Livv
Décisions

CA Rennes, 5e ch., 1 mars 2017, n° 14/04949

RENNES

Arrêt

Autre

PARTIES

Défendeur :

SAS FONCIERE LELIEVRE

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lachal

Conseiller :

Mme D'ardailhon Miramon

Conseiller :

Mme Sochacki

Avocat :

Me Larche

Avocats :

Me Leonce, Me Dejoie Rousselle

CA Rennes n° 14/04949

28 février 2017

Vu le jugement, frappé du présent appel, rendu le 15 mai 2014 par le tribunal d'instance de Vannes, qui a :

  • jugé irrecevables les demandes formulées par la société Foncière Lelièvre aux fins de condamnation des défendeurs à payer certaines sommes aux époux Claude M.,
  • jugé irrecevables les demandes formées par les époux Claude M. aux fins de condamnation des défendeurs à payer certaines sommes à la société Foncière Lelièvre,
  • condamné avec exécution provisoire Véronique J. à payer aux époux Claude M. les sommes de :

- 3.911,26 euros augmentée des intérêts au taux légal du 16 janvier 2013,

- 1.800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre le coût de la sommation de payer délivrée au locataire le 16 janvier 2013,

  • débouté les époux Claude m. de leurs demandes en paiement et de leurs demandes de dommages et intérêts formées contre Frédéric B..
  • condamné avec exécution provisoire la société Foncière Lelièvre à payer aux époux Claude M. la somme de 1.000 euros, à titre de dommages et intérêts ;
  • débouté la société Foncière Lelièvre de ses demandes de garantie et de paiement formées contre Frédéric B. et Véronique J.
  • condamné avec exécution provisoire la société Foncière Lelièvre à payer :

- aux époux Claude M. une indemnité de 1.000 euros, outre le coût de la sommation de payer délivrée à la caution le 5 février 2013,

- à Frédéric B. une indemnité de 1.000 euros,

  • condamné Véronique J. aux dépens ;

Vu les dernières conclusions, en date du 2 novembre 2015, des époux Claude M., appelants, tendant à :

  • dire et juger madame et monsieur Claude M. recevables et bien fondés en leurs demandes, fins et conclusions,
  • réformer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné la société Foncière Lelièvre à verser aux époux M. la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi,
  • condamner la société Foncière Lelièvre à verser aux époux M. la somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi,
  • confirmer le jugement dont appel pour le surplus,
  • condamner la SAS Foncière Lelièvre à verser aux époux M. la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
  • condamner la même aux entiers dépens ;

à titre subsidiaire,

  • condamner monsieur B. solidairement avec madame J. à payer aux époux M. la somme totale de 3.984,64 au titre des loyers impayés et autres sommes dues aux époux M.,
  • dire et juger que les sommes mises à la charge de madame Véronique J. et monsieur Frédéric B., en sa qualité de caution solidaire, porteront intérêt au taux légal, à compter du jour de la sommation de payer, soit à compter du 16 janvier 2013,
  • condamner solidairement monsieur B. et madame J. à payer à la société Foncière Lelièvre la somme de 1000 euros au titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du Code civil,
  • condamner solidirairement les mêmes aux entiers dépens, qui comprendront ceux de la sommation de payer qui leur a été signifiée le 16 janvier 2013,
  • Condamner solidairement monsieur B. et madame J. à verser aux époux M. la somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 7010 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions, en date du 4 septembre 2015, de la société SAS Foncière Lelièvre, intimée et appelante à titre incident, tendant à :

à titre principal,

  • réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SAS Foncière Lelièvre à indemniser monsieur et madame M. à hauteur de 1.000 euros.

En conséquence,

  • dire et juger que la SAS Foncière Lelièvre n'a commis aucune faute de nature contractuelle susceptible d'engager sa responsabilité,
  • débouter monsieur et madame M. de l'ensemble de leurs demandes fins et conclusions telles que sollicitées à l'encontre de la SAS Foncière Lelièvre,

à titre subsidiaire,

  • confirmer le jugement en ce qu'il a limité la condamnation de la SAS Foncière Lelièvre à indemniser les époux M. à hauteur de 1.000 euros au titre des dommages et intérêts,
  • débouter monsieur et madame M. de l'ensemble de leurs demandes fins et conclusions et notamment de la demande tendant à obtenir la condamnation de la SAS Foncière Lelièvre à leur verser une somme de 3.984,64 euros,
  • débouter monsieur et madame M. de leur demande de condamnation à hauteur de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que la demande de condamnation aux entiers dépens,

Vu les dernières conclusions, en date du 5 novembre 2015, de Monsieur Frédéric B., intimé, tendant à :

  • dire et juger que l'acte de cautionnement du 13 avril 2012 est nul et de nul effet,

en conséquence,

  • débouter monsieur Claude M., madame Christiane M. et la SAS Foncière Lelièvre de leurs demandes formalisées à l'encontre de monsieur B.,

à titre reconventionnel,

  • condamner la SAS Foncière Lelièvre à payer à monsieur B. la somme de 1.000 euros au titre de dommages intérets pour appel abusif,

en tout état de cause,

  • condamner la SAS Foncière Lelièvre à payer à monsieur B. la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procedure Civile,
  • condamner la même aux entiers dépens,

à titre subsidiaire,

  • ordonner, en tant que de bcsoin, une expertise graphologique aux frais avances de la SAS Foncière Lelièvre pour déterminer si monsieur B. est le rédacteur des mentions manuscrites de l'acte de cautionnement ;

Vu la signification de la déclaration d'appel et des conclusions prises au soutien de l'appel effectuée le 16 septembre 2015 conformément aux dispositions des articles 902 et 911 du code de procédure civile auprès de madame J., qui n'a pas constitué avocat ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 17 novembre 2016 ;

SUR QUOI, LA COUR

Le 16 mai 2012, par acte sous seing privé, monsieur et madame M. ont donné à bail, par l'intermédiaire de la SAS Foncière Lelievre, à madame Véronique J., un appartement situé [...]

Le bail était consenti pour une durée de trois ans, à compter du 13 avril 2012, au loyer mensuel de 530 €, outre la somme de 40 € à titre de provision sur charges.

Par acte du 13 avril 2012, Frédéric B., s'est porté caution solidaire des engagements de Véronique J. à raison du bail et donc du paiement des sommes dues au titre des loyers, charges, taxes, impôts, accessoires, intérêts, dommages et intérêts, indemnités dues au titre de la clause pénale, indemnité d'occupation et toutes sommes dues en cas de condamnation judiciaire, dégradation et réparations locatives.

Le 23 novembre 2012, Véronique J. a proposé à la société Foncière Lelièvre, mandataire des bailleurs, d'apurer sa dette locative par des échéances de 100 euros par mois.

Le 27 novembre 2012, un état des lieux de sortie a été établi par la société Foncière Lelièvre, mandataire des bailleurs et Véronique J.. Il en ressort que l'appartement est rendu dans un état de saleté. De même, le papier peint de l'entrée est très déchiré. Le papier peint de la chambre est déchiré sous le velux et crayonné sur tout un pan de mur, le crayonnage s'étendant au plafond (rampant). Il manque un cache plafonnier dans la chambre. Dans la salle de bain, un penne est bloqué et une poignée de meuble dévissée.

Le 14 décembre 2012, la société Foncière Lelièvre, mandataire des bailleurs, a réclamé à Véronique J. les loyers demeurés impayés, la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, le coût de réfection des murs de l'entrée et de la chambre à l'étage (sous déduction d'une vétusté de 20%), des frais de nettoyage et réparation diverses pour 3.320,90 euros, déduction faite du dépôt de garantie versé à l'entrée dans les lieux.

Ce courrier a été adressé à la caution le 18 décembre 2012.

Le 16 janvier 2013, les époux Claude M. ont fait délivrer à Véronique J. une sommation de payer lesdites causes, et le 5 février 2013 la copie de ladite sommation a été dénoncée à la caution.

Le tribunal d'instance de Vannes a statué, le 15 mai 2014, selon les termes ci-avant rappelés et le 17 juin 2014, les époux M. ont interjeté appel de cette décision.

A titre principal, les époux M. repprochent au premier juge d'avoir condamné la société Foncière Lelièvre à leur verser une somme limitée à 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi. Ils relèvent, d'une part, l'existence d'une faute de la part de la société Foncière Lelièvre, qui a confirmé ne pas avoir fait rédiger les mentions impératives relatives à la caution par monsieur B. en personne et en la présence d'un représentant de la société précitée. D'autre part, le dommagee ainsi subi doit être évalué à la somme de 4.000 euros correspondant aux impayés de loyers du 1er aout 2012 au 25 novembre 2012, à la taxe d'ordures ménagères, au coût des travaux réparations et de nettoyage, le tout majoré par une clause pénale de 10%.

La société Foncière Lelièvre conteste l'existence même d'une faute considérant ne pas avoir manqué à ses obligations professionnelles à l'égard de ses clients. Elle soutient qu'elle n'aurait pu imaginer que la locataire allaient mettre en oeuvre des manoeuvres fallacieuces pour tenter d'échapper à leur responsabilité. Il n'y aurait pas ainsi de faute dans l'accomplissement de sa mission. Elle conclut que la locataire et la caution doivent la garantir de toutes condamnations à indemniser les bailleurs. Par ailleurs, la société relève que si sa responsabilité doit être dite partiellement engagée comme retenu par le tribunal de Vannes, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce que la perte de chance des propriétaires de pouvoir recouvrer les sommes dues par la locataire auprès de la caution solidaire a été justement indemnisée par l'allocation de la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Monsieurr B. soutient qu'il 'a pas rédigé l'acte de cautionnement du 13 avril 2012 et que ce dernier est donc nul et de nul effet et qu'il ne peut être à l'origine d'une quelconque faute ou manoeuvre.

1. Sur la responsabilité

Il convient de rappeler que l'agent immobilier, professionnel, mandataire rémunéré par les bailleurs, est tenu de garantir l'efficacité des actes qui lui sont confiés: il lui appartient donc de vérifier les conditions de validité d'un acte de cautionnement solidaire garantissant les engagements du bail, qu'il a rédigé.

Aux termes de l'article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 visant à l'amélioration des rapports locatifs, la personne qui se porte caution fait précéder sa signature de la reproduction manuscrite du montant du loyer et des conditions de sa révision tels qu'ils figurent au contrat de location, de la mention manuscrite exprimant de façon explicite et non équivoque la connaissance qu'elle a de la nature et de l'étendue de l'obligation qu'elle contracte et de la reproduction manuscrite de l'alinéa précédent. Le bailleur remet à la caution un exemplaire du contrat de location. Ces formalités sont prescrites à peine de nullité du cautionnement.

Monsieur B., caution de madame J., conteste être l'auteur des mentions manuscrites ainsi exigées par la loi.

Aux termes de l'article 287 du code de procédure civile, le juge a l'obligation de vérifier l'écrit contesté ; il apparaît que l'écriture manucrite de l'acte de cautionnement est semblable à celle de Véronique J., telle que figurant sur la fiche de renseignements et sur l'acceptation du bail ainsi que dans son courrier du 23 novembre 2012 proposant un échéancier pour son arriéré.

L'acte de cautionnement est donc nul et de nul effet pour ne pas avoir été rédigé conformément aux prescriptions légales soit de manière manuscrite par la caution.

Il est patent qu'en ne s'assurant pas de la rédaction par la caution elle-même des mentions manuscrites exigées par la loi et donc de la régularité des actes à établir dans le cadre de sa mission, la société Foncière Lelièvre a commis un manquement à ses obligations contractuelles.

Si l'agence fait valoir avoir été victime de manoeuvres de la part de la locataire et de la caution, qui aurait été présente lors de la visite des lieux confirmant alors son statut de garant et a signé l'acte de cautionnement, il doit être constaté qu'elle n'a nullement satisfait aux exigences légales en la matière.

En tant que professionnel, l'agence devait s'assurer elle-même de la rédaction de l'engagement de caution par monsieur B. selon les modalités prévues à l'article l'article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989. Au surplus, elle ne démontre aucunement la réalité de manoeuvres et alors qu'il résulte du simple examen comparatif des écritures de monsieur B. et de madame J. que l'engagement de cautionnement n'a pas été établi par la caution.

La décision entreprise sera donc confirmée en ce qu'elle a retenu la seule responsabilité de la société Foncière Lelière quant à la nullité de l'engagement de cautionnement.

Par suite, la seule condamnation de madame J. au paiement des arriérés de loyers, charges et taxes sera confirmée.

2. Sur l'indemnisation du préjudice subi par les bailleurs

Seul le comportement fautif de l'agence exposé ci-avant est à l'origine du dommage subi par les bailleurs, qui déplorent donc la perte de chance de recouvrer leur créance d'un montant de l'ordre de 4.000 euros.

Alors que la perte de chance est mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée, elle doit être retenue pour 50 % des sommes en cause et indemnisée par l'allocation de dommages et intérêts d'un montant de 2.000 euros.

3. Sur la demande de dommages et intérêts présentée pour appel abusif

Monsieur B. sollicite la condamnation de la société Foncière Lelièvre à lui régler 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif.

Cependant, la demande en justice de l'agence, même rejetée, n'excédait pas l'exercice par elle d'un droit dont le principe est reconnu par la loi et ne saurait constituer un abus susceptible de justifier sa condamnation à des dommages et intérêts ; la prétention de monsieur B. doit donc être rejetée.

Eu égard à l'issue de la présente instance, la société foncière Lelièvre sera condamnée à régler une somme de 1.000 euros aux époux M. et une somme de 500 euros à monsieur B. en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens d'appel comme y succombant, les dispositions du jugement déféré devant en outre être confirmées de ces chefs.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt par défaut et par mise à disposition au greffe,

Confirme la décision déférée sauf en ses dispositions relatives à la demande de dommages et intérêts formée par monsieur et madame Claude M. et

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne la société Foncière Lelièvre à payer aux époux Claude M. la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts,

Condamne la société Foncière Lelièvre aux entiers dépens d'appel,

Condamne la société Foncière Lelièvre à payer aux époux Claude M. la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles d'appel,

Condamne la société Foncière Lelièvre à payer à monsieur Frédéric B. la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles d'appel,

Rejette toute autre demande.

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site