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Décisions

CA Bordeaux, 1re ch. civ., 20 septembre 2021, n° 19/06056

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Potee

Conseiller :

M. Braud

Conseiller :

Mme Heras de Pedro

Avocat :

Me Haas

Avocats :

Me Esseul, Me Cesso

CA Bordeaux n° 19/06056

19 septembre 2021

EXPOSE DU LITIGE

Le 1er mai 2015, M. X E et Mme C E ont donné en location à M. D A et Mme B A l'appartement 36, bâtiment 9, de l'immeuble situé [Adresse] à Cenon.

Le 31 octobre 2017, un commandement de payer visant la clause résolutoire a été délivré aux locataires, dénoncé à Mme Y en sa qualité de caution le 9 novembre 2017, dans le délai prévu par la loi pour la notification à la caution.

Le 19 février 2018, M. X E et Mme C E, se prévalant d'un acte de caution solidaire de Mme Z Y, ont assigné cette dernière et les époux A en référé devant le tribunal d'instance de Bordeaux, aux fins de voir essentiellement ordonner la résiliation du bail, l'expulsion des locataires et obtenir leur condamnation solidaire avec Mme Y au paiement de l'arriéré locatif et des indemnités d'occupation.

Par ordonnance du 31 août 2018, le tribunal d'instance de Bordeaux statuant en référé a essentiellement constaté l'acquisition de la clause résolutoire, ordonné l'expulsion des locataires et condamné solidairement ces derniers avec Mme Z Y au paiement d'une indemnité provisionnelle pour l'arriéré de loyers, charges locatives et indemnités d'occupation à la date du 13 juillet 2018.

Par acte du 20 décembre 2018, Mme Z Y a assigné Mme C E devant le tribunal d'instance de Bordeaux aux fins de le voir notamment rétracter l'ordonnance de référé du 31 août 2018 en tant qu'elle la condamne, prononcer la nullité du cautionnement du 1er mai 2015 et ordonner la restitution des sommes saisies en exécution du jugement, remettant notamment en cause la forme de l'acte de cautionnement et l'authenticité de l'écriture et de la signature apposés à l'acte.

Par jugement du 9 septembre 2019, le tribunal d'instance de Bordeaux a :

- Dit que la demande de Mme Z Y était recevable en application de l'article 484 du code de procédure civile,

- Prononcé la nullité du cautionnement solidaire du 1er mai 2015 en application de l'article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989,

- Ordonné à Mme C E de restituer à Mme Z Y la totalité des sommes versées et saisies en exécution du cautionnement litigieux,

- Rejeté toutes demandes plus amples ou contraires,

- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement,

- Condamné Mme C E à payer à Mme Z Y la somme de 400 euros sur ce fondement,

- Condamné Mme C E aux dépens de l'instance.

Pour statuer ainsi qu'il l'a fait, après avoir constaté le défaut de qualité à agir de M. X E, le premier juge a essentiellement dit que l'ordonnance de référé était une décision provisoire de sorte que la demande de Mme Y était recevable, que l 'acte de cautionnement était nul comme ne comportant pas les mentions manuscrites exigées par la loi et surabondamment que son écriture était différente de celle de Mme Y sur les exemplaires produits à la procédure.

Mme C E a relevé appel de cette décision par déclaration faite le 18 novembre 2019.

Par conclusions du 11 mai 2021, Mme C E demande à la cour de :

- Recevoir Mme C E dans son appel limité,

- Rejeter l'appel incident formé par Mme Z Y,

- Infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité de l'acte de cautionnement,

Statuant à nouveau,

- Prononcer (sic) que l'acte de cautionnement rédigé par Mme Z Y en date du 1er mai 2015 est valable,

- Rejeter en conséquence les demandes de Mme Z Y,

Y ajoutant,

- Condamner Mme Z Y à payer la somme de 2.500 euros à Mme C E sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner Mme Z Y aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions déposées le 3 avril 2020, formant appel incident, Mme Z Y, demande à la cour de :

- Confirmer le jugement du 9 septembre 2019 en ce qu'il a:

* Dit que la demande de Mme Z Y est recevable en application de l'article 484 du code de procédure civile,

* Prononcé la nullité du cautionnement solidaire du 1er mai 2015 en application de l'article 22-1de la loi du 6/07/1989,

* Ordonné Mme C E de restituer à Mme Z Y la totalité des sommes versées et saisies en exécution du cautionnement litigieux,

* Condamné Mme C E à payer à Mme Z Y la somme de 400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* Condamné Mme C E aux dépens de l'instance,

- Réparer l'erreur matérielle affectant le jugement et dire que la phrase suivante:

Condamne Mme C E à payer à Mme Z Y la somme de 400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Remplacera celle ci:

"Condamne Mme C E à payer à Mme Z Y la somme de 400 euros sur ce sur ce fondement ;"

Faisant droit à l'appel incident de Mme Z Y,

- Rétracter l'ordonnance de référé du 31 août 2018 RG n° 12-18-000450 en tant qu'elle condamne Mme Z Y,

- Dire que les frais d'exécution de l'ordonnance du 31 août 2018 incomberont en intégralité à Mme C E.

- Effectuer avant dire droit, une vérification d'écritures,

- Débouter Mme C E de ses demandes,

- Condamner Mme C E à verser à Mme Z Y la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- La condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 31 mai 2021 et l'affaire a été fixée à l'audience du 14 juin 2021.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de la demande de Mme Y

L'article 484 du code de procédure civile énonce que l'ordonnance de référé est une décision provisoire rendue à la demande d'une partie, l'autre présente ou appelée, dans les cas où la loi confère à un juge qui n'est pas saisi du principal de pouvoir d'ordonner immédiatement les mesures nécessaires.

Mme E fait valoir que la rétractation n'est pas possible pour une ordonnance de référé.

Mme Y réplique que l'ordonnance de référé est provisoire et qu'elle est donc recevable en sa demande.

Il s'infère de la disposition précitée que le juge du fond est compétent pour statuer sur les mêmes demandes que celles soumises au juge des référés, dont la décision n'est que provisoire et n'a pas autorité de la chose jugée au fond.

Le jugement déféré qui a déclaré Mme Y recevable en sa demande sera confirmé.

Sur la validité de l'acte de cautionnement

Mme E fait valoir pour l'essentiel que Mme Y a acquiescé à la saisie attribution pratiquée en exécution de l'ordonnance de référé qui l'a condamnée en sa qualité de caution, que l'absence de mention du loyer en toutes lettres n'a pas entraîné la nullité de l'acte de cautionnement, que la reproduction manuscrite du dernier alinéa de l'article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 n'est exigée que pour les cautionnements à durée indéterminée ce qui n'est pas le cas, que la signature et l'écriture de Mme Y y sont les mêmes que celles figurant sur l'acte d'acquiescement à la saisie attribution.

Mme Y réplique pour l'essentiel que l'acte de cautionnement est nul car il ne mentionne pas le montant du loyer en toutes lettres et ne reproduit pas manuscritement l'avant dernier aliéna de l'article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989.

Mme Y reste recevable à contester la régularité de son engagement de caution, peu important qu'elle ait acquiescé à une saisie attribution diligentée en exécution de l'ordonnance de référé revêtue de l'exécution provisoire de droit.

En l'espèce, l'acte de caution est en date du 1er mai 2015. prévoyant un cautionnement consenti pour la durée du bail initial et le cas échéant un renouvellement.

Selon l'article 22'1 de la loi du 6 juillet 1989 dans sa version applicable au litige, antérieure à la loi Elan, lorsque le cautionnement d'obligations résultant d'un contrat de location ne comporte aucune indication de durée ou lorsque la durée du cautionnement est stipulée indéterminée, la caution peut le résilier unilatéralement. La résiliation prend effet au terme du contrat de location, qu'il s'agisse du contrat initial ou d'un contrat reconduit ou renouvelé au cours duquel le bailleur reçoit notification de la résiliation.

La personne physique qui se porte caution fait précéder sa signature de la reproduction manuscrite du montant du loyer et des conditions de sa révision tels qu'ils figurent au contrat de location, de la mention manuscrite exprimant de façon explicite et non équivoque la connaissance qu'elle a de l'étendue de l'obligation qu'elle contracte et de la reproduction manuscrite de l'alinéa précédent. Le bailleur remet à la caution un exemplaire du contrat de location. Ces formalités sont prescrites à peine de nullité du cautionnement.

La loi Elan entrée en vigueur le 25 novembre 2018 a maintenu ces dispositions sauf en ce qui concerne la reproduction manuscrite.

En l'espèce, l'engagement de caution au nom de Z Y indique de façon manuscrite les mentions « bon pour caution solidaire et sans faculté de discussion pour paiement du loyer, des charges, réparations locatives, frais de procédure, indemnités d'occupation » et « j'ai parfaitement connaissance de la nature de l'étendue de mon engagement notamment ce qui concerne le montant du loyer fixé à la somme mensuelle de 820 ' révisable annuellement à la date anniversaire du contrat selon IRL. »

Le montant du loyer est donc bien reproduit de façon manuscrite comme le requiert la disposition précitée sans qu'elle exige une mention en toutes lettres.

En revanche, elle ne reproduit pas de façon manuscrite l'avant dernier alinéa de l'article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 selon lequel lorsque le cautionnement d'obligations résultant d'un contrat de location conclu en application du présent titre ne comporte aucune indication de durée ou lorsque la durée du cautionnement est stipulée indéterminée, la caution peut le résilier unilatéralement. La résiliation prend effet au terme du contrat de location, qu'il s'agisse du contrat initial ou d'un contrat reconduit ou renouvelé au cours duquel le bailleur reçoit notification de la résiliation ».

En effet, il est porté la seule mention manuscrite suivante : « je reconnais avoir eu connaissance des dispositions de l'alinéa premier de l'article 22'1 de la loi du 6 juillet 1989 ci après reproduite » mais sans la reproduction manuscrite de cette disposition.

Contrairement à ce qu'affirme Mme E, la reproduction manuscrite de cette disposition n'est pas exigée pour les seuls contrats à durée indéterminée, le texte ne faisant pas la distinction entre engagement à durée déterminée ou à durée indéterminée.

Dès lors, pour ce seul motif, l'engagement de la caution est nul.

Il n'y a donc pas lieu d'examiner si l'acte de caution a été rédigé par Mme Y elle même et dès lors la demande de vérification d'écriture est sans objet.

Le jugement déféré qui a dit que l'acte de caution était nul sera confirmé.

Sur les autres demandes

En application de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Mme E qui succombe en supportera donc la charge, de même que celle des frais d'exécution de l'ordonnance de référé.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.

Mme E qui succombe, sera condamnée à payer à Mme Y la somme de 800 euros sur ce fondement.

En outre, il sera rectifié l'erreur matérielle s'agissant de la condamnation à la somme de 400 euros pour laquelle il n'a pas été repris dans le dispositif le fondement textuel de l'article 700 du code de procédure civile.


PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement du tribunal d'instance de Bordeaux en date du 9 septembre 2019 en toutes ses dispositions, sauf à rectifier l'erreur matérielle s'agissant de la condamnation à la somme de 400 euros pour laquelle il n'a pas été repris dans le dispositif le fondement textuel de l'article 700 du code de procédure civile,

Y ajoutant,

Condamne Mme C E à payer à Mme Z Y la somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme C E aux entiers dépens d'appel et aux frais d'exécution de l'ordonnance de référé.

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