CA Aix-en-Provence, 11e ch. a, 19 octobre 2017, n° 16/17797
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Infirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Benhamou
Conseiller :
Mme Bruel
Conseiller :
Mme Perez
Avocats :
Me Imperatoire et Me Gherard White - SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, Me Lefebvre
Avocats :
Me Levaique - SCP ERMENEUX LEVAIQUE ARNAUD & ASSOCIES, Me Darbier
EXPOSÉ DU LITIGE :
Selon bail daté du 4 septembre 2014, Monsieur P. a consenti à Madame M. une location meublée pour un an d'un appartement situé [...], moyennant un loyer mensuel de 450 euros outre 60 euros de provision pour charges, et le versement d'un dépôt de garantie de 450 euros.
Monsieur Z. s'est porté caution solidaire des engagements du preneur.
Par ordonnance du 15 octobre 2015, le juge des référés du tribunal d'instance de Marseille a rejeté la demande de résiliation du bail et d'expulsion de la locataire mais a condamné celle-ci, solidairement avec M. Z., à payer à Monsieur P. la somme de 5 100 euros arrêtée au 24 septembre 2015, à concurrence de la somme de 2 040 euros arrêtée au 27 mars 2015 pour M. Z..
Madame M. s'étant maintenue dans les lieux, Monsieur P. l'a fait assigner ainsi que Monsieur Z. devant le tribunal d'instance de Marseille qui, par jugement réputé contradictoire du 12 juillet 2016, assorti de l'exécution provisoire, a prononcé la résiliation du bail et ordonné l'expulsion de Madame M., condamné solidairement cette dernière et Monsieur Z. à payer à Monsieur P. la somme de 7 650 euros à titre de loyers et charges impayées sur la période de février 2015 au 30 avril 2016 avec intérêts au taux légal à compter du 15 février 2016 ainsi qu'au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation d'un montant de 510 euros à compter du 1er mai 2016 jusqu'à la libération effective des lieux.
Madame M. a quitté les lieux loués le 10 novembre 2016.
Monsieur Z. a interjeté appel de la décision.
Par conclusions déposées et notifiées le 6 avril 2017, l'appelant a conclu à la réformation du jugement déféré, demandé à la cour de prononcer la nullité de l'engagement de caution en application de l'article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989, de condamner Monsieur P. à lui rembourser la somme de 12'796,02 euros ainsi que les sommes versées à titre d'indemnité mensuelle d'occupation outre la somme de 2 500 euros à titre d'indemnité pour frais de procès.
M. Z. indique que la loi Alur , entrée en vigueur le 27 mars 2014, a prévu que les articles notamment 22-1 de la loi du 6 juillet 1989, s'appliquait aux locations meublées.
Il fait valoir que l'engagement de caution qu'il a signé n'établit pas la connaissance qu'il pouvait avoir de la nature et de l'étendue de l'obligation qu'il contractait.
Il explique ainsi valoir que la mention manuscrite du cautionnement n'indiquait que le loyer hors charges et que s'agissant de la révision du loyer il était indiqué que celle-ci s'effectuera selon l'I.R.L. alors que le contrat de bail consacre un paragraphe entier qui n'est pas reproduit. Il a ajouté que la mention relative aux pénalités en l'absence de paiement du loyer n'est pas reproduite, ni le cinquième paragraphe de l'article ci-dessus visé.
Il conteste que les paiements effectués en exécution de son engagement en qualité de caution et après l'ordonnance de référé puissent être considérés comme une confirmation tacite en application de l' article 1338 alinéa 3 du Code civil alors qu'il n'est pas démontré avoir payé en toute connaissance de cause, ajoutant que la nullité frappant la violation des dispositions de l'article 22-1de la loi du 6 juillet 1989 est une nullité absolue insusceptible de confirmation.
Par conclusions déposées et notifiées le 20 mars 2017, Monsieur P. a conclu au débouté de Monsieur Z. de toutes ses demandes, à la confirmation du jugement sauf à constater qu'à ce jour le solde de loyers et indemnités d'occupation s'élève à 6 160 euros, à la condamnation conjointe et solidaire de l'appelant et de Madame M. au paiement des intérêts de droit sur les loyers impayés calculés au jour des versements effectués par Monsieur Z..
L'intimé a conclu à la réformation du jugement concernant la condamnation au titre de l' article 700 du code de procédure civile et demandé la condamnation conjointe et solidaire de l'appelant et de Madame M. au paiement de la somme de 1 200 euros de ce chef, de celle de 3 000 euros en appel sur le même fondement, et sollicité également leur condamnation au paiement de la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.
M. P. a indiqué que l'acte de caution solidaire signé par Monsieur Z. comporte toutes mentions obligatoires, faisant valoir que celui-ci est un chef d'entreprise avisé qui sait très bien ce à quoi il s'est engagé.
Il a reproché au premier juge d'avoir considéré que la caution n'avait pas été informée à la date anniversaire du contrat, faisant observer que dès le deuxième mois de présence dans les lieux loués, la locataire a cessé de payer son loyer et que la première assignation est du 15 avril 2015, de sorte qu'il ne s'est pas écoulé une année complète entre la signature du bail et les réclamations.
Par acte d'huissier en date du 26 décembre 2016, Monsieur Z. a fait assigner Madame M.. Celle-ci, assignée en application de l' article 659 du Code de procédure civile , n'a pas constitué avocat.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
La loi du 24 mars 2014 a, dans son article 25-3, modifié la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, en rendant applicable les dispositions de l'article 22-1 de cette loi concernant le cautionnement, aux logements meublés dès lors qu'ils constituent la résidence principale du locataire.
Aux termes de cet article, la caution doit notamment reproduire l'intégralité des clauses relatives au montant du loyer et des conditions de sa révision tels qu'ils figurent au contrat de location.
Le contrat de bail signé entre les parties prévoit que la location est consentie moyennant un loyer mensuel de 510 euros dont 60 euros de provision mensuelle pour charges et que si la durée du bail est supérieure à un an ou si le locataire est laissé dans les lieux, le montant du loyer sera automatiquement modifié, en cas de progression de l'indice (I. R. L.), à la fin de chaque période annuelle, l'augmentation sera calculée en fonction du rapport entre le dernier indice I. R. L. connu au moment de la révision et le dernier indice connu au jour de la prise d'effet du bail étant mentionné que le dernier indice connu au jour du contrat est celui du deuxième trimestre de l'année 2014 avec une moyenne de 125,15.
En l'espèce, la caution s'est engagée pour un loyer initial hors charges de 450 euros « révisable chaque année et selon l'I.R.L. ».
Le détail des conditions de révision du loyer et notamment de l'indice de départ servant de base au calcul du nouveau loyer n'est pas reproduit par la caution.
Or, l'omission dans l'acte de cautionnement, de la reproduction de la clause d'indexation telle que prévue au bail, constitue une cause de nullité du cautionnement qui ne peut être écartée par la considération d'une part que Monsieur Z. est un chef d'entreprise avisé, qui sait très bien à quoi il s'est engagé et en ce qu'il a établi préalablement une attestation de prise en charge pour que sa cousine, locataire, puisse trouver un logement et d'autre part que les paiements volontaires effectués par la caution s'analysent en une confirmation tacite de ses engagements par application de l' article 1338 alinéa 3 du Code civil , en ce qu'il n'est pas apporté la preuve que la caution avait connaissance du vice affectant son cautionnement.
La nullité du cautionnement de Monsieur Z. est prononcée.
Le jugement est dans ces conditions infirmé concernant Monsieur Z. et Monsieur P. débouté des demandes formées à son encontre.
L'anéantissement du contrat de cautionnement entraîne, par application de l' article 1178 du Code civil , la restitution des prestations exécutées, dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9 du même code.
Monsieur P. indique que Monsieur Z. a versé une somme de 6 869 euros.
À la date du 12 février 2016, Monsieur Z. justifie d'un virement de la somme de 2 870,14 euros (et non de la seule somme de 2 040 euros comme indiqué par l'intimé) entre les mains de la SCP d'huissiers de justice R. et L., mandataires chargés du recouvrement des sommes dues à Monsieur P. ainsi que de la mise en place d'un virement mensuel de 800 euros pour la période de septembre 2016 à juin 2017.
Monsieur Z. sollicite le paiement de la somme de 12'796,02 euros à la restitution duquel Monsieur P. doit être condamné en deniers ou quittances.
Monsieur P. doit de plus être condamné au paiement de la somme de 1 200 euros en application de l' article 700 du code de procédure civile .
Monsieur P. forme des demandes de condamnation à l'encontre de Madame M., demandes qui ne lui ont pas été signifiées en l'absence de constitution d'avocat par celle-ci et qui ne pourront prospérer.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant publiquement, par décision par défaut en dernier ressort,
Infirme le jugement du 12 juillet 2016 prononcé par le tribunal d'instance de Marseille mais uniquement concernant Monsieur Z. ;
Statuant de nouveau :
Prononce la nullité du cautionnement de Monsieur Z. signé le 3 septembre 2014 ;
Déboute Monsieur P. des demandes formées à l'encontre de Monsieur Z. ;
Ordonne en conséquence par application de l' article 1178 du Code civil , la restitution à Monsieur Z. des prestations exécutées, dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9 du même code ;
Condamne Monsieur P. à restituer à Monsieur Z. la somme de 12'796,02 euros, ce en deniers ou quittances ;
Rejette les demandes formées par Monsieur P. à l'encontre de Madame M. ;
Condamne Monsieur P. à payer à Monsieur Z. la somme de 1 200 euros au titre de l' article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne Monsieur P. aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l' article 699 du Code de procédure civile.