CA Poitiers, 3e ch. civ., 19 mai 2010, n° 08/02254
POITIERS
Arrêt
Infirmation partielle
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Delpech
Conseiller :
M. Charlon
Conseiller :
Mme Rouger
Avocats :
SCP MUSEREAU MAZAUDON-PROVOST-CUIF, Me Bouchon
Avocats :
SCP PAILLE-THIBAULT-CLERC, Me Minier et Me Lefebvre - SCP LEFEBVRE-LAMOUROUX-MINIER
Vu le jugement en date du 5 mars 2008 par lequel le tribunal d'instance de Saint-Jean d'Angély a :
- prononcé la nullité du cautionnement consenti par Raymond Deboeuf,
- débouté Marie-Noëlle Deleschaux de ses demandes à l'égard de celui-ci,
- condamné Martine Deboeuf épouse Navarre à payer à Marie-Noëlle Deleschaux la somme de 5.003,86 € au titre du coût des réparations locatives à la fin du bail consenti entre les parties le 31 août 2002 ainsi que la somme de 1.000 € à titre de dommages et intérêts,
- débouté Raymond Deboeuf de sa demande au titre des frais de procédure,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné Martine Navarre à payer à Marie-Noëlle Deleschaux la somme de 400 € en application de l' article 700 du code de procédure civile et les dépens de l'instance ;
Vu l'appel principal interjeté contre cette décision par Martine Navarre le 25 juin 2008 ;
Vu les conclusions en date du 1er avril 2010 par lesquelles Martine Navarre demande :
- d'infirmer le jugement entrepris,
- de rejeter des demandes de Marie-Noëlle Deleschaux,
- de condamner Marie-Noëlle Deleschaux aux dépens ;
Vu les conclusions en date du 19 mars 2010 par lesquelles Marie-Noëlle Deleschaux demande :
- d'infirmer du jugement du tribunal d'instance de Saint-Jean d'Angély,
- de dire que l'engagement de caution de Raymond Deboeuf est valable,
- de condamner solidairement Martine Navarre et Raymond Deboeuf à lui payer la somme de 8.050,91 € en application de l'article 7c de la loi du 6 juillet 1989 avec intérêts au taux légal à compter du 10 mai 2007 et la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts en application de l' article 1382 du code civil ,
- de les condamner solidairement aux dépens ;
Vu les conclusions en date du 16 avril 2010 par lesquelles Raymond Deboeuf, intimé sur appel provoqué de Marie-Noëlle Deleschaux, demande :
- de confirmer les dispositions du jugement le concernant,
- de condamner Marie-Noëlle Deleschaux aux dépens et à lui payer la somme de 2.000 € en application de l' article 700 du code de procédure civile ;
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la validité du cautionnement souscrit par Raymond Deboeuf
Le 31 août 2002 Marie-Noëlle Deleschaux avait donné à bail à Martine Deboeuf épouse Navarre un local d'habitation situé à Fenioux (Charente-Maritime) et par acte sous seing privé du 1er septembre 2002 Raymond Deboeuf s'était porté caution solidaire des engagements contractés par la locataire à l'égard de la bailleresse.
Raymond Deboeuf conteste la validité de ce cautionnement en faisant valoir qu'aucun exemplaire du bail ne lui avait été remis contrairement aux exigences de l'article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989, alors que Marie-Noëlle Deleschaux estime que ce cautionnement est valable dans la mesure où Raymond Deboeuf avait apposé sa signature sur le bail, à la suite d'une mention selon laquelle il reconnaissait avoir pris connaissance de ce contrat.
Selon l'article 22-1, dernier alinéa, de la loi du 6 juillet 1989 la personne qui se porte caution fait précéder sa signature, notamment, 'de la mention manuscrite exprimant de façon explicite et non équivoque la connaissance qu'elle a de la nature et de l'étendue de l'obligation qu'elle contracte. (...) Le bailleur remet à la caution un exemplaire du contrat de location. Ces formalités sont prescrites à peine de nullité.'
Il résulte de ce texte que l'affirmation par la caution de sa connaissance des clauses du bail est une formalité distincte de la remise du contrat entre ses mains par le bailleur et que l'accomplissement de la première de ces formalités n'implique pas nécessairement que la seconde ait été accomplie, la caution pouvant avoir lu le bail, ou en avoir écouté la lecture par un tiers, sans pour autant être en possession d'un exemplaire de ce document.
Or, comme l'a relevé le premier juge, il est indiqué dans le bail que ce contrat a été rédigé en deux exemplaires remis à chacune des parties, c'est à dire Marie-Noëlle Deleschaux et Martine Navarre, et à défaut de preuve selon laquelle Raymond Deboeuf aurait effectivement reçu lui-même un exemplaire du bail, il convient de confirmer sur ce point la décision entreprise.
Sur les réparations locatives
Un état des lieux avait été rédigé contradictoirement au moment de la conclusion du bail puis à la fin du bail lors de la restitution des clés par Martine Navarre le 24 mars 2004.
Ultérieurement Marie-Noëlle Deleschaux avait fait dresser un second état de sortie des lieux le 21 avril 2004 par un huissier de justice hors la présence de Martine Navarre, mais cette circonstance ne justifie pas a elle seule que soit écarté des débats ce dernier état des lieux, le juge devant se prononcer sur la valeur des preuves qui lui sont soumises dès lors qu'elles ont été contradictoirement débattues devant lui.
Dès lors, le tribunal d'instance a exactement retenu dans les débats les deux procès-verbaux de constat d'état des lieux et en a apprécié la force probante en considération notamment des attestations Corbellari, Toussaint, Vinet et Picot dont il ressort que le local était en bon état avant d'être mis en location et qu'à la reprise de possession des lieux par la propriétaire de nombreuses dégradations avaient été constatées.
Marie-Noëlle Deleschaux produit des factures pour les travaux réalisés par les professionnels, des tickets de caisse de magasins de bricolage pour les travaux qu'elle a réalisé elle-même et des devis pour les travaux encore à effectuer, soit au total un montant de 8.050,91 € qui correspondent aux dégradations constatées par les constats, excepté en ce qui concerne :
- le remplacement de la vitre de la véranda pour 169,31 € TTC, les constats n'indiquant pas d'autre dommage sur ce point que la saleté de cette baie vitrée,
- le remplacement intégral du chauffe-eau pour 394,89 € alors que le constat du 24 mars 2004 fait seulement état d'une résistance défectueuse si bien que seule une somme de 50 € doit être retenue pour le remplacement de cet élément, soit une différence de 344,89 €,
- l'achat de tapisserie par Marie-Noëlle Deleschaux pour un montant total de 130 € qui fait double emploi avec les devis Lezineau.
Le montant des réparations locatives doit donc être fixé à la somme de 7.406,71 €.
Sur la demande en dommages et intérêts formée par Marie-Noëlle Deleschaux
Marie-Noëlle Deleschaux demande, à l'encontre de Martine Navarre, des dommages et intérêts complémentaires sur le fondement de l' article 1382 du code civil en réparation des dommages causés le fait volontaire de sa locataire.
Cependant, si l'examen des pièces produites aux débats révèlent des négligences de Martine Navarre dans l'entretien, la maintenance et la propreté des locaux donnés à bail, il n'est pas avéré qu'elle a dégradé ceux-ci volontairement dans l'intention de nuire à Marie-Noëlle Deleschaux de sorte que le jugement sera infirmé sur ce point et qu'il convient de la débouter de cette demande en dommages et intérêts.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement rendu le 5 mars 2008 par le tribunal d'instance de Saint-Jean d'Angély :
- en ce qu'il a prononcé la nullité de l'acte de cautionnement consenti par Raymond Deboeuf,
- en ce qu'il a condamné Martine Navarre aux dépens de première instance, sous réserve des règles en matière d'aide juridictionnelle,
- en ce qu'il a condamné Martine Navarre à payer à Marie-Noëlle Deleschaux la somme de 400 € en application de l' article 700 du code de procédure civile ;
Réforme le jugement pour le surplus et, statuant à nouveau :
Condamne Martine Navarre à payer à Marie-Noëlle Deleschaux la somme de 7.406,71 € au titre des réparations locatives, et ce avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 10 mai 2007 ;
Déboute Marie-Noëlle Deleschaux de sa demande en dommages et intérêts présentée sur le fondement de l' article 1382 du code civil ;
Vu les article 696, 699 et 700 du code de procédure civile :
Condamne Marie-Noëlle Deleschaux à payer à Raymond Deboeuf la somme de 1.500 € en remboursement de ses frais non-compris dans les dépens ;
Laisse à la charge de Marie-Noëlle Deleschaux les dépens afférents à la mise en cause de Raymond Deboeuf ;
Condamne Martine Navarre à supporter, en application de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, la charge des autres dépens d'appel effectivement exposés par Marie-Noëlle Deleschaux.