CA Paris, Pôle 4 ch. 4, 11 juin 2024, n° 21/09172
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
S.A.S. Office Hôtelier Pour Le Logement Étudiant - OHLE
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Présidents :
Mme Guillaume, M. Creton
Conseiller :
Mme Mongin
Avocats :
Me Ferreira Houdbine - SELAS JDS AVOCATS, Me Drappier
Avocat :
Me Faure
Par contrat de bail signé le 22 mars 2019, la SAS Office hôtelier pour le logement étudiant, OHLE, résidence '[Adresse 10]' a donné en location à M. [E] [J] un bien situé [Adresse 2] à [Localité 6], pour un loyer mensuel de 611, 37 euros, charges comprises. Un dépôt de garantie a été versé pour un montant de 1 121,37 euros. M. [I] [L] s'est porté caution solidaire par acte sous-seing privé du même jour.
Un commandement de payer, établi conformément aux prescriptions de l'article 24 de la 1oi du
6 juillet 1989, a été signifié à M. [E] [J] 1e 27 février 2020 obligeant ce dernier à verser la somme principale de 3 815,49 euros au titre des arriérés de loyers, outre les frais et débours. Le commandement de payer a été dénoncé à M. [I] [L] le 5 mars 2020.
M. [E] [J] a restitué le logement le 25 septembre 2020.
Saisi par la SAS Office hôtelier pour le logement étudiant, OHLE, résidence '[Adresse 10]' par actes d'huissier de justice délivrés les 20 et 26 août 2020, par jugement réputé contradictoire rendu le 23 mars 2021, et rectifié suivant jugement du 28 juin 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :
- constaté le désistement d'instance de la demande d'expulsion locative et des demandes subséquentes devenues sans objet ;
- constaté la résiliation du bail liant les deux parties à compter du 18 août 2020 ;
- fixé l'indemnité d'occupation mensuelle à un montant égal au dernier loyer et charges jusqu'à la date de libération effective des lieux ;
- condamné solidairement M. [E] [J] et M. [I] [L] à payer à la SAS Office hôtelier pour le logement étudiant, OHLE, résidence '[Adresse 10]', la somme de 5 989,51 euros, au titre du solde locatif définitif ;
- autorisé M. [I] [L] à se libérer de sa dette par versement mensuel de 500 euros le 5 de chaque mois, à compter du mois suivant la signification de la présente décision, la dernière mensualité devant impérativement apurer le solde de la dette ;
- dit que le défaut de paiement d'une seule mensualité à son échéance entraînera la déchéance du terme, et la totalité du solde restant dû deviendrait alors immédiatement exigible, après une mise en demeure restée sans effet sous un délai de huit jours ;
- dit n'y avoir lieu d'écarter l'exécution provisoire du jugement ;
- condamné M. [E] [J] à verser à la SAS Office hôtelier pour le logement étudiant, OHLE, résidence '[Adresse 10]', la somme de 650 euros, en application de l' article 700 du code de procédure civile ;
- dit que les dépens seront supportés solidairement par M. [E] [J] et M. [I] [L], en ce compris les frais du commandement de payer et de l'assignation ;
- rejeté le surplus et toutes autres demandes des parties.
Par déclaration reçue au greffe le 12 mai 2021, M. [I] [L] a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes principales de nullité de l'acte de cautionnement et le condamne solidairement avec M. [E] [J] en lui accordant des délais de paiement.
Dans ses dernières conclusions déposées le 16 octobre 2023 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, M. [I] [L] demande à la cour de :
à titre principal,
- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris en date du 9 mars 2021, prorogé au 23 mars 2021, en ce qu'il l'a débouté de ses demandes principales de nullité de l'acte de cautionnement souscrit par lui et de condamnation à l'encontre de la SAS Office hôtelier pour le logement étudiant, OHLE, résidence '[Adresse 10]', d'avoir à lui restituer la somme de 1 000 euros indûment versée ;
- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris en date du 23 mars 2021, et rectifié suivant jugement du 28 juin 2021, en ce qu'il l'a condamné, solidairement avec M. [E] [J], à payer à la SAS Office hôtelier pour le logement étudiant, OHLE, résidence '[Adresse 10]', la somme de 5 989,51 euros, au titre du solde locatif définitif, ainsi qu'aux dépens ;
et, statuant à nouveau,
- prononcer la nullité du cautionnement qu'il a souscrit ;
- condamner la SAS Office hôtelier pour le logement étudiant, OHLE, résidence '[Adresse 10]', à lui restituer la somme de 1 000 euros ;
- débouter la SAS Office hôtelier pour le logement étudiant, OHLE, résidence '[Adresse 10]', de toutes ses demandes dirigées à son encontre ;
à titre subsidiaire,
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris en date du 23 mars 2021, en ce qu'il a débouté la SAS Office hôtelier pour le logement étudiant, OHLE, résidence '[Adresse 10]', de toute demande formée au titre de réparations locatives ;
- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris en date du 23 mars 2021, et rectifié suivant jugement du 28 juin 2021, en ce qu'il l'a condamné, solidairement avec M. [E] [J], à payer à la SAS Office hôtelier pour le logement étudiant, OHLE, résidence '[Adresse 10]', la somme de 5 989,51 euros, au titre du solde locatif définitif, ainsi qu'aux dépens ;
- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris en date du 23 mars 2021, en ce qu'il l'a autorisé à se libérer de sa dette par versements mensuels de 500 euros le 5 de chaque mois, à compter du mois suivant la signification de la présente décision, la dernière mensualité devant impérativement apurer le solde de la dette ;
en conséquence,
- condamner la SAS Office hôtelier pour le logement étudiant, OHLE, résidence '[Adresse 10]', à lui verser la somme de 4 791,60 euros en réparation de la perte de chance d'empêcher la créance de loyers s'accroître ;
- ordonner la compensation entre la créance de la SAS Office hôtelier pour le logement étudiant, OHLE, résidence '[Adresse 10]', et la sienne, réparatrice ;
- l'autoriser à s'acquitter du solde de sa dette auprès de la SAS Office hôtelier pour le logement étudiant, OHLE, résidence '[Adresse 10]', après compensation, moyennant des mensualités de 150 euros jusqu'à parfait paiement ;
- ordonner que les paiements s'imputent prioritairement sur le capital restant dû ;
en tout état de cause,
- condamner la SAS Office hôtelier pour le logement étudiant, OHLE, résidence '[Adresse 10]', à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en appel ;
- condamner la SAS Office hôtelier pour le logement étudiant, OHLE, résidence '[Adresse 10]', aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Dans ses dernières conclusions déposées le 9 octobre 2023 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, la SAS Office hôtelier pour le logement étudiant, OHLE, résidence '[Adresse 10]', demande à la cour de :
- prendre acte de la jonction des procédures enregistrées sous les n°21/09172 et 21/13622 et de leur poursuite sous le numéro RG unique 21/9172 ;
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris en date du 23 mars 2021, et rectifié suivant jugement du 28 juin 2021 en ce qu'il a :
- condamné solidairement M. [E] [J] et M. [I] [L] au paiement du solde locatif chiffré à la somme de 5 989, 51 euros, autorisant M. [I] [L] à apurer le montant de la dette locative par versements mensuels successifs de 500 euros par mois, le 5 de chaque mois, la dernière mensualité venant solder le montant de la dette locative, condamnation assortie de la clause de déchéance du terme ;
- condamné M. [E] [J] à lui verser la somme de 650 euros en application des dispositions de l' article 700 du code de procédure civile ;
- condamné solidairement M. [E] [J] et M. [I] [L] aux dépens.
- prendre acte que le montant de l'arriéré locatif seul se chiffre, au 20 septembre 2023, à la somme de 1 846, 36 euros ;
- réformer le jugement du tribunal judiciaire de Paris en date du 23 mars 2021, et rectifié suivant jugement du 28 juin 2021 en ce qu'il a rejeté la demande de condamnation solidaire de M. [E] [J] et M. [I] [L] au paiement des travaux de remise en état, chiffrés à la somme de 3 542, 10 euros ;
statuant à nouveau :
- condamner solidairement M. [E] [J] et M. [I] [L] au solde locatif, chiffré à la somme de 1 846, 36 euros ;
- condamner solidairement M. [E] [J] et M. [I] [L] au paiement des travaux de remise en état, chiffré à la somme de 3 542, 10 euros ;
- débouter M. [I] [L] de l'intégralité de ses demandes reconventionnelles ;
en tout état de cause :
- condamner solidairement M. [E] [J] et M. [I] [L] au paiement de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l' article 700 du code de procédure civile ;
- condamner solidairement M. [E] [J] et M. [I] [L] aux entiers dépens de l'instance et de ses suites.
M. [E] [J] à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 23 juillet 2021, et les conclusions d'appelant les 23 juillet, 20 décembre, 30 décembre 2021,13 et 25 octobre 2023, par procès-verbal 659 de recherches infructueuses, n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 octobre 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'engagement de caution
M. [I] [L] ne peut être condamné que si la qualité de caution lui est reconnue.
L'acte litigieux est daté du 22 mars 2019. Il est à durée déterminée.
L'acte de cautionnement régularisé par M. [I] [L] mentionne expressément :
« Je soussigné M. [I] [L] me porte caution solidaire et indivisible sans bénéfice de discussion ou de division pour le(s) locataire (s) M. [J] [E] jusqu'au terme du présent bail et de ses renouvellements successifs dans la limite de 6 ans pour le paiement des loyers, charges et autres frais dont le montant actuel s'élève à 611,37 euros (somme à écrire en toutes lettres) et de sa révision chaque année sur la base de référence de l'indice de référence des loyers, l'indice de départ étant celui du 1 er trimestre de l'année 2018 ainsi que toutes les sommes dont le(s) locataire(s) pourrait redevable en vertu du présent bail dont
j'ai reçu un exemplaire.
Le présent engagement garanti(t) le paiement des loyers et des charges que pourrait devoir le(s) locataire(s)
De tous les accessoires de la dette notamment les intérêts et dommages et intérêts, indemnité de résiliation, indemnité due à titre de clause pénale etc.
De toutes condamnations qui pourraient être prononcées à l'encontre du(des) locataire (s) notamment des dommages et intérêts, des astreintes d'occupation dues après résiliation de la convention d'occupation,
Des réparations locatives comprenant notamment le remplacement du mobilier mis à disposition dont l'énumération figure à l'état des lieux qui pourrait être abîmé ou détruit.
Je confirme avoir une parfaite connaissance de la nature de mon engagement. »
M. [I] [L] entend se prévaloir à l'appui de sa demande de nullité de cet acte de l'absence de reproduction de l'ensemble des mentions prévues à peine de nullité par l'article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 et relève notamment, que le montant du loyer n'est pas 'écrit en toute lettres' et que la reproduction manuscrite du dernier alinéa de l'article 22-1 de la loi précitée est absente. Il soutient qu'il n'a pas été placé en situation d'être parfaitement informé de l'étendue et de la portée de son engagement.
Le bailleur entend préciser au contraire que l'article 134 de la loi ELAN n°2018-1021 du 23 novembre 2018 a supprimé le formalisme de l'article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 pour les contrats conclus depuis le 25 novembre 2018. Il ajoute que M. [I] [L] a versé spontanément la somme de 1 000 euros, puis a procédé au règlement des sommes auxquelles il a été condamné au titre du jugement rendu le 23 mars 2021, ce qui démontre qu'il avait parfaitement conscience de la portée de son engagement.
Le formalisme du cautionnement et les conditions de résiliation du cautionnement à durée indéterminée sont précisées par l' article 22-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 qui a été modifié de façon substantielle par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 (JO 24 nov.) portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi « ÉLAN » et le formalisme qui imposait la reproduction de mentions manuscrites dans l'acte de cautionnement destinées à informer le tiers garant ont disparu avec la loi « ÉLAN ». La loi « ÉLAN » du 23 novembre 2018 a donc supprimé les mentions manuscrites prévues par l'article 22-1 de la loi de 1989.
Depuis le 25 novembre 2018, les mentions manuscrites sont remplacées par une formule pré-imprimée sur l'acte, signé par le tiers garant.
L' ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés qui a à nouveau modifié le formalisme du cautionnement, n'est pas applicable à la présente espèce.
Selon les alinéas 4 et 5 de l'article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 dans sa version qui est donc applicable : 'Lorsque le cautionnement d'obligations résultant d'un contrat de location conclu en application du présent titre ne comporte aucune indication de durée ou lorsque la durée du cautionnement est stipulée indéterminée, la caution peut le résilier unilatéralement. La résiliation prend effet au terme du contrat de location, qu'il s'agisse du contrat initial ou d'un contrat reconduit ou renouvelé, au cours duquel le bailleur reçoit notification de la résiliation.
La personne physique qui se porte caution signe l'acte de cautionnement faisant apparaître le montant du loyer et les conditions de sa révision tels qu'ils figurent au contrat de location, la mention exprimant de façon explicite et non équivoque la connaissance qu'elle a de la nature et de l'étendue de l'obligation qu'elle contracte ainsi que la reproduction de l'avant-dernier alinéa du présent article. Le bailleur remet à la caution un exemplaire du contrat de location. Ces formalités sont prescrites à peine de nullité du cautionnement.'
Il est constant qu'aucun 'acte de cautionnement (préétabli par le bailleur) faisant apparaître le montant du loyer et les conditions de sa révision tels qu'ils figurent au contrat de location, la mention exprimant de façon explicite et non équivoque la connaissance qu'elle a de la nature et de l'étendue de l'obligation qu'elle contracte ainsi que la reproduction de l'avant-dernier alinéa du présent article' n'a été signé par M. [I] [L].
Il y a lieu de constater que l'acte manuscrit d'engagement de caution signé par M. [I] [L] porte bien mention de la main de ce dernier, notamment du montant du loyer et des conditions de sa révision. Il n'est pas contesté que ces mentions sont conformes au contrat de location et que ce contrat de location lui a été transmis.
Cependant, cet acte manuscrit ne reproduit pas l'alinéa 4 qui évoque les conditions de la résiliation.
Or les formalités édictées par l'article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 n'opèrent pas de distinction selon le caractère déterminé ou indéterminé de la durée du cautionnement (pourvoi n° 09-14.001).
Il résulte de ces observations et de l'absence de preuve que M. [I] [L] avait connaissance des conditions de la résiliation, soit en ayant signé un document portant la reproduction de l'alinéa 4 de l'article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 (ce que lui impose la loi désormais), soit en l'ayant lui-même reproduit de façon manuscrite, que l'acte de cautionnement est nul et que le jugement doit être réformé en ce qu'il a jugé à ce titre.
M. [I] [L] n'est donc redevable d'aucune somme au titre du bail. Le bailleur sera donc notamment débouté de son appel incident sur les réparations locatives.
Dans ces conditions M. [I] [L] ne peut revendiquer aucun préjudice qui résulterait d'une perte de chance et sa demande formée à ce titre sera rejetée.
M. [I] [L] a versé la somme de 1 000 euros en exécution du commandement de payer sur le fondement d'un cautionnement finalement annulé ; au regard de la solution donnée au litige, bailleur sera donc condamné à lui rembourser cette somme sur le fondement de l' article 1178 du code civil . .
Partie perdante vis-à-vis de M. [I] [L] , la SAS Office hôtelier pour le logement étudiant, OHLE, résidence '[Adresse 10]' sera condamnée aux dépens d'appel, le jugement initial étant également infirmé de ce chef en sa condamnation de M. [I] [L].
L'équité justifie de condamner la SAS Office hôtelier pour le logement étudiant, OHLE, résidence '[Adresse 10]', au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l' article 700 du code de procédure civile .
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt rendu par défaut et en dernier ressort,
Infirme le jugement rendu le 23 mars 2021 en ses dispositions critiquées, sauf en ce qu'il a rejeté le surplus des demandes de la SAS Office hôtelier pour le logement étudiant, OHLE, résidence '[Adresse 10]' ,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Prononce la nullité du cautionnement souscrit par M. [I] [L],
Condamne la SAS Office hôtelier pour le logement étudiant, OHLE, résidence '[Adresse 10]', à payer à M. [I] [L] la somme de 1 000 euros,
Déboute la SAS Office hôtelier pour le logement étudiant, OHLE, résidence '[Adresse 10]', de toutes ses demandes dirigées à l'encontre de M. [I] [L],
Y ajoutant,
Condamne la SAS Office hôtelier pour le logement étudiant, OHLE, résidence '[Adresse 10]', à payer à M. [I] [L] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l' article 700 du code de procédure civile ,
Rejette toute autre demande,
Dit que la SAS Office hôtelier pour le logement étudiant, OHLE, résidence '[Adresse 10]' supportera la charge des dépens d'appel, les dépens de première instance étant laissé à la seule charge de M. [J].