Cass. 1re civ., 18 février 2009, n° 08-12.584
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bargue
Avocat :
SCP Richard, SCP Waquet, Farge et Hazan
Sur le deuxième moyen :
Attendu que les époux X... auxquels la société Centéa avait consenti un prêt garanti par une hypothèque et qui avaient cessé tout paiement, ont, devant la cour d'appel saisie sur renvoi de la Cour de cassation (Com. 31 octobre 2006 : pourvoi n° J 05-12. 195 ), invoqué la nullité du contrat de prêt et, subsidiairement, la déchéance de la banque de son droit aux intérêts ; que l'arrêt attaqué (Toulouse, 7 janvier 2008), ayant accueilli la demande subsidiaire, a, notamment, décidé que la totalité des paiements reçus des époux X... à titre d'intérêts seront imputés sur le capital et que les époux X... seront tenus des intérêts au taux légal sur le capital restant dû, avec capitalisation dans les conditions de l' article 1154 du code civil ;
Attendu que la société Centéa fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, que seul le consentement du créancier peut permettre l'imputation de paiements partiels sur le capital par préférence aux intérêts ; que si, pour le prêteur, la méconnaissance des obligations prévues par l' article L. 312-8 du Code de la consommation peut entraîner la déchéance du droit aux intérêts, l'emprunteur reste néanmoins tenu aux intérêts au taux légal depuis la mise en demeure ; qu'à défaut d'accord du créancier pour inverser la règle d'imputation, les paiements reçus des emprunteurs au titre des intérêts conventionnels doivent dès lors être imputés en premier lieu sur les intérêts légaux, puis, le cas échéant, sur le capital restant dû ; qu'en décidant néanmoins que la totalité des paiements reçus de M. et Mme X... à titre d'intérêts conventionnels seraient imputés sur le capital restant dû, après avoir pourtant constaté que M. et Mme X... étaient tenus des intérêts légaux sur le capital, de sorte qu'en l'absence d'accord de la société Centéa, les paiements reçus au titre des intérêts conventionnels devaient être imputés prioritairement sur les intérêts légaux, la cour d'appel aurait violé l' article 1254 du code civil ;
Mais attendu que la déchéance du droit aux intérêts conventionnels prononcée à l'encontre de la banque ne constituant pas un paiement, la cour d'appel en a, à bon droit, déduit que le montant correspondant devait en être imputé sur le capital ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que les premier et troisième moyens ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Centéa aux dépens ;
Vu l' article 700 du code de procédure civile , rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit février deux mille neuf.
Moyen produit par Me Copper-Royer, avocat aux Conseils pour Mme X....
MOYENS ANNEXES au présent arrêt.
Moyens produits par la SCP Richard, avocat aux Conseils pour la société Centéa.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré non prescrite la demande de Monsieur et Madame X..., tendant à voir prononcer la déchéance de la Société CENTEA de tout droit aux intérêts sur la convention de prêt litigieuse, et d'avoir prononcé ladite déchéance, sur le fondement des dispositions de l' article L. 312-33 du Code de la consommation ;
AUX MOTIFS QUE la demande en déchéance des intérêts ne relève pas de la prescription quinquennale, mais de la prescription décennale de l' article L. 110-4 du Code de commerce , et est donc recevable en l'occurrence ;
ALORS QUE la déchéance du droit aux intérêts prévue par l' article L. 312-33, alinéa 4, du Code de la consommation , ne constituant qu'une sanction civile, est soumise à la prescription décennale de l' article L. 110-4 du Code de commerce ; que, dès lors, se trouve prescrite, la demande de déchéance du droit aux intérêts présentée au-delà du délai de dix ans, même lorsqu'elle émane de conclusions additionnelles déposées dans le cadre d'une instance en nullité du contrat introduite avant l'expiration de ce délai, l'assignation en nullité distincte, par son objet, de la demande additionnelle n'ayant pas interrompu le délai de prescription décennale ; qu'en déclarant néanmoins non prescrite la demande en déchéance du droit aux intérêts formée par Monsieur et Madame X..., bien que ceux-ci n'aient présenté aucune demande en ce sens dans les dix ans ayant suivi la conclusion du prêt intervenue à la fin du mois de juillet 1992, leur dire d'incident déposé le 19 juillet 2002 ne contenant qu'une demande en nullité du prêt, la Cour d'appel a violé les articles L. 312-33, alinéa 4, du Code de la consommation et L. 110-4 du Code de commerce .
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que la totalité des paiements reçus de Monsieur et Madame X... à titre d'intérêts seraient imputés sur le capital, tout en ayant jugé que Monsieur et Madame X... étaient tenus des intérêts au taux légal sur le capital restant dû à compter du 4 février 2002 et que ces intérêts seraient capitalisés dans les termes de l' article 1154 du Code civil ;
AUX MOTIFS QU'il sera fait droit à la demande en déchéance des intérêts pour la totalité des intérêts générés par la convention, ce dont il suit nécessairement que les paiements effectués doivent être imputés sur le capital, l' article 1906 du Code civil , qui ne concerne que les intérêts qui n'étaient pas stipulés, ne s'appliquant pas à la sanction que constitue la déchéance du droit aux intérêts résultant de l' article L. 312-33 du Code de la consommation qui ne concerne pas leur régularité ; qu'en revanche, par application de l'article 1153, alinéa 3, le débiteur reste tenu des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure, dont la banque est par surcroît recevable à solliciter la capitalisation aux conditions de l' article 1154 du Code civil ; que, faute pour la banque de produire l'avis de réception de la mise en demeure envoyée par lettre du 26 octobre 2001, le point de départ de ces intérêts sera fixé au jour de la délivrance du commandement aux fins de saisie immobilière, soit le 4 février 2002 ;
ALORS QUE seul le consentement du créancier peut permettre l'imputation de paiements partiels sur le capital par préférence aux intérêts ; que si, pour le prêteur, la méconnaissance des obligations prévues par l' article L. 312-8 du Code de la consommation peut entraîner la déchéance du droit aux intérêts, l'emprunteur reste néanmoins tenu aux intérêts au taux légal depuis la mise en demeure ; qu'à défaut d'accord du créancier pour inverser la règle d'imputation, les paiements reçus des emprunteurs au titre des intérêts conventionnels doivent dès lors être imputés en premier lieu sur les intérêts légaux, puis, le cas échéant, sur le capital restant dû ; qu'en décidant néanmoins que la totalité des paiements reçus de Monsieur et Madame X... à titre d'intérêts conventionnels seraient imputés sur le capital restant dû, après avoir pourtant constaté que Monsieur et Madame X... étaient tenus des intérêts légaux sur le capital, de sorte qu'en l'absence d'accord de la Société CENTEA, les paiements reçus au titre des intérêts conventionnels devaient être imputés prioritairement sur les intérêts légaux, la Cour d'appel a violé l' article 1254 du Code civil .
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que la Société CENTEA avait manqué à son devoir de mise en garde à l'égard de Monsieur et Madame X... et de l'avoir en conséquence condamnée à payer à ceux-ci une somme de 50 000 à titre de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS QUE sur la responsabilité du banquier, l'existence du risque de change est entrée dans le champ contractuel, ainsi qu'il a été précédemment examiné, et que Monsieur et Madame X... ne sont par conséquent pas fondés à prétendre l'avoir ignoré, d'autant moins qu'il résulte des éléments versés aux débats et de leurs explications qu'ils se sont adressés à cette banque étrangère parce qu'ils n'avaient plus la possibilité de recourir au système bancaire français pour faire face aux besoins liés à l'entreprise de Monsieur X..., et que la convention leur permettait alors de bénéficier d'un taux d'intérêt particulièrement avantageux lié à la clause monétaire ; que l'existence du risque était par conséquent une contrepartie inhérente à la convention, à ses avantages, qui était à leur connaissance ; que, toutefois, le risque de change est exceptionnellement élevé pour l'emprunteur particulier non averti, que ce soit Monsieur X..., responsable d'une société familiale de construction métallique dans la région de Lesparre dont rien ne permet d'envisager qu'il puisse y avoir été familiarisé dans l'exercice de sa profession, ou plus encore Madame X... sur l'activité et les connaissances de laquelle aucune information n'est fournie ; que la banque, qui s'est bornée à se prémunir elle-même de ce risque par une garantie supplémentaire, ne justifie pas avoir satisfait à l'obligation de mise en garde dont elle était tenue à l'égard des emprunteurs non avertis lors de la conclusion du contrat à raison de l'importance du risque, ce à quoi n'est pas de nature à pourvoir l'option qui était ouverte tous les six mois en cours de contrat aux emprunteurs par les termes de la convention de changer de monnaie, et quand bien même l'évolution du cours du yen serait aisément accessible à tout un chacun ; que le fait que Monsieur et Madame X... aient été mis en relation avec la banque par un conseiller financier, en l'occurrence bruxellois, et que plusieurs notaires soient intervenus à des degrés divers à l'opération, pour recevoir une procuration, pour recevoir le dépôt de l'acte ou enfin pour prendre inscription d'hypothèque, n'était pas de nature à dispenser la banque du devoir qui lui incombe en propre ; que, par conséquent, Monsieur et Madame X... sont fondés à soutenir que la banque a manqué à ses obligations et engagé sa responsabilité contractuelle à leur égard ; que le préjudice subi par Monsieur et Madame X... du fait de cette faute sera complètement réparé par une indemnité de 50 000 ;
ALORS QUE le manquement par le banquier à son devoir de mise en garde ne cause aucun préjudice à l'emprunteur lorsque l'information sur laquelle il porte est déjà connue de celui-ci ; qu'en retenant néanmoins la responsabilité de la Société CENTEA, faute pour celle-ci d'avoir satisfait à l'obligation de mise en garde à laquelle elle était tenue à l'égard de Monsieur et Madame X..., emprunteurs non avertis, lors de la conclusion du contrat de prêt à raison de l'importance du risque de change, après avoir pourtant constaté que l'existence du risque de change était entrée dans le champ contractuel et que Monsieur et Madame X... n'étaient pas fondés à prétendre l'avoir ignoré, ce dont il résultait que le manquement de la Société CENTEA à son devoir de mise en garde n'avait causé aucun préjudice à Monsieur et Madame X..., la Cour d'appel a violé l' article 1147 du Code civil.