CA Douai, 3e ch., 22 mars 2012, n° 08/08759
DOUAI
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
SCI LERUSTE
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dagneaux
Conseiller :
Mme Barbot
Conseiller :
Mme Berthelot
Avocats :
SCP CONGOS ET VANDENDAELE, Me Dherbecourt
Avocats :
SCP DELEFORGE ET FRANCHI, Me Vairon
Le 15 novembre 2005, la SCI Leruste a donné à bail à Nicolas Drut un appartement sis à Henin-Beaumont, moyennant un loyer de 530 euros.
Un engagement de caution en date du même jour a été établi au nom de Maryline Vandeleene pour le paiement du loyer, des charges, des réparations locatives, des frais de procédure, des indemnités d'occupation.
Le 18 avril 2007, la SCI Leruste a fait délivrer à Nicolas Drut un commandement de payer les loyers impayés.
Par acte d'huissier du 6 juillet 2007, la SCI Leruste a fait assigner Nicolas Drut et Maryline Vandeleene devant le tribunal d'instance de Carvin en vue d'obtenir la constatation de la résiliation du bail, l'expulsion du locataire, la condamnation solidaire du locataire et de la caution au paiement des loyers impayés, d'une indemnité d'occupation, de dommages-intérêts et d'une indemnité procédurale.
Par jugement réputé contradictoire du 10 avril 2008, le tribunal d'instance a déclaré conforme à la loi l'engagement de caution de Maryline Vandeleene et avant dire droit a ordonné la réouverture des débats, enjoignant à la SCI Leruste de produire un décompte précis des sommes restant dues par le locataire.
Par jugement réputé contradictoire du 25 septembre 2008, le tribunal a débouté la SCI Leruste de l'ensemble de ses demandes au motif qu'elle ne rapportait pas la preuve de l'existence d'une créance et l'a condamnée aux dépens.
Le 24 novembre 2008, la SCI Leruste a interjeté appel de la décision du 25 septembre 2008. L'instance a été enrôlée sous le numéro 8 759/08.
Le 12 janvier 2010, Maryline Vandeleene a interjeté appel de la décision du 10 avril 2008. L'instance a été enrôlée sous le numéro 170/10.
Suivant arrêt du 25 novembre 2010, la cour a :
- ordonné la jonction de l'instance enrôlée sous le numéro 170/10 à celle enrôlée sous le numéro 8 759/08,
- confirmé le jugement du 25 septembre 2008 entre la SCI Leruste et Nicolas Drut sauf en ce qu'il a débouté la SCI Leruste de sa demande en paiement de loyers impayés,
statuant à nouveau,
- condamné Nicolas Drut à payer à la SCI Leruste la somme de 4 117,78 euros au titre des loyers impayés au 4 février 2008,
y ajoutant,
- condamné Nicolas Drut à payer à la SCI Leruste la somme de 1 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel,
- condamné Nicolas Drut aux dépens d'appel exposés par la SCI Leruste,
avant plus amplement dire droit sur l'appel de Maryline Vandeleene à l'encontre du jugement du 10 avril 2008 et sur l'appel de la SCI Leruste à l'encontre de la décision du 25 septembre 2008 dans ses rapports avec Maryline Vandeleene:
- ordonné une expertise graphologique de l'acte de caution du 15 novembre 2005,
- désigné à cet effet Madame Marie-Aimée Sauvage , avec pour mission de: recueillir les observations des parties,
procéder à la comparaison de l'écriture déniée par Maryline Vandeleene sur l'engagement de caution avec les trois pièces de comparaison et en cas de besoin avec les spécimens d'écriture de Maryline Vandeleene qui seront recueillis lors de la tenue de la réunion d'expertise,
dire si l'écriture déniée peut être attribuée à Maryline Vandeleene,
- réservé le surplus des dépens d'appel.
L'expert a déposé son rapport le 23 février 2011 et a conclu de la façon suivante: l'écriture déniée sur l'engagement de caution du 15 novembre 2005 ne peut pas et ne doit pas être attribuée à Maryline Vandeleene.
Dans ses dernières conclusions du 26 octobre 2011, Maryline Vandeleene demande à la cour de :
- déclarer nul et de nul effet l'engagement de caution du 15 novembre 2005,
- débouter la SCI Leruste de ses demandes,
- condamner la SCI Leruste à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l' article 1382 du code civil pour procédure injustifiée,
- condamner la SCI Leruste à lui payer une somme de 2 500 euros au titre de l' article 700 du code de procédure civile ,
- condamner la SCI Leruste aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'aux frais d'expertise graphologique.
Maryline Vandeleene expose que l'engagement de caution n'est pas valable en ce que si elle l'a signé, elle n'est pas l'auteur des mentions manuscrites qui y figurent. Elle s'oppose à la demande de dommages-intérêts formée à titre subsidiaire par la SCI Leruste au motif que cette dernière, présente lors de la signature de l'acte, savait parfaitement qu'elle n'avait pas établi l'acte de caution de sa main et qu'elle ne peut dès lors s'en prévaloir.
Dans ses dernières écritures du 22 septembre 2011, la SCI Leruste demande à la cour, à titre principal, de condamner Maryline Vandeleene à lui payer la somme de 4 117,78 euros au titre des loyers impayés. Elle estime en effet que l'expertise graphologique est insatisfaisante et qu'en toute hypothèse l'engagement de caution écrit page 1 de la main de Maryline Vandeleene fait parfaitement mention des indications légales.
A titre subsidiaire, la SCI Leruste demande la condamnation de Maryline Vandeleene à lui payer la somme de 4 117,78 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l' article 1382 du code civil . Elle expose en effet que si la cour retenait que la phrase manuscrite n'a pas été reproduite par Maryline Vandeleene, cette dernière est fautive puisqu'elle a fait semblant d'avoir rempli elle-même l'engagement de caution, ce que le bailleur ne savait pas, et ce en fraude de ses droits pour obtenir le logement. Elle ajoute que la faute de Maryline Vandeleene, associée à celle de Monsieur Drut sont à l'origine de son dommage.
Dans les motifs de ses conclusions, la SCI Leruste demande à la cour d'assortir la condamnation au paiement de la somme de 4 117,78 euros des intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2007, sollicitant en outre l'application de l' article 1154 du code civil .
En tout état de cause, la SCI Leruste demande la condamnation de Maryline Vandeleene aux frais d'expertise.
MOTIFS
- Sur l'engagement de caution :
L'expert judiciaire a procédé à une étude comparative entre l'engagement de caution du 15 novembre 2005 et neuf pièces de comparaison.
Il a relevé l'existence de similitudes: acérations, semi-angulosité, tendance filiforme, hampes bouclées, écritures étalées, écritures compactes et attaques directes.
Il a également relevé l'existence de différences - trait, forme des lettres, détails, direction, dimension, mouvement, geste graphique - dont l'importance et le nombre l'ont conduit à conclure que l'écriture déniée sur l'engagement de caution du 15 novembre 2005 ne peut pas et ne doit pas être attribuée à Maryline Vandeleene.
La SCI Leruste ne fournit aucun élément de nature à remettre en cause les conclusions claires, précises et circonstanciées de l'expert sur ce point.
En effet, les critiques qu'elle formule au titre des conditions de rédaction de l'échantillon C8 - feuille blanche dépourvue de lignes en tirets contrairement à l'engagement de caution - sont dénuées de pertinence alors qu'en toute hypothèse, l'analyse de l'expert s'est faite à partir de 9 échantillons.
Ces critiques sont également dénuées de pertinence lorsque la SCI Leruste reproche à l'expert d'avoir comparé une écriture juxtaposée à une écriture liée alors qu'il s'agit précisément d'une différence relevée par l'expert entre le modèle en question et les échantillons.
Dans ces conditions, dès lors que le texte de l'engagement de caution n'a pas été écrit de la main de Maryline Vandeleene et que par ailleurs les éléments repris en page 1 dudit engagement, à supposer qu'ils aient été écrits de la main de Maryline Vandeleene, ne comportent pas l'intégralité des mentions exigées à peine de nullité par l'article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 - seuls y sont repris l'adresse de la location, la durée du contrat et le montant du loyer -, l'engagement de caution du 15 novembre 2005 doit être déclaré nul.
- Sur les dommages-intérêts :
. Sur la demande de la SCI Leruste :
Les versions divergentes des parties ne permettent pas d'établir dans quelles conditions l'acte de cautionnement a été établi.
Toutefois, la SCI Leruste n'est pas fondée à reprocher à Maryline Vandeleene, signataire de l'acte de caution, de ne pas y avoir reproduit les mentions manuscrites de sa main. En effet, dans l'hypothèse où l'acte aurait été signé au domicile de Monsieur Leruste comme le soutient Maryline Vandeleene, la SCI Leruste était en mesure de faire écrire par Maryline Vandeleene les mentions exigées, ce qu'elle n'a pas fait. Dans l'hypothèse où l'acte n'aurait pas été établi devant la SCI Leruste comme celle-ci le soutient, elle a commis une faute en ne s'assurant pas des conditions d'établissement du document par Maryline Vandeleene dont elle doit supporter les conséquences.
La SCI Leruste doit par voie de conséquence être déboutée de sa demande de dommages-intérêts.
. Sur la demande de Maryline Vandeleene :
Maryline Vandeleene, qui ne démontre pas de faute de la SCI Leruste de nature à faire dégénérer en abus son droit d'agir en justice, doit être déboutée de sa demande de demande de dommages-intérêts.
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Au vu de ces éléments, le jugement du 10 avril 2008 doit être infirmé et le jugement du 25 septembre 2008 doit être confirmé entre la SCI Leruste et Maryline Vandeleene.
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Partie succombante, la SCI Leruste doit être condamnée aux dépens de première instance relatifs au jugement du 10 avril 2008 et aux dépens d'appel en ce compris les frais d'expertise. En effet, la SCI Leruste a maintenu ses demandes face aux contestations de Maryline Vandeleene, rendant nécessaire l'organisation d'une expertise. Elle doit en outre être condamnée en équité à payer à Maryline Vandeleene la somme de 2 000 euros au titre de l' article 700 du code de procédure civile .
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement du 10 avril 2008 du tribunal d'instance de Carvin entre la SCI Leruste et Maryline Vandeleene.
Confirme le jugement du 25 septembre 2008 du tribunal d'instance de Carvin entre la SCI Leruste et Maryline Vandeleene.
Statuant à nouveau,
Déclare nul l'engagement de caution du 15 novembre 2005.
Y ajoutant,
Déboute la SCI Leruste de sa demande de dommages-intérêts.
Déboute Maryline Vandeleene de sa demande de dommages-intérêts pour procédure injustifiée.
Condamne la SCI Leruste à payer à Maryline Vandeleene la somme de 2 000 euros au titre de l' article 700 du code de procédure civile .
Condamne la SCI Leruste aux dépens de première instance relatifs au jugement du 10 avril 2008 et aux dépens d'appel comprenant les frais d'expertise taxés à la somme de 795,74 euros.