CA Grenoble, ch. civ. A, 28 octobre 2025, n° 24/02465
GRENOBLE
Arrêt
Autre
N° RG 24/02465
N° Portalis DBVM-V-B7I-MKDP
C2
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE-CHAMBÉRY
la SELARL ALPAZUR AVOCATS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
Chambre civile section A
ARRÊT DU MARDI 28 OCTOBRE 2025
Appel d'une décision (N° RG 19/00190)
rendue par le tribunal judiciaire de Gap
en date du 19 décembre 2022
suivant déclaration d'appel du 01 juillet 2024
APPELANTE :
S.A.R.L. ENERTEC FRANCE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 5]
[Localité 2]
représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE-CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉE :
Mme [C] [D]
née le 04 août 1943 à [Localité 4]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Me Nicolas WIERZBINSKI de la SELARL ALPAZUR AVOCATS, avocat au barreau de HAUTES-ALPES
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Catherine Clerc, président de chambre,
Mme Joëlle Blatry, conseiller,
Mme Raphaële Faivre, conseiller,
DÉBATS :
A l'audience publique du 9 septembre 2025, Mme Blatry, conseiller chargé du rapport, assistée de Mme Anne Burel, greffier, a entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile.
Elle en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.
*****
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
Dans le cadre d'un démarchage par un représentant de la société Groupe Aixia, Mme [C] [D] a, suivant bon de commande du 20 octobre 2008, contracté avec cette société pour la fourniture et la pose de 3 panneaux photovoltaïques et d'un chauffe-eau solaire moyennant le prix de 8.600€.
Le même jour, Mme [D] a contracté un prêt de 8.100€ avec la société Sofinco.
Suivant exploit d'huissier du 21 février 2019, Mme [D] a fait citer la société Enertec France anciennement Aixia Tech, sur le fondement des articles 1792 du code civil, L.121-1 ancien du code de la consommation et R. 123-237 ancien du code de commerce, en condamnation au paiement de diverses sommes.
Par jugement du 19 décembre 2022 assorti de l'exécution provisoire de droit, le tribunal judiciaire de Gap a :
déclaré recevable l'action de Mme [D] à l'encontre de la société Enertec France,
rejeté la demande en prescription formée par la société Enertec France,
condamné la société Enertec France à payer à Mme [D] des dommages-intérêts de 1.000€ au titre de son préjudice de jouissance et de 2.000€ au titre de son préjudice moral,
débouté Mme [D] de sa demande au titre de son préjudice matériel,
condamné la société Enertec France à payer à Mme [D] une indemnité de procédure de 2.000€ et à supporter les dépens de l'instance.
Suivant déclaration du 1er juillet 2024, la société Enertec France a relevé appel de cette décision.
Par conclusions récapitulatives du 29 août 2025, la société Enertec France demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, de débouter Mme [D] de l'ensemble de ses demandes, de la condamner à lui restituer la somme de 6.654,14€ réglée en exécution de la décision déférée, outre des dommages-intérêts de 1.000€ en raison du préjudice résultant de l'exercice disproportionné des mesures d'exécution forcées mises en oeuvre par elle, ainsi qu'une indemnité de procédure de 3.000€ et à supporter les dépens de l'instance.
Elle explique que :
sur l'absence de contrat conclu avec elle
il n'existe pas de contrat de construction d'ouvrage la liant à Mme [D],
le bon de commande a été passé avec la société Aixia 26-07 et la facture a été émise par la société Aixia 05 qui a le même numéro de Siren que la société Aixia 26-07 et qui a modifié sa dénomination sociale,
la société Aixia 05 immatriculée 494 123 094 est radicalement différente d'elle-même qui est immatriculée 491 841 250,
c'est avec mauvaise foi que Mme [D] excipe d'une nébuleuse de sociétés,
c'est la société Aixia qui était la débitrice de Mme [D] mais cette société a été mise en liquidation judiciaire,
elle n'a jamais travaillé avec la société Sofinco comme en atteste son expert-comptable,
les explications de Mme [D] comme quoi elle serait intervenue en qualité de sous-traitante de la société Aixia France ne permettent pas de retenir qu'elle a conclu un contrat avec elle,
sur l'absence d'applicabilité de la responsabilité décennale
il n'est justifié d'aucune réception nécessaire à la mise en oeuvre des dispositions de l'article 1792 du code civil,
il n'est démontré aucune impropriété à usage en l'absence de tout élément de preuve alors que le principal problème évoqué est celui de l'implantation du chauffe-eau dans un garage non isolé,
la production tardive d'un devis de plombier sur l'état de l'installation en 2025 n'est pas probante puisque intervenue hors du délai de garantie,
sur l'abus de Mme [D] au titre de l'exécution forcée
l'article L.111-7 du code des procédures civiles d'exécution édicte un principe de proportionnalité dans l'exercice des voies d'exécution,
alors même que Mme [D] n'a procédé à la signification du jugement à partie que le 30 mai 2024, elle a mis en oeuvre la procédure d'exécution forcée dès le lendemain alors que le commandement aux fins de saisie-vente de cette même date lui laissait jusqu'au 8 juin 2024 pour régler les causes du jugement,
l'exercice d'une telle mesure d'exécution bloque totalement le fonctionnement de l'entreprise alors que le versement des salaires doit être effectué en début de mois.
Au dernier état de ses conclusions du 24 juillet 2025, Mme [D] demande à la cour de débouter la société Enertec France de l'ensemble de ses prétentions, confirmer le jugement déféré sauf sur le rejet de sa demande au titre de son préjudice matériel et sur le quantum des autres indemnisations et de condamner la société Enertec à lui payer les sommes de :
14.626,70€ au titre de son préjudice matériel avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,
15.000€ au titre du préjudice de jouissance,
15.000€ au titre du préjudice moral,
4.500€ d'indemnité de procédure, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance avec distraction.
Elle fait valoir que :
sur l'existence d'un contrat de louage liant les parties
il existe une véritable nébuleuse Aixia qui se décline en Aixia France, Aixia Tech, Aixia 26-07, Aixia 05, Aixia Eco Habitat, Pro Aixia, Aixia Méditerranée,
toutes ces sociétés avaient le même siège social et les mêmes parsonnes physiques qu'Aixia France et Aixia Tech,
elle produit :
le bon de commande du 20 octobre 2008 à l'entête Groupe Aixia portant le cachet Aixia 26-07 sans numéro de Siret,
la facture à la même date à l'entête Aixia 05, dénomination pourtant adoptée que le 1er janvier 2009, avec comme numéro de Siret 494 123 094 000 26 sans qu'aucune société ne soit répertoriée sous ce numéro et avec cachet et signature de la société Aixia Tech,
le bon de livraison du 10 novembre 2008 à l'entête d'Aixia 26 avec le même numéro de Siret pour une société n'ayant jamais existé,
un contrat de garantie à la simple entête Aixia sans numéro de Siret,
la confusion était voulue et entretenue dans le seul but de tromper le consommateur,
à cet égard, quand l'UFC Que Choisir écrivait à Aixia France, c'est Aixia Tech qui répondait,
elle était dès le départ dans l'incapacité de savoir avec quelle société elle contractait réellement,
l'argumentation adverse fait toujours preuve d'une faiblesse certaine, de sorte que le jugement déféré ne peut qu'être confirmé,
sur l'application de la garantie décennale
la société Enertec France ne se prévaut plus d'une prescription de son action,
elle conteste uniquement que les difficultés soient inhérentes à l'installation,
le professionnel de la construction est débiteur d'une obligation de conseil et aurait dû l'alerter sur les conditions de grand froid nuisant au bon fonctionnement de l'installation,
il est, en outre, établi que la production d'eau par l'énergie solaire est impossible en raison de plusieurs anomalies du système ainsi qu'il ressort du constat réalisé par M. [F], artisan-plombier chauffagiste,
sur l'absence d'abus concernant l'exécution forcée du jugement déféré
la notification à avocat a été réalisée le 23 août 2023 et elle a dû attendre une année,
la saisie-attribution porte sur une somme modeste.
La clôture de la procédure est intervenue le 2 septembre 2025.
MOTIFS
sur les demandes de Mme [D]
sur la conclusion d'un contrat avec la société Enertec
Au regard de l'existence de la multiplicité des sociétés Aixia France, Aixia Tech, Aixia 26-07, Aixia 05, Aixia Eco Habitat, Pro Aixia, Aixia Méditerranée, ayant le même siège social, le même dirigeant et un objet social portant sur des chauffe-eaux solaires, le tribunal a pu retenir, à bon droit, l'organisation d'un système visant à entretenir la confusion pour le consommateur.
En outre, l'apposition du cachet et d'une signature de la société Aixia Tech devenue Enertec France sur la facture du 20 octobre 2008 à entête d'Aixia 05 (dénomination pourtant non encore adoptée) avec la mention «'payé'» concernant le bon de commande du même jour passé par Mme [D] avec la société Groupe Aixia et cachet de l'agence Aixia 26-07, permet de retenir l'existence d'un contrat de louage au titre de l'installation de panneaux photovoltaïques et d'un chauffe-eau solaire entre la société Enertec France et Mme [D].
Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
sur la garantie décennale et l'obligation de conseil
L'article 1792 du code civil dispose que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un des éléments d'équipement le rendent impropre à sa destination.
Aux termes de l'article 1792-4-2 les actions en responsabilité se prescrivent par 10 ans.
La garantie légale de plein droit implique, comme condition préalable, l'existence d'une réception, laquelle fait partir le délai décennal.
Par application de l'article 1792-6 du code civil, la réception peut être expresse ou tacite.
La réception tacite est subordonnée à la démonstration de l'existence d'une volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de le recevoir.
En cause d'appel, la société Enertec France argumente uniquement sur le défaut de réception, alors que l'absence de réception expresse n'est nullement contestée et que se pose uniquement la question de la réception tacite, étant relevé que l'appelante ne discute plus la date d'une réception tacite.
La réception tacite des travaux au mois de mars 2009, évoquée dans divers courriers et jamais contestée par la société Enertec France, sera prise en compte pour faire partir le délai de la garantie décennale.
L'action de Mme [D] ayant été introduite le 21 février 2019, l'intimée est recevable en son action.
Pour répondre aux exigences de l'article 1792 du code civil, les travaux doivent être réalisés en vertu d'un contrat de louage d'ouvrage, ce qui a été précédemment retenu, avoir une nature immobilière, comme en l'espèce puisqu'il s'agit d'un élément d'équipement d'une maison d'habitation, et relever de la construction.
Concernant ce dernier point, les travaux complexes d'installation de panneaux photovoltaïques et de raccordement du chauffe-eau sont des travaux faisant appel aux techniques du bâtiment dont font partie les travaux de plomberie.
S'agissant de dommages affectant un élément d'équipement, il convient de rechercher si les désordres portent atteinte à la destination de l'immeuble ou à la destination de l'ouvrage lui même.
En l'espèce, hormis l'attestation de dernière minute du 12 mai 2025 produite par Mme [D] selon laquelle la production d'eau est impossible par énergie solaire du fait d'un mauvais cheminement hydraulique, des éléments défectueux ( non déterminés au demeurant) et de l'absence totale de caloporteur dans l'installation, l'intimée a, depuis l'installation jusqu'à cette attestation, uniquement incriminé le choix du lieu d'installation du chauffe-eau, à savoir un garage non isolé, non chauffé et exposé au nord, rendant impossible en période de grand froid la production d'eau chaude par voie solaire.
Cette dernière attestation tardive, insuffisamment précise et non corroborée par d'autres éléments, n'est pas de nature à démontrer l'existence de désordre et une impropriété à destination du chauffe-eau.
Dès lors, Mme [D], qui d'ailleurs demande une indemnisation tenant à la seule isolation de son immeuble et non à une remise en état ou à un remplacement du chauffe-eau, ne caractérise pas l'existence d'un désordre caché à la réception, affectant un ouvrage relevant de garantie décennale.
Mme [D] invoque également un manquement au devoir de conseil relevant de la garantie décennale sans que la société Enertec n'ait conclu sur ce point.
Le professionnel de la construction est tenu d'un devoir de conseil et doit éclairer son client, profane en la matière, sur tous les aspects techniques de l'opération.
En phase précontractuelle, le professionnel doit, notamment, informer son client sur la faisabilité du projet et les contraintes techniques et, pendant l'exécution des travaux, sur les modifications indispensables pour atteindre les objectifs du client et un bon fonctionnement.
Si un manquement à l'obligation de conseil est directement à l'origine d'un désordre de nature décennale, la garantie décennale peut être mobilisée.
En revanche, le manquement au devoir de conseil ne relève pas de la garantie décennale lorsqu'il n'a pas causé de dommages à l'ouvrage mais a privé le maître de l'ouvrage d'une chance de prendre une décision éclairée.
En l'espèce, s'il est constant que la production d'eau chaude par voie solaire est ponctuellement impossible dans les régions soumises à des températures hivernales négatives importantes comme dans le département des Hautes Alpes, il n'est démontré aucune désordre affectant le chauffe-eau litigieux.
Le manquement au devoir de conseil en l'absence de dommages à l'ouvrage, ce qui est le cas de l'espèce, est sanctionné sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun soumise au délai de prescription quinquennale, fondement non visé par Mme [D].
Ainsi, le jugement déféré doit être infirmé et Mme [D] déboutée de l'ensemble de ses demandes comme ne relevant pas de la garantie décennale.
L'infirmation de la décision entreprise implique la restitution des sommes acquittées au titre de l'exécution provisoire assortissant le jugement déféré, sans qu'il soit besoin d'y condamner Mme [D].
sur la demande en dommages-intérêts de la société Enertec
Au regard de la modicité, pour une entreprise, de la somme ayant fait l'objet de l'exécution forcée par Mme [D] de la décision entreprise, la société Enertec France ne démontre pas de préjudice et doit être déboutée de sa demande en dommages-intérêts de ce chef.
sur les mesures accessoires
Aucune considération d'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, tant en première instance qu'en appel.
Enfin, les entiers dépens de la procédure seront supportés par Mme [D] et les mesures accessoires de première instance infirmées en conséquence.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement déféré sur l'existence d'un contrat passé entre Mme [C] [D] et la société Enertec France ainsi que sur la recevabilité de l'action introduite par Mme [C] [D] au titre de la garantie décennale,
L'infirme pour le surplus,
Déboute Mme [C] [D] de sa demande en condamnation de la société Enertec France à lui payer diverses sommes,
Y ajoutant,
Déboute la société Enertec France de sa demande en dommages-intérêts au titre de l'exécution forcée de la décision déférée,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [C] [D] aux dépens de la procédure tant de première instance qu'en cause d'appel.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de la procédure civile,
Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
N° Portalis DBVM-V-B7I-MKDP
C2
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE-CHAMBÉRY
la SELARL ALPAZUR AVOCATS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
Chambre civile section A
ARRÊT DU MARDI 28 OCTOBRE 2025
Appel d'une décision (N° RG 19/00190)
rendue par le tribunal judiciaire de Gap
en date du 19 décembre 2022
suivant déclaration d'appel du 01 juillet 2024
APPELANTE :
S.A.R.L. ENERTEC FRANCE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 5]
[Localité 2]
représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE-CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉE :
Mme [C] [D]
née le 04 août 1943 à [Localité 4]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Me Nicolas WIERZBINSKI de la SELARL ALPAZUR AVOCATS, avocat au barreau de HAUTES-ALPES
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Catherine Clerc, président de chambre,
Mme Joëlle Blatry, conseiller,
Mme Raphaële Faivre, conseiller,
DÉBATS :
A l'audience publique du 9 septembre 2025, Mme Blatry, conseiller chargé du rapport, assistée de Mme Anne Burel, greffier, a entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile.
Elle en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.
*****
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
Dans le cadre d'un démarchage par un représentant de la société Groupe Aixia, Mme [C] [D] a, suivant bon de commande du 20 octobre 2008, contracté avec cette société pour la fourniture et la pose de 3 panneaux photovoltaïques et d'un chauffe-eau solaire moyennant le prix de 8.600€.
Le même jour, Mme [D] a contracté un prêt de 8.100€ avec la société Sofinco.
Suivant exploit d'huissier du 21 février 2019, Mme [D] a fait citer la société Enertec France anciennement Aixia Tech, sur le fondement des articles 1792 du code civil, L.121-1 ancien du code de la consommation et R. 123-237 ancien du code de commerce, en condamnation au paiement de diverses sommes.
Par jugement du 19 décembre 2022 assorti de l'exécution provisoire de droit, le tribunal judiciaire de Gap a :
déclaré recevable l'action de Mme [D] à l'encontre de la société Enertec France,
rejeté la demande en prescription formée par la société Enertec France,
condamné la société Enertec France à payer à Mme [D] des dommages-intérêts de 1.000€ au titre de son préjudice de jouissance et de 2.000€ au titre de son préjudice moral,
débouté Mme [D] de sa demande au titre de son préjudice matériel,
condamné la société Enertec France à payer à Mme [D] une indemnité de procédure de 2.000€ et à supporter les dépens de l'instance.
Suivant déclaration du 1er juillet 2024, la société Enertec France a relevé appel de cette décision.
Par conclusions récapitulatives du 29 août 2025, la société Enertec France demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, de débouter Mme [D] de l'ensemble de ses demandes, de la condamner à lui restituer la somme de 6.654,14€ réglée en exécution de la décision déférée, outre des dommages-intérêts de 1.000€ en raison du préjudice résultant de l'exercice disproportionné des mesures d'exécution forcées mises en oeuvre par elle, ainsi qu'une indemnité de procédure de 3.000€ et à supporter les dépens de l'instance.
Elle explique que :
sur l'absence de contrat conclu avec elle
il n'existe pas de contrat de construction d'ouvrage la liant à Mme [D],
le bon de commande a été passé avec la société Aixia 26-07 et la facture a été émise par la société Aixia 05 qui a le même numéro de Siren que la société Aixia 26-07 et qui a modifié sa dénomination sociale,
la société Aixia 05 immatriculée 494 123 094 est radicalement différente d'elle-même qui est immatriculée 491 841 250,
c'est avec mauvaise foi que Mme [D] excipe d'une nébuleuse de sociétés,
c'est la société Aixia qui était la débitrice de Mme [D] mais cette société a été mise en liquidation judiciaire,
elle n'a jamais travaillé avec la société Sofinco comme en atteste son expert-comptable,
les explications de Mme [D] comme quoi elle serait intervenue en qualité de sous-traitante de la société Aixia France ne permettent pas de retenir qu'elle a conclu un contrat avec elle,
sur l'absence d'applicabilité de la responsabilité décennale
il n'est justifié d'aucune réception nécessaire à la mise en oeuvre des dispositions de l'article 1792 du code civil,
il n'est démontré aucune impropriété à usage en l'absence de tout élément de preuve alors que le principal problème évoqué est celui de l'implantation du chauffe-eau dans un garage non isolé,
la production tardive d'un devis de plombier sur l'état de l'installation en 2025 n'est pas probante puisque intervenue hors du délai de garantie,
sur l'abus de Mme [D] au titre de l'exécution forcée
l'article L.111-7 du code des procédures civiles d'exécution édicte un principe de proportionnalité dans l'exercice des voies d'exécution,
alors même que Mme [D] n'a procédé à la signification du jugement à partie que le 30 mai 2024, elle a mis en oeuvre la procédure d'exécution forcée dès le lendemain alors que le commandement aux fins de saisie-vente de cette même date lui laissait jusqu'au 8 juin 2024 pour régler les causes du jugement,
l'exercice d'une telle mesure d'exécution bloque totalement le fonctionnement de l'entreprise alors que le versement des salaires doit être effectué en début de mois.
Au dernier état de ses conclusions du 24 juillet 2025, Mme [D] demande à la cour de débouter la société Enertec France de l'ensemble de ses prétentions, confirmer le jugement déféré sauf sur le rejet de sa demande au titre de son préjudice matériel et sur le quantum des autres indemnisations et de condamner la société Enertec à lui payer les sommes de :
14.626,70€ au titre de son préjudice matériel avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,
15.000€ au titre du préjudice de jouissance,
15.000€ au titre du préjudice moral,
4.500€ d'indemnité de procédure, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance avec distraction.
Elle fait valoir que :
sur l'existence d'un contrat de louage liant les parties
il existe une véritable nébuleuse Aixia qui se décline en Aixia France, Aixia Tech, Aixia 26-07, Aixia 05, Aixia Eco Habitat, Pro Aixia, Aixia Méditerranée,
toutes ces sociétés avaient le même siège social et les mêmes parsonnes physiques qu'Aixia France et Aixia Tech,
elle produit :
le bon de commande du 20 octobre 2008 à l'entête Groupe Aixia portant le cachet Aixia 26-07 sans numéro de Siret,
la facture à la même date à l'entête Aixia 05, dénomination pourtant adoptée que le 1er janvier 2009, avec comme numéro de Siret 494 123 094 000 26 sans qu'aucune société ne soit répertoriée sous ce numéro et avec cachet et signature de la société Aixia Tech,
le bon de livraison du 10 novembre 2008 à l'entête d'Aixia 26 avec le même numéro de Siret pour une société n'ayant jamais existé,
un contrat de garantie à la simple entête Aixia sans numéro de Siret,
la confusion était voulue et entretenue dans le seul but de tromper le consommateur,
à cet égard, quand l'UFC Que Choisir écrivait à Aixia France, c'est Aixia Tech qui répondait,
elle était dès le départ dans l'incapacité de savoir avec quelle société elle contractait réellement,
l'argumentation adverse fait toujours preuve d'une faiblesse certaine, de sorte que le jugement déféré ne peut qu'être confirmé,
sur l'application de la garantie décennale
la société Enertec France ne se prévaut plus d'une prescription de son action,
elle conteste uniquement que les difficultés soient inhérentes à l'installation,
le professionnel de la construction est débiteur d'une obligation de conseil et aurait dû l'alerter sur les conditions de grand froid nuisant au bon fonctionnement de l'installation,
il est, en outre, établi que la production d'eau par l'énergie solaire est impossible en raison de plusieurs anomalies du système ainsi qu'il ressort du constat réalisé par M. [F], artisan-plombier chauffagiste,
sur l'absence d'abus concernant l'exécution forcée du jugement déféré
la notification à avocat a été réalisée le 23 août 2023 et elle a dû attendre une année,
la saisie-attribution porte sur une somme modeste.
La clôture de la procédure est intervenue le 2 septembre 2025.
MOTIFS
sur les demandes de Mme [D]
sur la conclusion d'un contrat avec la société Enertec
Au regard de l'existence de la multiplicité des sociétés Aixia France, Aixia Tech, Aixia 26-07, Aixia 05, Aixia Eco Habitat, Pro Aixia, Aixia Méditerranée, ayant le même siège social, le même dirigeant et un objet social portant sur des chauffe-eaux solaires, le tribunal a pu retenir, à bon droit, l'organisation d'un système visant à entretenir la confusion pour le consommateur.
En outre, l'apposition du cachet et d'une signature de la société Aixia Tech devenue Enertec France sur la facture du 20 octobre 2008 à entête d'Aixia 05 (dénomination pourtant non encore adoptée) avec la mention «'payé'» concernant le bon de commande du même jour passé par Mme [D] avec la société Groupe Aixia et cachet de l'agence Aixia 26-07, permet de retenir l'existence d'un contrat de louage au titre de l'installation de panneaux photovoltaïques et d'un chauffe-eau solaire entre la société Enertec France et Mme [D].
Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
sur la garantie décennale et l'obligation de conseil
L'article 1792 du code civil dispose que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un des éléments d'équipement le rendent impropre à sa destination.
Aux termes de l'article 1792-4-2 les actions en responsabilité se prescrivent par 10 ans.
La garantie légale de plein droit implique, comme condition préalable, l'existence d'une réception, laquelle fait partir le délai décennal.
Par application de l'article 1792-6 du code civil, la réception peut être expresse ou tacite.
La réception tacite est subordonnée à la démonstration de l'existence d'une volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de le recevoir.
En cause d'appel, la société Enertec France argumente uniquement sur le défaut de réception, alors que l'absence de réception expresse n'est nullement contestée et que se pose uniquement la question de la réception tacite, étant relevé que l'appelante ne discute plus la date d'une réception tacite.
La réception tacite des travaux au mois de mars 2009, évoquée dans divers courriers et jamais contestée par la société Enertec France, sera prise en compte pour faire partir le délai de la garantie décennale.
L'action de Mme [D] ayant été introduite le 21 février 2019, l'intimée est recevable en son action.
Pour répondre aux exigences de l'article 1792 du code civil, les travaux doivent être réalisés en vertu d'un contrat de louage d'ouvrage, ce qui a été précédemment retenu, avoir une nature immobilière, comme en l'espèce puisqu'il s'agit d'un élément d'équipement d'une maison d'habitation, et relever de la construction.
Concernant ce dernier point, les travaux complexes d'installation de panneaux photovoltaïques et de raccordement du chauffe-eau sont des travaux faisant appel aux techniques du bâtiment dont font partie les travaux de plomberie.
S'agissant de dommages affectant un élément d'équipement, il convient de rechercher si les désordres portent atteinte à la destination de l'immeuble ou à la destination de l'ouvrage lui même.
En l'espèce, hormis l'attestation de dernière minute du 12 mai 2025 produite par Mme [D] selon laquelle la production d'eau est impossible par énergie solaire du fait d'un mauvais cheminement hydraulique, des éléments défectueux ( non déterminés au demeurant) et de l'absence totale de caloporteur dans l'installation, l'intimée a, depuis l'installation jusqu'à cette attestation, uniquement incriminé le choix du lieu d'installation du chauffe-eau, à savoir un garage non isolé, non chauffé et exposé au nord, rendant impossible en période de grand froid la production d'eau chaude par voie solaire.
Cette dernière attestation tardive, insuffisamment précise et non corroborée par d'autres éléments, n'est pas de nature à démontrer l'existence de désordre et une impropriété à destination du chauffe-eau.
Dès lors, Mme [D], qui d'ailleurs demande une indemnisation tenant à la seule isolation de son immeuble et non à une remise en état ou à un remplacement du chauffe-eau, ne caractérise pas l'existence d'un désordre caché à la réception, affectant un ouvrage relevant de garantie décennale.
Mme [D] invoque également un manquement au devoir de conseil relevant de la garantie décennale sans que la société Enertec n'ait conclu sur ce point.
Le professionnel de la construction est tenu d'un devoir de conseil et doit éclairer son client, profane en la matière, sur tous les aspects techniques de l'opération.
En phase précontractuelle, le professionnel doit, notamment, informer son client sur la faisabilité du projet et les contraintes techniques et, pendant l'exécution des travaux, sur les modifications indispensables pour atteindre les objectifs du client et un bon fonctionnement.
Si un manquement à l'obligation de conseil est directement à l'origine d'un désordre de nature décennale, la garantie décennale peut être mobilisée.
En revanche, le manquement au devoir de conseil ne relève pas de la garantie décennale lorsqu'il n'a pas causé de dommages à l'ouvrage mais a privé le maître de l'ouvrage d'une chance de prendre une décision éclairée.
En l'espèce, s'il est constant que la production d'eau chaude par voie solaire est ponctuellement impossible dans les régions soumises à des températures hivernales négatives importantes comme dans le département des Hautes Alpes, il n'est démontré aucune désordre affectant le chauffe-eau litigieux.
Le manquement au devoir de conseil en l'absence de dommages à l'ouvrage, ce qui est le cas de l'espèce, est sanctionné sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun soumise au délai de prescription quinquennale, fondement non visé par Mme [D].
Ainsi, le jugement déféré doit être infirmé et Mme [D] déboutée de l'ensemble de ses demandes comme ne relevant pas de la garantie décennale.
L'infirmation de la décision entreprise implique la restitution des sommes acquittées au titre de l'exécution provisoire assortissant le jugement déféré, sans qu'il soit besoin d'y condamner Mme [D].
sur la demande en dommages-intérêts de la société Enertec
Au regard de la modicité, pour une entreprise, de la somme ayant fait l'objet de l'exécution forcée par Mme [D] de la décision entreprise, la société Enertec France ne démontre pas de préjudice et doit être déboutée de sa demande en dommages-intérêts de ce chef.
sur les mesures accessoires
Aucune considération d'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, tant en première instance qu'en appel.
Enfin, les entiers dépens de la procédure seront supportés par Mme [D] et les mesures accessoires de première instance infirmées en conséquence.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement déféré sur l'existence d'un contrat passé entre Mme [C] [D] et la société Enertec France ainsi que sur la recevabilité de l'action introduite par Mme [C] [D] au titre de la garantie décennale,
L'infirme pour le surplus,
Déboute Mme [C] [D] de sa demande en condamnation de la société Enertec France à lui payer diverses sommes,
Y ajoutant,
Déboute la société Enertec France de sa demande en dommages-intérêts au titre de l'exécution forcée de la décision déférée,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [C] [D] aux dépens de la procédure tant de première instance qu'en cause d'appel.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de la procédure civile,
Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE