale des industries chimiques CGT et à l'union départementale des syndicats CGT d'Ille et Vilaine, les sociétés Total Energies Proxi Nord Ouest et Total Energies SE intimées des dossiers RG n° 24/2924 et n° 24/3074, sollicitent :
- recevoir les sociétés Total Energies Proxi Nord Ouest et Total Energies SE en leurs écritures, les dire bien fondées et y faisant droit,
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nantes du 28 mars 2024 en toutes ses dispositions
Ce faisant :
In limine litis, sur la demande de nullité du jugement
- juger que le jugement n'est pas nul
Sur les demandes de M. [J]
Sur la demande de communication de pièces, formée à titre principal
- juger M. [J] irrecevable en ses demandes auprès de la société Total Energies SE de communication de :
- l'ensemble des procès-verbaux des institutions représentatives du personnel du groupe Total s'agissant des consultations obligatoires annuelles des années 2015 à 2018 (convocations des membres, accusés de réception des convocations afférentes, procès verbaux de consultation ainsi que l'intégralité des annexes afférentes aux consultations obligatoires),
- l'intégralité des éléments concernant les consultations des institutions représentatives du personnel ayant trait aux plans Auckland et Ambitions (ou quel que soit son nom en région) sur l'intégralité des filiales concernées, à savoir : Total SA, Compagnie Pétrolière de l'Ouest, DMS, Caldeo, CPE, Charvet La Mure Bianco, Alvea (convocation des membres, accusé de réception de la convocation afférente, procès-verbal de consultation ainsi que l'intégralité des annexes afférentes à la consultation obligatoire),
- juger M. [J] mal fondé en ses demandes de communication de pièces auprès des sociétés TotalEnergies Proxi Nord Ouest et Total Energies SE,
- Le débouter de ses demandes de communication de pièces,
Sur la situation de co-emploi avancée par M. [J]
- juger que la société Total Energies SE n'a aucun lien juridique avec M. [J] et qu'elle n'est pas co-employeur de M. [J] avec la société TotalEnergies Proxi Nord Ouest,
- mettre hors de cause la société Total Energies SE,
- débouter M. [J] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions à l'encontre des sociétés TotalEnergies Proxi Nord Ouest et Total Energies SE.
Sur la prétendue nullité du licenciement pour faits de harcèlement moral
- juger que la société Total Energies Proxi Nord Ouest n'a commis aucun acte de harcèlement moral à l'encontre de M. [J] et que ce dernier ne présente aucun élément le laissant supposer
- juger que M. [J] n'a jamais eu le statut de lanceur d'alerte,
- Débouter M. [J] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions à l'encontre des sociétés TotalEnergies Proxi Nord Ouest et Total Energies SE
Sur le prétendu licenciement sans cause réelle et sérieuse
- juger que les griefs de licenciement ne sont pas prescrits
- juger que les demandes d'annulation des sanctions disciplinaires sont prescrites
- débouter M. [J] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions à l'encontre des sociétés TotalEnergies Proxi Nord Ouest et Total Energies SE
Sur la prétendue inopposabilité de la convention de forfait jours et ses conséquences, notamment d'heures supplémentaires
- juger que la convention de forfait jours est valable,
- juger que M. [J] ne présente pas d'éléments à l'appui de sa thèse des heures supplémentaires,
- juger que sa demande au titre des heures supplémentaires correspondant à la période allant du 1er janvier au 30 septembre 2015 est donc prescrite,
Sur le prétendu rappel de contrepartie financière ou en repos consécutive à un temps de trajet en dehors de l'horaire collectif et anormalement long et les prétendues indemnités liés à un manquement aux obligations de sécurité de l'employeur
- débouter M. [J] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions à l'encontre des sociétés TotalEnergies Proxi Nord Ouest et Total Energies SE
Sur l'inopposabilité des objectifs assignés et ses conséquences
- débouter M. [J] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions à l'encontre des sociétés TotalEnergies Proxi Nord Ouest et Total Energies SE
Sur le surplus, les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
- débouter M. [J] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions à l'encontre des sociétés Total Energies Proxi Nord Ouest et Total Energies SE
- condamner M. [J] à verser à chacune des sociétés intimées (TotalEnergies Proxi Nord Ouest et Total Energies SE) la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens avec distraction au profit de l'avocat soussigné aux offres de droit.
Sur les demandes des syndicats
- juger que la société Total Energies SE n'a aucun lien juridique avec M. [J] et qu'elle n'est pas co-employeur de M. [J] avec la société TotalEnergies Proxi Nord Ouest
- juger l'absence de manquement/de faute commis par la société TotalEnergies Proxi Nord Ouest à l'encontre de M. [J] ni à l'encontre des institutions représentatives du personnel
- juger que M. [J] n'a jamais eu le statut de lanceur d'alerte
- juger l'absence de violation des intérêts collectifs et que l'Union départementale CGT d'Ille et Vilaine et la Fédération nationale des industries chimiques CGT ne démontrent aucune violation des intérêts collectifs de la profession
- Juger que l'Union départementale CGT d'Ille et Vilaine et la Fédération nationale des industries chimiques CGT ne démontrent aucun préjudice et aucun préjudice distinct du préjudice personnel allégué par M. [J]
En conséquence :
- mettre en tout état de cause hors de cause la société Total Energies SE
- débouter les syndicats de l'ensemble de leurs demandes fins et conclusions à l'encontre des sociétés TotalEnergies Proxi Nord Ouest et Total Energies SE
- condamner l'Union départementale CGT d'Ille et Vilaine et la Fédération nationale des industries chimiques CGT à verser à chacune des sociétés intimées (TotalEnergies Proxi Nord Ouest et Total Energies SE) la somme de 1 000 € chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens avec distraction au profit de l'avocat soussigné aux offres de droit.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 05 juin 2025.
Par application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties à leurs dernières conclusions sus-visées.
MOTIFS :
Sur la jonction des procédures :
Il est de l'intérêt d'une bonne administration de la justice de joindre les deux procédures d'appel enrôlées sous les numéros 24/2924 et 24/3074 sous le numéro 24/2924.
Sur la demande de nullité du jugement :
En vertu de l'article 6§1 de la convention européenne des droits de l'homme, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice.
Sur la motivation du jugement :
Selon l'article 455 du code de procédure civile, le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date. Le jugement doit être motivé.
Il énonce la décision sous forme de dispositif.
Concernant l'absence de motivation du jugement invoquée par M. [J] et les syndicats au soutien de la demande de nullité de celui-ci, le conseil de prud'hommes a exposé les motifs de droit et de fait de sa décision relative à la demande de communication de pièces en ces termes : '- que le bureau de conciliation et d'orientation a rendu une ordonnance de rejet en date du 7 décembre 2018
- que les pièces sollicitées par les demandeurs n'apporteraient rien aux débats, le dossier étant suffisamment complet ;
- que les demandes de communication de pièces ne sont pas motivées et que le lien entre ces pièces et les demandes formulées ne ressort pas des débats ;
- que les débats ont été clos à l'audience et que l'apport de pièces postérieures n'est donc pas possible en l'état.
En conséquence, le Conseil de Prud'hommes dit que les débats sont clos, qu'il n'y a pas lieu d'ordonner la communication de pièces supplémentaires et déboute monsieur [G] [J] de cette demande.'
Il ne peut pas plus être reproché au bureau de conciliation d'avoir décidé seul de clore les débats, l'office de mettre en état l'affaire et de clôturer l'instruction de celle-ci lui appartenant.
Sur le co-emploi, le conseil de prud'hommes a rappelé la règle de droit en ces termes : 'Le co-emploi juridique correspond à une situation dans laquelle un salarié est sous la subordination de plusieurs employeurs, malgré l'existence d'un contrat de travail n'en désignant qu'un.
Dans ce cas, le mécanisme du co-emploi permet de reconnaître l'existence d'un contrat avec 1'autre employeur.
Dans le cas d'espèce étudié ici, c'est le co-emploi sociétaire qui est recherché. Il désigne la situation d'un groupe où la société mère contrôle ses filiales, de telle sorte que celles-ci n'ont aucune marge de manoeuvre dans leur gestion économique et sociale. Dès lors, les salariés de la filiale peuvent être considérés comme étant aussi les salariés de la société mère, sans avoir à caractériser l'existence d'un lien de subordination.
Les conditions du co-emploi nécessitent :
- une triple confusion d'intérêts :
* appartenance à un même groupe et absence d'autonomie capitalistique de la filiale,
* confusion d'activité caractérisée par une interdépendance d'activités ou par la dépendance économique de la filiale à l'égard de la société mère,
* une confusion de direction entre les deux sociétés.
- une perte d'autonomie d'action caractérisée par :
* une immixtion de la société mère dans la gestion économique et sociale de sa filiale,
* une perte totale d'autonomie d'action de la filiale.
Les conséquences du co-emploi entraînent :
- la responsabilité in solidum des sociétés,
- une extension des conséquences d'un licenciement économique à l'ensemble du groupe,
- la nullité du licenciement'
Il a ensuite analysé les faits et pièces en ces termes : 'Le Conseil de Prud'hommes relève, au vu des pièces versées aux débats :
- que monsieur [G] [J] ne démontre pas l'existence d'un lien de subordination entre les sociétés CPO et Total SA et qu'au contraire, il apparaît que CPO n'est pas une filiale directe de Total SA, mais de Total Marketing France ;
- que monsieur [G] [J] ne démontre pas la perte d'autonomie de CPO par l'immixtion permanente de Total SA ;
- que les activités de Total SA et de CPO sont différentes, qu'elles relèvent de deux conventions collectives et de deux champs d'activités différents et qu'ainsi, monsieur [G] [J] ne démontre pas une situation de co-emploi.
- qu'il n'existe aucun contrat de travail, écrit ou non, permettant de démontrer le co-emploi.
En conséquence, le conseil de prud'hommes dit que la situation de co-emploi n'est pas établie et déboute monsieur [G] [J] ainsi que les différents intervenants volontaires à l'instance, de toutes prétentions s'y rapportant.
En conséquence, le Conseil de Prud'hommes met hors de cause la société Total SA.'
Le conseil de prud'hommes a également exposé en pages 17 et 18 de son jugement les motifs de sa décision relative au licenciement en des termes propres caractérisant une analyse des pièces produites, en ces termes :
'- En matière de prescription, l'article L. 1332-4 du Code du travail dispose que toute sanction disciplinaire doit intervenir dans les deux mois qui suivent les faits ou la connaissance des faits la justifiant.
Il apparait en l'espèce que la connaissance des faits concernant la mission de Directeur d'Agence de monsieur [G] [J] est avérée le 06. décembre 2017 par un courriel issu de monsieur [H].
Toujours pour cette période, la violation des règles du temps de travail des chauffeurs livreurs a été dissimulée et révélée ensuite, avec une connaissance avérée de l'entreprise le 09 décembre 2017, ce qui écarte la prescription de ces faits selon l'article L. 1332-2 du Code du travail.
Pour ce qui concerne le courrier de dénonciation du 27 novembre 2017, la convocation à entretien préalable à licenciement a été remise en main propre le 11 janvier 2018, soit moins de deux mois après le courrier en question, ce qui est conforme aux dispositions de l'article L. 1332-4 précité.
- Concernant le courrier de l'entreprise en date du 1er février 2018, il apparaît, à la lecture des pièces versées aux débats, que celui-ci ne constitue qu'une réponse simple à un courrier en date du 27 novembre 2017, qu'aucune mesure disciplinaire n'y est contenue et que celui-ci se borne à répondre point par point aux allégations de monsieur [G] [J].
Il ne peut en être conclu que le pouvoir de direction aurait été épuisé par celui-ci.
- S'agissant de la procédure de licenciement, il apparaît que cette dernière est conforme aux dispositions légales, la signature, qualifiée de manquante par monsieur [G] [J], n'étant pas requise à la lecture de l'article R. 123 2-1 du Code du travail. Au surplus, ce courrier a été remis en main propre et monsieur [G] [J] s'est rendu à l'entretien préalable à licenciement le 18 janvier 2018 à 14 heures sans dífficulté. Il ne justifie matériellement d'aucun préjudice subi.
- Sur l'existence d'une cause' étrangère aux limites fixées par la lettre de licenciement, monsieur [G] [J] n'apporte aucun élément probant au soutien de ses allégations. Le Conseil rappelle que la lettre de licenciement fixe les limites du litige et qu'aucun élément en amont du contentieux n'a été évoqué par monsieur [G] [J]. Au contraire et de surcroît, il apparaît clairement que celui-ci a accepté le nouveau poste de coordinateur logistique proposé le 1er mai 2017 par avenant, et avec un enthousiasme sans équivoque possible, pour une prise de poste le 05 mai 2017. Il apparaît enfin, qu'aucun élément n'est apporté par monsieur [G] [J] permettant d'identifier un motif économique au licenciement.
- Sur l'insuffisance de motivations du licenciement alléguée par monsieur [G] [J],
il apparaît que celles-ci ont été exprimées lors de l'entretien préalable, puis reprises dans la lettre de licenciement, ainsi que par courrier de l'employeur en réponse aux demandes de précisions de monsieur [G] [J].
- S'agissant des griefs contenus dans la lettre de licenciement, les dépassements d'horaire des chauffeurs ne sont pas contestés par monsieur [G] [J]. Les arguments visant à minimiser les conséquences de ceux-ci en matière de risque ne le dégagent pas de ses responsabilités. Les éléments tendant à démontrer que la pratique est plus large dans l'entreprise ne sont étayés par aucune pièce probante.
Concernant le management fautif auquel il se serait livré : ce dernier n'est pas contré par monsieur [G] [J] qui n'apporte aucun élément probant au soutien de ses arguments.
Il en est de même concernant le courrier de dénonciation du 27 novembre 2017 qui peut, en l'état, être qualifié de calomnieux par la société CPO puisqu'i1 n'est appuyé par aucun élément matériel probant.
En conséquence, au vu de tous ces éléments, le conseil de prud'hommes :
- Dit que monsieur [G] [J] n'apporte pas d'éléments probants permettant de faire valoir une quelconque prescription rendant caduques les griefs portés dans la lettre de licenciement à son encontre.
Le Conseil déboute donc monsieur [G] [J] de ses demandes à ce titre.
- Dit que l'échange de courrier entre monsieur [G] [J] et la société CPO entre le 27 novembre 2017 et le 1er février 2018 ne permet pas de conclure que le pouvoir disciplinaire de la société CPO aurait été éteint par le contenu du courrier en réponse, celui-ci ne pouvant être qualifié de sanction disciplinaire. En conséquence, l'absence de cause réelle et sérieuse motivée par une double sanction sur des mêmes faits ne peut prospérer.
Le Conseil déboute donc monsieur [G] [J] de sa demande à ce titre.
- Dit que la procédure de licenciement n'est entachée d'aucune irrégularité, qu'il ne convient donc pas de prononcer à ce titre une absence de cause réelle et sérieuse à ce licenciement. En conséquence, déboute monsieur [G] [J] de ses demandes et prétentions indemnitaires à ce titre.
- Dit que l'absence de cause réelle et sérieuse ne peut être retenue en raison d'une cause étrangère, rien dans les pièces ne permettant de le conclure. En conséquence, le Conseil déboute monsieur [G] [J] de ses demandes et prétentions à ce titre.
- Dit que l'insuffisance de motivations n'est pas avérée et que l'absence de cause réelle et sérieuse sur ce fondement ne peut prospérer. Le Conseil déboute monsieur [G] [J] de ses demandes et prétentions à ce titre.
- Dit que les éléments apportés par monsieur [G] [J] au soutien de ses allégations sur les trois griefs reprochés dans la lettre de licenciement ne sont pas probants. En conséquence, le conseil dit et juge le licenciement fondé sur un motif réel et sérieux et déboute monsieur [G] [J] et les syndicats intervenants volontaires de toutes leurs demandes à ces titres et des conséquences de droits qui s'y rattachent.'
Concernant la motivation relative au forfait jours, le conseil de prud'hommes a motivé sa décision en droit et en fait en ces termes : 'Le Conseil relève au regard de ces éléments et des pièces versées aux débats que
- monsieur [G] [J] a signé un avenant à son contrat de travail qui signifiait son autonomie et l'application d'une convention de forfait jours,
- qu'un accord collectif prévoyait le forfait jours dans l'entreprise,
- qu'aucun élément probant n'est versé aux débats par monsieur [G] [J] pour justifier des heures supplémentaires qu'il aurait réalisées.
En conséquence, le Conseil de Prud'hommes dit que les conditions légales et conventionnelles de réalisation du forfait jours dans l'entreprise sont réunies et déboute monsieur [G] [J] de ses demandes concernant 1'inopposabi1ité du forfait jours et de ses conséquences, notamment en matière d'heures supplémentaires, temps de travail, devoir de sécurité de l'employeur, ainsi que sur ses demandes concernant le travail dissimulé.'
Les motifs de la décision dont la nullité est sollicitée sont suffisamment précis pour permettre aux parties de les contester en appel. S'ils ne répondent pas à l'intégralité des moyens soulevés, cette absence de réponse à l'ensemble des moyens ne s'analyse pas en un défaut de motivation.
L'allégation de déni de justice par volonté de ne pas juger est infondée, le conseil de prud'hommes ayant statué sur les demandes qui étaient formulées devant lui et exposé les motifs fondant sa décision.
- sur la contestation de l'impartialité de la composition de jugement :
S'agissant de l'impartialité contestée de la présidente de la composition de jugement ayant prononcé le jugement dont appel, l'impartialité objective fait obstacle à ce qu'un même juge statue successivement sur de mêmes faits.
En l'espèce, Mme [R], conseillère prud'hommes, a statué dans la composition de jugement du 5 mars 2020 qui a débouté M. [J] de ses demandes formées in limine litis visant à déclarer irrecevables les pièces et conclusions des sociétés CPO et Total, à constater une attitude dilatoire de celles-ci, à écarter des débats toutes conclusions et pièces non débattues contradictoirement et à condamner in solidum les défenderesses à des indemnités pour attitude dilatoire, déclaré irrecevable l'intervention volontaire de l'UD CGT 35 et de la Fédération nationale des industries chimiques CGT (FNIC CGT), rejeté les pièces et conclusions déposées par M. [F] au soutien de l'UD CGT 35 et de la FNIC CGT contre la SAS Compagnie pétrolière de l'ouest (CPO) et de la SA Total, renvoyé l'affaire sur les autres demandes à l'audience du 17 septembre 2020 à 9h30 pour plaidoirie sur les demandes formées par M. [J] et a condamné l'UD CGT 35 et la Fédération nationale des industries chimiques CGT aux dépens.
La composition de jugement du 28 mars 2024 présidée par Mme [R] a :
- déclaré recevable l'intervention volontaire de l'Union départementale des syndicats CGT d'Ille et Vilaine et de la Fédération Nationale des Industries Chimiques CGT,
- débouté M. [J], l'Union départementale des syndicats CGT d'Ille et Vilaine et de la Fédération nationale des industries chimiques CGT de toutes leurs demandes de communication de pièces,
- dit que la situation de co-emploi n'est pas établie,
- débouté M. [J], l'Union Départementale des syndicats CGT d'Ille et Vilaine et de la Fédération nationale des industries chimiques CGT de toutes prétentions s'y rapportant,
- En conséquence, mis hors de cause la S.A. Total Energies SE, anciennement dénommée Total SA,
- constaté qu'il n'existe pas de faits matériellement constitués de harcèlement moral subis par M. [J], constaté, par conséquent, que la S.A.S. Total Energies Proxi Nord Ouest, anciennement Compagnie pétrolière de l'ouest (C.P.O), n'a pas contrevenu à ses obligations de sécurité dans l'exercice du contrat de travail de M. [J] et l'a débouté de toutes ses demandes et prétentions fondées à ce titre,
- dit que M. [J] ne remplit pas les critères requis pour se voir attribuer le statut de lanceur d'alerte et le déboute de sa demande d'annulation du licenciement et des prétentions et conséquences qui s'y rapportent,
- dit que M. [J] n'apporte pas d'éléments probants permettant de faire valoir une quelconque prescription rendant caduques les griefs portés dans la lettre de licenciement à son encontre, et le déboute de ses demandes, fondées à ce titre,
- dit que le licenciement de M. [J] n'est pas entaché d'irrégularité, qu'il repose bien sur une cause réelle et le déboute de toutes ses demandes découlant de la rupture du contrat de travail,
- débouté M. [J] de ses demandes concernant l'inopposabilité du forfait jour et de ses conséquences, notamment en matière d'heures supplémentaires, temps de travail, sécurité et travail dissimulé,
- débouté M. [J] de sa demande de compensation financière de ses déplacements,
- dit que l'origine professionnelle des problèmes de santé de M. [J] n'est corroborée par aucune pièce permettant de les lier à ses déplacements quotidiens et le déboute de l'ensemble de ses prétentions à ce titre.
- débouté M. [J] de ses demandes de rappels de primes sur objectifs,
- débouté M. [J] de l'ensemble de ses autres demandes,
débouté la Fédération nationale des industries chimiques CGT et l'Union départementale CGT d'Ille et Vilaine de l'intégralité de leurs demandes,
- condamné M. [J] à verser à la S.A.S. Total Energies Proxi Nord Ouest, anciennement Compagnie Pétrolière de l'ouest (C.P.O), la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [J] à verser à la S.A. Total Energies SE, anciennement dénommée Total SA, la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la Fédération Nationale des Industries Chimiques CGT à verser à la S.A.S. Total Energies Proxi Nord Ouest, anciennement Compagnie Pétrolière de L'ouest (C.P.O), la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la Fédération nationale des industries chimiques CGT à verser à la S.A. Total Energies SE, anciennement dénommée Total SA, la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné l'Union Départementale CGT d'Ille et Vilaine à verser à la S.A.S. Total Energies Proxi Nord Ouest, anciennement dénommée Compagnie Pétrolière de l'Ouest (C.P.O), la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné l'Union Départementale CGT d'Ille et Vilaine à verser à la S.A. Total Energies SE, anciennement dénommée Total SA, la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [J] aux entiers dépens.
Il en résulte que la conseillère ayant statué dans les deux compositions de jugement n'avait statué, s'agissant des demandes actuellement en litige, que sur la recevabilité de l'intervention des deux syndicats dans le cadre du premier jugement ultérieurement annulé mais pas sur le fond de l'affaire.
Dès lors, le jugement critiqué ne succombe pas au grief d'impartialité.
- sur la réouverture des débats par courrier du greffe :
Selon l'article 444 du code de procédure civile, le président peut ordonner la réouverture des débats. Il doit le faire chaque fois que les parties n'ont pas été à même de s'expliquer contradictoirement sur les éclaircissements de droit ou de fait qui leur avaient été demandés.
En cas de changement survenu dans la composition de la juridiction, il y a lieu de reprendre les débats.
L'article 446 du même code précise que ce qui est prescrit par les articles 432 (alinéa 2), 433,434,435 et 444 (alinéa 2) doit être observé à peine de nullité.
Toutefois, aucune nullité ne pourra être ultérieurement soulevée pour inobservation de ces dispositions si elle n'a pas été invoquée avant la clôture des débats. La nullité ne peut pas être relevée d'office.
En l'espèce, la décision de réouverture des débats contestée est intervenue au cours de l'examen de la cause par le conseil de prud'hommes après reprise d'instance consécutive à la décision de sursis à statuer décidée le 7 octobre 2021. Cette décision dont les parties ont été informées par courrier du greffe avait pour motif la modification de la composition de jugement du conseil à raison de l'indisponibilité de conseillers prud'hommes.
Elle n'a pas été contestée lors des débats ni avant leur clôture dès lors elle ne peut plus être invoquée.
La demande de nullité du jugement est en conséquence rejetée.
Sur la situation de co-emploi :
Hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre que s'il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière.
M. [J] entend voir la société Total répondre des engagements de ses anciennes filiales Sonedic, Ocegest, Proseca, Sofiquem et Combustibes de l'ouest pour lequelles M. [J] a travaillé et a vu son contrat de travail transféré de l'une à l'autre sans avenant ni consentement de sa part.
M. [J] établit avoir reçu le 27 novembre 2000 en qualité de directeur de la société [P] délégation de pouvoirs de M. [D], représentant de la SARL Ocegest gérante de la SNC [P].
Il a également reçu en sa qualité de directeur de la société Tropique, délégation de pouvoirs de M. [D], représentant de la SARL Ocegest gérante de la SNC Tropique.
Un même type de délégation lui a été accordé pour l'exercice des fonctions de directeur des SNC Hemeraude et Brièrres, elles-mêmes gérées par la SARL Ocegest.
Ces pièces ne permettent pas de caractériser les liens existant entre ces sociétés et la société Total SA.
La relation contractuelle avec la société Sofiquem a quant à elle fait l'objet d'un contrat de travail signé par les deux parties le 29 novembre 2004 aux termes duquel M. [J] était engagé en qualité de responsable de zone centre Bretagne à compter du 1er janvier 2005.
Toutefois, dès décembre 2005, M. [J] était salarié de la société CPO comme cela résulte de son bulletin de paie.
Il résulte d'une part de l'attestation d'inscription en compte de la société CPO et du rapport de gestion de la société Total Marketing France que la société CPO est une filiale de la société Total Marketing France. La société Total SA, holding du groupe Total, a des dirigeants distincts de ceux de sa filiale qui ont seuls exercé dans le cadre de la relation contractuelle avec M. [J] le pouvoir de direction et de sanction à son égard. La société CPO dispose également de son directeur des ressources humaines, d'un responsable comptabilité, d'un responsable gestion risque clients, d'un responsable administratif et d'un responsable juridique propres comme mentionné sur l'organigramme de la société CPO et elle appartient à une unité économique et sociale distincte de celle à laquelle est rattachée la holding Total SA.
Le fait qu'une mission transversale ait été confiée à M. [J] en 2017 en qualité de coordinateur commerce et logistique, poste créé dans chacune des filiales de Total Marketing France, le conduisait certes à échanger avec les autres coordinateurs des autres filiales, toutefois, il n'agissait que pour le compte de la société CPO.
Le plan Aukcland propose une harmonisation des organisations entre les filiales avec des organigrammes cibles et des fiches de poste sans dépasser la nécessaire coordination de l'organisation au sein d'un groupe.
La gestion de la formation au niveau de la société mère relève de la même manière de l'harmonisation des méthodes et des procédures au sein d'un groupe capitalistique et de la mise en commun de fonctions supports afin d'en réduire les coûts.
La gestion au niveau du groupe des droits de prévoyance et frais de santé des salariés des filiales et du plan d'épargne visent les mêmes objectifs.
L'engagement et la condamnation de la société Total Sa par le tribunal de Créteil le 6 novembre 2020 à payer une prime aux salariés d'une filiale autre que la société CPO en sus de ceux de la société mère ne vaut pas immixtion de la société Total SA dans la gestion de la société CPO.
Quant aux relations entre les filiales du groupe Total et les organisations syndicales et institutions représentatives du personnel, elles ne sont pas de nature à caractériser l'immixtion alléguée.
S'il n'est pas contestable qu'il existe entre la société Total Sa et ses filiales et sous filiales une coordination de l'organisation et des actions économiques, il n'est pas caractérisé d'immixtion permanente de la société Total SA dans la gestion économique et sociale de la société CPO, qui aurait conduit à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière.
M. [J] ne démontre pas plus qu'il aurait reçu des instructions de la société Total Sa, que celle-ci en aurait contrôlé la bonne exécution et aurait exercé à son égard un pouvoir de sanction. Le fait qu'il exerce les fonctions de coordinateur commerce logistique maintenait son action dans le cadre de l'activité de la société CPO, seule une harmonisation au niveau national était mise en oeuvre.
La demande de constatation de l'existence d'un co-emploi entre les sociétés CPO et Total SA et de condamnation in solidum des sociétés est en conséquence rejetée.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la demande de communication de pièces :
Selon l'article 142 du code de procédure civile, les demandes de production des éléments de preuve détenus par les parties sont faites, et leur production a lieu, conformément aux dispositions des articles 138 et 139.
En vertu de l'article 138, elle peut demander au juge saisi de l'affaire d'ordonner la délivrance d'une expédition ou la production de l'acte ou de la pièce.
L'article 139 prévoit que le juge, s'il estime cette demande fondée, ordonne la délivrance ou la production de l'acte ou de la pièce, en original, en copie ou en extrait selon le cas, dans les conditions et sous les garanties qu'il fixe, au besoin à peine d'astreinte.
En l'espèce, les pièces sollicitées consistent dans l'ensemble des pièces afférentes aux sanctions disciplinaires du 31 mars 2016 et 10 mai 2016, la charte de prévention du harcèlement moral au sein de la société CPO, l'intégralité des éléments relatifs à la consultation du CHSCT de la société CPO sur la nomination de la commission d'enquête (convocation de l'institution, accusé de réception des convocations de chacun de ses membres, procès-verbal de consultation pour la nomination des enquêteurs) ainsi que l'intégralité des annexes des procès-verbaux, l'intégralité des éléments relatifs à la consultation du CHSCT et de la société CPO sur la présentation du résultat de l'enquête et les mesures de prévention mises en oeuvre a posteriori (convocation de l'institution, accusé de réception des convocations de chacun de ces membres, procès-verbal de consultation, ainsi que l'intégralité des annexes des procès verbaux.
Elles ne sont pas indispensables à la caractérisation du harcèlement moral invoqué par M. [J] ni à celle d'un co-emploi au regard des 215 pièces communiquées par celui-ci et des 75 pièces distinctes communiquées par les deux sociétés et les 11 pièces communiquées par les deux syndicats qui permettent à la cour d'apprécier les demandes dont elle est saisie avec une pleine connaissance du litige.
La demande est en conséquence rejetée.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la demande d'annulation de deux sanctions :
Selon l'article L.1331-1 du code du travail, en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.
L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.
Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
L'article L.1333-2 dispose que le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.
Selon l'article L.1332-1 aucune sanction ne peut être prise à l'encontre du salarié sans que celui-ci soit informé, dans le même temps et par écrit des griefs retenus contre lui.
L'action aux fins d'annulation d'une sanction est soumise au délai de prescription applicable à l'exécution du contrat de travail.
Selon l'article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.
Le premier alinéa n'est toutefois pas applicable aux actions en réparation d'un dommage corporel causé à l'occasion de l'exécution du contrat de travail, aux actions en paiement ou en répétition du salaire et aux actions exercées en application des articles L. 1132-1, L. 1152-1 et L. 1153-1. Elles ne font obstacle ni aux délais de prescription plus courts prévus par le présent code et notamment ceux prévus aux articles L. 1233-67, L. 1234-20, L. 1235-7 et L. 1237-14, ni à l'application du dernier alinéa de l'article L. 1134-5.
Le courrier de mise en garde du 31 mars 2016 pour absence de réponse à un courrier recommandé reçu à l'agence de Vannes le 1er décembre 2015 a été notifié à M. [J] plus de deux ans avant qu'il ne saisisse le conseil de prud'hommes le 1er octobre 2018 d'une demande d'annulation de cette sanction. M. [J] est dès lors prescrit en son action.
L'avertissement du 10 mai 2016 pour entrave à la distribution de tracts syndicaux en ces termes « l'entreprise, ainsi que le groupe TOTAL ont engagé plusieurs dossiers et un climat dépourvu de sérénité en raison d'agissements, même isolées ne peut que nuire à l'issue positive recherchée » est contesté en justice par M. [J] plus de deux ans après sa notification de sorte que M. [J] est prescrit en son action tendant à l'annulation de la sanction et à l'allocation de dommages-intérêts.
Il sera ajouté au jugement de ce chef, le conseil ayant omis de statuer.
Sur la nullité du licenciement pour avoir dénoncé un harcèlement moral :
Selon l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi, ou refusé de subir, les agissements définis à l'alinéa précédent ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
L'article L.1152-3 prévoit que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.
Le salarié qui dénonce des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, peu important qu'il n'ait pas qualifié lesdits faits de harcèlement moral lors de leur dénonciation, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce et non de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis.
La preuve de la mauvaise foi incombe à l'employeur.
La lettre de licenciement datée du 7 février 2018 fait grief à M. [J] d'avoir commis une succession de faits fautifs à savoir un management fautif à l'encontre de salariés placés sous sa subordination consistant en un comportement 'insultant, inapproprié avec des menaces de licenciement, des salariés ressortant en pleurs de votre bureau', l'autorisation de dépassement de la durée légale du travail par des chauffeurs de l'entreprise constituant une violation de l'obligation de sécurité de l'employeur, la formulation d'accusations mensongères à l'encontre de M. [Y], directeur commercial, lui imputant d'avoir antidaté des devis de chaudières, d'avoir sous facturé des interventions à domicile et d'avoir insulté des collaborateurs.
La lettre se poursuit en ces termes :
' vous vous êtes ainsi notamment permis d'affirmer par écrit, dans votre courrier, que vous subiriez des pressions, des humiliations, des propos vexatoires de la part de M. [Y], que vous auriez été relégué dans un bureau inadapté, privé de vos droits informatiques, etc, ce qui est dénigrant.
Ce même 27 novembre 2017, vous avez mis en copie le CHSCT du groupe Total de votre courrier intitulé 'lettre de dénonciation de mes conditions de travail' alors que ce CHSCT n'est pas compétent), le comité éthique du groupe et la gestionnaire de carrière de Monsieur [Y] qui n'est pas concernée.
Nous vous avons alors reçu au même titre que Monsieur [Y] en décembre 2017 pour vous entendre par rapport à ces déclarations mais vous vous êtes montré incapable de soutenir vos allégations tandis que Monsieur [Y] les a contestées au soutien d'explication et de pièces.
Vos imputations sont alors apparues bien dénigrantes et mensongères. Nous vous avons donc convoqué à un entretien préalable aux fins de licenciement le 11 janvier dernier.
Au lieu de modifier votre attitude, vous avez délibérément persisté avec mauvaise foi dans des accusations mensongères et ce, dans 3 courriers du 15 janvier 2018 intervenus après la remise de la lettre de convocation à entretien préalable.
Dans un premier courrier du 15 janvier dernier, vous avez sollicité du CHSCT qu'il exerce un droit d'alerte aux fins d'ouverture d'une enquête en indiquant dans le corps de votre courrier 'la concomitance d'une dénonciation de harcèlement 'alors que vous n'aviez évoqué qu'une prétendue dégradation de vos conditions de travail et que vous n'avez pas employé l'expression de dénonciation de harcèlement moral.
Dans un deuxième courrier de même date que vous avez destiné au groupe Total, vous avez indiqué que vous êtiez convoqué à un entretien préalable en réaction à la 'dénonciation du harcèlement moral' alors que vous n'aviez pas dénoncé de harcèlement moral à l'entreprise.
Dans un troisième courrier de cette date, vous avez imputé des propos et des attitudes inventées et vous avez été jusqu'à écrire que vous vous seriez placé en lanceur d'alerte (alors que ce ne peut être le cas et que cela n'a pas été le cas) et vous indiquez avoir dénoncé des faits constitutifs de harcèlement alors que une fois de plus, vous n'avez pas dénoncé du harcèlement moral mais des conditions de travail.
A toutes fins, personne n'a reconnu à votre encontre d'actes de harcèlement moral.
En conséquence, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute sérieuse.'
Il résulte de ces énonciations de la lettre de licenciement que l'employeur reproche au salarié d'avoir dénoncé des faits ayant entraîné une dégradation de ses conditions de travail sans les qualifier de harcèlement moral.
Toutefois, le 27 novembre 2017 M. [J] dénonçait par lettre recommandée avec avis de réception adressée à son employeur non seulement une mise à l'écart, des humiliations et réprimandes allant crescendo, des pressions pour accepter une rupture conventionnelle de son contrat de travail, et exprimait être 'à bout : je viens au siège la boule au ventre muni de mon vaporisateur de Trinitine dans ma poche en permanence, afin de pouvoir contrer un éventuel infarctus. J'appréhende tout contact avec mon responsable hiérarchique. Le simple signal sonore des mails provoque chez moi un stress aiguë, je refais le fil de mes journées lors de mes trois heures de voiture journalières et ai manqué d'avoir à plusieurs reprises un accident, j'ai depuis les derniers mois perdu du poids, (en dépit de ce que peut en dire [M] [Y] qui l'a, à plusieurs reprises, traité de 'gros'), perdu l'envie d'échanger avec les pairs de peur de leur causer problème et me retrouve devenir l'ombre de moi-même'.
Il ajoutait expressément ' ne plus supporter l'attitude harcelante et méprisante de [M] [Y]'. Ainsi, contrairement à ce qu'écrit l'employeur, la lettre du 27 novembre que vise la lettre de licenciement dénonçait expressément une situation de harcèlement moral et en décrivait sur 8 pages les éléments caractéristiques.
Pour que le licenciement visant la dénonciation de ce harcèlement n'encourt pas la nullité, il appartient dès lors à la société CPO de démontrer que la dénonciation ainsi faite l'a été de mauvaise foi.
Or, la société CPO ne développe aucun moyen dans ses conclusions relatif à la preuve d'une telle mauvaise foi.
Ses conclusions contestent certes l'existence même d'un harcèlement moral, toutefois, la caractérisation ou non d'une situation de harcèlement moral est insuffisante à démontrer la mauvaise foi du salarié'.
En l'absence en l'espèce, de preuve de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits dénoncés, le grief de licenciement tiré de la dénonciation de faits de harcèlement moral rend le licenciement de M. [J] nul.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur le harcèlement moral et la dégradation des conditions de travail :
Selon l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En vertu de l'article L.1154-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
M. [J] invoque une dégradation de ses conditions d'emploi à compter de l'année 2017 lorsqu'un plan de restructuration déployé au sein du groupe Total dans le cadre duquel il a été décidé de l'affecter sur une mission temporaire de 18 mois et de le placer sciemment en difficulté professionnelle dans le but, de l'amener à accepter la rupture de son contrat de travail.
Il souligne avoir avant cette mission temporaire subi deux sanctions disciplinaires dénoncées en vain.
Il invoque :
- une dégradation matérielle de ses conditions de travail lors de son arrivée au siège : pas de droit informatique, bureau isolé en travaux et calfeutré par des bâches plastiques, dans un bâtiment en travaux
- une affectation dans ce nouveau poste de coordinateur d'un plan dont il ignorait tout, sans fiche de mission ou feuille de route
- une différence de traitement avec ses collègues coordinateurs qui ont eu accès à la documentation et sont sous la subordination du Directeur Général de leur filiale
- une perte d'indépendance de communication avec des tiers : n'est plus autorisé à échanger directement avec le CODIR
- une infantilisation, absence de validation de ses actions et vexations : contrôle de sa tenue de ce poste où il n'avait pas d'instruction claires, corrigé au rouge, soumis à des revues hebdomadaires qui étaient soit humiliantes soit régulièrement annulées sans raison
- une privation d'information relativement à son nouveau poste et n'a plus bénéficié de soutien logistique et social, absence de directives claires
- une pression et chantage à l'acceptation de la rupture conventionnelle de son contrat de travail
- une sensation que sa mise en danger organisée par son employeur qui est entré en contact avec son épouse
- la privation de son poste de coordinateur en janvier 2018
- l'absence de traitement correct de son alerte au regard de sa mise en cause en l'accusant de mensonge, du changement de supérieur hiérarchique avec un retrait de mission et l'édition d'une nouvelle mission le jour de l'engagement de la procédure de licenciement
- un retard de l'enquête alors qu'il était déjà en cours de procédure de licenciement
- l'absence d'impartialité de l'enquête et d'égalité des armes faute de compte-rendu d'audition ni de présentation au CHSCT
- une première alerte au cours de l'été 2017 car pris pour la première fois de sa carrière d'un malaise
- à compter de septembre 2017 importantes crises d'angoisse mais refusera toujours l'arrêt de travail preuve de son investissement.
M. [J] établit s'être vu proposé un avenant pour une mission de 18 mois de coordination 'commerce et logistique' dans un contexte où d'une part lui avaient été notifiées au cours des années précédentes deux sanctions, une mise en garde le 31 mars 2016 et un avertissement le 10 mai 2016, où d'autre part une réorganisation était en cours au sein de la société laquelle prévoyait la fusion de l'agence Armobihan dirigée par M. [J] avec d'autres agences bretonnes.
S'agissant de l'isolement allégué dans un bureau inadapté, le salarié produit un cliché photographique non daté d'un bureau en travaux dont il précise qu'il était contigu à celui qui lui était affecté. Le courrier de l'inspecteur du travail en date du 27 novembre 2012 dont le nom du destinataire et des témoins sont anonymisés est antérieur de cinq années aux faits invoqués de sorte qu'il n'a pas de force probante s'agissant des faits invoqués. Le courriel du 23 juin 2017 mentionne que M. [J] dispose d'un bureau doté des outils informatiques indispensables à l'exercice de sa mission. A cette date, les difficultés évoquées par M. [J] avaient donc pris fin.
M. [J] établit par la communication d'échanges de courriels avec son supérieur M. [Y] qu'il n'avait pas été associé au groupe de travail composé des autres coordinateurs commerce et logistique le privant des informations dont disposaient ses collègues chargés d'une mission similaire à savoir le contenu et les enjeux du poste, sa transversalité entre les différents services du groupe.
Les échanges de courriels entre M. [J] et M. [Y] révèlent qu'à la suite de la réunion du 20 juin 2017 au cours de laquelle il a été informé du contenu de sa mission, M. [J] a modifié le support de présentation qu'il avait préparé et adressé à M. [Y] pour l'adapter aux informations qu'il avait reçues sur sa mission lors de cette réunion et l'a adressé à M. [Y] afin qu'il formule ses observations ou le valide avant la présentation de ce support lors de la réunion prévue à [Localité 14] le 23 juin. Ce dernier n'a pas répondu à la demande de M. [J] ce qui a provoqué chez celui-ci une crise d'angoisse avec douleurs cardiothoraciques conduisant à son arrêt de travail du 22 au 23 juin 2017. Le 23 juin 2017, le salarié a écrit à son supérieur : « J'ai éprouvé de nombreuses difficultés à obtenir des informations sur ce qui est attendu de moi en ce que je ne disposais que d'éléments distillés au compte-goutte. Je souhaite être à la hauteur du défi proposé, mais sollicite, uniquement, un peu d'égard et d'accompagnement.
Au lieu de cela, je déplore des reproches, remarques négatives, manque de communication et de transmission des informations qui me sont aujourd'hui nécessaires pour exercer correctement mes nouvelles fonctions. »
Ce dernier a admis que M. [J] avait manqué d'accompagnement en ces termes ' la période est chargée et tu n'es pas le seul qui manque de temps ou d'accompagnement, je fais le maximum pour satisfaire tout le monde.'
M. [J] établit ainsi avoir été mis en difficulté lors de sa prise de poste par une rétention d'information et une absence de soutien et d'accompagnement de son supérieur hiérarchique.
L'organigramme extrait du plan Auckland Total mentionne que le coordinateur commerce logistique réfère directement au directeur général. Or, tel n'est pas le cas pour M. [J] qui est contraint par M. [Y] de lui référer avant d'échanger avec les membres du CODIR. La différence de traitement invoqué par M. [J] à ce titre est ainsi établie.
M. [J] établit également par la production d'extrait de son agenda Google que les réunions hebdomadaires avec M. [Y] étaient annulées par ce dernier et qu'il en a été de même avec les collaborateurs de la société avec lesquels il devait échanger sur sa mission. Ces éléments caractérisent l'isolement qu'il dénonce subir.
Les échanges de courriels de septembre 2017 entre M. [J] et M. [Y] comprennent des remarques et reproches formulés par M. [Y] en termes directs sur la qualité du travail de M. [J]. Ainsi, concernant les fiches de situation rédigées par M. [J], comportant selon M. [Y] 'des choses fausses', ce dernier écrit à M. [J] ' 'essaie d'aller plus à fond sur les sujets : trop souvent je t'entends dire 'je ne sais pas' ' je ne suis pas au courant'. S'agissant de la renégociation d'un bail et d'une commande de calendrier alors que M. [J] était directeur d'agence ' belle boulette de commande de calendrier : nous avons les chauffeurs de [Localité 15] qui râlent car ils n'ont reçu que 800 calendriers''' afin d'éviter un scandale, nous devons relancer en urgence une commande pour 8000 calendriers, cela nous coûtera 800 euros de plus!!!! quand je te parle de rigueur !!!'. M. [J] affecté par ces remarques a écrit à son supérieur : 'concernant ton mail de réprimandes, je déplore à nouveau le ton agressif employé à mon encontre. J'avais déjà eu l'occasion en juin dernier de demander qu'un dialogue apaisé s'instaure et que ma personne soit respectée. Je te remercie à l'avenir d'être vigilant sur ce point.'
M. [J] communique un projet de compte rendu de réunion qu'il a rédigé et qui a été corrigé à l'encre rouge par M. [Y] lequel a rayé des paragraphes avec lesquels il était en désaccord.
Ces éléments caractérisent des remarques vexatoires.
S'il n'est pas contesté qu'un échange téléphonique est intervenue entre l'épouse de M. [J] et un membre du service des ressources humaines, il n'est pas établi que l'initiative de cet appel incombe à la société.
Il résulte en outre du cliché photographique communiqué et des coupures de la presse locale produites que la médaille du travail a été remise à M. [J] le 17 octobre 2017 au sein de l'hôtel Radisson en comité plus restreint que lors des années précédentes où les cérémonies réunissant alors tous les salariés et étaient relatées dans la presse locale.
Le 27 novembre 2017, M. [J] a dénoncé par lettre recommandée avec avis de réception adressée au directeur général de CPO, au directeur des ressources humaines, au comité d'éthique de Total, à la gestionnaire de carrière de Total SA et au CHSCT de Total ' ne plus supporter l'attitude harcelante et méprisante de [M] [Y]'. M. [J] a alors été convoqué par le directeur général et le directeur des ressources humaines à un entretien afin qu'il 'apporte tout élément de preuve pouvant corroborer (se)s affirmations'.
Le 5 décembre 2017, M. [J] a été rattaché à la direction générale par note d'affectation signée du président de la société. Dans le cadre de ce rattachement, une nouvelle mission a été confiée M. [J] comme cela résulte du courriel que lui a adressé le président de la société CPO le 2 janvier 2018. Dans le cadre de cette mission dite 'objectif Co2", le président de la société ne l'a pas autorisé à contacter les salariés de l'agence écrivant ' je ne vois pas l'utilité de contacter les salariés des agences' et l'a relancé dès le 4 janvier sur le document de restitution que M. [J] avait établi au cours de la dernière semaine de décembre.
En parallèle, M. [J] n'a plus été convié à la réunion des coordinateurs dont la date a été fixée le 6 février 2018.
Le comité d'éthique saisi par M. [J] lui a répondu par courriel le 11 janvier 2018 que 'nous avons bien compris que vous avez personnellement mal vécu le changement de fonction suite à la réorganisation. En revanche, nous considérons que ni le ton ni le contenu des éléments fournis ne démontrent de faits constitutifs de harcèlement moral à votre égard de la part de votre hiérarchie'.
M. [J] a répondu pour exprimer sa déception à réception de cette conclusion et souligné ne pas être surpris de son positionnement dans la mesure où le comité d'éthique a relayé la possibilité d'une rupture amiable de son contrat de travail et qu'il était déjà convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement dont il estimait qu'il n'était pas étranger à sa dénonciation d'un harcèlement moral.
S'agissant de l'incitation à accepter une rupture conventionnelle, elle est établie non seulement par le courriel de M. [J] adressé à la société et dénonçant qu'une telle proposition lui ait été rappelée par le comité d'éthique mais également par la société elle-même dans un courriel postérieur mentionnant un montant d'indemnisation.
M. [J] souligne qu'une enquête n'a été mise en oeuvre par le CHSCT que le 22 janvier 2018 alors qu'il l'avait saisi le 27 novembre 2017.
S'il en conteste la régularité au regard selon lui du principe de neutralité et d'égalité des armes par absence de procès-verbaux d'audition et absence de restitution devant le CHSCT, il convient de rappeler que l'enquête n'est régie par aucune disposition légale et réglementaire et ne vaut dans le débat judiciaire qu'à titre de preuve simple susceptible d'être corroborée ou combattue par tout autre mode de preuve.
Au regard des éléments débattus, pris dans leur ensemble, les éléments de faits établis laissent supposer l'existence d'une situation de harcèlement moral.
Il incombe à l'employeur d'apporter une justification objective étrangère à tout harcèlement moral à ses décisions et agissements.
La société CPO souligne que les avertissements évoqués par M. [J] comme contexte des faits qu'il reproche à son employeur n'ont pas été contestés dans le délai de deux années de sorte que M. [J] est prescrit à en contester le bien fondé. Cette prescription est acquise.
S'agissant du caractère temporaire de la mission confiée à M. [J], l'employeur expose qu'il s'agissait d'un poste pérenne qui s'inscrivait dans le cadre de son contrat de travail à durée indéterminée et que M. [J] s'est vu confier un premier projet puis un second. Toutefois, l'employeur ne s'explique pas sur le devenir du poste de M. [J] dans le cadre de la réorganisation mise en oeuvre au niveau de la société et ce alors qu'il indique lui-même dans les pièces produites que l'agence dont M. [J] était directeur était la moins rentable. Il n'explicite pas plus dans quelle mesure la mission confiée au salarié était pérenne.
La société CPO communique l'avis de son responsable hygiène sécurité environnement qualité de l'entreprise lequel sollicité par le directeur général de la société sur la conformité du bureau affecté au siège à M. [J] considère que bien que la fenêtre ne s'ouvre que partiellement en raison d'une contrainte architecturale, elle permet la ventilation et l'aération de la pièce mais de manière très limitée, que la présence d'une armoire électrique dans le bureau est occultée par deux portes coulissantes et que la signalisation est conforme à la réglementation. Il est précisé que deux autres bureaux du rez'de-chaussée présentent la même contrainte d'ouverture de la fenêtre.
La société CPO fait observer s'agissant des réunions des coordinateurs commerce et logistique au niveau national qu'elle a répondu à M. [J] qu'elle n'était pas informée de l'existence de réunions antérieures à la désignation le 1er mai 2017 de M. [J] pour exercer cette mission au sein de CPO. Elle n'apporte pas d'autre élément de justification.
Si l'employeur ne démontre pas avoir accordé à M. [J] l'accès au logiciel Auckland qu'il sollicitait, il résulte de l'échange de courriels du 30 mai 2017 que le salarié s'est vu proposer l'accès à deux autres logiciels intitulés Adv et Aslog.
La société n'apporte pas de justification objective au rattachement de M. [J] au directeur commercial alors que les autres coordinateurs du groupe étaient directement rattachés à leur directeur général. Il ne s'explique pas plus sur la perte de l'accès direct aux membres du Codir.
L'employeur ne démontre pas plus que M. [Y] aurait dû prendre le relais de M. [J] sur les missions qui lui étaient confiées au motif que celui-ci aurait refusé la mission Zoople, ce qui ne résulte pas des pièces. S'agissant des documents que M. [Y] a corrigés, il n'est pas précisé par l'employeur dans quelle mesure ces documents étaient insuffisants. Le document final n'est pas communiqué de sorte que la nécessité d'une correction susceptible de justifier cette intervention n'est pas rapportée.
Elle considère que la mission Objectif Co2 confiée à M. [J] en novembre 2017 ne s'est pas substituée à sa précédente mission mais s'y est ajoutée.
Elle ne s'explique pas sur la concomitance de l'attribution de cette mission et la saisine par le salarié du comité d'éthique ni sur l'absence de formation et d'accompagnement du salarié dans ses nouvelles missions et ce alors que l'employeur soutient que les travaux de M. [J] ne donnaient pas satisfaction.
S'agissant de l'annulation de la convocation de M. [J] aux réunions des coordinateurs, la société produit la convocation reçue par M. [J] le 29 janvier 2018 par courriel pour la réunion du 6 février 2018.
Elle expose par ailleurs que l'annulation d'une réunion interne à la société CPO concernait l'ensemble des salariés initialement convoqués et non seulement M. [J].
Pour autant, elle ne s'explique pas sur le déroulé de la remise des médailles du travail à M. [J] et l'absence de cérémonie publique même si celle-ci a eu lieu dans un hôtel prestigieux de [Localité 13].
C'est par ailleurs de manière inopérante que l'employeur souligne que M. [J] n'a jamais été placé en arrêt de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle, n'a rien dénoncé à la médecine du travail ou à l'inspecteur du travail.
La société CPO n'apporte pas à chacun des agissements établis de justifications objectives étrangères à un harcèlement moral.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, la cour a dès lors la conviction que M. [J] a subi une situation de harcèlement moral.
Le préjudice par lui subi qui s'est manifesté par une dégradation de son état de santé ayant rendu nécessaire la prescription d'anxiolitiques sera réparé par l'allocation de la somme de 3 000 euros.
Le jugement ayant rejeté cette demande sera infirmé de ce chef.
Sur le manquement à l'obligation de sécurité par absence de prévention du harcèlement moral :
Selon l'article L.4121-2 du code du travail, l'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :
1° Eviter les risques ;
2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source ;
4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l'article L. 1142-2-1.
La seule circonstance que l'employeur a pris toutes les mesures immédiates propres à faire cesser le harcèlement moral et qu'il l'a fait cesser effectivement, circonstance nécessaire, n'est pas suffisante. Il importe également qu'il ait pris toutes les mesures de prévention visées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et notamment qu'il ait préalablement mis en 'uvre des actions d'information et de formation « propres à prévenir la survenance de faits de harcèlement moral.
Il résulte par ailleurs du document unique d'évaluation des risques professionnels, communiqué par M. [J] que la société CPO a procédé à un diagnostic des risques psycho-soiaux en 2007 et 2008 pour chaque catégorie d'emploi et notamment pour celle des 'assistant et manager sédentaire' à laquelle peut être rattaché M. [J]. Le DUER mentionne le déploiement d'un management participatif, la proximité des chefs d'équipe, la diffusion des informations relatives au rôle du CHSCT, des modalités de saisine de celui-ci en cas de mal-être au travail, la formation du personnel sur la gestion du stress, la sensibilisation de l'encadrement aux risques psycho-sociaux lors d'un séminaire de 2010 et la formation du management à la gestion du stress au travail en 2014.
En revanche, elle ne vise aucune mesure relative à l'accompagnement au changement.
La société CPO justifie avoir saisi le médecin du travail à réception de la lettre du 27 novembre 2017 aux termes de laquelle M. [J] dénonçait une situation de harcèlement moral par dégradation de ses conditions de travail à l'origine d'une altération de son état de santé. Elle a également saisi le CHSCT afin que soit diligenté une enquête mais celle-ci n'a été décidé qu'un mois et demi après le courrier de M. [J] et la société n'a pas attendu les conclusions de celle-ci pour prononcer le licenciement de M. [J].
En agissant de la sorte à savoir en négligeant la dénonciation par M. [J] de la situation de harcèlement moral qu'il dénonçait, la société CPO a manqué à son obligation de sécurité.
Le préjudice moral subi de ce fait par M. [J] qui a vu perdurer la dégradation de ses conditions de travail et consécutivement de son état de santé sera réparé par l'allocation de la somme de 2 000 euros.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur l'irrégularité de la procédure de licenciement :
Selon l'article L. 1235-2 du code du travail, dans sa rédaction à compter du 1er janvier 2018, applicable au litige, les motifs énoncés dans la lettre de licenciement prévue aux articles L. 1232-6, L. 1233-16 et L. 1233-42 peuvent, après la notification de celle-ci, être précisés par l'employeur, soit à son initiative soit à la demande du salarié, dans des délais et conditions fixés par décret en Conseil d'Etat.
La lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l'employeur, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs de licenciement.
A défaut pour le salarié d'avoir formé auprès de l'employeur une demande en application de l'alinéa premier, l'irrégularité que constitue une insuffisance de motivation de la lettre de licenciement ne prive pas, à elle seule, le licenciement de cause réelle et sérieuse et ouvre droit à une indemnité qui ne peut excéder un mois de salaire.
En l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, le préjudice résultant du vice de motivation de la lettre de rupture est réparé par l'indemnité allouée conformément aux dispositions de l'article L. 1235-3.
Lorsqu'une irrégularité a été commise au cours de la procédure, notamment si le licenciement d'un salarié intervient sans que la procédure requise aux articles L. 1232-2, L. 1232-3, L. 1232-4, L. 1233-11, L. 1233-12 et L. 1233-13 ait été observée ou sans que la procédure conventionnelle ou statutaire de consultation préalable au licenciement ait été respectée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.
Lorsqu'un salarié victime d'un licenciement nul ne réclame pas sa réintégration, le principe de la réparation intégrale du préjudice impose que l'irrégularité de la procédure de licenciement soit réparée par le juge, soit par une indemnité distincte, soit par une somme comprise dans l'évaluation globale du préjudice résultant de la nullité du licenciement. (Soc, 23 janvier 2008 n°06-42919)
Sont soulevées, en l'espèce, l'absence de signature de la lettre de convocation et l'absence de présentation des griefs lors de l'entretien préalable.
La lettre de convocation à entretien préalable adressée à M. [J] mentionne le nom de M. [X] [CO] comme autorité à l'origine de la convocation mais ne comporte pas la signature manuscrite de M. [CO]. Il n'est pas contesté que M. [CO] est le directeur général de la société CPO et qu'il a conduit l'entretien préalable assisté du directeur des ressources humaines. Néanmoins, l'absence de signature de la lettre de convocation à entretien préalable constitue une irrégularité de forme qui causait un préjudice à M. [J] en ce qu'il ne pouvait s'assurer que la décision de convocation avait été prise par M. [CO] avant que celui-ci ne ratifie cette décision par la conduite de l'entretien préalable et la notification de la décision de licenciement.
La circonstance que le grief énoncé dans la lettre de licenciement n'a pas été indiqué au salarié lors de l'entretien préalable caractérise une irrégularité de forme qui n'empêche pas le juge de décider que ce grief peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Au demeurant, il résulte du compte rendu de l'entretien préalable versé aux débats que la nature des faits reprochés à M. [J] lui a été exposé lors de l'entretien. La date et la précision des faits ne l'a pas été notamment concernant le management fautif de sorte que M. [J] n'a pas été mis en mesure de s'expliquer.
Ces deux irrégularités ont porté préjudice à M. [J] en ce qu'elles ont rendu difficile l'exercice par celui-ci de sa défense.
Le préjudice subi de ce chef par M. [J] sera réparé par l'allocation de la somme de 2 000 euros.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail:
Le contrat de travail s'exécute de bonne foi.
Au soutien de sa demande indemnitaire, M. [J] invoque sept manquements de son employeur :
- une modification de son contrat de travail pour une mission temporaire ;
- un chantage et une dégradation de ses conditions d'emploi pour qu'il accepte une rupture conventionnelle ;
- sa soumission à une pression anormale, à compter de son arrivée à [Localité 13]
- une tentative d'instrumentalisation de son épouse gravement malade qui fera un malaise et sera hospitalisée à la suite d'une discussion avec le directeur des ressources humaines ;
- l'instrumentalisation des institutions représentatives du personnel en leur fournissant un dossier « à charge » au moment de la réunion extraordinaire du 22 janvier 2018 ;
- le retrait de sa mission de coordinateur commerce et logistiques dès le 11 janvier 2018 ;
- le retrait de façon inopinée de ses droits informatiques, en arrêtant de le convier aux réunions et en l'isolant.
S'agissant de la modification de son contrat de travail pour une mission temporaire, elle a été conclue par avenant, et sa mise en oeuvre ayant participé du harcèlement moral subi, le préjudice subi par M. [J] de ce chef a déjà été indemnisé.
Il en est de même pour le chantage et la dégradation de ses conditions d'emploi pour qu'il accepte une rupture conventionnelle et pour la soumission à une pression anormale déjà invoqués dans le cadre de la demande indemnitaire pour harcèlement moral.
Concernant une tentative d'instrumentalisation de son épouse gravement malade lors d'un échange téléphonique avec le directeur des ressources humaines, la preuve n'en est pas rapportée par les pièces communiquées par chacune des parties qui demeurent au stade de l'allégation.
Sur l'instrumentalisation des institutions représentatives du personnel en leur fournissant un dossier « à charge » au moment de la réunion extraordinaire du 22 janvier 2018, le procès-verbal de cette réunion n'étant pas communiqué et aucune attestation à ce propos n'étant versée aux débats, la preuve de cette allégation n'est pas rapportée.
S'agissant du retrait de sa mission de coordinateur commerce et logistiques dès le 11 janvier 2018, de son isolement et de l'annulation de ses invitations aux réunions, ces faits ont été invoqués dans le cadre de la demande indemnitaire relative au harcèlement moral de sorte que le préjudice y attaché a déjà été indemnisé.
Enfin, concernant le retrait de façon inopinée de ses droits informatiques, il n'est pas caractérisé.
La demande indemnitaire pour exécution déloyale du contrat de travail est en conséquence rejetée.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la demande de dommages-intérêts pour circonstances vexatoires de la rupture:
Le salarié peut obtenir réparation du préjudice distinct né de circonstances brutales et vexatoire de la rupture du contrat de travail.
Si M. [J] fait grief à son employeur de l'avoir contraint à 'restituer ses outils sur un parking de supermarché comme un paria', il ne communique aucune attestation ou courriers de nature à établir la réalité de ces circonstances.
Quant au fait d'avoir été dispensé d'exécuter son préavis, il ne revêt pas de caractère vexatoire.
Le préjudice invoqué n'étant pas caractérisé, la demande indemnitaire formulée à ce titre est rejetée.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la nullité de la convention de forfait jours
L'avenant du 23 mars 2017 conclu entre la société CPO et M. [J] stipule en son article 4 que 'en application de l'accord d'entreprise concernant l'aménagement et la réduction du temps de travail en date du 25 novembre 2014, eu égard aux responsabilités inhérentes à la fonction de Monsieur [G] [J], le temps de travail de M. [G] [J] est réparti sur une base annuelle calculée en forfait jours'.
Cette clause ne fixe pas le nombre de jours compris dans ce forfait. Elle est dès lors irrégulière et encourt la nullité.
En conséquence, la durée du travail de M. [J] est soumise au droit commun et celui-ci est en droit de solliciter le paiement d'heures supplémentaires accomplies au delà de 35 heures par semaine.
Sur les heures supplémentaires :
- sur la prescription de la demande antérieure au 1er octobre 2015 :
Selon l'article L. 3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
En l'espèce, le contrat de travail de M. [J] a pris fin le 7 mai 2018 à l'issue du préavis. Il a par ailleurs saisi le conseil de prud'hommes le 1er octobre 2018 de sorte que M. [J] est recevable à solliciter le paiement d'heures supplémentaires soit du 1er octobre 2015 au 1er octobre 2018 soit su 7 mai 2015 au 7 mai 2018.
Il est donc prescrit en sa demande antérieure au 7 mai 2015.
Il sera ajouté au jugement de ce chef.
- sur le bien fondé de la demande :
L'article L. 3171-2 prévoit que lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.
Le comité social et économique peut consulter ces documents.
Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
En l'espèce, M. [J] sollicite le paiement de 228 heures supplémentaires au cours des trois dernières années.
Il produit un décompte mentionnant les heures voire les minutes travaillées au delà de 35 heures par semaine et communique des courriels au soutien de ses demandes.
Si le décompte ne précise pas systématiquement le détail des heures de travail accomplies, il ne s'agit pas d'incohérences.
Quant au fait d'avoir récupéré les heures de travail supplémentaires réalisées notamment lors des salons, il incombe à l'employeur de l'établir. Or, il ne communique aucune pièce en ce sens.
Il n'est pas plus établi que les courriels adressés par M. [J] l'auraient été de manière différée.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, la cour a la conviction que M. [J] a réalisé des heures supplémentaires non payées sur la période non prescrite du 7 mai 2015 au 6 décembre 2017 mais dans une moindre mesure que celle sollicitée.
La société CPO est condamnée à payer à M. [J] la somme de 15 450 euros outre 1 545 euros de congés payés afférents.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur l'indemnité compensatrice de temps de trajet :
Selon l'article L. 3121-4 du code du travail, 'le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif.
Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos soit sous forme financière. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l'horaire de travail n'entraîne aucune perte de salaire.'
En l'espèce, l'avenant au contrat de travail nommant M. [J] aux fonctions de coordinateur commerce logistique stipulait que 'M. [J] pourra conserver son lieu de résidence actuel'.
Il en résulte qu'il effectuait chaque jour un déplacement entre son lieu de résidence et le siège de la société CPO situé à [Localité 13].
Contrairement à ce que soutient M. [J], l'avenant au contrat de travail ne mentionnant nullement le caractère temporaire de ses nouvelles fonctions, son lieu habituel de travail était situé à [Localité 13] de sorte qu'il ne peut pas prétendre à une contrepartie pour temps anormal de trajet.
Sa demande est rejetée.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les dommages-intérêts pour manquement fautif au droit au repos :
Selon l'article L.3121-18 du code du travail, la durée quotidienne de travail effectif par salarié ne peut excéder dix heures, sauf :
1° En cas de dérogation accordée par l'inspecteur du travail dans des conditions déterminées par décret ;
2° En cas d'urgence, dans des conditions déterminées par décret ;
3° Dans les cas prévus à l'article L. 3121-19.
L'article L. 3121-20 prévoit qu'au cours d'une même semaine, la durée maximale hebdomadaire de travail est de quarante-huit heures.
La preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'employeur.
En vertu des dispositions d'ordre public de l'article L.3131-1 du code du travail, tout salarié bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de onze heures consécutives, sauf dans les cas prévus aux articles L. 3131-2 et L. 3131-3 ou en cas d'urgence, dans des conditions déterminées par décret.
L'article L.3131-2 prévoit qu'une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut déroger à la durée minimale de repos quotidien prévue à l'article L. 3131-1, dans des conditions déterminées par décret, notamment pour des activités caractérisées par la nécessité d'assurer une continuité du service ou par des périodes d'intervention fractionnées.
Selon l'article L.3131-3 du même code, à défaut d'accord, en cas de surcroît exceptionnel d'activité, il peut être dérogé à la durée minimale de repos quotidien dans des conditions définies par décret.
En l'espèce, M. [J] invoque le non respect du droit au repos quotidien et hebdomadaire et de l'amplitude maximale de travail lors des semaines au cours desquelles il a réalisé les heures supplémentaires mentionnées dans le décompte qu'il communique.
Alors que le décompte produit par le salarié mentionne des journées de travail avec 8 heures supplémentaires quotidiennes ce qui laisse supposer la réalisation de quinze heures de travail par jour et donc un repos de neuf heures inférieur au onze heures prévues par l'article L. 3131-1 du code du travail.
L'employeur se limite à contester le non respect du temps de repos sans démontrer qu'il a mis son salarié en mesure d'exercer ce droit à repos et en a vérifié la bonne mise en oeuvre.
Le préjudice subi étant inhérent à la privation du droit à repos, il sera indemnisé par l'allocation de la somme de 1 000 euros.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur la demande de dommages-intérêts pour travail dissimulé :
Selon l'article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.
Le fait que la DIRECCTE ait sollicité des explications de la part de la société CPO sur des dépassements d'horaires de ses agents intervenant au domicile des clients ne concerne pas l'activité de M. [J].
En revanche, il établit en communiquant un extrait du logiciel Meta avoir travaillé 226 jours au lieu de 217 jours au cours de l'année 2016 soit 9 jours supplémentaires et 221 jours en 2018 au lieu de 214 jours soit 7 jours supplémentaires. Bien que mentionnés dans le logiciel de traitement des données de ressources humaines de l'employeur, ce dernier ne justifie pas avoir payé les jours travaillés au delà du forfait jours. Les bulletins de paie des années concernées ne mentionnent ni prise de congés à ce titre ni paiement de ces jours travaillés et non payés.
L'employeur n'apporte aucune explication sur ce point.
Or, en instituant un système de contrôle des jours travaillés déterminant le nombre de jours travaillés sans tirer aucune conséquence de cette constatation en terme de salaire ou de repos compensateur, l'employeur dissimule volontairement les heures ainsi travaillées. La réitération au cours de trois années de ce système au seul bénéfice de l'employeur et au préjudice tant du salarié que des caisses de sécurité sociale caractérise une intention de dissimulation.
La société CPO est en conséquence condamnée à payer à M. [J] la somme de 50 736 euros.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur la demande de rappel de primes des années 2016, 2017 et 2018 :
L'avenant au contrat de travail de M. [J] signé le 28 mars 2017 n'a pas modifié les conditions de classification et de rémunération de M. [J] lesquelles étaient définies par le contrat de travail du 29 novembre 2004 lequel stipulait que s'ajoutera au salaire fixe 'une prime annuelle d'objectifs dont le montant sera au minimum de 5 600 euros et ne pourra être supérieure à 3 mois de votre rémunération brute mensuelle ; ces objectifs seront déterminés après discussions en fonction de la conjoncture économique et des résultats que vous aurez réalisés précédemment. Vous devrez mettre en oeuvre toutes vos capacités pour que vos objectifs soient atteints et si possible dépassés.'
Si cette clause prévoit des discussions entre le salarié et l'employeur, elle ne prévoit pas pour autant une détermination d'un commun accord. Dès lors, il convient de considérer que la rémunération variable relevait du pouvoir de l'employeur.
Lorsque la rémunération variable dépend d'objectifs définis unilatéralement par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, à défaut de fixation de ces objectifs, la rémunération variable doit être payée intégralement (Soc. 10 juillet 2013, n 12-17.921, 28 septembre 2016, n 15-10.736, 15 décembre 2021, n 20-11.934, 27 octobre 2022, n 21-23.332) au salarié « qui devait dès lors percevoir le montant maximum prévu pour la part variable. » (Soc. 30 juin 2021, n 19-25.519).
- pour l'année 2016 :
Concernant l'année 2016, M. [J] ne conteste pas que les objectifs lui aient été notifiés mais conteste l'appréciation faite par son supérieur hiérarchique de l'atteinte de ces objectifs.
Le compte-rendu de l'évaluation annuel de l'année 2015 mentionne sept objectifs pour l'année 2016 outre un objectif de développement des compétences techniques, managériales, comportementales et en langue.
L'objectif HSE a été jugé partiellement atteint en raison d'une sinistralité en hausse alors que l'objectif fixait une baisse, l'objectif 4 a également été jugé partiellement atteint en raison d'un ratio logistique en hausse. L'objectif 5 a été atteint à 93% pour son premier item, à 97% pour le 2ème et a été réalisé s'agissant des chaudières.
La prime versée à M. [J] pour cette année 2016 s'élevait à 8 900 euros. Le maximum était fixé à 19 663 euros. L'employeur a ainsi alloué au salarié moins de 50% de la rémunération variable maximale.
Les seuls éléments mentionnés dans l'évaluation annuelle ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation par l'employeur du taux d'atteinte des objectifs et du montant de la prime versée.
La demande formulée pour l'année 2016 est en conséquence rejetée.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
- pour l'année 2017 :
L'écrit d'entretien d'évaluation annuelle de l'année 2016 mentionne des objectifs au titre de l'année 2017 lesquels sont relatifs à la fonction de directeur d'agence de M. [J]. Or, il a quitté ces fonctions pour devenir coordinateur commerce logistique le 28 mars 2017 et aucun nouvel objectif ne lui a été notifié.
En l'absence de notification d'objectifs en relation avec la fonction exercée, le salarié a droit à l'intégralité de la rémunération variable.
La société CPO est en conséquence condamnée à lui payer la somme de 10 763,83 euros sollicitée et de 1 076,38 euros de congés payés.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
- pour l'année 2018 :
La partie variable de la rémunération versée au salarié en contrepartie de son activité, s'acquérant au fur et à mesure de l'année, le salarié peut alors prétendre à son versement prorata temporis.
Les objectifs de M. [J] ne lui ont pas été notifiés pour l'année 2018 et son contrat de travail a été rompu avec effet au 7 mai 2017.
Il a donc droit à l'intégralité de la rémunération variable au prorata de son temps de présence au sein de la société soit du 1er janvier au 7 mai 2017. Il a droit à la somme de 6 760 euros. Or, il a perçu la somme de 5 600 euros de sorte que lui reste due la somme de 1 160 euros bruts.
La société CPO est condamnée à lui payer la somme de 1 160 euros brut de solde de prime 2018 outre la somme de 116 euros de congés payés afférents.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur la demande de solde d'indemnité conventionnelle de licenciement :
Selon l'article 7 du chapitre VI de la convention collective du négoce de combustibles, 'Sauf cas de faute grave du salarié, une indemnité de licenciement distincte du préavis, telle que définie ci-dessus, sera accordée aux salariés licenciés ayant au moins deux ans de présence dans l'entreprise et dans les conditions suivantes d'ancienneté relevées à la fin du contrat :
- jusqu'à 5 ans de présence : 3/10 de mois par année, pro rata temporis ;
- pour la tranche de 5 à 10 ans de présence : 4/10 de mois par année, pro rata temporis ;
- pour la tranche de 10 à 15 ans de présence : 6/10 de mois par année, pro rata temporis ;
- pour la tranche au-delà de 15 ans de présence : 7/10 de mois par année, pro rata temporis.
Un supplément forfaitaire d'indemnité égal à 2/10 de mois sera accordé aux salariés ayant entre deux et cinq ans de présence.
Un supplément forfaitaire d'indemnité égal à 1/10 de mois, et non cumulable avec le précédent, sera accordé aux salariés ayant entre cinq et dix ans de présence.
Exemples :
1° Licenciement après trente mois d'ancienneté :
- salaire : 10 000 F ;
- indemnités : 7,5/10 + 2/10 (forfaitaires) ;
- total : 9,5/10 x 10 000 F = 9 500 F.
2° Licenciement après sept ans d'ancienneté :
- salaire : 10 000 F ;
- indemnités : 5 fois 3/10 pour la première tranche, 4/10 pour la tranche de six ans, 4/10 pour la tranche de sept ans, soit 23/10 + 1/10 forfaitaire ;
- total : 24/10 x 10 000 F = 24 000 F.
Toutefois, l'indemnité de licenciement ci-dessus prévue ne pourra dépasser quinze mois de salaire total.
En cas de licenciement économique un supplément d'indemnité sera versé sous réserve d'une ancienneté de deux ans et selon l'âge de l'intéressé à la date de fin du contrat :
- indemnité supplémentaire de deux mois, de 50 à 52 ans ;
- indemnité supplémentaire de trois mois, de 53 à 55 ans ;
- indemnité supplémentaire de un mois, de 56 à 59 ans.
Le salaire pris en considération pour le calcul de cette indemnité sera le douzième de la rémunération brute globale des douze derniers mois ou le tiers des trois derniers mois selon le cas le plus avantageux pour le salarié, primes calculées pro rata temporis.
Pour établir cette moyenne, il sera tenu compte de tous les éléments constitutifs du salaire, à l'exception des indemnités ayant le caractère d'un remboursement de frais.'
Au regard des primes dues à M. [J], le salaire à prendre en compte pour le calcul de l'indemnité conventionnelle de licenciement était au regard du salaire plus favorable des douze derniers mois de 8 426,06 euros, primes incluses et proratisées de sorte que l'indemnité conventionnelle due s'élevait dans la limite de la demande à la somme de 123 582,19 euros.
M. [J] ayant perçu la somme de 79 464 euros, il lui reste dû la somme de 44 118,19 euros.
La société CPO est en conséquence condamnée à payer cette somme à M. [J].
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur la demande de solde d'indemnité compensatrice de préavis :
Selon l'article L1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit :
1° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus inférieure à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession ;
2° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus comprise entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d'un mois ;
3° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois.
Toutefois, les dispositions des 2° et 3° ne sont applicables que si la loi, la convention ou l'accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis ou une condition d'ancienneté de services plus favorable pour le salarié.
La convention collective prévoit un préavis de trois mois pour les cadres.
L'indemnité due au salarié pendant la durée du préavis est égale au salaire brut que le salarié aurait reçu s'il avait travaillé pendant la durée du délai-congé.
Le droit aux primes étant acquis au fur et à mesure de l'exécution du contrat de travail, M. [J] aurait reçu un salaire de 8 426,06 euros s'il avait travaillé pendant le préavis. Il a donc droit à une indemnité compensatrice calculée sur cette base.
L'indemnité due s'élève donc à la somme de 25 278,18 euros. M. [J] ayant reçu la somme de 19 663,83 euros, il lui reste dû la somme de 5614,35 euros bruts outre 561,43 euros de congés payés afférents.
La société CPO est condamnée à payer cette somme à M. [J].
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur l'indemnité pour licenciement nul :
Selon l'article L. 1235-3-1 du code du travail, L'article L. 1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à :
1° La violation d'une liberté fondamentale ;
2° Des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L. 1152-3 et L. 1153-4 ;
3° Un licenciement discriminatoire dans les conditions mentionnées aux articles L. 1132-4 et L. 1134-4 ;
4° Un licenciement consécutif à une action en justice en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans les conditions mentionnées à l'article L. 1144-3, ou à une dénonciation de crimes et délits ;
5° Un licenciement d'un salarié protégé mentionné aux articles L. 2411-1 et L. 2412-1 en raison de l'exercice de son mandat ;
6° Un licenciement d'un salarié en méconnaissance des protections mentionnées aux articles L. 1225-71 et L. 1226-13.
L'indemnité est due sans préjudice du paiement du salaire, lorsqu'il est dû en application des dispositions de l'article L. 1225-71 et du statut protecteur dont bénéficient certains salariés en application du chapitre Ier du Titre Ier du livre IV de la deuxième partie du code du travail, qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité et, le cas échéant, sans préjudice de l'indemnité de licenciement légale, conventionnelle ou contractuelle.
L'article L.1152-3 prévoit que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.
L'article L1152-2 vise le fait de relater de bonne foi des faits de harcèlement moral.
M. [J] dont le licenciement est nul pour avoir été prononcé à raison de la dénonciation de bonne foi de faits de harcèlement moral a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à six mois de salaire.
Au regard de son ancienneté de 26 années, de son âge lors de son licenciement à savoir 58 ans, de sa capacité à retrouver un emploi, de son niveau de rémunération de 8 426 euros bruts, le préjudice par lui subi du fait de son licenciement nul sera réparé par l'allocation de la somme de 160 000 euros.
La société CPO est condamnée à lui payer cette somme.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur le remboursement des allocations servies par Pôle emploi devenu France Travail :
Selon l'article L.1235-4 d code du travail, dans sa rédaction applicable au jour du licenciement, dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.
Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
En vertu de ces dispositions, la société CPO est condamnée à rembourser à France Travail les allocations servies à M. [J] dans la limite de six mois.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur la demande de rectification des documents de fin de contrat sous astreinte:
Il y a lieu de condamner la société CPO devenue Total énergies proxi nord ouest à remettre à M. [J] un bulletin de salaire rectificatif et une attestation destinée à France travail conformes au présent arrêt.
Les circonstances de la cause ne justifient pas le prononcé d'une astreinte. Cette demande est rejetée.
Sur la demande indemnitaire des syndicats Union départementale CGT Ille-et-Vilaine et la Fédération nationale des industries chimiques :
Selon l'article L. 2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice.
Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.
Le syndicat Union départementale CGT Ille-et-Vilaine et la Fédération nationale des industries chimiques sollicitent des dommages-intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession au motif d'un co-emploi et du non-respect de la législation relative à l'entrave des instances représentatives, d'un non-respect de la législation relative à la protection des lanceurs d'alerte et d'un non-respect de la législation relative au harcèlement.
- sur le co-emploi et le non-respect de la législation relative à l'entrave des instances représentatives :
La cour a écarté l'existence d'un co-emploi la preuve n'étant pas rapportée que la société Total soit allée au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés et ait opéré une confusion d'intérêts, d'activité et de direction par une immixtion dans la gestion économique et sociale de la société CPO lors de la mise en place dans chaque filiale simultanément du plan 'Auckland'.
Le fait que ce plan consiste en une restructuration économique non soumise aux procédures afférentes obligatoires notamment de consultation des institutions représentatives du personnel n'a pas de lien direct avec l'instance engagée par M. [J] et n'est en outre pas démontrée par les pièces produites même si elles font état d'une dénonciation de ce plan par les institutions représentatives du personnel.
- sur la modification d'un contrat de travail à durée indéterminée de travail de M. [J] pour lui confier une mission temporaire :
L'avenant du 28 mars 2017 ne mentionne pas de durée limitée aux fonctions de coordinateur commerce logistique confiées à M. [J] de sorte qu'il ne résulte pas de cette modification du contrat de travail une atteinte à l'intérêt collectif des salariés en la matière.
- sur le non-respect de la législation relative à la protection des lanceurs d'alerte :
Si M. [J] en dénonçant auprès de ses supérieurs hiérarchiques des pratiques de son supérieur hiérarchique direct qu'il estimait frauduleuse pouvait se prévaloir de la protection du lanceur d'alerte afin de voir examiner la nullité de son licenciement, il convient de constater que la société CPO a pris en compte son alerte et a procédé à une vérification des faits dénoncés pour en conclure à l'absence d'infraction.
Dès lors, n'est pas caractérisée d'atteinte à l'intérêt collectif de la profession à ce titre.
- sur le non-respect de la législation relative au harcèlement :
Le harcèlement moral subi par M. [J] et la carence de l'employeur dans la prévention du harcèlement moral en ce qu'ils ont un impact sur le mode de gestion du personnel porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession et justifie d'allouer à chacun des syndicats la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts.
Sur la demande de publication du présent arrêt :
La violation à l'intérêt collectif de la profession telle que retenue par la cour ne justifie pas que soit ordonnée la publication sollicitée de la présente décision.
Cette demande est rejetée.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Le jugement sera infirmé de ces chefs.
La société Total énergies proxi nord ouest anciennement dénommée CPO est condamnée aux dépens de première instance et d'appel et au paiement à M. [J] de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à chacun des syndicats la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Les autres demandes sont rejetées.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt prononcé par mise à disposition au greffe,
Ordonne la jonction des procédures 24/2924 et 24/3074 sous le numéro 24/2924,
Rejette la demande d'annulation du jugement,
Infirme le jugement sauf en ce qu'il a rejeté la demande de communication de pièces, la demande de co-emploi, la demande de condamnation de la société Total SA devenue Total énergies SE, la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, la demande d'indemnité compensatrice de trajet et la demande de rappel de primes et congés payés afférents pour l'année 2016,
Le confirme de ces chefs,
statuant à nouveau et y ajoutant,
Rejette la demande d'annulation de la mise en garde du 31 mars 2016 et de l'avertissement du 10 mai 2016,
Juge que le licenciement de M. [J] est nul,
Condamne la société Total énergies proxi nord ouest anciennement dénommée CPO à payer à M. [J] les sommes de :
- 3 000 euros à titre de dommage-intérêts pour harcèlement moral et dégradation des conditions de travail du salarié,
- 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité,
- 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement,
- 15 450 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,
- 1 545 euros à titre de congés payés afférents,
- 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement fautif au droit au repos,
- 50 736 euros à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé,
- 10 763,83 euros à titre de rappel de prime de rémunération variable de l'année 2017
- 1 076,38 euros à titre de congés payés afférents,
- 1 160 euros à titre de rappel de prime de rémunération variable de l'année 2018,
- 116 euros à titre de congés payés afférents,
- 44 118,19 euros de rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 5 614,35 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis,
- 561,43 euros à titre de congés payés afférents,
- 160 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul,
Dit que les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la notification de la demande à l'employeur par convocation devant le bureau de conciliation et les créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt,
Condamne la société Total énergies proxi nord ouest anciennement dénommée CPO à remettre à M. [J] un bulletin de salaire rectificatif et une attestation destinée à France travail conforme au présent arrêt,
Rejette la demande d'astreinte,
Condamne la société Total énergies proxi nord ouest anciennement dénommée CPO à rembourser à France Travail les allocations servies à M. [J] dans la limite de six mois,
Condamne la société Total énergies proxi nord ouest anciennement dénommée CPO à payer la somme de 1 000 euros au syndicat Union départementale CGT d'Ille et Vilaine et la somme de 1 000 euros à la Fédération nationale des industries chimiques en réparation du préjudice collectif de la profession,
Rejette la demande de publication,
Condamne la société Total énergies proxi nord ouest anciennement dénommée CPO à payer la somme de 3 000 euros à M. [J] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Total énergies proxi nord ouest anciennement dénommée CPO à payer la somme de 1 000 euros au syndicat Union départementale CGT d'Ille et Vilaine et la somme de 1 000 euros à la Fédération nationale des industries chimiques sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Total énergies proxi nord ouest anciennement dénommée CPO aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.