Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 7, 20 novembre 2012, n° 2011/15347

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, S.A

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Remenieras

Conseiller :

Mme Beaudonnet

Conseiller :

Mme Meslin

Avocats :

SELARL HJYH AVOCATS, Me Noret

Avocats :

SCP GRAPPOTTE-BENETREAU-JUMEL, Me Ben Soussen

CA Paris n° 2011/15347

19 novembre 2012

Vu l'appel déclaré le 16 août 2011 par la société anonyme Société Générale, ci-après Société Générale, contre le jugement prononcé le 21 juin 2011 par le tribunal de grande instance de Paris dans l'affaire qui l'oppose à M. Jimmy RABARIJAONA.

Vu les ultimes conclusions signifiées et déposées le 21 juin 2012 par la Société Générale qui demande qu'il plaise à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par la Société Générale du jugement rendu le 21 juin 2011 par le tribunal de grande instance de MEAUX,

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- statuant a nouveau,

- vu les articles 1134 et suivants, 2288 et suivants, 1273, 1153 et 1154 du code civil,

- condamner Monsieur RABARIJAONA à payer à la Société Générale la somme de 35 100 euros outre les intérêts au taux de 9, 6 % l'an à compter du 19 novembre 2009,

- dire que les intérêts échus pour une année entière seront capitalisés,

- le condamner également à payer à la Société Générale la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont le montant sera recouvré par la Selarl HJYH avocats, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions signfiiées et déposées le 24 avril 2012 par M. Jimmy RABARIJAONA, intimé, qui prie la cour de :

- vu les articles 1134, 1156, 1162, 2292 du code civil,

- vu les pièces versées aux débats,

- à titre-avant-dire-droit,

- déclarer irrecevables les demandes de la Société Générale, celle-ci n'ayant pas régulièrement déclaré sa créance,

- à titre principal,

- de confirmer en tous points le jugement rendu le 21 juin 2011 par le tribunal de grande instance de MEAUX en ce qu'il a jugé que l'acte de cautionnement du 28 février 2007 était sans objet,

- de débouter la Société Générale de l'intégralité de ses demandes,

- à titre subsidiaire,

- constater que la Société Générale a violé les dispositions de l'article 1134 du code civil en se fondant sur un cautionnement caduc,

- débouter de ce fait la banque de toutes ses demandes,

- dans tous les cas,

- condamner la Société Générale à verser à M. Jimmy RABARIJAONA une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du CPC outre aux entiers frais et dépens, lesquels seront directement recouvrés par la SCP Grapotte Benetreau Jumel, dans les conditions de l'article 699 du CPC.

Vu la clôture de l'instruction ordonnée le 26 juin 2012.

SUR CE,

La société à responsabilité limitée MONTPARNASSE BIEN-ETRE a souscrit auprès de la SOCIETE GENERALE, par acte sous seing privé du 5 février 2007, un prêt d'investissement de 97 000 euros, remboursable en 7 ans au taux d'intérêt annuel de 5, 6 %, afin de financer la création, l'installation et l'aménagement d'un fonds de commerce de centre de remise en firme exploité sous l'enseigne 'Lady Moving' dans le [...].

Ce prêt était notamment assorti de l'engagement de caution personnelle de Mme Andrea PORTER épouse RABARIJAONA.

Ayant démarré son activité en février 2007, la société MONTPARNASSE BIEN-ETRE a obtenu le 27 février 2007 une première autorisation de découvert consentie par la SOCIETE GENERALE à hauteur de 1 500 euros.

Ce montant a ensuite été porté à 27 000 euros selon avenant à la convention de trésorerie courante signé le 28 février 2007, assorti des engagements de cautionnement personnel de M. Jimmy RABARIJAONA et de son épouse.

Un nouvel acte de caution a été signé par M. Jimmy RABARIJAONA le 23 mai 2008 à hauteur de 16 900 euros.

L'ouverture de crédit a enfin été réduite à 100 euros par un nouvel avenant à la convention de trésorerie courante du 16 février 2009 et les parties sont, aux termes du même acte, convenues de l'annulation de l'engagement de caution solidaire de 16 900 euros.

Par jugement du 11 juin 2009, le tribunal de commerce de PARIS a ouvert une procédure de liquidation judiciaire contre la société MONTPARNASSE BIEN-ETRE : la SOCIETE GENERALE a alors régulièrement déclaré sa créance par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 juillet 2009 pour 73, 69 euros, au titre du solde débiteur du compte courant et pour 75 769, 90 euros, au titre du solde de crédit.

La SOCIETE GENERALE a par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 novembre 2009, mis M. Jimmy RABARIJAONA en demeure de lui payer 35 100 euros en qualité de caution. Elle a par ailleurs obtenu du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de MEAUX, l'autorisation d'inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur un bien immobilier appartenant à cette caution pour sûreté de 36 000 euros.

Par acte extrajudiciaire du 14 janvier 2010, la SOCIETE GENERALE a ensuite fait assigner M. Jimmy RABARIJAONA devant le tribunal de grande instance de MEAUX en paiement de 35 100 euros en principal outre, les intérêts au taux contractuel de 9, 6 % l'an à compter de la mise en demeure du 19 novembre 2009 avec capitalisation des intérêts dans les termes et conditions de l'article 1154 du code civil ainsi qu'une indemnité de 2 000 euros à titre de frais irrépétibles.

Par jugement du 21 juin 2001, le tribunal de grande instance de MEAUX a débouté la SOCIETE GENERALE de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à payer à M. Jimmy RABARIJAONA, une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

CELA ETANT EXPOSE,

LA COUR

Considérant que la cour est présentement saisie d'une demande de réformation d'une décision ayant débouté un organisme prêteur de sa demande en recouvrement d'un solde de prêt dirigée contre une caution, par suite de la défaillance de la débitrice principale, personne morale déclarée en liquidation judiciaire ;

1. sur la recevabilité de la demande en paiement

Considérant que M. Jimmy RABARIJAONA excipe de l'irrecevabilité de la demande formée à son encontre, en se prévalant de l'irrégularité de la déclaration de créance de son adversaire ;

Qu'il explique : - que cette déclaration apparaît avoir été établie par une personne ne pouvant être identifiée, la signature qui y est portée n'étant pas identique à celle portée au pied de ce document ; - qu'un préposé n'est admis à effectuer une déclaration de créances que sous des conditions très strictes et qu'il incombe à la personne morale se prétendant créancière, d'établir que le signataire est le préposé qu'elle a investi de la délégation de pouvoirs à cet effet ; - qu'en l'espèce, la déclaration ayant été effectuée par un préposé ou un mandataire ne pouvant être identifié puisque la signature qui y est portée n'est pas identique à celle figurant au pied de ce document, la demande de la SOCIETE GENERALE est irrecevable ;

Considérant que la SOCIETE GENERALE réplique justifier de la régularité de sa déclaration par les pièces qu'elle produit aux débats et notamment, le document justifiant l'authentification de la signature du déclarant (M. Patrick WASSE) ainsi que toute la chaîne des pouvoirs de ce dernier ;

Qu'elle précise : - que si le courrier d'envoi de la déclaration de créance n'a pas été signé par Mme Monique OLLIVIER chargée du recouvrement, la comparaison de la signature figurant au bas de la déclaration de créance proprement dite et de la signature professionnelle de M. WASSE figurant sur l'attestation authentifiée du 8 juin 2011 établit que le signataire de cette déclaration est bien M. Patrick WASSE, régulièrement habilité à effectuer cette formalité ;

Vu l'article L.622-24 du code de commerce, ensemble l'article 1315 du code civil;

Considérant que dès lors que l'identité du signataire d'une déclaration de créance est contestée il appartient à la personne morale créancière, d'établir que le signataire de cette déclaration est bien le préposé qu'elle a investi de la délégation de pouvoirs à cette fin ; qu'en l'espèce, il ressort de l'examen comparatif de la déclaration effectuée le 8 juillet 2009 entre les mains de Maître Loïc Thoux ès qualités de liquidateur judiciaire et des délégations de pouvoir régulièrement versées aux débats par la SOCIETE GENERALE (cf. pièces 11 à 16), que cette déclaration émane à l'évidence de M. Patrick WASSE responsable des traitements de l'Unité de Gestion Recouvrement, régulièrement habilité ;

Considérant que sur ces constatations et pour cette raison, l'exception d'irrecevabilité sera rejetée ;

2. sur le bien fondé des demandes

2.1. en ce qui concerne la demande en paiement

Considérant que la SOCIETE GENERALE reproche aux premiers juges de l'avoir déboutée de sa demande en paiement après avoir estimé que l'engagement de caution du 23 mai 2008 avait été annulé et que celui du 28 février 2007 n'avait aucun rapport avec sa réclamation puisqu'il ne tendait qu'à garantir l'ouverture de crédit convenue par avenant du même jour et que la société MONTPARNASSE BIEN-ETRE y avait renoncé par avenant du 16 février 2009 ;

Qu'elle observe : - que les deux engagements de caution souscrits par M. Jimmy RABARIJAONA avaient en effet un objet général ainsi qu'en attestent l'article III de chacun de ces actes intitulé ' Opérations Garanties', mentionnant précisément que la caution garantissait ' le paiement de toutes sommes que le cautionné peut ou pourra devoir à la banque au titre de l'ensemble de ses engagements, sous quelque forme que ce soit.' ; - que chacun de ces cautionnements était souscrit pour 10 ans et que par ailleurs, la novation devant être certaine et non équivoque, ne se présume pas ; - qu'en l'espèce, le cautionnement souscrit le 23 mai 2008 stipule en son article VIII qu'il ' s'ajoute ou s'ajoutera à toutes garanties réelles ou personnelles qui ont pu ou qui pourront être fournies au profit de la banque par la caution, par le cautionné ou par tout tiers.' ; - que s'il est constant que le cautionnement de 16 900 euros a été annulé, celui souscrit le 28 février 2007 a, en l'absence de renonciation expresse, été d'autant plus maintenu que la banque continuait à adresser des lettres d'information annuelles portant mention d'un engagement de cautionnement ; - que le jugement entrepris doit ainsi être infirmé en ce qu'il a dit que ce cautionnement était dépourvu de cause alors qu'en réalité, il garantissait le prêt de 97 000 euros ;

Considérant que de son côté, M. Jimmy RABARIJAONA se prévaut de la caducité du contrat de cautionnement du 28 février 2007 fondant la réclamation de son adversaire ;

Qu'il explique : - que ce cautionnement était spécialement dédié à l'autorisation de découvert de 27 000 euros ainsi qu'il ressort des termes de la convention de trésorerie courante de 35 100 euros incluant le principal, les intérêts et les frais ; - que dans le doute, cet engagement doit, en application de l'article 1162 du code civil , s'interpréter à l'encontre du créancier et par suite, à l'encontre de la SOCIETE GENERALE ; - que le montant du découvert ayant été diminué, il a régularisé avec ce créancier non seulement un nouvel acte d'autorisation le 28 mai 2008 pour 16 900 euros mais encore un nouvel acte de cautionnement venant nécessairement en remplacement du premier ; - que la banque, qui reconnaît que le cautionnement de 16 900 euros a été annulé, soutient au mépris de toute logique et de ses propres écrits que l'engagement de cautionnement de 35 100 euros est toujours valable alors qu'il avait le même objet que le premier ; - qu'au jour de l'assignation, il n'était plus engagé en qualité de caution du découvert bancaire au titre duquel il s'était engagé, nonobstant les lettres d'information annuelle qui lui était, ainsi qu'à son épouse, adressées avec mention d'un acte de cautionnement ; - qu'il ne peut être sérieusement soutenu au visa des articles 1163 et 2292 du code civil, que l'acte de cautionnement du 28 février 2007 garantissait le prêt consenti à la société MONTPARNASSE BIEN-ETRE sauf à étendre ce cautionnement au delà des limites pour lesquelles il a été contracté ; - que quoi qu'il en soit, un acte de cautionnement s'interprète toujours de manière restrictive de sorte qu'à supposer même que le premier cautionnement ne soit pas frappé de caducité, la SOCIETE GENERALE ne peut qu'admettre la contradiction apparaissant entre la rédaction du cautionnement litigieux et l'acte de prêt qui ne fait mention que du cautionnement de Mme RABARIJAONA ; - que les demandes de la SOCIETE GENERALE, contraires à l'article 1134 dernier alinéa du code civil, ne sont donc nullement fondées ;

Vu les articles 1134, 1156, 1162, 1163 et 2292 du code civil ;

Considérant qu'il ressort de ces diverses dispositions que le cautionnement ne se présume point ; qu'il doit être exprès et ne peut être étendu au delà des limites dans lesquelles il a été contracté ; que les conventions légalement formées tiennent par ailleurs lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que l'on doit encore rechercher dans les conventions quelle a été la commune intention des parties contractantes plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes ; que dans le doute, la convention s'interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation ; qu'enfin quelques généraux que soient les termes dans lesquels une convention est conçue, elle ne comprend que les choses sur lesquelles il paraît que les parties se sont proposés de contracter ;

Considérant qu'il ressort tant de la lecture attentive des différents actes souscrits que de leur chronologie que l'intimé ne s'est jamais engagé en qualité de caution du chef du remboursement du prêt de 97 000 euros consenti à la société MONTPARNASSE BIEN-ETRE ; que c'est en effet à raison que M. Jimmy RABARIJAONA souligne que ce contrat ne fait mention que de l'engagement personnel de caution de son épouse et qu'aucun acte de cautionnement séparé signé par lui ne se rapporte spécialement à ce prêt d'un montant déterminé ; que par suite, le principe d'interprétation stricte prévalant en cas de doute en matière de cautionnement n'autorise pas le juge saisi à estimer que l'acte signé le 28 février 2007 se rapportait à l'évidence, dans l'esprit des parties contractantes, au dit prêt ; qu 'il n'est par ailleurs pas sans intérêt de relever que la lettre d'information annuelle du 17 mars 2009 est en réalité adressée à Mme Andrea RABARIJAONA, seule ;

Considérant que sur ces constatations et pour ces raisons, le jugement entrepris qui a procédé à une juste appréciation des faits de la cause sera confirmé en toutes ses dispositions ;

2.2. en ce qui concerne les autres demandes

Vu les articles 696 et 699 du code de procédure civile ;

Considérant que la SOCIETE GENERALE qui succombe sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel avec faculté pour ceux d'appel, de recouvrement direct en faveur de la SCP GRAPOTTE BENETREAU JUMEL, avocats , conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile ;

Considérant que l'équité commande de condamner la SOCIETE GENERALE à payer à M. Jimmy RABARIJAONA une indemnité de 3 000 euros à titre de frais irrépétibles ;

Par ces Motifs, la Cour,

Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement prononcé le 21 juin 2011 par le tribunal de Grande Instance de MEAUX en toutes ses dispositions,

CONDAMNE la société anonyme SOCIETE GENERALE aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec pour ceux d'appel, faculté de recouvrement direct en faveur de la SCP GRAPOTTE BENETREAU JUMEL, avocats au Barreau de Paris, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société anonyme SOCIETE GENERALE à verser à M. Jimmy RABARIJAONA une indemnité de trois mille euros (3 000 euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site