CA Lyon, 8e ch., 11 mars 2014, n° 13/00662
LYON
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vencent
Conseiller :
M. Defrasne
Conseiller :
Mme Clement
Avocats :
SCP AGUIRAUD NOUVELLET, SELARL POYARD AVOCATS
Avocats :
Me Flochon, Me Sadourny
EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé en date du 17 février 2004, monsieur et madame H. ont donné à bail à monsieur C. et madame K. un appartement sis 425 Cours Emile Z. à 69100 VILLEURBANNE.
Monsieur F. s'est alors porté caution solidaire pour le paiement des loyers, charges, réparations locatives, frais de procédure et indemnités d'occupation.
Courant 2006, les loyers n'étaient plus payés régulièrement.
Par un premier jugement rendu le 24 mai 2007, le tribunal d'instance de VILLEURBANNE a :
- condamné solidairement madame K. et monsieur C. à payer à monsieur et madame H. la somme de 4.664,21 € au titre des loyers et charges arrêtés au 10 mai 2007, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation,
- prononcé la résiliation judiciaire du bail liant les parties et, en conséquence, autorisé l'expulsion des intéressés,
- condamné solidairement les occupants à payer une indemnité d'occupation égale aux loyers et charges contractuellement prévus, et ce jusqu'à la libération des lieux,
- condamné solidairement les mêmes à payer la somme de 100 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.
Par arrêt de notre cour en date du 24 mai 2010, il a été procédé à l'annulation du jugement rendu le 24 mai 2007 à l'encontre de monsieur C., l'assignation délivrée l'ayant été à une adresse que les demandeurs à l'action savaient inexacte.
Madame K. étant insolvable, les époux H. ont fait citer devant le tribunal d'instance de VILLEURBANNE, monsieur F., en sa qualité de caution solidaire de madame K., pour solliciter sa condamnation au paiement des sommes dont leur ancienne locataire resterait redevable.
Par exploit du 22 février 2012, monsieur F. a appelé en cause monsieur C., afin que ce dernier le relève et garantisse de toute éventuelle condamnation.
Par jugement rendu le 30 novembre 2012, le tribunal d'instance de VILLEURBANNE a :
- ordonné la jonction des deux instances,
- condamné monsieur F. à payer aux époux H. la somme de 10.499,95 € ,
- dit n'y avoir lieu à dommages et intérêts,
- débouté monsieur F. de sa demande dirigée contre monsieur C.,
- condamné monsieur F. à payer à monsieur C. la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit des éoux H.,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné monsieur F. aux dépens.
Monsieur F. a relevé appel de cette décision et en demande complète réformation
Il demande à la cour de débouter les consorts H. de toutes leurs demandes, de le décharger de l'engagement de caution litigieux et de toutes ses conséquences, de condamner solidairement les consorts H. à lui payer les sommes de :
- 15.000 € à titre de dommages et intérêts pour les fautes commises dans le cadre des poursuites mal engagées contre les débiteurs principaux et la perte de toute possibilité de subrogation fructueuse,
- 3.000 € de dommages et intérêts, en raison de la présente procédure abusive,
- 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il est encore demandé de condamner monsieur Guy C. à relever et garantir monsieur Patrick F. de toutes les condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre par le jugement à intervenir, de condamner monsieur Guy C. à lui payer la somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il soutient que son engagement de caution serait dépourvu de cause et d'objet, le contrat de bail consenti à madame K. et monsieur C. étant aujourd'hui résilié puisque le bail d'habitation était résilié depuis près de quatre années lorsque les consorts H. ont assigné monsieur Patrick F. en justice en qualité de caution. Le 15 mars 2011, le bail n'existait plus juridiquement et la cause du cautionnement aurait par conséquent disparue.
Il soutient encore que son acte de cautionnement fait état d'un engagement souscrit «pour la durée du bail et le cas échéant, de trois renouvellements», pour en déduire qu'il n'avait pas vocation à s'appliquer en cas de tacite reconduction.
Selon cette partie, la tacite reconduction du bail n'entraîne pas prorogation du contrat primitif mais donne naissance à un nouveau contrat. Le cautionnement ne pourrait donc être étendu au delà de ses limites et, à défaut de renouvellement exprès du bail principal et de l'engagement de la caution, l'extinction du bail initial entraînerait nécessairement celles du cautionnement. L'acte de caution donné «pour la durée du contrat initial et de son renouvellement éventuel» ne vaudrait pas en cas de reconduction tacite.
Il est affirmé que le premier bail s'étant achevé le 16 février 2007, à cette date aucun renouvellement n'est intervenu, conformément à l'article 10 alinéa 4 de la loi du 6 juillet 1989 et dans les formes de l'article 15, de ce fait l'engagement de caution de monsieur Patrick F. ne devrait être étendu au delà du 16 février 2007.
Il est enfin soutenu que faute d'avoir appelé correctement monsieur C. en la cause à une adresse qu'ils connaissaient, les époux H. auraient commis une faute cause d'un dommage à la caution qui aurait pu se retourner contre le débiteur, cette faute serait génératrice de dommages et intérêts à hauteur d'une somme de 15.000 € susceptibles de venir en compensation des sommes dues.
Concernant l' action récursoire contre monsieur C., se serait à tort que le premier juge aurait mis cette partie hors de cause, celle ci n' ayant pas donné congé dans les formes de la loi et demeurant bien débiteur, solidairement avec sa colocataire, au moment où des mises en demeure lui étaient envoyées par les bailleurs.
A l'opposé, les époux H. demandent à la cour de confirmer la décision en son principe mais de la modifier sur le montant des condamnations.
Il y aurait donc lieu de condamner monsieur Patrick F. à payer à monsieur Robert H. et madame Michelle H., née B., la somme de 11.724,74 € au titre des loyers, charges, indemnités d'occupation et frais de procédure, afférents au logement pris à bail par madame Marlyse K., après déduction du dépôt de garantie, de condamner le même à payer aux mêmes la somme de 3.174,12 € , à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier subi, de débouter monsieur Patrick F. de l'ensemble de ses demandes comme étant mal fondées, de condamner monsieur Patrick F. à payer aux époux H. la somme de 2.000 € sur le
fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Il est ainsi répliqué que, contrairement à ce que monsieur F. semble penser, il continue d'être tenu à payer la somme de 11.724,74 € au titre des loyers, charges, indemnités d'occupation et frais de procédure afférents au logement pris à bail par madame Marlyse K., après déduction du dépôt de garantie. De même, il serait fantaisiste de soutenir, comme le fait monsieur F., que son obligation aurait cessé dès le 17 février 2007, la caution n'ayant pas vocation à disparaître en cas de tacite reconduction du bail.
Enfin, ils n'auraient commis aucune faute dans la mise hors de cause de monsieur C. car ce serait uniquement l'existence d'un congé régulier donné par monsieur C. dès le 06 juillet 2006, qui lui aurait permis d'être déchargé de son obligation à paiement dans les trois mois qui ont suivi, puisque le bail ne comportait pas de clause de solidarité entre les colocataires.
Si monsieur F. fait aujourd'hui l'objet d'une demande en paiement, ce serait seulement du fait de l'engagement de caution qu'il a consenti au bénéfice de madame K..
Sur le montant de la créance, il conviendrait de tenir compte des sommes suivantes :
- 4.664,21 € au titre de l'arriéré de loyers et charges arrêté au 10 mai 2007, conformément au jugement rendu le 24 mai 2007,
- 3.558,35 € au titre des indemnités d'occupation échues de juin à octobre 2007 (711,67 € x 5),
- 100 € correspondant à l'article 700 du code de procédure civile qui leur a été alloué dans le cadre du jugement du 24 mai 2007,
- 337,66 € au titre des intérêts légaux,
- 4.315,69 € au titre des dépens, qui sont tous justifiés par la production des différents actes d'exécution diligentés à l'encontre de madame K.,
- à déduire, la somme de 1.036,00 € correspondant au dépôt de garantie,
- à déduire, la somme de 215,17 € au titre d'un règlement reçu suite à une saisie mobilière pratiquée sur les biens de madame K..
En l'état de ce décompte, la cour est invitée à condamner monsieur F. au paiement de la somme de 11.724,74 € , outre celle de 2.374,12 € au titre de frais d'avoué, outre une indemnité de 800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour ce qui le concerne, monsieur C. demande à la cour de constater qu'il n'a aucune dette envers le bailleur et n'est donc pas débiteur principal. Il conviendrait dans ces conditions de confirmer le jugement rendu par le tribunal d'instance de VILLEURBANNE le 30 novembre 2012 et de condamner monsieur F. à lui payer la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code procédure civile.
SUR QUOI LA COUR
Il convient de se référer à l'engagement de caution pour constater que monsieur F. s'est engagé de la manière suivante: «Le présent cautionnement est consenti par le signataire pour la durée du bail initial et le cas échéant de trois renouvellements» suit la mention «soit jusqu'au 16 février 2013».
Rien ne permet de distinguer dans cet engagement le renouvellement du dit contrat de bail par nouveau contrat signé ou le renouvellement par tacite reconduction, manière très ordinaire et usuelle de la reconduction des baux d'habitation en cas d'absence de changement dans les conditions d'occupation.
En tout état de cause, telle apparaît bien être la commune intention des parties.
C'est donc sans droit que monsieur F. soutient que son obligation aurait cessé dès le 17 février 2007.
Le jugement sur ce point doit être confirmé.
Il est avéré que monsieur F. est recherché en sa qualité de caution de madame K. et donc peu importe que monsieur C., autre débiteur, ait été mis hors de cause pour des questions de procédure puisqu'il est avéré qu'en réalité, monsieur C. a donné officiellement congé le 06 juillet 2006 et que les locataires étaient à jour de leur loyer au moins jusqu'à cette date.
Monsieur C. n'a donc aucune dette envers le bailleur alors même que le bail ne comporte aucune clause de solidarité entre les copreneurs et que la solidarité ne se présume point.
Monsieur F., du fait de son engagement, doit garantir les consorts H. au titre des loyers impayés, des indemnités d'occupation et des frais de procédure liés à l'expulsion de la locataire.
Comme judicieusement noté par les bailleurs, ces derniers, s'ils pouvaient actionner la caution en même temps que la locataire, n'en avaient pas l'obligation.
Il n'existe donc aucune faute ouvrant droit à réparation de l'avoir actionné postérieurement alors que celui ci n'explique pas en quoi son intervention plus rapide à la procédure aurait permis de limiter la dette de loyers et donc la portée pratique de son engagement.
Par contre, monsieur F. fait remarquer à bon droit que les consorts H. forment également à son encontre une demande de condamnation à hauteur de la somme de 3.174,12 € titre de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice financier. Ils expliquent que du fait de la défaillance de leurs locataires principaux, ils ont été contraints de se défendre à une procédure d'appel initiée par monsieur C., à l'issue de laquelle ils ont supporté les dépens d'avoués et une somme de 800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Mais une telle procédure a été perdue par leur seule faute.
C'est donc à bon droit que le premier juge a rejeté la demande de dommages et intérêts présentée de ce chef par les époux H..
Il convient en définitive de confirmer le jugement déféré.
Les époux H. et monsieur F. succombent largement dans leurs demandes en cause d'appel, il n'y a donc pas lieu en équité à appliquer les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur F. doit par contre prendre en charge de ce chef une somme de 800 € au bénéfice de monsieur C..
Les dépens de première instance et d'appel sont à mettre à la charge de monsieur F..
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré,
Dit n'y avoir complémentairement en cause d'appel à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dans les rapports entre les époux H. et monsieur F.,
Condamne par contre monsieur F. à payer la somme de 800 € de ce chef à monsieur C.,
Condamne monsieur F. aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile par ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande.