CA Paris, Pôle 4 ch. 4, 7 mai 2024, n° 21/13179
PARIS
Arrêt
Infirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Présidents :
Mme Guillaume, M. Creton
Conseiller :
Mme Mongin
Avocats :
Me Lumbroso - SELARL SELARL L&A, Me Elharrar
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte sous seing privé en date du 21 janvier 2016, M. [N] [V] a donné en location à M. [C]-[L] [Y] des locaux à usage d'habitation situés au [Adresse 1], à compter du 1er février 2016 et contre paiement d'un loyer mensuel de 1 470 euros par mois et d'une provision sur charges de 180 euros.
M. [D] [Y] s'est porté caution solidaire pour le paiement du loyer et des charges dues par le locataire, renonçant aux bénéfices de discussion et de division par acte sous seing privé du 27 janvier 2016.
Un commandement, visant la clause résolutoire, de payer la somme principale de 23 317,01 euros au titre des arriérés de loyers, outre les frais et débours a été signifié à M. [C]-[L] [Y] 1e 22 mars 2018, et dénoncé à la caution le 5 avril 2018.
Le bailleur a fait assigner par exploit du 7 juin 2019 le locataire et la caution devant le juge des référés; M. [N] [V] et M. [C]-[L] [Y] sont convenus d'un protocole d'accord qu'ils ont demandé au juge de référés d'homologuer, M. [D] [Y] représenté par son conseil a indiqué ne pas être partie à ce protocole. Par ordonnance contradictoire en date du 3 février 2020, le juge des contentieux de la protection statuant en référé a homologué ledit accord portant essentiellement sur un échelonnement du payement de la dette d'un montant de 61 050 euros.
Dénonçant l'inexécution par M. [C]-[L] [Y] de ses engagements résultant de l'homologation du protocole transactionnel, M. [N] [V] l'a fait mettre en demeure de payer la mensualité échue de 3 350 euros par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 février 2020. Cette mise en demeure a été réitérée le 24 juillet 2020 et dénoncée à la caution.
Saisi par M. [N] [V] par acte d'huissier de justice délivré le 19 octobre 2020, le tribunal judiciaire de Créteil, par jugement réputé contradictoire rendu le 6 avril 2021, a :
- condamné M. [D] [Y] à payer à M. [N] [V] la somme de 42 900 euros, avec intérêt au taux légal à compter du 23 juillet 2020 et jusqu'à parfait paiement,
- ordonné la capitalisation des intérêts dus pour au moins une année entière,
- condamné M. [D] [Y] à payer à M. [N] [V] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [D] [Y] au paiement des dépens de l'instance,
- rappelé que la décision est exécutoire de droit à titre provisoire.
Par déclaration reçue au greffe le 12 juillet 2021, M. [D] [Y] a interjeté appel de ce jugement en tous ses chefs de décision et, dans ses conclusions déposées le 10 décembre 2021 M. [D] [Y] demande à la cour de :
- déclarer recevable son appel interjeté à l'encontre du jugement rendu le 6 avril 2021 ;
A titre subsidiaire,
- prononcer la nullité de l'acte de signification du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Créteil en date du 6 avril 2021 établi en la forme d'un procès-verbal 659,
Et en conséquence,
- déclarer recevable son appel interjeté à l'encontre du jugement rendu le 6 avril 2021 par le tribunal judiciaire de Créteil,
En conséquence,
- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Créteil en date du 6 avril 2021 en l'ensemble de ses dispositions,
A titre principal :
- dire que l'acte de cautionnement en date du 27 janvier 2016 est un faux ;
- prononcer la nullité de l'acte de cautionnement en date du 27 janvier 2016 ;
- dire que M. [N] [V] a commis, de par sa négligence manifeste, une faute à son égard.
En conséquence:
- débouter M. [N] [V] de l'ensemble de ses demandes, moyens, fins et conclusions,
- condamner M. [N] [V] au paiement de la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice subi du fait de ces procédures abusives,
- condamner M. [N] [V] à lui verser la somme 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [N] [V] aux entiers dépens,
A titre subsidiaire,
- ordonner la désignation d'un expert en écriture aux fins de comparaison de son écriture et de sa signature avec celle figurant sur l'acte de cautionnement avec mission de :
- se faire remettre et examiner l'original du contrat de bail et de l'acte de cautionnement,
- dire si la signature et les écritures attenantes à ces deux actes ont été écrits et signés de sa main ou s'il s'agit de faux, par imitation par un tiers de l'écriture de ce dernier ;
- se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utiles à sa mission et notamment tous courriers ou documents manuscrits rédigé par lui ainsi que tous documents écrits de sa main afin de procéder à des comparaisons.
- fixer la provision concernant les frais d'expertises et condamner M. [N] [V] à procéder à la consignation dans le délai imparti ;
- réserver les dépens.
M. [N] [V] à qui la déclaration d'appel a été signifiée à l'étranger le 7 octobre 2021 dans les conditions prévues par la convention de La Haye du 5 janvier 1965 et les conclusions d'appel le 4 janvier 2022 dans les mêmes conditions, n'a pas constitué avocat ; l'arrêt sera rendu par défaut.
L'ordonnance de clôture est en date du 24 octobre 2023.
SUR CE,
Considérant que la recevabilité de l'appel ne faisant pas l'objet d'une contestation, il n'y a pas lieu pour la cour de se prononcer sur la validité du procès-verbal de signification du jugement lequel de surcroît, n'est pas versé aux débats ;
Considérant s'agissant de la validité formelle de l'acte du cautionnement que contrairement à ce que soutient l'appelant, dans cet acte la signature de M. [Y] figure bien après la mention en écriture manuscrite que la caution a une «parfaite connaissance des charges et conditions du bail dont un exemplaire (lui) a été remis» et que l'indice de référence des loyers y est stipulé ;
Que s'agissant de la reproduction manuscrite de l'alinéa 4 de l'article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 dans sa rédaction applicable au jour de la signature de cet acte de cautionnement, il est exact que manque la dernière phrase dudit alinéa relative au moment de la prise d'effet de la résiliation d'un cautionnement dont la durée est indéterminée ou non précisée ;
Que bien que s'agissant d'un manquement mineur et dépourvu de conséquence pour M. [D] [Y] qui a limité la durée du cautionnement consenti au 1er février 2019, ce manquement entraîne la nullité de l'acte de cautionnement dès lors que la nullité prévue par ce texte n'est pas soumise à l'existence d'un grief ;
Considérant en conséquence que le jugement entrepris sera infirmé en toute ses dispositions sans qu'il y ait lieu d'examiner la demande portant sur la réalité de l'engagement de M. [D] [Y] qui conteste être le rédacteur et le signataire de cet acte ;
Considérant que le caractère abusif de la procédure engagée par le bailleur n'est pas établi, aucune malice ou mauvaise foi de sa part n'étant caractérisée, alors surtout que M. [D] [Y] n'a pas contesté sa qualité de caution devant le juge de référé ;
Considérant quant aux mesures accessoires que l'équité ne commande pas l'application de l'article 700 du code de procédure civile et M. [V] sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant dans les limites de sa saisine, publiquement par mise à disposition au greffe de l'arrêt rendu par défaut,
- Infirme le jugement entrepris, dans la limite de sa saisine,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
- Juge nul l'acte de cautionnement des loyers et charges dus par M. [C]-[L] [Y] à M. [N] [V], conclu par M. [D] [Y] le 27 janvier 2016,
- Déboute M. [D] [Y] de sa demande de dommages-intérêts,
- Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne M. [N] [V] aux dépens de première instance et d'appel.