CA Douai, 8e ch. sect. 4, 21 juin 2018, n° 17/02083
DOUAI
Arrêt
Infirmation partielle
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Tapsoba Chateau
Conseiller :
Mme Pecqueur
Conseiller :
Mme Theetten
Avocat :
Me Maachi
Avocat :
Me Craynest
Vu le jugement du tribunal d'instance de Tourcoing du 15 février 2017 ;
Vu l'appel interjeté par M. Mohamed H. le 28 mars 2017 ;
Vu les dernières conclusions déposées le 6 juillet 2017 pour M. H. ;
Vu les dernières conclusions déposées le 7 juillet 2017 pour Mme Laetitia L. et Mme Mélissa L. ;
Vu l'article 22-1 loi n°89-462 du 6 juillet 1989 dans sa rédaction antérieure au 27 mars 2014, les articles 7, 15I de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 et les articles 696 et 700 du code de procédure civile ;
Attendu que, suivant acte sous seing privé en date du 18 février 2014 et à effet du 19 février 2014, M. H. a donné à bail à Mme Laetitia L. un immeuble à usage d'habitation situé [Adresse] moyennant un loyer mensuel révisable de 530 euros, outre une provision sur charges de 35 euros ;
Que suivant acte sous seing privé non daté Mme Mélissa L. s'est portée caution solidaire des obligations souscrites par Mme Laetitia L. ;
Que Mme Mélissa L. a libéré le logement le 31 mars 2015 ;
Attendu que le jugement entrepris, auquel il convient de se référer pour un rappel de la procédure antérieure, a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, déclaré nul l'engagement de Mme Mélissa L., débouté M. H. de ses demandes dirigées contre Mme Mélissa L., condamné Mme Laetitia L. à payer à M. H. la somme de 139,81 euros au titre des loyers impayés avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation et la somme de 600 euros au titre des réparations locatives, constaté que le dépôt de garantie de 530 euros n'a pas été restitué, ordonné la compensation des sommes respectivement dues par les parties à hauteur de la plus faible d'entre elles, condamné M. H. à payer à Mme Mélissa L. la somme de 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté les autres demandes, condamné Mme Laetitia L. aux dépens en ce compris le coût de la sommation ;
Attendu que M. H. conclut à l'infirmation du jugement et demande la condamnation solidaire de Mme Laetitia L. et Mme Mélissa L. à lui payer la somme de 3941,33 euros avec intérêts au taux légal à dater du 4 avril 2016, et leur condamnation à lui payer une indemnité de 500 euros au titre de la résistance abusive ;
Que Mme Laetitia L. et Mme Mélissa L. sollicitent la confirmation du jugement sauf en ce qu'il a condamné Mme Laetitia L. à payer la somme de 600 euros au titre des réparations locatives et ordonné la restitution du dépôt de garantie ; qu'elles demandent la condamnation de M. H. à leur payer une indemnité de 600 euros à chacune à titre de dommages et intérêts ;
Attendu, sur la validité de l'engagement de cautionnement, qu'en application de l'article 22-1 dans sa rédaction antérieure au 27 mars 2014, l'acte de cautionnement est nul en l'absence de remise d'une copie du bail à la caution ou en l'absence de mention manuscrite de la personne qui se porte caution exprimant de façon explicite et non équivoque la connaissance qu'elle a de la nature et de l'étendue de l'obligation qu'elle contracte et de la reproduction manuscrite de l'alinéa précédent. Le bailleur remet à la caution un exemplaire du contrat de location ;
Qu'en l'espèce, est produit l'original d'un contrat de bail par Mmes L. lequel ne comporte aucun cautionnement, que M. H. produit une copie du bail comportant un cautionnement de Mme Mélissa L. dont il n'est pas contesté qu'il avait été produit en original devant le premier juge ;
Que Mme Mélissa L. a inscrit de manière manuscrite le montant du loyer et des possibilités de révision en fonction de la ' variation de l'indice de référence des loyers publiée par l'INSEE telle que définie à l'article 5 du bail sus visé, dont je reconnais avoir reçu un exemplaire ' ; qu'ainsi, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, Mme Mélissa L., a reçu un exemplaire du bail ;
Que le moyen pris de la violation des articles L. 341-2 et suivants du code de la consommation est inopérant dès lors que ces articles sont inapplicables au cautionnement souscrit par Mme Mélissa L. à l'égard de M. H. ;
Que, toutefois, l'acte de cautionnement n'est pas daté ;
Qu'est apposée sur le cautionnement la mention manuscrite suivante : 'cette caution est donnée pour une durée maximale de six ans, prenant effet jusqu'à l'extinction des obligations du locataire, son bail pouvant être reconduit tacitement, légalement ou conventionnellement. Je déclare en conséquence avoir pleine connaissance de l'étendue de l'obligation que j'ai ainsi contractée ainsi que de l'article 22-1 nouveau de la loi du 6 juillet 1989 dont je reproduis ci après le quatrième alinéa' ;
Que cette mention ne précise aucune date de prise d'effet laquelle a été laissée en blanc ; qu'elle énonce un engagement déterminé pour une durée de six ans mais précise un engagement jusqu'à l'extinction des obligations du locataire et reproduit les mentions obligatoires en cas de cautionnement indéterminé ;
Qu'en conséquence, la mention manuscrite n'exprime pas de manière univoque la connaissance de l'étendue des engagements souscrits par Mme Mélissa L. ;
Que le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré nul l'engagement de Mme Mélissa L. ;
Attendu, sur la demande en paiement des loyers, qu'en application de l'article 7 de la loi du 6 juillet 1989, le locataire est tenu au paiement des loyers et charges aux termes convenus ;
Que l'article 15I de la loi du 6 juillet 1989 dans sa rédaction issue de la loi du 24 mars 2014 énonce que : 'lorsqu'il émane du locataire, le délai de préavis applicable au congé est de trois mois ;
Le délai de préavis est toutefois d'un mois :
1° Sur les territoires mentionnés au premier alinéa du I de l'article 17 ;
2° En cas d'obtention d'un premier emploi, de mutation, de perte d'emploi ou de nouvel emploi consécutif à une perte d'emploi ;
3° Pour le locataire dont l'état de santé, constaté par un certificat médical, justifie un changement de domicile ;
4° Pour les bénéficiaires du revenu de solidarité active ou de l'allocation adulte handicapé ;
5° Pour le locataire qui s'est vu attribuer un logement défini à l'article L. 351-2 du code de la construction et de l'habitation.
Le locataire souhaitant bénéficier des délais réduits de préavis mentionnés aux 1° à 5° précise le motif invoqué et le justifie au moment de l'envoi de la lettre de congé. A défaut, le délai de préavis applicable à ce congé est de trois mois.
Le congé doit être notifié par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, signifié par acte d'huissier ou remis en main propre contre récépissé ou émargement. Ce délai court à compter du jour de la réception de la lettre recommandée, de la signification de l'acte d'huissier ou de la remise en main propre.
Pendant le délai de préavis, le locataire [...] redevable du loyer et des charges concernant tout le délai de préavis si c'est lui qui a notifié le congé, sauf si le logement se trouve occupé avant la fin du préavis par un autre locataire en accord avec le bailleur.'
Que les parties invoquent les dispositions de cet article dans sa rédaction issue de la loi du 24 mars 2014 ; que ces disposition sont celles appliquées par le premier juge ; qu'il y a donc un accord des parties pour les appliquer au litige ;
Que le congé de Mme Laetitia L. en date du 19 mars 2015 et reçu le 1er avril 2015 par M. H. est motivé par l'obtention d'un logement adapté à sa situation de vie avec ses enfants ; qu'il est précisé que 'comme convenu' Mme Laetitia L. libérera le logement le 31 mars 2015 ;
Que Mme Laetitia L. ne précise pas dans le congé qu'elle a obtenu un logement social ni qu'elle a perdu son emploi ; que les justificatifs d'une perte d'emploi ou de l'obtention d'un logement social n'y sont pas joints ;
Que les termes du congé et la réalisation d'un état des lieux le 1er avril 2015 ne démontrent pas l'accord des parties pour réduire le préavis à un mois ;
Que dans ces conditions et faute de la preuve d'un accord, Mme Laetitia L. était tenue au paiement des loyers jusqu'au 1er juillet 2015 ;
Qu'il résulte des décomptes d'avril, mai et juin 2015 que, hors réparations locatives, M. H. sollicite la somme de 1998,68 euros et que le reliquat de mars 2015 évoqué dans ses écritures n'est pas sollicité ;
Que Mme Laetitia L. ne justifie d'aucun paiement ;
Que la régularisation d'eau à hauteur de 158,02 euros n'est pas justifiée ;
Qu'en conséquence, Mme Laetitia L. sera condamnée à payer la somme de 1840,66 euros, déduction faite de la somme de 158,02 euros ;
Attendu, sur les dégradations locatives, que le preneur à bail est tenu de restituer la chose louée dans l'état dans laquelle il l'a reçue, excepté ce qui a été dégradé par vétusté ou force majeure ou à moins qu'il ne prouve que les dégradations ont eu lieu sans sa faute ;
Que selon l'article 1731 du code civil, en l'absence d'état des lieux d'entrée, les locataires sont réputés avoir reçu le logement en bon état de réparations locatives ;
Qu'en l'espèce, ce sont par des motifs pertinents et exacts que le premier juge a retenu la force probante de l'état des lieux d'entrée et de sortie renseigné sur un même feuillet, produit en original et signé le 1er avril 2015 par Mme Laetitia L. ;
Que Mme Laetitia L. est restée 14 mois dans le logement ;
Que la comparaison des états des lieux d'entrée et de sortie fait apparaître 125 trous à reboucher, une poignée de porte à réparer, un trou dans une porte, des dégradations de l'abattant des toilettes et des toilettes fissurées, de la faïence cassée (deux carreaux selon la pièce 5/9 de M. H.), des taches sur les murs, un problème d'ouverture d'une fenêtre dans la chambre 1, et deux autocollants ne pouvant être enlevés sur deux portes ;
Qu'il résulte de l'état des lieux de sortie et des photographies non contestées aux débats que les désordres sus décrits ne justifient pas une réfection complète des murs, sols et plafond de l'appartement comme mentionné sur le devis de la société BB peinture du 6 juin 2015, étant précisé que les plafonds et sols sont restitués dans le même état que lors de la prise à bail ; que, malgré leur nombre, les trous dans les murs et les tâches ne justifient pas une réfection complète ;
Que l'indemnisation du bailleur n'est pas soumise à la production de factures ; que le tribunal a exactement apprécié le préjudice subi par M. H. à la somme de 600 euros au vu des devis et factures produites aux débats ;
Que le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné Mme Laetitia L. à payer à M. H. la somme de 600 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;
Attendu sur les dépôt de garantie, que Mme Laetitia L. et Mme Mélissa L. reconnaissent que celui ci n'a jamais été encaissé ; que le jugement sera infirmé en ce qu'il a ordonné sa restitution ;
Attendu sur la demande de dommages et intérêts formée par Mme Laetitia L. que la solution du litige exclut tout préjudice subi par cette dernière ; que le premier juge a, par des motifs pertinents, écarté la demande formée par Mme Mélissa L. ;
Attendu que ce sont par des motifs exacts que le premier juge a rejeté la demande de dommages et intérêts formée par M. H. au titre de la résistance abusive, étant précisé que s'agissant de Mme Mélissa L. la résistance abusive est exclue compte tenu de la solution du litige ;
Attendu que la solution du litige exclut toute compensation ; que le jugement sera infirmé en ce qu'il l'a ordonnée ;
Attendu que toutes les autres dispositions du jugement non critiquées seront confirmées ;
Attendu que M. H. succombe dans ses demandes dirigées contre Mme Mélissa L. ; que Mme Laetitia L. succombe à l'instance ;
Qu'il convient de condamner Mme Laetitia L. aux dépens sauf ceux concernant Mme Mélissa L. qui seront supportés par M. H. ; que le jugement sera infirmé sur les dépens ;
Que les demandes d'indemnité de procédure de Mme Laetitia L. et M. H. sont rejetées tant en première instance qu'en appel ;
Que l'équité commande de confirmer le jugement sur l'indemnité de procédure allouée à Mme Mélissa L. et de condamner M. H. à lui payer une indemnité de procédure de même montant en cause d'appel ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement du tribunal d'instance de Tourcoing sauf en ce qu'il a condamné Mme Laetitia L. à payer à M. Mohamed H. la somme de 139,81 euros au titre des loyers impayés, ordonné la restitution du dépôt de garantie et ordonné la compensation des créances réciproques des parties et condamné Mme Laetitia L. aux dépens ;
L'infirme de ces chefs ;
Statuant à nouveau ;
Condamne Mme Laetitia L. à payer à M. Mohamed H. la somme de 1840,66 euros au titre des loyers impayés au 1er juillet 2015 ;
Condamne M. Mohamed H. à payer à Mme Mélissa L. une indemnité de procédure de 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Condamne Mme Laetitia L. aux dépens, de première instance et d'appel, sauf ceux concernant Mme Mélissa L. ;
Condamne M. Mohamed H. aux dépens, de première instance et d'appel, relatifs à Mme Mélissa L..