CA Aix-en-Provence, retention administrative, 29 octobre 2025, n° 25/02085
AIX-EN-PROVENCE
Ordonnance
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative
ORDONNANCE
DU 29 OCTOBRE 2025
N° RG 25/02085 - N° Portalis DBVB-V-B7J-BPJCL
Copie conforme
délivrée le 29 Octobre 2025 par courriel à :
- l'avocat
- le préfet
- le CRA
- le JLD/TJ
- le retenu
- le MP
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention du tribunal judiciaire de Marseille en date du 27 octobre 2025 à 11H20.
APPELANT
Monsieur [U] [S]
né le 25 février 1985 à [Localité 8] (Israël)
de nationalité israëlienne/palestinienne
comparant en visio conférence en application de l'article L743-7 du CESEDA.
Assisté de Maître Aurélie AUROUET-HIMEUR, avocate au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, commise d'office.
INTIMÉE
PREFECTURE DES BOUCHES DU RHONE
Avisée, non représentée,
MINISTÈRE PUBLIC
Avisé, non représenté
******
DÉBATS
L'affaire a été débattue en audience publique le 29 octobre 2025 devant M. Frédéric DUMAS, Conseiller à la cour d'appel délégué par le premier président par ordonnance, assisté de Mme Himane EL FODIL, Greffière,
ORDONNANCE
Réputée contradictoire,
Prononcée par mise à disposition au greffe le 29 octobre 2025 à 14h30,
Signée par M. Frédéric DUMAS, Conseiller et Mme Himane EL FODIL, Greffière,
PROCÉDURE ET MOYENS
Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;
Vu l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français pris le 10 juin 2021 par la préfecture de l'Ain et notifié le 21 juin 2021 ;
Vu l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français pris le 10 novembre 2022 par la préfecture des Bouches-du-Rhône et notifié le 25 novembre 2022 ;
Vu la condamnation du tribunal correctionnel de Marseille du 12 décembre 2022 ordonnant une interdiction temporaire du territoire français pendant cinq ans ;
Vu la décision fixant le pays de destination prise le 1er novembre 2024 par la PREFECTURE DES BOUCHES DU RHONE, notifiée le 4 novembre 2024 ;
Vu la décision de placement en rétention prise le 23 octobre 2025 par la PREFECTURE DES BOUCHES DU RHONE, notifiée le 24 octobre 2025 à 10h50 ;
Vu l'ordonnance du 27 octobre 2025 rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention du tribunal judiciaire de Marseille décidant le maintien de Monsieur [U] [S] dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;
Vu l'appel interjeté le 27 octobre 2025 à 17H36 par Monsieur [U] [S] ;
Monsieur [U] [S] a comparu et a été entendu en ses explications ; il déclare : 'je suis de nationalité palestinienne. Cela fait longtemps que je suis en prison. Je suis sorti de prison et on m'envoie au CRA. Je comprends pas, ils ont saisi le consulat tunisien mais moi j'ai jamais déclaré être tunisien. Ils ont saisi le Maroc aussi. Y a la mafia à [Localité 5]. J'ai été mis en danger. Ma vie a été mis en danger. Mon père est mort pendant que j'étais en prison. En prison j'étais protégé. Ici au CRA je ne suis pas protégé. Je veux quitter le territoire et aller en Belgique. Je récupère mes enfants et ma femme et j'irai en Belgique. J'ai pas droit d'appeler au téléphone car on me demande un certificat. Mais je ne pouvais rien ramener en étant en prison. Mes enfants, je n'ai pas de leurs nouvelles, je ne sais pas s'ils vont à l'école et s'ils mangent bien ou pas. Je vous jure je sors cette fois. La police au contrôle ils ont mal écrit mon nom de famille , je n'ai pas donné d'alias. Je m'appelle bien [S]. C'est mon cousin qui est tunisien moi je suis ne suis pas tunisien. C'est un proche que je connais de la prison mais ce n'est pas mon vrai cousin c'est une façon de parler. Il s'est trompé s'il a dit que j'étais tunisien. Je n'ai pas pu exécuter les mesures d'éloignement de 2021 et 2022 car je suis pas encore sorti. Si je sors, je quitte le territoire. J'ai pas eu le temps de partir car je dois rester pour me présenter devant le tribunal pour un jugement. Il faut que je respecte, et que je me présente au jugement. Je suis fatigué, mes enfants sont loin et tous seuls, je ne sais pas s'ils vont bien. Tous mes papiers sont restés en Belgique. Je n'ai pas les numéros de ma famille je ne peux pas appeler.'
Son avocate, régulièrement entendue, reprend les termes de la déclaration d'appel, demande l'infirmation de l'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire ainsi que la mainlevée du placement en rétention et ses observations ont été consignées dans le procès-verbal d'audience. Elle fait notamment valoir qu'il appartient à l'administration d'accomplir toutes les diligences nécessaires. Or son client n'a pu être entendu notamment par les autorités algériennes et israéliennes et le consulat tunisien ne l'a pas reconnu. Il n'y a aucune perspective raisonnable d'éloignement.
Le représentant de la préfecture ne comparaît pas.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La recevabilité de l'appel contre l'ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention n'est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d'irrégularité.
Pour autant , aux termes de l'article R743-11 alinéa 1 du CESEDA, à peine d'irrecevabilité la déclaration d'appel est motivée.
En l'occurrence l'appelant demande à la cour d'infirmer la décision du premier juge et, en liminaire de la partie discussion, précise que 's'ajoutent aux moyens développés dans la présente déclaration d'appel, tous éventuels autres moyens déjà développés dans les conclusions de première instance qui ont pu être déposés ou plaidés devant le JLD, et auxquels la présente déclaration se réfère nécessairement'.
Toutefois la juridiction du second degré étant saisie par une déclaration d'appel motivée et la procédure suivie étant orale les moyens soulevés devant le premier juge et non repris dans la déclaration d'appel ou devant le premier président dans le délai d'appel ne peuvent qu'être déclarés irrecevables.
1) - Sur la régularité de la saisine du magistrat du siège du tribunal judiciaire
L'article R.742-1 du CESEDA dispose que le magistrat du siège du tribunal judiciaire est saisi aux fins de prolongation de la rétention par simple requête de l'autorité administrative, dans les conditions prévues au chapitre III, avant l'expiration, selon le cas, de la période de quarante-huit heures mentionnée à l'article L.742-1 ou de la période de prolongation ordonnée en application des articles L.742-4, L.742-5, L.742-6 ou L.742-7.
A cette fin et à peine d'irrecevabilité, selon l'article R.743-2 du même code, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention, à savoir le préfet de département ou de police à [Localité 7] en application de l'article R.741-1. Dans ce cas la requête est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L.744-2.
Ce dernier énonce qu'il est tenu, dans tous les lieux de rétention, un registre mentionnant l'état civil des personnes retenues, ainsi que les conditions de leur placement ou de leur maintien en rétention. Le registre mentionne également l'état civil des enfants mineurs accompagnant ces personnes ainsi que les conditions de leur accueil. L'autorité administrative tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d'information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation.
Selon les dispositions de l'article L. 743-9 du CESEDA le magistrat du siège du tribunal judiciaire, saisi aux fins de prolongation de la rétention, rappelle à l'étranger les droits qui lui sont reconnus et s'assure, d'après les mentions figurant au registre prévu à l'article L. 744-2 émargé par l'intéressé, que celui-ci a été, dans les meilleurs délais suivant la notification de la décision de placement en rétention, pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir à compter de son arrivée au lieu de rétention. Le juge tient compte des circonstances particulières liées notamment au placement en rétention simultané d'un nombre important d'étrangers pour l'appréciation des délais relatifs à la notification de la décision, à l'information des droits et à leur prise d'effet.
Il résulte de la combinaison de ces textes que le registre doit être mis à jour et que la non-production d'une copie actualisée, permettant un contrôle de l'effectivité de l'exercice des droits reconnus à l'étranger au cours de la mesure de rétention, constitue une fin de non-recevoir. Celle-ci doit être accueillie sans que celui qui l'invoque ait à justifier d'un grief dès lors que le juge ne peut s'assurer que l'étranger a été en mesure d'exercer les droits qui lui sont reconnus par les articles L. 744-4 et suivants du CESEDA.
Le paragraphe IV de l'annexe de l'arrêté du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention et d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé «logiciel de gestion individualisée des centres de rétention administrative» (LOGICRA) prévoit notamment que sont enregistrées dans les traitements au titre des données à caractère personnel concernant la fin de la rétention et l'éloignement les informations suivantes :
1° Demande de laissez-passer consulaire, consulat saisi, date de la demande d'identification ou de présentation consulaire, type de présentation, motif de non-présentation, date de I'entretien, moyen de transport utilisé, résultat de I'entretien, délivrance du laissez-passer consulaire, date de délivrance, date et fin de validité du laissez-passer consulaire;
2° Réservation du moyen de transport national et international: date prévisionnelle de départ, moyen de transport utilisé, pays de destination, demande de routing, escorte;
3° Fin de la rétention: date et motif de la fin de rétention.
En l'espèce l'appelant soulève le défaut d'actualisation du registre de rétention dans la mesure où les diligences consulaires n'y sont pas mentionnées.
Toutefois les diligences consulaires effectuées par l'administration ne constituent nullement des droits au sens des articles L. 744-4 et suivants du CESEDA, dont le défaut de mention dans le registre de rétention rendrait irrecevable la requête en prolongation de la mesure de rétention, s'agissant au surplus d'une question de fond en application de l'article L741-3 du même code.
En conséquence il y aura lieu de rejeter la fin de non recevoir tirée du défaut de mention des diligences consulaires dans le registre de rétention et de production de pièces utiles.
2) - Sur les diligences de l'administration et les perspectives d'éloignement
L'article 15§4 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, dite 'retour', dispose que lorsqu'il apparaît qu'il n'existe plus de perspective raisonnable d'éloignement pour des considérations d'ordre juridique ou autres ou que les conditions énoncées au paragraphe 1, à savoir le risque de fuite ou l'étranger faisant obstacle à son éloignement, ne sont plus réunies, la rétention ne se justifie plus et la personne concernée est immédiatement remise en liberté.
Par ailleurs l'article L741-3 du CESEDA énonce qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.
Dans le cas présent le préfet a saisi dès le 24 octobre 2025 le consul général de Tunisie de la situation de l'intéressé aux fins de délivrance d'un laisser-passer consulaire, étant précisé que cette demande est fondée sur une information selon laquelle le cousin de M. [S] lui aurait rendu visite au centre de rétention administrative et aurait alors précisé qu'il se nommait en réalité [J] [U] et serait de nationalité tunisienne.
Dès lors, au regard de la célérité dont a fait preuve l'administration, l'appelant ne saurait sérieusement lui faire grief de n'avoir pas accompli les diligences légalement requises étant de surcroît rappelé que le préfet n'a pas à justifier des relances faites aux autorités consulaires saisies en temps utile et ce, en l'absence de pouvoir de contrainte sur les autorités étrangères.
Enfin les nombreux alias utilisés par M. [S] ne peuvent qu'accroître la complexité des diligences qui pèsent sur l'administration de sorte qu'il ne saurait lui être reproché de n'avoir pas effectué, dans les quelques jours suivant son placement en rétention, les démarches attendues à l'égard des autorités des différents pays susceptibles de le reconnaître.
Le moyen tiré de l'insuffisance des diligences de l'administration ou de l'absence de perspectives d'éloignement sera donc écarté.
3) - Sur la demande de première prolongation
L'article L. 741-1 du CESEDA dispose que l'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quatre jours, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision. Ce risque est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente.
Aux termes de l'article L. 742-1 du même code le maintien en rétention au-delà de quatre jours à compter de la notification de la décision de placement initiale peut être autorisé, dans les conditions prévues au présent titre, par magistrat du siège du tribunal judiciaire saisi à cette fin par l'autorité administrative. Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court pour une période de vingt-six jours selon l'article L. 742-3 à compter de l'expiration du délai de quatre jours mentionné à l'article L. 741-1.
En l'espèce la demande de prolongation de la mesure de rétention, fondée sur l'absence de garanties de représentation et la menace à l'ordre public que représenterait l'intéressé, ne peut qu'être validée.
En effet il s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement prononcée à son encontre le 21 juin 2021 alors qu'il n'était pas encore incarcéré. De plus il a été condamné les 28 juillet 2020 et 25 août 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence pour des faits d'outrage, menace de crime ou délit, et violence, sur une personne dépositaire de l'autorité publique, évasion, et pénétration non autorisée sur le territoire national après interdiction de retour, en récidive, et extorsion avec violences, en récidive ainsi que les 12 février 2022 et 24 janvier 2025 par le tribunal correctionnel de Marseille pour des faits de violence aggravée par deux circonstances suivie d'incapacité supérieure à huit jours, en récidive, et violence aggravée par trois circonstances suivie d'incapacité supérieure à huit jours, en récidive. Dernièrement la même juridiction l'a condamné le 24 janvier 2025 à une peine de quinze mois d'emprisonnement pour violences aggravées. Il constitue ainsi manifestement une menace pour l'ordre public.
4) - Sur la demande d'assignation à résidence
Selon l'article L743-13 du CESEDA le magistrat du siège du tribunal judiciaire ne peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger que lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives et qu'après remise a un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la mention de la décision d'éloignement en instance d'exécution.
En l'espèce la demande d'assignation à résidence ne pourra qu'être rejetée en l'absence de remise préalable d'un passeport en cours de validité aux autorités administratives.
Pour l'ensemble des motifs précédemment exposés il conviendra de confirmer l'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par décision réputée contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,
Déclarons recevable l'appel interjeté à l'encontre de l'ordonnance du 27 octobre 2025 du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Marseille,
Confirmons l'ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention du tribunal judiciaire de Marseille en date du 27 octobre 2025.
Les parties sont avisées qu'elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d'Etat ou de la Cour de cassation.
Le greffier Le président
Reçu et pris connaissance le :
Monsieur [U] [S]
Assisté d'un interprète
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-11, Rétentions Administratives
[Adresse 6]
Téléphone : [XXXXXXXX02] - [XXXXXXXX03] - [XXXXXXXX01]
Courriel : [Courriel 4]
Aix-en-Provence, le 29 octobre 2025
À
- PREFECTURE DES BOUCHES DU RHONE
- Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de [Localité 5]
- Monsieur le procureur général
- Monsieur le greffier du Magistrat du siège du tribunal judiciaire chargé du contrôle des mesures privatives et restrictives de libertés de MARSEILLE
- Maître Aurélie AUROUET-HIMEUR
NOTIFICATION D'UNE ORDONNANCE
J'ai l'honneur de vous notifier l'ordonnance ci-jointe rendue le 29 octobre 2025, suite à l'appel interjeté par :
Monsieur [U] [S]
né le 25 Février 1985 à [Localité 8]
de nationalité Israëlienne
Je vous remercie de m'accuser réception du présent envoi.
Le greffier,
VOIE DE RECOURS
Nous prions Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de bien vouloir indiquer au retenu qu'il peut se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation.
CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative
ORDONNANCE
DU 29 OCTOBRE 2025
N° RG 25/02085 - N° Portalis DBVB-V-B7J-BPJCL
Copie conforme
délivrée le 29 Octobre 2025 par courriel à :
- l'avocat
- le préfet
- le CRA
- le JLD/TJ
- le retenu
- le MP
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention du tribunal judiciaire de Marseille en date du 27 octobre 2025 à 11H20.
APPELANT
Monsieur [U] [S]
né le 25 février 1985 à [Localité 8] (Israël)
de nationalité israëlienne/palestinienne
comparant en visio conférence en application de l'article L743-7 du CESEDA.
Assisté de Maître Aurélie AUROUET-HIMEUR, avocate au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, commise d'office.
INTIMÉE
PREFECTURE DES BOUCHES DU RHONE
Avisée, non représentée,
MINISTÈRE PUBLIC
Avisé, non représenté
******
DÉBATS
L'affaire a été débattue en audience publique le 29 octobre 2025 devant M. Frédéric DUMAS, Conseiller à la cour d'appel délégué par le premier président par ordonnance, assisté de Mme Himane EL FODIL, Greffière,
ORDONNANCE
Réputée contradictoire,
Prononcée par mise à disposition au greffe le 29 octobre 2025 à 14h30,
Signée par M. Frédéric DUMAS, Conseiller et Mme Himane EL FODIL, Greffière,
PROCÉDURE ET MOYENS
Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;
Vu l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français pris le 10 juin 2021 par la préfecture de l'Ain et notifié le 21 juin 2021 ;
Vu l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français pris le 10 novembre 2022 par la préfecture des Bouches-du-Rhône et notifié le 25 novembre 2022 ;
Vu la condamnation du tribunal correctionnel de Marseille du 12 décembre 2022 ordonnant une interdiction temporaire du territoire français pendant cinq ans ;
Vu la décision fixant le pays de destination prise le 1er novembre 2024 par la PREFECTURE DES BOUCHES DU RHONE, notifiée le 4 novembre 2024 ;
Vu la décision de placement en rétention prise le 23 octobre 2025 par la PREFECTURE DES BOUCHES DU RHONE, notifiée le 24 octobre 2025 à 10h50 ;
Vu l'ordonnance du 27 octobre 2025 rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention du tribunal judiciaire de Marseille décidant le maintien de Monsieur [U] [S] dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;
Vu l'appel interjeté le 27 octobre 2025 à 17H36 par Monsieur [U] [S] ;
Monsieur [U] [S] a comparu et a été entendu en ses explications ; il déclare : 'je suis de nationalité palestinienne. Cela fait longtemps que je suis en prison. Je suis sorti de prison et on m'envoie au CRA. Je comprends pas, ils ont saisi le consulat tunisien mais moi j'ai jamais déclaré être tunisien. Ils ont saisi le Maroc aussi. Y a la mafia à [Localité 5]. J'ai été mis en danger. Ma vie a été mis en danger. Mon père est mort pendant que j'étais en prison. En prison j'étais protégé. Ici au CRA je ne suis pas protégé. Je veux quitter le territoire et aller en Belgique. Je récupère mes enfants et ma femme et j'irai en Belgique. J'ai pas droit d'appeler au téléphone car on me demande un certificat. Mais je ne pouvais rien ramener en étant en prison. Mes enfants, je n'ai pas de leurs nouvelles, je ne sais pas s'ils vont à l'école et s'ils mangent bien ou pas. Je vous jure je sors cette fois. La police au contrôle ils ont mal écrit mon nom de famille , je n'ai pas donné d'alias. Je m'appelle bien [S]. C'est mon cousin qui est tunisien moi je suis ne suis pas tunisien. C'est un proche que je connais de la prison mais ce n'est pas mon vrai cousin c'est une façon de parler. Il s'est trompé s'il a dit que j'étais tunisien. Je n'ai pas pu exécuter les mesures d'éloignement de 2021 et 2022 car je suis pas encore sorti. Si je sors, je quitte le territoire. J'ai pas eu le temps de partir car je dois rester pour me présenter devant le tribunal pour un jugement. Il faut que je respecte, et que je me présente au jugement. Je suis fatigué, mes enfants sont loin et tous seuls, je ne sais pas s'ils vont bien. Tous mes papiers sont restés en Belgique. Je n'ai pas les numéros de ma famille je ne peux pas appeler.'
Son avocate, régulièrement entendue, reprend les termes de la déclaration d'appel, demande l'infirmation de l'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire ainsi que la mainlevée du placement en rétention et ses observations ont été consignées dans le procès-verbal d'audience. Elle fait notamment valoir qu'il appartient à l'administration d'accomplir toutes les diligences nécessaires. Or son client n'a pu être entendu notamment par les autorités algériennes et israéliennes et le consulat tunisien ne l'a pas reconnu. Il n'y a aucune perspective raisonnable d'éloignement.
Le représentant de la préfecture ne comparaît pas.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La recevabilité de l'appel contre l'ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention n'est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d'irrégularité.
Pour autant , aux termes de l'article R743-11 alinéa 1 du CESEDA, à peine d'irrecevabilité la déclaration d'appel est motivée.
En l'occurrence l'appelant demande à la cour d'infirmer la décision du premier juge et, en liminaire de la partie discussion, précise que 's'ajoutent aux moyens développés dans la présente déclaration d'appel, tous éventuels autres moyens déjà développés dans les conclusions de première instance qui ont pu être déposés ou plaidés devant le JLD, et auxquels la présente déclaration se réfère nécessairement'.
Toutefois la juridiction du second degré étant saisie par une déclaration d'appel motivée et la procédure suivie étant orale les moyens soulevés devant le premier juge et non repris dans la déclaration d'appel ou devant le premier président dans le délai d'appel ne peuvent qu'être déclarés irrecevables.
1) - Sur la régularité de la saisine du magistrat du siège du tribunal judiciaire
L'article R.742-1 du CESEDA dispose que le magistrat du siège du tribunal judiciaire est saisi aux fins de prolongation de la rétention par simple requête de l'autorité administrative, dans les conditions prévues au chapitre III, avant l'expiration, selon le cas, de la période de quarante-huit heures mentionnée à l'article L.742-1 ou de la période de prolongation ordonnée en application des articles L.742-4, L.742-5, L.742-6 ou L.742-7.
A cette fin et à peine d'irrecevabilité, selon l'article R.743-2 du même code, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention, à savoir le préfet de département ou de police à [Localité 7] en application de l'article R.741-1. Dans ce cas la requête est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L.744-2.
Ce dernier énonce qu'il est tenu, dans tous les lieux de rétention, un registre mentionnant l'état civil des personnes retenues, ainsi que les conditions de leur placement ou de leur maintien en rétention. Le registre mentionne également l'état civil des enfants mineurs accompagnant ces personnes ainsi que les conditions de leur accueil. L'autorité administrative tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d'information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation.
Selon les dispositions de l'article L. 743-9 du CESEDA le magistrat du siège du tribunal judiciaire, saisi aux fins de prolongation de la rétention, rappelle à l'étranger les droits qui lui sont reconnus et s'assure, d'après les mentions figurant au registre prévu à l'article L. 744-2 émargé par l'intéressé, que celui-ci a été, dans les meilleurs délais suivant la notification de la décision de placement en rétention, pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir à compter de son arrivée au lieu de rétention. Le juge tient compte des circonstances particulières liées notamment au placement en rétention simultané d'un nombre important d'étrangers pour l'appréciation des délais relatifs à la notification de la décision, à l'information des droits et à leur prise d'effet.
Il résulte de la combinaison de ces textes que le registre doit être mis à jour et que la non-production d'une copie actualisée, permettant un contrôle de l'effectivité de l'exercice des droits reconnus à l'étranger au cours de la mesure de rétention, constitue une fin de non-recevoir. Celle-ci doit être accueillie sans que celui qui l'invoque ait à justifier d'un grief dès lors que le juge ne peut s'assurer que l'étranger a été en mesure d'exercer les droits qui lui sont reconnus par les articles L. 744-4 et suivants du CESEDA.
Le paragraphe IV de l'annexe de l'arrêté du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention et d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé «logiciel de gestion individualisée des centres de rétention administrative» (LOGICRA) prévoit notamment que sont enregistrées dans les traitements au titre des données à caractère personnel concernant la fin de la rétention et l'éloignement les informations suivantes :
1° Demande de laissez-passer consulaire, consulat saisi, date de la demande d'identification ou de présentation consulaire, type de présentation, motif de non-présentation, date de I'entretien, moyen de transport utilisé, résultat de I'entretien, délivrance du laissez-passer consulaire, date de délivrance, date et fin de validité du laissez-passer consulaire;
2° Réservation du moyen de transport national et international: date prévisionnelle de départ, moyen de transport utilisé, pays de destination, demande de routing, escorte;
3° Fin de la rétention: date et motif de la fin de rétention.
En l'espèce l'appelant soulève le défaut d'actualisation du registre de rétention dans la mesure où les diligences consulaires n'y sont pas mentionnées.
Toutefois les diligences consulaires effectuées par l'administration ne constituent nullement des droits au sens des articles L. 744-4 et suivants du CESEDA, dont le défaut de mention dans le registre de rétention rendrait irrecevable la requête en prolongation de la mesure de rétention, s'agissant au surplus d'une question de fond en application de l'article L741-3 du même code.
En conséquence il y aura lieu de rejeter la fin de non recevoir tirée du défaut de mention des diligences consulaires dans le registre de rétention et de production de pièces utiles.
2) - Sur les diligences de l'administration et les perspectives d'éloignement
L'article 15§4 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, dite 'retour', dispose que lorsqu'il apparaît qu'il n'existe plus de perspective raisonnable d'éloignement pour des considérations d'ordre juridique ou autres ou que les conditions énoncées au paragraphe 1, à savoir le risque de fuite ou l'étranger faisant obstacle à son éloignement, ne sont plus réunies, la rétention ne se justifie plus et la personne concernée est immédiatement remise en liberté.
Par ailleurs l'article L741-3 du CESEDA énonce qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.
Dans le cas présent le préfet a saisi dès le 24 octobre 2025 le consul général de Tunisie de la situation de l'intéressé aux fins de délivrance d'un laisser-passer consulaire, étant précisé que cette demande est fondée sur une information selon laquelle le cousin de M. [S] lui aurait rendu visite au centre de rétention administrative et aurait alors précisé qu'il se nommait en réalité [J] [U] et serait de nationalité tunisienne.
Dès lors, au regard de la célérité dont a fait preuve l'administration, l'appelant ne saurait sérieusement lui faire grief de n'avoir pas accompli les diligences légalement requises étant de surcroît rappelé que le préfet n'a pas à justifier des relances faites aux autorités consulaires saisies en temps utile et ce, en l'absence de pouvoir de contrainte sur les autorités étrangères.
Enfin les nombreux alias utilisés par M. [S] ne peuvent qu'accroître la complexité des diligences qui pèsent sur l'administration de sorte qu'il ne saurait lui être reproché de n'avoir pas effectué, dans les quelques jours suivant son placement en rétention, les démarches attendues à l'égard des autorités des différents pays susceptibles de le reconnaître.
Le moyen tiré de l'insuffisance des diligences de l'administration ou de l'absence de perspectives d'éloignement sera donc écarté.
3) - Sur la demande de première prolongation
L'article L. 741-1 du CESEDA dispose que l'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quatre jours, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision. Ce risque est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente.
Aux termes de l'article L. 742-1 du même code le maintien en rétention au-delà de quatre jours à compter de la notification de la décision de placement initiale peut être autorisé, dans les conditions prévues au présent titre, par magistrat du siège du tribunal judiciaire saisi à cette fin par l'autorité administrative. Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court pour une période de vingt-six jours selon l'article L. 742-3 à compter de l'expiration du délai de quatre jours mentionné à l'article L. 741-1.
En l'espèce la demande de prolongation de la mesure de rétention, fondée sur l'absence de garanties de représentation et la menace à l'ordre public que représenterait l'intéressé, ne peut qu'être validée.
En effet il s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement prononcée à son encontre le 21 juin 2021 alors qu'il n'était pas encore incarcéré. De plus il a été condamné les 28 juillet 2020 et 25 août 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence pour des faits d'outrage, menace de crime ou délit, et violence, sur une personne dépositaire de l'autorité publique, évasion, et pénétration non autorisée sur le territoire national après interdiction de retour, en récidive, et extorsion avec violences, en récidive ainsi que les 12 février 2022 et 24 janvier 2025 par le tribunal correctionnel de Marseille pour des faits de violence aggravée par deux circonstances suivie d'incapacité supérieure à huit jours, en récidive, et violence aggravée par trois circonstances suivie d'incapacité supérieure à huit jours, en récidive. Dernièrement la même juridiction l'a condamné le 24 janvier 2025 à une peine de quinze mois d'emprisonnement pour violences aggravées. Il constitue ainsi manifestement une menace pour l'ordre public.
4) - Sur la demande d'assignation à résidence
Selon l'article L743-13 du CESEDA le magistrat du siège du tribunal judiciaire ne peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger que lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives et qu'après remise a un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la mention de la décision d'éloignement en instance d'exécution.
En l'espèce la demande d'assignation à résidence ne pourra qu'être rejetée en l'absence de remise préalable d'un passeport en cours de validité aux autorités administratives.
Pour l'ensemble des motifs précédemment exposés il conviendra de confirmer l'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par décision réputée contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,
Déclarons recevable l'appel interjeté à l'encontre de l'ordonnance du 27 octobre 2025 du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Marseille,
Confirmons l'ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention du tribunal judiciaire de Marseille en date du 27 octobre 2025.
Les parties sont avisées qu'elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d'Etat ou de la Cour de cassation.
Le greffier Le président
Reçu et pris connaissance le :
Monsieur [U] [S]
Assisté d'un interprète
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-11, Rétentions Administratives
[Adresse 6]
Téléphone : [XXXXXXXX02] - [XXXXXXXX03] - [XXXXXXXX01]
Courriel : [Courriel 4]
Aix-en-Provence, le 29 octobre 2025
À
- PREFECTURE DES BOUCHES DU RHONE
- Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de [Localité 5]
- Monsieur le procureur général
- Monsieur le greffier du Magistrat du siège du tribunal judiciaire chargé du contrôle des mesures privatives et restrictives de libertés de MARSEILLE
- Maître Aurélie AUROUET-HIMEUR
NOTIFICATION D'UNE ORDONNANCE
J'ai l'honneur de vous notifier l'ordonnance ci-jointe rendue le 29 octobre 2025, suite à l'appel interjeté par :
Monsieur [U] [S]
né le 25 Février 1985 à [Localité 8]
de nationalité Israëlienne
Je vous remercie de m'accuser réception du présent envoi.
Le greffier,
VOIE DE RECOURS
Nous prions Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de bien vouloir indiquer au retenu qu'il peut se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation.