CA Metz, 3e ch., 28 octobre 2021, n° 20/02290
METZ
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Guiot-Mlynarczyk
Conseiller :
Mme Gizard
Conseiller :
M. Michel
Avocat :
Me Dangin
Avocat :
Me Faravari
FAITS ET PROCEDURE
Par acte sous seing privé du 2 mars 2019, M. Nicolas R. a consenti un bail à Mme Mélanie B. portant sur un local d'habitation situé [...], pour un loyer de 650 euros. M. Florian T. s'est porté caution solidaire jusqu'au 1er mars 2022 dans la limite de 23.400 euros, par acte sous seing privé du 3 mars 2019.
Par exploit d'huissier du 14 novembre 2019, le bailleur a fait délivrer à Mme B. un commandement de payer la somme de 1.615 euros en principal, visant la clause résolutoire insérée au contrat de bail et le commandement de payer a été dénoncé à la caution par acte du 25 novembre 2019.
Par actes d'huissier du 11 mars 2020, M. R. a fait assigner la locataire et la caution devant le juge des contentieux et de la protection du tribunal judiciaire de Thionville, statuant en référé, aux fins de voir constater la résiliation du bail, ordonner l'expulsion de la locataire et, à titre provisionnel, la condamner solidairement avec la caution au paiement de la somme de 2.685 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au 8 mars 2020, la somme mensuelle de 650 euros à titre d'indemnité d'occupation jusqu'à libération effective des lieux et une somme au titre de l' article 700 du code de procédure civile .
M. T. s'est opposé à ses prétentions et a demandé au tribunal de prononcer la nullité de l'acte de cautionnement et, à titre subsidiaire, de juger que l'obligation se heurte à des contestations sérieuses, de débouter en conséquence M. R. de l'intégralité de ses demandes et de le condamner au paiement d'une somme au titre de l' article 700 du code de procédure civile .
Mme B. a déclaré qu'elle reconnaissait devoir les loyers mais qu'elle ne pouvait pas les payer.
Par ordonnance du 1er décembre 2020, le juge des référés a':
- débouté M. T. de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de l'acte de cautionnement,
- constaté la résiliation de plein droit du bail consenti à Mme B., concernant le logement situé [...], à compter du 15 janvier 2020
- ordonné l'expulsion de Mme B. et dit qu'à défaut de départ volontaire, la partie défenderesse pourra y être contrainte par tous moyens de droit à la suite d'un délai légal de deux mois suivant le commandement délivré par huissier de justice d'avoir à quitter les lieux
- condamné solidairement Mme B. et M. T., en sa qualité de caution, à payer à M. R. à titre de provision, la somme de 2.685 euros représentant les loyers et charges impayés échus au 8 mars 2020 avec intérêts au taux légal à compter de l'ordonnance
- fixé l'indemnité d'occupation au montant des loyers en cours et condamné solidairement Mme B. et M. T., en sa qualité de caution, à son paiement à titre de provision au profit de M. R. jusqu'à libération effective des lieux, soit la somme de 650 euros, cette indemnité étant révisée selon les conditions de l'ancien bail
- condamné solidairement Mme B. et M. T., en sa qualité de caution, à payer à M. R. une somme de 300 euros au titre de l' article 700 du code de procédure civile , et in solidum aux dépens qui comprendront notamment le coût du commandement de payer et de sa dénonciation.
Le premier juge a estimé qu'il n'y avait pas de contestation sérieuse de la demande. Il a débouté M. T. de sa demande de nullité de l'acte de cautionnement, en relevant que l'absence de mention manuscrite des termes de l'article 22-1, lesquels étaient dactylographiés avant la signature de la caution, et l'absence alléguée de remise d'un exemplaire du contrat de bail étaient indifférentes dès lors qu'il résultait de l'acte de cautionnement signé qu'il avait eu connaissance de la nature et de l'étendue de son obligation et avait donné un consentement éclairé et non équivoque, l'acte de cautionnement mentionnant toutes les caractéristiques de la location et les limitations de l'engagement de caution. Le premier juge a relevé que la Commission de coordination des actions de préventions des expulsions locatives avait été saisie le 26 novembre 2019 par lettre recommandée avec accusé de réception et que l'assignation avait été notifiée à la préfecture le 12 mars 2020 par lettre recommandée avec accusé de réception, de sorte que la demande était recevable. Enfin, il a estimé que la locataire et la caution étaient redevables de la somme de 2.685 euros au titre des loyers et charges échus au 8 mars 2020, qu'ils n'avaient pas satisfait dans le délai de deux mois au commandement et a constaté l'acquisition de la clause résolutoire au 15 janvier 2020, faisant droit aux demandes d'expulsion de la locataire et de fixation d'une indemnité d'occupation.
Par déclaration d'appel déposée au greffe de la cour le 16 décembre 2020, M. T. a interjeté appel de cette décision en ce qu'elle l'a débouté de sa demande de nullité de l'acte de cautionnement, condamné solidairement avec Mme B. à payer à titre de provision la somme de 2.685 euros au titre des loyers et charges échus au 8 mars 2020, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de l'ordonnance, fixé l'indemnité d'occupation au montant des loyers et charges et l'a condamné solidairement avec Mme B. à son paiement, à titre provisionnel, jusqu'à libération effective des lieux, soit la somme de 650 euros, condamné solidairement avec Mme B. au paiement de la somme de 300 euros au titre de l' article 700 du code de procédure civile et condamné in solidum avec Mme B. aux dépens comprenant le coût du commandement de payer et de sa dénonciation. Il n'a pas intimé Mme B..
L'appelant conclut au rejet du moyen d'irrecevabilité soulevé par l'intimé et à l'infirmation de l'ordonnance, demandant à la cour de':
- prononcer la nullité de l'acte de cautionnement,
- débouter M. R. de l'intégralité de ses demandes,
- à titre subsidiaire, juger que l'obligation se heurte à des contestations sérieuses et renvoyer M. R. à mieux se pourvoir et le débouter de l'intégralité de ses demandes,
- à titre plus subsidiaire, lui accorder le droit de s'acquitter de sa dette en 24 mensualités par application de l' article 1343-5 du code civil ,
- condamner M. R. à lui payer la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et la même somme au titre des frais irrépétibles à hauteur d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens.
Il expose que M. R. ne vise aucun fondement à son moyen d'irrecevabilité, en méconnaissance de l' article 954 du code de procédure civile , que ce moyen est infondé puisqu'il excipe d'une exception de nullité de l'acte de cautionnement, laquelle ne constitue pas une exception inhérente à la dette ou une exception purement personnelle au débiteur principal au sens de l' article 2313 du code civil et que la validité de l'acte de cautionnement ne concernant que les rapports entre le créancier et la caution, il n'a pas besoin d'intimer le débiteur principal.
Sur la nullité de l'acte, il fait valoir que la mention manuscrite contenue dans l'article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 est dactylographiée, qu'il s'agit d'une nullité est d'ordre public qui ne peut être couverte et ajoute que le bailleur ne lui a pas remis un exemplaire du contrat de bail, et que l'acte encourt également la nullité de ce chef, sans qu'il soit nécessaire d'établir l'existence d'un grief.
À titre subsidiaire, l'appelant soutient qu'il existe des contestations sérieuses et conclut au rejet de la demande en paiement. Plus subsidiairement, il sollicite des délais de paiement.
M. R. conclut à l'irrecevabilité de l'appel et subsidiairement il demande à la cour de rejeter l'appel, déclarer irrecevables les demandes de l'appelant, de confirmer l'ordonnance, de déclarer irrecevable la demande de délais de paiement au visa de l' article 910-4 du code de procédure civile , subsidiairement de la rejeter et de condamner M. T. à lui verser la somme de 1.500 euros au titre de l' article 700 du code de procédure civile , outre les dépens de première instance et d'appel.
Sur l'irrecevabilité de l'appel, il expose que M. T. n'a pas intimé Mme B. et qu'il n'est donc pas recevable à remettre en cause les condamnations solidaires en l'absence de Mme B. à la procédure.
Subsidiairement, sur la validité de l'acte de cautionnement, il estime que les contestations de M. T. ne sont pas sérieuses, qu'il a eu connaissance de la nature et de l'étendue de son obligation, qu'il a donné un consentement éclairé et non équivoque et que l'acte de cautionnement mentionne toutes les caractéristiques de la location et de la limitation de son engagement. Il affirme qu'un exemplaire du contrat de location lui a été remis, que les dispositions de l'article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 ont été respectées et que l'appelant ne peut invoquer l'absence de mention manuscrite de l'article 22-1 alors que le cautionnement est à durée déterminée.
Sur les montants, l'intimé expose que Mme B. a reconnu devoir les montants réclamés et que M. T. ne les conteste pas, rappelant que le jugement qui a prononcé une condamnation solidaire ne peut être modifié sans que toutes les personnes condamnés solidairement soient appelées à la procédure. Enfin, il fait valoir que la demande de délais de paiement est irrecevable puisque M. T. n'a formé aucune demande de délais de paiement dans ses premières conclusions d'appel et, à titre subsidiaire, il énonce qu'il a bénéficié d'un délai suffisant.
MOTIFS DE LA DECISION
Vu les écritures déposées le 3 mai 2021 par M. T. et le 11 juin 2021 par M. R., auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens';
Vu l'ordonnance de clôture en date du 6 juillet 2021';
Sur la recevabilité de l'appel
Si M. R. soutient que M. T. n'est pas recevable à remettre en cause les condamnations solidaires, faute d'avoir intimé Mme B., il est toutefois relevé que la condamnation solidaire de la locataire et de la caution ne rend pas le litige indivisible, de sorte que l'appel est recevable, étant également rappelé que si un codébiteur solidaire néglige de relever appel du jugement l'ayant condamné en première instance ou de se joindre au recours recevable par son consort, ce jugement a force de chose jugée contre lui-même s'il est réformé sur l'appel du codébiteur.
En conséquence, l'appel doit être déclaré recevable.
Sur la validité de l'acte de cautionnement
Aux termes de l' article 835 du code de procédure civile , dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Il résulte de l'article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989, dans sa version issue de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 , que la personne physique qui se porte caution signe l'acte de cautionnement faisant apparaître le montant du loyer et les conditions de sa révision tels qu'ils figurent au contrat de location, la mention exprimant de façon explicite et non équivoque la connaissance qu'elle a de la nature et de l'étendue de l'obligation qu'elle contracte ainsi que la reproduction de l'avant-dernier alinéa du présent article. Le bailleur remet à la caution un exemplaire du contrat de location.
En l'espèce, si M. T. demande à la cour de prononcer la nullité de son engagement de caution, une telle demande ne relève pas des pouvoirs du juge des référés mais de ceux du juge du fond, de sorte qu'elle doit être rejetée.
Sur l'existence d'une contestation sérieuse pour non respect des formalités exigées à l'article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989, il est rappelé que la loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018 a supprimé l'exigence d'une mention manuscrite dans l'acte de cautionnement. Le premier juge a exactement constaté que les mentions prévues par la loi (montant du loyer et conditions de sa révision, mention exprimant de façon explicite et non équivoque la connaissance que la caution a de la nature et de l'étendue de l'obligation qu'elle contracte, reproduction de l'avant-dernier alinéa de l'article 22-1) figurent bien sur l'acte signé par la caution et que M. T. a lui-même indiqué de façon manuscrite sur l'acte de cautionnement, qu'un exemplaire du contrat de location lui a été remis. Il s'ensuit que la demande en paiement formée à l'encontre de la caution n'est pas sérieusement contestable et que doit être confirmée l'ordonnance en ce qu'elle a débouté M. T. de sa demande de son exception de nullité et l'a condamné solidairement avec la locataire au paiement de l'arriéré locatif et de l'indemnité mensuelle d'occupation, étant précisé que les montants ne sont pas contestés par l'appelant.
Sur la demande de délai de paiement
Selon l' article 910-4 du code de procédure civile , à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
En l'espèce, il est constaté que M. T. a formé une demande de délai de paiement pour la première fois par conclusions du 3 mai 2021, alors qu'il a déposé ses conclusions d'appel le 18 février 2021. Cette demande qui ne tend pas à répliquer aux conclusions adverses ni à faire juger une question née postérieurement aux premières conclusions, est dès lors irrecevable.
Sur les autres dispositions
Eu égard à l'appel limité de M. T. et à l'absence d'appel incident de l'intimé, la cour n'est pas saisie des dispositions de l'ordonnance ayant constaté la résiliation de plein droit du bail, ordonné l'expulsion de Mme B. et statuer sur les demandes de provision à son encontre.
Sur l' article 700 du code de procédure civile et les dépens
M. T., qui succombe, devra supporter les dépens d'appel et il est équitable qu'il soit condamné à verser à M. R. la somme de 1.000 euros au titre de l' article 700 du code de procédure civile . Il sera en outre débouté de sa propre demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l' article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ,
DÉCLARE recevable l'appel formé par M. Florian T. ;
CONFIRME l'ordonnance déférée en ce qu'elle a :
- débouté M. Florian T. de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de l'acte de cautionnement
- condamné M. Florian T., en sa qualité de caution, solidairement avec Mme Mélanie B. à payer à M. Nicolas R. à titre de provision, la somme de 2.685 euros pour les loyers et charges impayés échus au 8 mars 2020 avec intérêts au taux légal à compter de l'ordonnance
- condamné M. Florian T., en sa qualité de caution, solidairement avec Mme Mélanie B. à verser à Nicolas R. à titre provisionnel, une indemnité d'occupation de 650 euros par mois jusqu'à libération effective des lieux, avec révision selon les conditions de l'ancien bail
- condamné M. Florian T., solidairement avec Mme Mélanie B., à payer à M. Nicolas R. une somme de 300 euros au titre de l' article 700 du code de procédure civile , et in solidum aux dépens qui comprendront notamment le coût du commandement de payer et de sa dénonciation ;
Y ajoutant,
DÉCLARE irrecevable la demande de délai de paiement formée par M. Florian T. en appel ;
DÉBOUTE M. Florian T. de sa demande au titre de l' article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. Florian T. à verser à M. Nicolas R. la somme de 1.000 euros au titre de l' article 700 du code de procédure civile ;.
CONDAMNE M. Florian T. aux dépens d'appel.