Cass. 3e civ., 6 novembre 2025, n° 25-70.018
COUR DE CASSATION
Avis
Avis
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Rapporteur :
Mme Grall
Avocat général :
Mme Compagnie
Énoncé de la demande d'avis
1. La Cour de cassation a reçu le 13 août 2025 une demande d'avis formée le 3 juillet 2025 par le tribunal de proximité de Sucy-en-Brie, en application des articles L. 441-1 et suivants du code de l'organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du code de procédure civile, dans une instance opposant M. et Mme [N] à M. [K].
2. La demande est ainsi formulée :
« L'article 24 III de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 modifiée dispose " A peine d'irrecevabilité de la demande, l'assignation aux fins de constat de la résiliation est notifiée à la diligence du commissaire de justice au représentant de l'Etat dans le département, au moins six semaines avant l'audience (...) "
Les articles 640 et 641 du code de procédure civile fixent les règles applicables en matière de computation des délais en n'envisageant que les seules hypothèses des jours et des mois.
Il s'agit donc de savoir quel régime de computation doit être appliqué.
Si le délai exprimé en semaine doit suivre le régime des délais exprimés en jour par simple remplacement du terme jour par le terme semaine, il y a lieu de considérer que le délai a commencé à courir la première semaine suivant l'acte et expire le dernier jour de la dernière semaine à 24h. Dans ces conditions le délai de 6 semaines ayant débuté le mercredi 26 mars 2025 devrait être vu comme débutant le 31 mars 2025 et expirant le 11 mai 2025 à 24h.
Si le délai exprimé en semaine doit suivre le régime des délais exprimés en mois par simple remplacement du terme mois par le terme semaine, il y a lieu de constater que le délai devrait expirer le jour de la semaine portant le même quantième que le jour de l'acte. Dans ces circonstances, selon la norme ISO 8601 précédemment mentionnée, il y aurait lieu de considérer que le terme quantième désignerait la numérotation standardisée faisant correspondre le 1 à lundi et le 7 à dimanche. Dans ces conditions le délai de 6 semaines ayant débuté le mercredi 26 mars 2025 devrait être vu comme débutant le lundi 31 mars 2025 (exclusion de la semaine a quo) et expirant le 7 mai 2025 à 24h.
Quelle que soit l'hypothèse retenue, une question incidente survient sur le jour devant être retenu comme point de départ de la semaine (doit on retenir conformément à la norme ISO 8601 que le premier jour est fixé au lundi ?). Si ce point peut sembler anecdotique, le rappel de cette règle peut s'avérer déterminante s'agissant de normes juridiques applicables sur des territoires français subissant une influence géographique de pays recourant à un autre point de départ (le Canada, les Etats-Unis et d'autres états de la zone pacifique retiennent le dimanche comme premier jour de la semaine). »
Examen de la demande d'avis
3. Dans sa rédaction issue de la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023, l'article 24, III, de la loi du 6 juillet 1989 dispose que, à peine d'irrecevabilité de la demande, l'assignation aux fins de constat de la résiliation est notifiée à la diligence du commissaire de justice au représentant de l'Etat dans le département au moins six semaines avant l'audience.
4. Ce délai doit être assimilé à un délai exprimé en jours et se calcule en remontant dans le temps à partir de la date d'audience, sans compter le jour de l'audience.
5. Il est jugé que les dispositions de l'article 642 du code de procédure civile, relatives à la prorogation des délais, ne s'appliquent que lorsqu'un acte ou une formalité doit être accompli avant l'expiration d'un délai (2e Civ., 4 février 1998, pourvoi n° 96-13.391, Bull. 1998, II, n° 41 ; Soc., 30 mars 2010, pourvoi n° 09-13.065, Bull. 2010, V, n° 77 ; 3e Civ., 8 mars 2018, pourvoi n° 17-11.312, Bull. 2018, III, n° 28). Le délai prévu à l'article 24, III, de la loi du 6 juillet 1989 ne peut donc être prorogé et expire le 42e jour à zéro heure précédant la veille de la date de l'audience.
6. La question incidente relative à la norme ISO 8601 apparaît sans portée dès lors que le délai de six semaines se calcule en remontant dans le temps.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
EST D'AVIS QUE le délai de six semaines prévu à l'article 24, III, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, dans sa rédaction issue de la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023, qui se calcule en remontant dans le temps, est assimilé à un délai exprimé en jours qui commence à courir la veille de la date de l'audience et expire le 42e jour à zéro heure précédant cette date, sans pouvoir être prorogé ;
DIT N'Y AVOIR LIEU A AVIS sur le surplus ;
Fait à Paris et mis à disposition au greffe de la Cour le 6 novembre, après examen de la demande d'avis lors de la séance du 4 novembre 2025 où étaient présents, conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire : Mme Teiller, présidente, Mme Grall, conseillère rapporteure, Mme Proust, conseillère doyenne, Mme Grandjean, M. Bosse-Platière, Mmes Pic, Oppelt, conseillers, Mme Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, Mme Compagnie, avocate générale, et Mme Maréville, greffière de chambre ;