CA Toulouse, 1re ch. sect. 1, 22 octobre 2025, n° 23/00852
TOULOUSE
Arrêt
Autre
22/10/2025
ARRÊT N° 25/ 403
N° RG 23/00852 -
N° Portalis DBVI-V-B7H-PJVN
AMR - SC
Décision déférée du 01 Mars 2023
TC de MONTAUBAN - 2019/140
A. PECOU
CONFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le 22/10/2025
à
Me Arnaud GONZALEZ
Me Jean-David BASCUGNANA
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
1ere Chambre Section 1
***
ARRÊT DU VINGT DEUX OCTOBRE DEUX MILLE VINGT CINQ
***
APPELANTE
S.A.S. SALGA CONSTRUCTIONS
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Arnaud GONZALEZ de l'ASSOCIATION CABINET DECHARME, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE
INTIMEE
S.A. ALAIN DOMINIQUE PERRIN
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Jean-David BASCUGNANA, avocat au barreau de TOULOUSE
PARTIE INTERVENANTE VOLONTAIRE
S.C.E.V. [Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 2]
Représentée par Me Jean-David BASCUGNANA, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 10 février 2025 en audience publique, devant la cour composée de :
M. DEFIX, président
A.M ROBERT, conseillère
S. LECLERCQ, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffière : lors des débats M. POZZOBON
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après avis aux parties
- signé par M. DEFIX, président et par M. POZZOBON, greffière
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
La Société civile d'exploitation viticole (Scev) [Adresse 8] a confié à la Sas Salga Constructions des travaux de rénovation de son bien immobilier situé [Adresse 7] à [Localité 6], concernant une maison d'habitation en ruine avec terrain attenant et dépendances. Les travaux portaient sur la rénovation d'une maison de 107 m2 ainsi que sur la construction d'une extension et d'une surélévation sur 395 m2.
Le 7 juin 2011, un devis portant sur des travaux de gros-oeuvre, charpente, couverture et assainissement a été établi pour un montant de 638 270,01 € Ttc.
Les travaux ont débuté en septembre 2011 et se sont étalés sur plusieurs années.
Le 3 mai 2012, un avenant a été passé portant le marché à 665 772,63 €.
Selon acte du 9 juin 2017, reçu par maître [H], notaire à [Localité 6], la Scev [Adresse 8] a consenti à la Sa Alain Dominique Perrin un bail emphytéotique portant sur le bien immobilier, objet du présent litige.
Divers travaux ont été confiés à la Sas Salga Constructions par la Sa Alain Dominique Perrin dans les années 2017 et 2018.
Par acte d'huissier du 12 septembre 2019 la Sa Alain Dominique Perrin a fait assigner la Sas Salga Constructions devant le tribunal de commerce de Montauban, faisant état de désordres et de divers préjudices.
Par jugement du 30 septembre 2020 le tribunal de commerce de Montauban a ordonné une expertise judiciaire confiée à M. [Z] avec provision sur les honoraires de l'expert fixée à la charge de la Sa Alain Dominique Perrin et a sursis à statuer sur toutes les autres demandes.
Par ordonnance du 16 février 2021, le tribunal de commerce de Montauban a ordonné le versement d'une provision complémentaire à la charge de la Sa Alain Dominique Perrin.
En l'absence de ce versement complémentaire, M. [Z] a été autorisé à déposer son rapport en l'état, ce qu'il a fait le 24 novembre 2021.
Le 20 juillet 2022, la Sas Salga Constructions a sollicité la réinscription de l'affaire au rôle.
La Scev [Adresse 8] est intervenue volontairement à l'instance.
Par jugement du 1er mars 2023, le tribunal de commerce de Montauban, au visa des articles 1792 et suivants du code civil, a :
'dit que la Sas Salga Constructions est responsable des désordres constatés relativement aux malfaçons d'exécution des travaux de couverture/zinguerie qu'elle a réalisés, et est donc redevable de sa garantie au titre du régime édicté par les articles 1792 et suivants du code civil,
'constaté que, la Sa Alain Dominique Perrin n'ayant pas procédé au versement de la provision complémentaire ordonné dans le cadre de la mission d'expertise, l'expert n'a que très partiellement répondu et, hormis la responsabilité des désordres qu'il a imputés à la Sas Salga Constructions pour les travaux de couverture/zinguerie, n'a pu ni évaluer le chiffrage des travaux, ni celui des préjudices, ni faire les comptes entre les parties,
En conséquence,
'débouté la Sa Alain Dominique Perrin de la totalité de ses demandes au titre de l'indemnisation des préjudices,
'débouté la Sas Salga Constructions de sa demande reconventionnelle,
'débouté la Sas Alain Dominique Perrin Sa de la totalité de ses autres demandes,
'débouté la Sas Salga Constructions de la totalité de ses autres demandes,
'dit que les dépens, dont ceux d'expertise, seront partagés par moitié par les parties,
'frais de greffe du présent jugement liquidés à la somme de 89,66 euros toutes taxes comprises.
Par acte du 9 mars 2023, la Sas Salga Constructions a interjeté appel de cette décision en ce qu'elle a :
'dit que la Sas Salga Construction est responsable des désordres constatés relativement aux malfaçons d'exécution des travaux de couverture/zinguerie qu'elle a réalisés, et est donc redevable de sa garantie au titre du régime édicté par les articles 1792 et suivants du code civil,
'débouté la Sas Salga Construction de sa demande reconventionnelle,
'débouté la Sas Salga Construction de la totalité des autres demandes,
'dit que les dépens, dont ceux d'expertise, seront partagés par moitié par les parties, en intimant la Sa Dominique Perrin.
EXPOSE DE PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 11 septembre 2023, la Sas Salga Constructions, appelante, demande à la cour, de :
'débouter les sociétés Alain Dominique Perrin et [Adresse 8] de l'intégralité de leurs prétentions,
'réformer jugement du Tribunal de commerce de Montauban en date du 1er mars 2023 en ce qu'il a :
' dit que la société Salga Constructions était responsable des désordres constatés relativement malfaçons d'exécution des travaux de couverture/zinguerie qu'elle avait réalisés, et donc redevable de sa garantie au titre du régime édicté par les articles 1792 et suivants du code civil,
' débouté la Sas Salga Constructions de sa demande reconventionnelle,
' débouté la Sas Salga Constructions de la totalité de ses autres demandes,
' dit que les dépens, dont ceux d'expertise, seraient partagés par moitié,
Statuant à nouveau de ces chefs,
'débouter la société Alain Dominique Perrin de l'ensemble de ses demandes contre la société Salga Constructions que ce soit sur le fondement de la garantie décennale ou sur celui de sa responsabilité contractuelle,
'condamner la société Alain Dominique Perrin SA à lui payer la somme principale de 93 491,44 euros,
'condamner la société Alain Dominique Perrin SA à lui payer la somme principale de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700, alinéa 1er du code de procédure civile,
'condamner la société Alain Dominique Perrin SA aux entiers dépens, dont ceux d'expertise et de greffe,
'ordonner la capitalisation des intérêts échus pour une année entière,
Y ajoutant,
'condamner la société Alain Dominique Perrin SA à lui payer la somme principale de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700, alinéa 1er du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel,
'condamner la société Alain Dominique Perrin SA aux dépens d'appel et ordonner leur recouvrement par le conseil de la concluante selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 17 août 2023, la Sa Alain Dominique Perrin, intimée et sur appel incident, et la Scev [Adresse 8], intervenante volontaire, demandent à la cour de :
'débouter la société Salga Construction de l'ensemble de ses demandes,
'confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a jugé que la Sa Alain Dominique Perrin est fondée à agir sur le fondement des garanties légales et contractuelles à l'encontre de la Société Salga Construction,
En conséquence
'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :
' débouté la Sa Alain Dominique Perrin de la totalité de ses demandes au titre de l'indemnisation des préjudices,
' débouté la Sa Alain Dominique Perrin de la totalité de ses autres demandes,
' dit que les dépens, dont ceux d'expertise, seront partagés par moitié.
Statuant à nouveau,
'condamner la société Salga Construction à lui payer la somme de 70 000 euros au titre de la perte subie liée au coût que représentent les travaux de réparation rendus nécessaires du fait des malfaçons constatés sur les travaux réalisés initialement par la société Salga Construction et dont elle doit répondre sur le fondement de sa responsabilité contractuelle,
'condamner la société Salga Construction à lui payer la somme de 50 000 euros au titre de la perte subie liée au coût que représente le coût de mise à disposition de salariés de la Scev [Adresse 8] rendue nécessaire par le besoin de suivi et de gestion du chantier compte-tenu de la désorganisation liée aux malfaçons constatées sur les travaux réalisés initialement par la société Salga Construction et dont elle doit répondre sur le fondement de sa responsabilité contractuelle,
'condamner la société Salga Construction à lui payer la somme de 55 000 euros au titre du gain manqué lié à l'absence de revenus locatifs depuis mai 2018 causé par le retard de livraison du chantier du fait des malfaçons constatés sur les travaux réalisés initialement par la société Salga Construction et dont elle doit répondre sur le fondement de sa responsabilité contractuelle,
Subsidiairement et si par impossible la Cour devait considérer que la Sa Alain Dominique Perrin n'est pas fondée à agir sur le fondement des garanties légales et contractuelles à l'encontre de Salga Construction,
'juger que la faute commise par la société Salga Construction dans l'exécution de son contrat cause un préjudice à la société Adp,
En conséquence,
'condamner la société Salga Construction au paiement de la somme de 70 000 euros à la société Alain Dominique Perrin S.A au titre de la perte subie liée au coût que représentent les travaux de réparation rendus nécessaires du fait des malfaçons constatés sur les travaux réalisées initialement par la société Salga Construction et dont elle doit répondre sur le fondement de sa responsabilité contractuelle,
'condamner la société SALGA Construction au paiement de la somme de 50 000 euros à la société Alain Dominique Perrin S.A au titre de la perte subie liée au coût que représente le coût de mise à disposition de salariés de la Scev [Adresse 8] rendue nécessaire par le besoin de suivi et de gestion du chantier compte-tenu de la désorganisation liée aux malfaçons constatés sur les travaux réalisées initialement par la société Salga Construction et dont elle doit répondre sur le fondement de sa responsabilité contractuelle,
'condamner la société Salga Construction au paiement de la somme de 55 000 euros à la société Alain Dominique Perrin SA au titre du gain manqué lié à l'absence de revenus locatifs depuis mai 2018 causé par le retard de livraison du chantier du fait des malfaçons constatés sur les travaux réalisées initialement par la société Salga Construction et dont elle doit répondre sur le fondement de sa responsabilité contractuelle,
Très subsidiairement et si par impossible la Cour devait considérer que seule la Scev [Adresse 8] est fondée à agir à l'encontre de la Société Salga Construction,
'donner acte à la Scev [Adresse 8] de son intervention volontaire,
'juger que la Société Salga Construction a commis une faute dans l'exécution du contrat de nature à engager sa responsabilité tant à l'égard de la Scev [Adresse 8] que de la société Alain Dominique Perrin,
Subsidiairement,
'juger que les désordres sont de nature décennale,
'juger que la responsabilité de la société Salga Construction est engagée,
En conséquence,
'condamner la société Salga Construction au paiement de la somme de 70 000 euros à la Scev [Adresse 8] au titre de la perte subie liée au coût que représentent les travaux de réparation rendus nécessaires du fait des malfaçons constatés sur les travaux réalisées initialement par la société Salga Construction et dont elle doit répondre sur le fondement de sa responsabilité contractuelle,
'condamner la société Salga Construction au paiement de la somme de 50 000 euros à la société Alain Dominique Perrin S.A au titre de la perte subie liée au coût que représente le coût de mise à disposition de salariés de la Scev [Adresse 8] rendue nécessaire par le besoin de suivi et de gestion du chantier compte-tenu de la désorganisation liée aux malfaçons constatés sur les travaux réalisées initialement par la société Salga Construction et dont elle doit répondre sur le fondement de sa responsabilité contractuelle,
'condamner la société Salga Construction au paiement de la somme de 55 000 euros à la société Alain Dominique Perrin SA au titre du gain manqué lié à l'absence de revenus locatifs depuis mai 2018 causé par le retard de livraison du chantier du fait des malfaçons constatés sur les travaux réalisées initialement par la société Salga Construction et dont elle doit répondre sur le fondement de sa responsabilité contractuelle,
En toutes hypothèses,
'condamner la société Salga Constructions au paiement de la somme de 6 000 euros à la société Alain Dominique Perrin SA en application de l'article 700 du code de procédure civile,
'condamner la société Salga Constructions aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 janvier 2025 et l'affaire a été examinée à l'audience du 10 février 2025 à 14h.
MOTIFS DE LA DECISION
1-La demande principale
1-1 La Sa Alain Dominique Perrin fonde sa demande sur la responsabilité contractuelle du constructeur et subsidiairement sur sa responsabilité décennale.
Elle soutient que les désordres affectant la couverture et la maçonnerie ont été décelés dans le cadre de deux visites « de contrôle et d'expertise technique du site en vue de la réception des travaux » réalisées les 26 novembre et 22 décembre 2018 et confirmés par un rapport d'expertise privée rédigé par la société Bat-Eco le 24 décembre 2018 ainsi que par l'expertise judiciaire et un constat d'huissier du 1er février 2021.
Il ressort des devis des 7 juin 2011 et 3 mai 2012, des factures éditées entre le 27 juin 2011 et le 13 janvier 2015 et des divers comptes rendus de chantier établis entre le 26 novembre 2011 et le 7 avril 2014 que les travaux de gros-oeuvre-charpente-couverture-Vrd ont été confiés par la Scev [Adresse 8] à la Sas Salga Constructions, l'ensemble des devis et facture étant établis à son seul nom et les comptes rendus de chantier la désignant comme maître d'ouvrage. L'expert judiciaire fait état d'une déclaration d'achèvement des travaux déposée le 19 décembre 2016.
Ces éléments sont confirmés par les stipulations du bail emphytéotique en page 2 :
-« L'emphytéote se propose de réaliser à ses frais des travaux d'aménagements intérieurs et paysagers à l'extérieur d'une maison d'habitation en pierre existante »,
-« Le bailleur a obtenu en date du 15 décembre 2008 un permis de construire suivant arrêté de la ville de [Localité 6] en date du 15 décembre 2008 sous le no PC 0460420890097. Une déclaration d'achèvement et de conformité des travaux a été déposée en date du 10 mars 2017 à la mairie de [Localité 6]. ».
Pour cette première phase de travaux portant sur la réhabilitation de la maison existante (démolitions, construction, charpente couverture et assainissement), le maître de l'ouvrage était la Scev [Adresse 8] et ces travaux se sont achevés au plus tard le 10 mars 2017 sans qu'à cette date un quelconque désordre n'ait été constaté, étant précisé qu'il ressort des écritures de la Sas Salga Constructions qu'aucune somme n'est réclamée au titre de cette première phase de travaux.
Il en résulte que le maître de l'ouvrage, en déposant une déclaration d'achèvement et de conformité des travaux et en réglant la totalité des factures afférentes à cette première phase de travaux a exprimé de manière non équivoque sa volonté de recevoir les travaux.
Les désordres constatés par l'expert judiciaire sont des infiltrations d'eau par la couverture qu'il impute à des malfaçons d'exécution des travaux de couverture/zinguerie réalisés par la Sas Salga Constructions qu'il détaille ainsi :
«-Toiture sur CH 3, CH 4, CH 6 : les mortiers de scellement des tuiles de faîtage et arêtiers sont fissurés, altérés et infiltrants avec tuiles qui se décollent ; les faîtages et arêtiers sont montés sans cassons de tuiles intermédiaires permettant de réduire les épaisseurs d'embarrure de mortier de scellement, exposées au phénomène de dilatation, de vieillissement et de fissurations au fil des ans,
- Toiture sur SAM et Buanderie : jonction rive de tête zinc ou couloir zinc/ mur héberge infiltrants (engravure du zinc exposée avec absence de jointoiements des pierres du mur extérieur)
- Toiture sur SAM : bande de solin en zinc insuffisamment recouvrante de la 1ère tuile avec
siphonnage d'eau de pluie possible ».
Il a aussi relevé l'existence de plaques sous tuiles fissurées mais a estimé que le phénomène étant isolé et minime il ne relevait pas de malfaçons de pose de plaques mais était peut-être la conséquence de plaque fragilisées lors de leur manipulation et mise en place et/ou de passage d'hommes sur les toitures ou après la fin du chantier.
Les infiltrations par la couverture apparues postérieurement à la réception tacite intervenue le 10 mars 2017 et compromettant la solidité de l'ouvrage sont des désordres de nature décennale imputable à la Sas Salga Constructions qui doit sa garantie décennale.
1-2 Bien qu'aucune irrecevabilité pour défaut de qualité à agir ne soit mentionnée dans le dispositif des dernières écritures du constructeur, il doit être rappelé qu'il résulte des dispositions des articles L 451-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime que le bail emphytéotique est une convention par laquelle le bailleur transfère au preneur, pour une durée supérieure à dix-huit ans et pouvant aller jusqu'à quatre-vingt-dix-neuf ans, la charge de l'entretien et de la valorisation d'un patrimoine immobilier en conférant à celui-ci un droit réel, cessible, saisissable et susceptible d'hypothèque lui permettant notamment, sauf clause contraire, de profiter de l'accession pendant la durée de l'emphytéose et d'acquérir au profit du fonds des servitudes actives et de les grever, par titres, de servitudes passives, pour un temps n'excédant pas la durée du bail, en contrepartie de l'accession sans indemnité en fin de bail de tous travaux et améliorations réalisés par le preneur au profit du bailleur.
Sauf stipulation contraire, le preneur est tenu de toutes les contributions et charges de l'héritage et des réparations de toute nature tant en ce qui concerne les constructions existant au moment du bail que celles qui auront été élevées en exécution de la convention, mais il n'est pas obligé de reconstruire les bâtiments détruits par cas fortuit, force majeure, ou par un vice de construction antérieur au bail.
Ainsi, compte tenu de son objet, sauf stipulation contraire, l'emphytéose emporte, par elle-même, dès l'entrée en jouissance par l'effet du bail et pendant toute la durée de celui-ci, transfert du bailleur au preneur des actions en garantie décennale et en réparation à raison des désordres affectant les ouvrages donnés à bail.
La Sa Alain Dominique Perrin ayant conclu le 9 juin 2017 un bail emphytéotique portant sur l'immeuble situé [Adresse 7] à [Localité 6], elle a, depuis cette date, et en l'absence de clause réservant au bailleur l'action en garantie décennale concernant les ouvrages existant au moment du bail, qualité à agir sur ce fondement.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que la Sas Salga Constructions doit sa garantie décennale à la Sa Alain Dominique Perrin.
1-3 Aux termes du dispositif de ses dernières écritures la Sa Alain Dominique Perrin demande la somme de 70 000 € aux titre des travaux de reprise, celle de 50 000 € au titre du coût de la mise à disposition par la Scev La Grezette de deux salariés, Mme [K] [X] et M. [I] [V], pour surveiller et suivre le chantier et celle de 55 000 € au titre du gain manqué escompté de la location de l'immeuble.
Concernant les travaux de reprise, elle produit un devis établi le 21 février 2019 par la Sarl [L] pour une somme de 63 274,50 € Ht ou 69 601,95 € Ttc portant sur :
«-la mise en place échafaudage au droit des façades pour accès toiture (500m2),
- la dépose de tous les éléments du bâti (égout rive faîtage arêtier) y compris évacuation (244ml)
- la dépose de la couverture avec stockage de tous les éléments en état pour réemplois (432 m2),
- la reprise de la génoise au niveau des égouts et des rives (173 ml),
- la réalisation de faîtages égout et rive bâti au mortier de chaux (244 ml),
- la fourniture et pose bois de charpente pour ré-hausse de la première tuile,
- la repose de la couverture (432 m2),
- le changement de la noue en zinc y compris coupe et reprise du nid (5 ml)
- le changement du couloir en zinc contre mur y compris porte solin et solin au mortier de chaux (30 ml)
- le changement de la bavette zinc contre mur par un solin plomb y compris solin au mortier de chaux (9,50 ml),
- le contrôle et changement si nécessaire élément en zinc (entourage de cheminée et zinguerie au contour du chien assis)
- le contrôle et changement laine de verre si besoin (432 m2)».
Au regard des malfaçons telles que constatées et analysées par l'expert judiciaire et des dimensions de la bâtisse telles que mentionnées dans son rapport (maison restaurée de 107 m2 et extension surélévation de 395 m2) l'ensemble des postes de cette facture sont justifiées à l'exception des postes contrôle et changement de l'entourage de cheminée et zinguerie au contour du chien assis pour 650 € Ht et contrôle et changement de la laine de verre pour 7776 € Ht.
La demande est justifiée pour la somme de 54 848,50 € de sorte qu'infirmant le jugement, la Sas Salga Constructions sera condamnée à payer à la Sa Alain Dominique Perrin la somme de 54 848,50 € Ht outre la Tva au taux applicable au moment du paiement et outre intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt.
Concernant les deux salariés mis à disposition par Scev La Grezette pour « surveiller et suivre le chantier », il est produit une facture de la Scev La Grezette datée du 26 juin 2019 portant sur « convention de mise à disposition 1 semaine 2019 » de M. [I] [V] et M. ou Mme « [J] » [X] pour la somme de 55 123,57 € Tva à 20% comprise.
Aucune convention de mise à disposition n'est produite, pas plus que les contrats de travail existant entre la Scev La Grezette et ces deux salariés alors que la lecture de l'expertise judiciaire, dont les opérations se sont déroulées fin 2020 et du procès-verbal de constat dressé le 1er février 2021 révèlent que M. [I] [V] est « responsable des services généraux » de la Sa Alain Dominique Perrin.
En l'absence de preuve d'un lien de causalité entre les désordres constatés et la mission prétendument confiée à ces deux salariés, ce chef de demande doit être rejeté, le jugement étant confirmé.
Concernant le préjudice résultant du retard à la mise en location du bien, la Sa Alain Dominique Perrin soutient que si les travaux initiaux avaient été dès le départ bien réalisés le chantier aurait pu être terminé à l'échéance attendue mais qu'en pratique la mise en location du bien n'a débuté qu'à compter du mois de mars 2019 alors qu'elle était prévue pour le mois de mai 2018. Elle justifie d'un prix de location touristique à la semaine de 4000 €.
Il ressort de l'historique de cette affaire tel que rappelé plus haut que les désordres affectant les travaux initiaux sont apparus en novembre et décembre 2018, soit postérieurement à la date prétendument prévue de mise en location du bien, de sorte qu'ils ne peuvent être à l'origine du retard de mise en location entre mai et novembre 2018. Seul le retard directement lié aux désordres retenus doit être pris en considération et aucun élément ne permet d'établir que les travaux d'aménagement intérieurs et extérieurs mis en oeuvre par la Sa Alain Dominique Perrin étaient achevés en novembre 2018 alors qu'à cette date était organisée une pré-réception de cette deuxième phase du chantier, non concernée par les désordres.
En conséquence le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la Sa Alain Dominique Perrin de sa demande de ce chef.
2-La demande reconventionnelle en paiement de factures
La Sas Salga Constructions réclame paiement de la somme de 93 491,44 € au titre de quatre factures impayées datées des 1er juin, 10 juillet, 28 août et 18 octobre 2018 concernant la fin de la deuxième phase de travaux relative aux aménagements intérieurs et extérieurs (piscine, abri voiture, local technique). Elle produit ces factures, établies au nom de la Sa Alain Dominique Perrin.
De son côté cette dernière soutient que pour l'ensemble des travaux elle a déjà réglé à la Sas Salga Constructions la somme de 797 327,93 € et qu'il existerait un solde en sa faveur de 197 327,93 €.
En application des dispositions de l'article L 110-3 du code de commerce à l'égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens.
Les factures produites ainsi que la mise en demeure de les payer par courrier du 13 décembre 2018, en l'absence de contestation de l'effectivité des travaux réalisés, suffisent à démontrer l'existence de la créance.
La Sa Alain Dominique Perrin ne produit aucun élément de nature à prouver le paiement de ces sommes, pas plus que le paiement des factures afférentes à la première phase des travaux achevée avant qu'elle ne bénéficie du bail emphytéotique le 9 juin 2017.
Infirmant le jugement, la Sa Alain Dominique Perrin sera condamnée à payer à la Sas Salga Constructions la somme de 93 491,44 € Ttc outre intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt.
3-Les demandes annexes
Chacune des parties succombant partiellement dans leurs demandes, elles supporteront chacune par moitié la charge des dépens de première instance en ce compris les frais d'expertise judiciaire, comme décidé par le premier juge, et la charge des dépens d'appel.
Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais non compris dans les dépens qu'elles ont pu exposer, tant à l'occasion de la procédure de première instance, comme décidé par le premier juge, qu'à l'occasion de la procédure d'appel.
Elles seront déboutées de leurs demandes respectives à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
- Confirme le jugement rendu le 1er mars 2023 par le tribunal de commerce de Montauban sauf sa disposition ayant débouté la Sa Alain Dominique Perrin de sa demande d'indemnisation au titre des travaux de reprise et sa disposition ayant débouté la Sas Salga Constructions de sa demande reconventionnelle en paiement ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
- Condamne la Sas Salga Constructions à payer à la Sa Alain Dominique Perrin la somme de 54 848,50 € Ht outre la Tva au taux applicable au moment du paiement et outre intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt ;
- Condamne la Sa Alain Dominique Perrin à payer à la Sas Salga Constructions la somme de 93 491,44 € Ttc outre intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt ;
- Partage les dépens d'appel par moitié entre les parties ;
- Déboute chacune des parties de sa demande au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
La greffière Le président
M. POZZOBON M. DEFIX
.
ARRÊT N° 25/ 403
N° RG 23/00852 -
N° Portalis DBVI-V-B7H-PJVN
AMR - SC
Décision déférée du 01 Mars 2023
TC de MONTAUBAN - 2019/140
A. PECOU
CONFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le 22/10/2025
à
Me Arnaud GONZALEZ
Me Jean-David BASCUGNANA
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
1ere Chambre Section 1
***
ARRÊT DU VINGT DEUX OCTOBRE DEUX MILLE VINGT CINQ
***
APPELANTE
S.A.S. SALGA CONSTRUCTIONS
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Arnaud GONZALEZ de l'ASSOCIATION CABINET DECHARME, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE
INTIMEE
S.A. ALAIN DOMINIQUE PERRIN
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Jean-David BASCUGNANA, avocat au barreau de TOULOUSE
PARTIE INTERVENANTE VOLONTAIRE
S.C.E.V. [Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 2]
Représentée par Me Jean-David BASCUGNANA, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 10 février 2025 en audience publique, devant la cour composée de :
M. DEFIX, président
A.M ROBERT, conseillère
S. LECLERCQ, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffière : lors des débats M. POZZOBON
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après avis aux parties
- signé par M. DEFIX, président et par M. POZZOBON, greffière
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
La Société civile d'exploitation viticole (Scev) [Adresse 8] a confié à la Sas Salga Constructions des travaux de rénovation de son bien immobilier situé [Adresse 7] à [Localité 6], concernant une maison d'habitation en ruine avec terrain attenant et dépendances. Les travaux portaient sur la rénovation d'une maison de 107 m2 ainsi que sur la construction d'une extension et d'une surélévation sur 395 m2.
Le 7 juin 2011, un devis portant sur des travaux de gros-oeuvre, charpente, couverture et assainissement a été établi pour un montant de 638 270,01 € Ttc.
Les travaux ont débuté en septembre 2011 et se sont étalés sur plusieurs années.
Le 3 mai 2012, un avenant a été passé portant le marché à 665 772,63 €.
Selon acte du 9 juin 2017, reçu par maître [H], notaire à [Localité 6], la Scev [Adresse 8] a consenti à la Sa Alain Dominique Perrin un bail emphytéotique portant sur le bien immobilier, objet du présent litige.
Divers travaux ont été confiés à la Sas Salga Constructions par la Sa Alain Dominique Perrin dans les années 2017 et 2018.
Par acte d'huissier du 12 septembre 2019 la Sa Alain Dominique Perrin a fait assigner la Sas Salga Constructions devant le tribunal de commerce de Montauban, faisant état de désordres et de divers préjudices.
Par jugement du 30 septembre 2020 le tribunal de commerce de Montauban a ordonné une expertise judiciaire confiée à M. [Z] avec provision sur les honoraires de l'expert fixée à la charge de la Sa Alain Dominique Perrin et a sursis à statuer sur toutes les autres demandes.
Par ordonnance du 16 février 2021, le tribunal de commerce de Montauban a ordonné le versement d'une provision complémentaire à la charge de la Sa Alain Dominique Perrin.
En l'absence de ce versement complémentaire, M. [Z] a été autorisé à déposer son rapport en l'état, ce qu'il a fait le 24 novembre 2021.
Le 20 juillet 2022, la Sas Salga Constructions a sollicité la réinscription de l'affaire au rôle.
La Scev [Adresse 8] est intervenue volontairement à l'instance.
Par jugement du 1er mars 2023, le tribunal de commerce de Montauban, au visa des articles 1792 et suivants du code civil, a :
'dit que la Sas Salga Constructions est responsable des désordres constatés relativement aux malfaçons d'exécution des travaux de couverture/zinguerie qu'elle a réalisés, et est donc redevable de sa garantie au titre du régime édicté par les articles 1792 et suivants du code civil,
'constaté que, la Sa Alain Dominique Perrin n'ayant pas procédé au versement de la provision complémentaire ordonné dans le cadre de la mission d'expertise, l'expert n'a que très partiellement répondu et, hormis la responsabilité des désordres qu'il a imputés à la Sas Salga Constructions pour les travaux de couverture/zinguerie, n'a pu ni évaluer le chiffrage des travaux, ni celui des préjudices, ni faire les comptes entre les parties,
En conséquence,
'débouté la Sa Alain Dominique Perrin de la totalité de ses demandes au titre de l'indemnisation des préjudices,
'débouté la Sas Salga Constructions de sa demande reconventionnelle,
'débouté la Sas Alain Dominique Perrin Sa de la totalité de ses autres demandes,
'débouté la Sas Salga Constructions de la totalité de ses autres demandes,
'dit que les dépens, dont ceux d'expertise, seront partagés par moitié par les parties,
'frais de greffe du présent jugement liquidés à la somme de 89,66 euros toutes taxes comprises.
Par acte du 9 mars 2023, la Sas Salga Constructions a interjeté appel de cette décision en ce qu'elle a :
'dit que la Sas Salga Construction est responsable des désordres constatés relativement aux malfaçons d'exécution des travaux de couverture/zinguerie qu'elle a réalisés, et est donc redevable de sa garantie au titre du régime édicté par les articles 1792 et suivants du code civil,
'débouté la Sas Salga Construction de sa demande reconventionnelle,
'débouté la Sas Salga Construction de la totalité des autres demandes,
'dit que les dépens, dont ceux d'expertise, seront partagés par moitié par les parties, en intimant la Sa Dominique Perrin.
EXPOSE DE PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 11 septembre 2023, la Sas Salga Constructions, appelante, demande à la cour, de :
'débouter les sociétés Alain Dominique Perrin et [Adresse 8] de l'intégralité de leurs prétentions,
'réformer jugement du Tribunal de commerce de Montauban en date du 1er mars 2023 en ce qu'il a :
' dit que la société Salga Constructions était responsable des désordres constatés relativement malfaçons d'exécution des travaux de couverture/zinguerie qu'elle avait réalisés, et donc redevable de sa garantie au titre du régime édicté par les articles 1792 et suivants du code civil,
' débouté la Sas Salga Constructions de sa demande reconventionnelle,
' débouté la Sas Salga Constructions de la totalité de ses autres demandes,
' dit que les dépens, dont ceux d'expertise, seraient partagés par moitié,
Statuant à nouveau de ces chefs,
'débouter la société Alain Dominique Perrin de l'ensemble de ses demandes contre la société Salga Constructions que ce soit sur le fondement de la garantie décennale ou sur celui de sa responsabilité contractuelle,
'condamner la société Alain Dominique Perrin SA à lui payer la somme principale de 93 491,44 euros,
'condamner la société Alain Dominique Perrin SA à lui payer la somme principale de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700, alinéa 1er du code de procédure civile,
'condamner la société Alain Dominique Perrin SA aux entiers dépens, dont ceux d'expertise et de greffe,
'ordonner la capitalisation des intérêts échus pour une année entière,
Y ajoutant,
'condamner la société Alain Dominique Perrin SA à lui payer la somme principale de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700, alinéa 1er du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel,
'condamner la société Alain Dominique Perrin SA aux dépens d'appel et ordonner leur recouvrement par le conseil de la concluante selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 17 août 2023, la Sa Alain Dominique Perrin, intimée et sur appel incident, et la Scev [Adresse 8], intervenante volontaire, demandent à la cour de :
'débouter la société Salga Construction de l'ensemble de ses demandes,
'confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a jugé que la Sa Alain Dominique Perrin est fondée à agir sur le fondement des garanties légales et contractuelles à l'encontre de la Société Salga Construction,
En conséquence
'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :
' débouté la Sa Alain Dominique Perrin de la totalité de ses demandes au titre de l'indemnisation des préjudices,
' débouté la Sa Alain Dominique Perrin de la totalité de ses autres demandes,
' dit que les dépens, dont ceux d'expertise, seront partagés par moitié.
Statuant à nouveau,
'condamner la société Salga Construction à lui payer la somme de 70 000 euros au titre de la perte subie liée au coût que représentent les travaux de réparation rendus nécessaires du fait des malfaçons constatés sur les travaux réalisés initialement par la société Salga Construction et dont elle doit répondre sur le fondement de sa responsabilité contractuelle,
'condamner la société Salga Construction à lui payer la somme de 50 000 euros au titre de la perte subie liée au coût que représente le coût de mise à disposition de salariés de la Scev [Adresse 8] rendue nécessaire par le besoin de suivi et de gestion du chantier compte-tenu de la désorganisation liée aux malfaçons constatées sur les travaux réalisés initialement par la société Salga Construction et dont elle doit répondre sur le fondement de sa responsabilité contractuelle,
'condamner la société Salga Construction à lui payer la somme de 55 000 euros au titre du gain manqué lié à l'absence de revenus locatifs depuis mai 2018 causé par le retard de livraison du chantier du fait des malfaçons constatés sur les travaux réalisés initialement par la société Salga Construction et dont elle doit répondre sur le fondement de sa responsabilité contractuelle,
Subsidiairement et si par impossible la Cour devait considérer que la Sa Alain Dominique Perrin n'est pas fondée à agir sur le fondement des garanties légales et contractuelles à l'encontre de Salga Construction,
'juger que la faute commise par la société Salga Construction dans l'exécution de son contrat cause un préjudice à la société Adp,
En conséquence,
'condamner la société Salga Construction au paiement de la somme de 70 000 euros à la société Alain Dominique Perrin S.A au titre de la perte subie liée au coût que représentent les travaux de réparation rendus nécessaires du fait des malfaçons constatés sur les travaux réalisées initialement par la société Salga Construction et dont elle doit répondre sur le fondement de sa responsabilité contractuelle,
'condamner la société SALGA Construction au paiement de la somme de 50 000 euros à la société Alain Dominique Perrin S.A au titre de la perte subie liée au coût que représente le coût de mise à disposition de salariés de la Scev [Adresse 8] rendue nécessaire par le besoin de suivi et de gestion du chantier compte-tenu de la désorganisation liée aux malfaçons constatés sur les travaux réalisées initialement par la société Salga Construction et dont elle doit répondre sur le fondement de sa responsabilité contractuelle,
'condamner la société Salga Construction au paiement de la somme de 55 000 euros à la société Alain Dominique Perrin SA au titre du gain manqué lié à l'absence de revenus locatifs depuis mai 2018 causé par le retard de livraison du chantier du fait des malfaçons constatés sur les travaux réalisées initialement par la société Salga Construction et dont elle doit répondre sur le fondement de sa responsabilité contractuelle,
Très subsidiairement et si par impossible la Cour devait considérer que seule la Scev [Adresse 8] est fondée à agir à l'encontre de la Société Salga Construction,
'donner acte à la Scev [Adresse 8] de son intervention volontaire,
'juger que la Société Salga Construction a commis une faute dans l'exécution du contrat de nature à engager sa responsabilité tant à l'égard de la Scev [Adresse 8] que de la société Alain Dominique Perrin,
Subsidiairement,
'juger que les désordres sont de nature décennale,
'juger que la responsabilité de la société Salga Construction est engagée,
En conséquence,
'condamner la société Salga Construction au paiement de la somme de 70 000 euros à la Scev [Adresse 8] au titre de la perte subie liée au coût que représentent les travaux de réparation rendus nécessaires du fait des malfaçons constatés sur les travaux réalisées initialement par la société Salga Construction et dont elle doit répondre sur le fondement de sa responsabilité contractuelle,
'condamner la société Salga Construction au paiement de la somme de 50 000 euros à la société Alain Dominique Perrin S.A au titre de la perte subie liée au coût que représente le coût de mise à disposition de salariés de la Scev [Adresse 8] rendue nécessaire par le besoin de suivi et de gestion du chantier compte-tenu de la désorganisation liée aux malfaçons constatés sur les travaux réalisées initialement par la société Salga Construction et dont elle doit répondre sur le fondement de sa responsabilité contractuelle,
'condamner la société Salga Construction au paiement de la somme de 55 000 euros à la société Alain Dominique Perrin SA au titre du gain manqué lié à l'absence de revenus locatifs depuis mai 2018 causé par le retard de livraison du chantier du fait des malfaçons constatés sur les travaux réalisées initialement par la société Salga Construction et dont elle doit répondre sur le fondement de sa responsabilité contractuelle,
En toutes hypothèses,
'condamner la société Salga Constructions au paiement de la somme de 6 000 euros à la société Alain Dominique Perrin SA en application de l'article 700 du code de procédure civile,
'condamner la société Salga Constructions aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 janvier 2025 et l'affaire a été examinée à l'audience du 10 février 2025 à 14h.
MOTIFS DE LA DECISION
1-La demande principale
1-1 La Sa Alain Dominique Perrin fonde sa demande sur la responsabilité contractuelle du constructeur et subsidiairement sur sa responsabilité décennale.
Elle soutient que les désordres affectant la couverture et la maçonnerie ont été décelés dans le cadre de deux visites « de contrôle et d'expertise technique du site en vue de la réception des travaux » réalisées les 26 novembre et 22 décembre 2018 et confirmés par un rapport d'expertise privée rédigé par la société Bat-Eco le 24 décembre 2018 ainsi que par l'expertise judiciaire et un constat d'huissier du 1er février 2021.
Il ressort des devis des 7 juin 2011 et 3 mai 2012, des factures éditées entre le 27 juin 2011 et le 13 janvier 2015 et des divers comptes rendus de chantier établis entre le 26 novembre 2011 et le 7 avril 2014 que les travaux de gros-oeuvre-charpente-couverture-Vrd ont été confiés par la Scev [Adresse 8] à la Sas Salga Constructions, l'ensemble des devis et facture étant établis à son seul nom et les comptes rendus de chantier la désignant comme maître d'ouvrage. L'expert judiciaire fait état d'une déclaration d'achèvement des travaux déposée le 19 décembre 2016.
Ces éléments sont confirmés par les stipulations du bail emphytéotique en page 2 :
-« L'emphytéote se propose de réaliser à ses frais des travaux d'aménagements intérieurs et paysagers à l'extérieur d'une maison d'habitation en pierre existante »,
-« Le bailleur a obtenu en date du 15 décembre 2008 un permis de construire suivant arrêté de la ville de [Localité 6] en date du 15 décembre 2008 sous le no PC 0460420890097. Une déclaration d'achèvement et de conformité des travaux a été déposée en date du 10 mars 2017 à la mairie de [Localité 6]. ».
Pour cette première phase de travaux portant sur la réhabilitation de la maison existante (démolitions, construction, charpente couverture et assainissement), le maître de l'ouvrage était la Scev [Adresse 8] et ces travaux se sont achevés au plus tard le 10 mars 2017 sans qu'à cette date un quelconque désordre n'ait été constaté, étant précisé qu'il ressort des écritures de la Sas Salga Constructions qu'aucune somme n'est réclamée au titre de cette première phase de travaux.
Il en résulte que le maître de l'ouvrage, en déposant une déclaration d'achèvement et de conformité des travaux et en réglant la totalité des factures afférentes à cette première phase de travaux a exprimé de manière non équivoque sa volonté de recevoir les travaux.
Les désordres constatés par l'expert judiciaire sont des infiltrations d'eau par la couverture qu'il impute à des malfaçons d'exécution des travaux de couverture/zinguerie réalisés par la Sas Salga Constructions qu'il détaille ainsi :
«-Toiture sur CH 3, CH 4, CH 6 : les mortiers de scellement des tuiles de faîtage et arêtiers sont fissurés, altérés et infiltrants avec tuiles qui se décollent ; les faîtages et arêtiers sont montés sans cassons de tuiles intermédiaires permettant de réduire les épaisseurs d'embarrure de mortier de scellement, exposées au phénomène de dilatation, de vieillissement et de fissurations au fil des ans,
- Toiture sur SAM et Buanderie : jonction rive de tête zinc ou couloir zinc/ mur héberge infiltrants (engravure du zinc exposée avec absence de jointoiements des pierres du mur extérieur)
- Toiture sur SAM : bande de solin en zinc insuffisamment recouvrante de la 1ère tuile avec
siphonnage d'eau de pluie possible ».
Il a aussi relevé l'existence de plaques sous tuiles fissurées mais a estimé que le phénomène étant isolé et minime il ne relevait pas de malfaçons de pose de plaques mais était peut-être la conséquence de plaque fragilisées lors de leur manipulation et mise en place et/ou de passage d'hommes sur les toitures ou après la fin du chantier.
Les infiltrations par la couverture apparues postérieurement à la réception tacite intervenue le 10 mars 2017 et compromettant la solidité de l'ouvrage sont des désordres de nature décennale imputable à la Sas Salga Constructions qui doit sa garantie décennale.
1-2 Bien qu'aucune irrecevabilité pour défaut de qualité à agir ne soit mentionnée dans le dispositif des dernières écritures du constructeur, il doit être rappelé qu'il résulte des dispositions des articles L 451-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime que le bail emphytéotique est une convention par laquelle le bailleur transfère au preneur, pour une durée supérieure à dix-huit ans et pouvant aller jusqu'à quatre-vingt-dix-neuf ans, la charge de l'entretien et de la valorisation d'un patrimoine immobilier en conférant à celui-ci un droit réel, cessible, saisissable et susceptible d'hypothèque lui permettant notamment, sauf clause contraire, de profiter de l'accession pendant la durée de l'emphytéose et d'acquérir au profit du fonds des servitudes actives et de les grever, par titres, de servitudes passives, pour un temps n'excédant pas la durée du bail, en contrepartie de l'accession sans indemnité en fin de bail de tous travaux et améliorations réalisés par le preneur au profit du bailleur.
Sauf stipulation contraire, le preneur est tenu de toutes les contributions et charges de l'héritage et des réparations de toute nature tant en ce qui concerne les constructions existant au moment du bail que celles qui auront été élevées en exécution de la convention, mais il n'est pas obligé de reconstruire les bâtiments détruits par cas fortuit, force majeure, ou par un vice de construction antérieur au bail.
Ainsi, compte tenu de son objet, sauf stipulation contraire, l'emphytéose emporte, par elle-même, dès l'entrée en jouissance par l'effet du bail et pendant toute la durée de celui-ci, transfert du bailleur au preneur des actions en garantie décennale et en réparation à raison des désordres affectant les ouvrages donnés à bail.
La Sa Alain Dominique Perrin ayant conclu le 9 juin 2017 un bail emphytéotique portant sur l'immeuble situé [Adresse 7] à [Localité 6], elle a, depuis cette date, et en l'absence de clause réservant au bailleur l'action en garantie décennale concernant les ouvrages existant au moment du bail, qualité à agir sur ce fondement.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que la Sas Salga Constructions doit sa garantie décennale à la Sa Alain Dominique Perrin.
1-3 Aux termes du dispositif de ses dernières écritures la Sa Alain Dominique Perrin demande la somme de 70 000 € aux titre des travaux de reprise, celle de 50 000 € au titre du coût de la mise à disposition par la Scev La Grezette de deux salariés, Mme [K] [X] et M. [I] [V], pour surveiller et suivre le chantier et celle de 55 000 € au titre du gain manqué escompté de la location de l'immeuble.
Concernant les travaux de reprise, elle produit un devis établi le 21 février 2019 par la Sarl [L] pour une somme de 63 274,50 € Ht ou 69 601,95 € Ttc portant sur :
«-la mise en place échafaudage au droit des façades pour accès toiture (500m2),
- la dépose de tous les éléments du bâti (égout rive faîtage arêtier) y compris évacuation (244ml)
- la dépose de la couverture avec stockage de tous les éléments en état pour réemplois (432 m2),
- la reprise de la génoise au niveau des égouts et des rives (173 ml),
- la réalisation de faîtages égout et rive bâti au mortier de chaux (244 ml),
- la fourniture et pose bois de charpente pour ré-hausse de la première tuile,
- la repose de la couverture (432 m2),
- le changement de la noue en zinc y compris coupe et reprise du nid (5 ml)
- le changement du couloir en zinc contre mur y compris porte solin et solin au mortier de chaux (30 ml)
- le changement de la bavette zinc contre mur par un solin plomb y compris solin au mortier de chaux (9,50 ml),
- le contrôle et changement si nécessaire élément en zinc (entourage de cheminée et zinguerie au contour du chien assis)
- le contrôle et changement laine de verre si besoin (432 m2)».
Au regard des malfaçons telles que constatées et analysées par l'expert judiciaire et des dimensions de la bâtisse telles que mentionnées dans son rapport (maison restaurée de 107 m2 et extension surélévation de 395 m2) l'ensemble des postes de cette facture sont justifiées à l'exception des postes contrôle et changement de l'entourage de cheminée et zinguerie au contour du chien assis pour 650 € Ht et contrôle et changement de la laine de verre pour 7776 € Ht.
La demande est justifiée pour la somme de 54 848,50 € de sorte qu'infirmant le jugement, la Sas Salga Constructions sera condamnée à payer à la Sa Alain Dominique Perrin la somme de 54 848,50 € Ht outre la Tva au taux applicable au moment du paiement et outre intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt.
Concernant les deux salariés mis à disposition par Scev La Grezette pour « surveiller et suivre le chantier », il est produit une facture de la Scev La Grezette datée du 26 juin 2019 portant sur « convention de mise à disposition 1 semaine 2019 » de M. [I] [V] et M. ou Mme « [J] » [X] pour la somme de 55 123,57 € Tva à 20% comprise.
Aucune convention de mise à disposition n'est produite, pas plus que les contrats de travail existant entre la Scev La Grezette et ces deux salariés alors que la lecture de l'expertise judiciaire, dont les opérations se sont déroulées fin 2020 et du procès-verbal de constat dressé le 1er février 2021 révèlent que M. [I] [V] est « responsable des services généraux » de la Sa Alain Dominique Perrin.
En l'absence de preuve d'un lien de causalité entre les désordres constatés et la mission prétendument confiée à ces deux salariés, ce chef de demande doit être rejeté, le jugement étant confirmé.
Concernant le préjudice résultant du retard à la mise en location du bien, la Sa Alain Dominique Perrin soutient que si les travaux initiaux avaient été dès le départ bien réalisés le chantier aurait pu être terminé à l'échéance attendue mais qu'en pratique la mise en location du bien n'a débuté qu'à compter du mois de mars 2019 alors qu'elle était prévue pour le mois de mai 2018. Elle justifie d'un prix de location touristique à la semaine de 4000 €.
Il ressort de l'historique de cette affaire tel que rappelé plus haut que les désordres affectant les travaux initiaux sont apparus en novembre et décembre 2018, soit postérieurement à la date prétendument prévue de mise en location du bien, de sorte qu'ils ne peuvent être à l'origine du retard de mise en location entre mai et novembre 2018. Seul le retard directement lié aux désordres retenus doit être pris en considération et aucun élément ne permet d'établir que les travaux d'aménagement intérieurs et extérieurs mis en oeuvre par la Sa Alain Dominique Perrin étaient achevés en novembre 2018 alors qu'à cette date était organisée une pré-réception de cette deuxième phase du chantier, non concernée par les désordres.
En conséquence le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la Sa Alain Dominique Perrin de sa demande de ce chef.
2-La demande reconventionnelle en paiement de factures
La Sas Salga Constructions réclame paiement de la somme de 93 491,44 € au titre de quatre factures impayées datées des 1er juin, 10 juillet, 28 août et 18 octobre 2018 concernant la fin de la deuxième phase de travaux relative aux aménagements intérieurs et extérieurs (piscine, abri voiture, local technique). Elle produit ces factures, établies au nom de la Sa Alain Dominique Perrin.
De son côté cette dernière soutient que pour l'ensemble des travaux elle a déjà réglé à la Sas Salga Constructions la somme de 797 327,93 € et qu'il existerait un solde en sa faveur de 197 327,93 €.
En application des dispositions de l'article L 110-3 du code de commerce à l'égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens.
Les factures produites ainsi que la mise en demeure de les payer par courrier du 13 décembre 2018, en l'absence de contestation de l'effectivité des travaux réalisés, suffisent à démontrer l'existence de la créance.
La Sa Alain Dominique Perrin ne produit aucun élément de nature à prouver le paiement de ces sommes, pas plus que le paiement des factures afférentes à la première phase des travaux achevée avant qu'elle ne bénéficie du bail emphytéotique le 9 juin 2017.
Infirmant le jugement, la Sa Alain Dominique Perrin sera condamnée à payer à la Sas Salga Constructions la somme de 93 491,44 € Ttc outre intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt.
3-Les demandes annexes
Chacune des parties succombant partiellement dans leurs demandes, elles supporteront chacune par moitié la charge des dépens de première instance en ce compris les frais d'expertise judiciaire, comme décidé par le premier juge, et la charge des dépens d'appel.
Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais non compris dans les dépens qu'elles ont pu exposer, tant à l'occasion de la procédure de première instance, comme décidé par le premier juge, qu'à l'occasion de la procédure d'appel.
Elles seront déboutées de leurs demandes respectives à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
- Confirme le jugement rendu le 1er mars 2023 par le tribunal de commerce de Montauban sauf sa disposition ayant débouté la Sa Alain Dominique Perrin de sa demande d'indemnisation au titre des travaux de reprise et sa disposition ayant débouté la Sas Salga Constructions de sa demande reconventionnelle en paiement ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
- Condamne la Sas Salga Constructions à payer à la Sa Alain Dominique Perrin la somme de 54 848,50 € Ht outre la Tva au taux applicable au moment du paiement et outre intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt ;
- Condamne la Sa Alain Dominique Perrin à payer à la Sas Salga Constructions la somme de 93 491,44 € Ttc outre intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt ;
- Partage les dépens d'appel par moitié entre les parties ;
- Déboute chacune des parties de sa demande au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
La greffière Le président
M. POZZOBON M. DEFIX
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