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CA Aix-en-Provence, ch. 1-8, 29 octobre 2025, n° 20/07370

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

PARTIES

Défendeur :

Syndicat des copropriétaires (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Laroque

Conseillers :

Mme Robin-Karrer, M. Patriarche

Avocats :

Me Simon-Thibaud, Me Fourmeaux, Me Buchon, Me Lucke

TJ Draguignan, du 15 juill. 2020, n° 20/…

15 juillet 2020

EXPOSÉ DE LA PROCÉDURE

Suivant déclaration enregistrée le 4 août 2020 au greffe de la cour, Monsieur [V] [M] et sa mère Madame [L] [M] née [F] ont interjeté appel d'un jugement réputé contradictoire rendu le 15 juillet 2020 par le tribunal judiciaire de Draguignan, qui les a condamnés solidairement, le premier en qualité de nu-propriétaire et la seconde en qualité d'usufruitière, à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 8], sis [Adresse 11], la somme principale de 10.154,10 euros au titre d'un arriéré de charges de copropriété, outre les intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2020, la somme de 600 euros à titre de dommages-intérêts, les dépens et une indemnité de 1.200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'instance a été interrompue par le décès de [L] [M] survenu le 2 mai 2023.

Par actes délivrés le 13 mai 2025, [V] [M] a appelé en intervention forcée ses frère et soeur [G] et [T] [M], pris en leurs qualités de cohéritiers de leur défunte mère, pour les entendre condamner à contribuer à la dette commune, chacun à proportion d'un tiers.

Par conclusions récapitulatives notifiées le 20 août 2025, auxquelles il est ici renvoyé pour l'exposé des moyens, Monsieur [V] [M] demande à la cour :

- à titre principal, de prononcer la nullité de l'assignation introductive d'instance, et par suite celle du jugement déféré,

- à titre subsidiaire, d'infirmer ledit jugement et statuant à nouveau :

* de déclarer irrecevables les demandes du syndicat pour défaut de qualité à agir,

* de déclarer prescrite l'action en recouvrement des charges échues antérieurement au 31 décembre 2015, représentant une somme de 8.478,69 €,

* de lui donner acte de ses versements totalisant la somme de 10.021,83 €,

* de débouter le syndicat de l'ensemble de ses demandes,

- à titre infiniment subsidiaire, de lui accorder les plus larges délais de paiement,

- et de condamner le syndicat aux entiers dépens, ainsi qu'à lui verser une somme de 4.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées le 16 juillet 2025, Madame [T] [M] demande à la cour de statuer ce que de droit sur l'action du syndicat des copropriétaires et de débouter [V] [M] des prétentions dirigées à son encontre. Elle réclame paiement d'une somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre ses dépens.

M. [G] [M] conclut dans le même sens dans des écritures notifiées le 11 août 2025.

Par conclusions récapitulatives notifiées le 6 août 2025, auxquelles il est également renvoyé, le syndicat des copropriétaires de la résidence LES EUCALYPTUS Bâtiment I, représenté par son syndic en exercice l'Agence AGI, demande pour sa part à la cour :

- de débouter l'appelant de l'ensemble de ses moyens de défense, ainsi que de sa demande d'octroi de délais de paiement,

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu une créance de 10.154,10 € suivant décompte provisoirement arrêté au 31 décembre 2019, et de fixer celle-ci à la somme de 12.625,15 €,

- y ajoutant, de condamner M. [V] [M] à lui payer la somme de 8.650,91 € au titre du reliquat des charges échues entre le 1er janvier 2020 et le 1er juillet 2025,

- en tout état de cause, de le condamner à payer la somme de 600 € à titre de dommages-intérêts, outre les entiers dépens et une somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 2 septembre 2025.

DISCUSSION

Sur la mise hors de cause de [G] et [T] [M] :

L'action en paiement introduite par le syndicat porte sur les charges de copropriété afférentes aux lots n° 1 et 52.

Aux termes d'un acte de donation-partage reçu le 14 janvier 2000, la nue-propriété de ces lots a été transmise à M. [V] [M], sa mère s'étant réservée l'usufruit.

Au décès de cette dernière, M. [V] [M] a acquis la pleine propriété de ces biens en application de l'article 617 du code civil, de sorte qu'il est seul débiteur des charges de copropriété.

Au demeurant, l'appelant ne reprend pas dans ses dernières conclusions les demandes initialement dirigées contre ses frère et soeur dans l'assignation en intervention forcée.

[G] et [T] [M] doivent être en conséquence mis hors de cause, l'équité commandant d'allouer à cette dernière une indemnité de 1.500 € au titre de ses frais irrépétibles.

Sur le moyen tiré de la nullité de l'assignation :

L'appelant soutient que l'assignation délivrée à sa mère serait nulle en vertu de l'article 467 du code civil, faute de lui avoir été dénoncée en sa qualité de curateur, fonctions auxquelles il avait été désigné aux termes d'un jugement rendu le 8 octobre 2018 par le tribunal de Dar-El-Beida (Algérie).

Toutefois, l'article 444 du même code dispose que les jugements portant ouverture, modification ou mainlevée de la curatelle ou de la tutelle ne sont opposables aux tiers que deux mois après que la mention en a été portée en marge de l'acte de naissance de la personne protégée.

Or, M. [V] [M] ne justifie pas avoir obtenu l'exequatur du jugement en France, ni requis sa transcription sur le registre central de l'état civil, ainsi que le prévoit la convention franco-algérienne du 27 août 1964, de sorte que ce moyen de nullité doit être rejeté.

Sur le moyen tiré du recours irrégulier à la procédure sans audience :

En vertu de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 prise durant la période d'urgence sanitaire, lorsque la représentation des parties est obligatoire ou que celles-ci sont assistées ou représentées par un avocat, le juge peut, à tout moment de la procédure, décider qu'elle se déroule selon la procédure sans audience.

La procédure accélérée au fond prévue par l'article 481-1 du code de procédure civile, utilisée en l'espèce par le syndicat des copropriétaires pour introduire sa demande en paiement, n'est pas une procédure avec représentation obligatoire, mais une procédure orale.

Il en résulte que le premier juge ne pouvait décider de recourir à la procédure sans audience alors que les consorts [M] n'avaient pas comparu et n'étaient pas assistés d'un avocat. Ce faisant, le tribunal a méconnu le droit des défendeurs à un procès équitable reconnu par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ainsi que les articles 14 et 16 du code de procédure civile relatifs au principe contradictoire.

Il convient en conséquence d'annuler le jugement entrepris, la cour restant néanmoins saisie de l'entier litige en application de l'article 562 du code de procédure civile.

Sur la fin de non -recevoir tirée du défaut de qualité à agir :

L'appelant soutient qu'aux termes de résolutions votées les 26 mars 2014 et 26 mars 2015 par l'assemblée générale des copropriétaires, le syndicat aurait autorisé la cession de toutes ses créances de charges à la société RANDALL, de sorte qu'il aurait perdu sa qualité à agir en recouvrement de celles-ci.

Le syndicat réplique cependant que la créance détenue à l'encontre des consorts [M] n'a fait l'objet d'aucune cession.

A défaut de rapporter la preuve contraire, M. [V] [M] doit être débouté de cette fin de non-recevoir.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription :

L'appelant soutient que l'action en recouvrement des charges échues antérieurement au 24 mars 2015 serait prescrite en application de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965.

La loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 a modifié ce texte en réduisant de dix à cinq ans le délai de prescription des actions personnelles opposant le syndicat à un copropriétaire.

L'article 2222 du code civil prévoit en ce cas que le nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder celle prévue par la loi antérieure, le point de départ du délai pour agir se situant, pour les créances à exécution successive telles que les charges de copropriété, à la date d'exigibilité de chacune des échéances.

En l'espèce, l'assignation en paiement délivrée le 24 mars 2020 a donc interrompu le délai de prescription à l'égard de l'ensemble des charges échues après le 24 mars 2010. Il en résulte que le syndicat est irrecevable à poursuivre le règlement des charges antérieures.

Sur le fond :

Suivant l'article 19-2 de la loi du 10 juillet 1965, à défaut de versement à sa date d'exigibilité d'une provision due au titre de l'article 14-1 ou du I de l'article 14-2, et après mise en demeure restée infructueuse passé un délai de trente jours, les autres provisions non encore échues ainsi que les sommes restant dues appelées au titre des exercices précédents après approbation des comptes deviennent immédiatement exigibles. Le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond, après avoir constaté, selon le cas, l'approbation par l'assemblée générale des copropriétaires du budget prévisionnel, des travaux ou des comptes annuels, ainsi que la défaillance du copropriétaire, condamne ce dernier au paiement des provisions ou sommes exigibles. Le présent article est applicable aux cotisations du fonds de travaux mentionné à l'article 14-2.

Il incombe au syndicat d'établir le caractère liquide et exigible de sa créance en produisant les documents comptables correspondants.

En l'espèce, le syndicat des copropriétaires de la résidence LES [Adresse 6] Bâtiment [Adresse 7] verse aux débats les procès-verbaux des assemblées générales ayant approuvé les comptes des exercices 2013 et suivants ainsi que le budget prévisionnel de l'année 2025 ; il produit également les appels de fonds et les états de répartition des charges pour les années considérées.

Il ne justifie pas en revanche de l'approbation des comptes des exercices 2010 et 2011 et ne produit pas les états de répartition des charges de l'exercice 2012, de sorte qu'il doit être débouté des demandes en paiement y afférentes.

Il convient en conséquence de déduire la somme de 2.471,05 € du relevé de compte arrêté au 29 juillet 2025, la créance exigible du syndicat s'établissant dès lors à 7.298,42 €.

Sur la demande en dommages-intérêts :

La défaillance de M. [V] [M] a causé au syndicat des copropriétaires un préjudice indépendant du simple retard de paiement en le privant durablement d'une partie de la trésorerie nécessaire à l'administration de l'immeuble, lequel sera réparé par l'allocation d'une somme de 600 €.

Sur la demande d'octroi de délais de paiement :

Compte tenu de l'ancienneté de la dette, il n'apparaît pas opportun d'accorder à l'appelant le bénéfice de délais de paiement.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Prononce la mise hors de cause de [G] et [T] [M],

Rejette le moyen fondé sur la nullité de l'assignation introductive d'instance,

Annule le jugement déféré pour violation du principe contradictoire,

Statuant à nouveau,

Rejette la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir,

Condamne Monsieur [V] [M] à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 8] la somme de 7.298,42 euros au titre des charges de copropriété exigibles au 29 juillet 2025, et celle de 600 euros à titre de dommages-intérêts,

Déboute le syndicat du surplus de ses prétentions,

Déboute Monsieur [V] [M] de sa demande d'octroi de délais de paiement,

Condamne Monsieur [V] [M] aux entiers dépens de première instance et d'appel,

Le condamne en outre à payer, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 2.000 euros au profit du syndicat des copropriétaires et celle de 1.500 euros au profit de Madame [T] [M].

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